(Douze heures cinquante minutes)
M. Legault
: Oui,
bonjour, tout le monde. C'est très grave ce qu'on a appris dans les médias
depuis deux jours. Ce n'est quand même pas banal, là, un premier ministre qui
est sous enquête de police, son principal collecteur de fonds aussi, et ce
n'est pas vrai qu'on doit se taire. Évidemment, on veut tous être prudents.
Personne ne veut que cette enquête-là dérape, mais c'est possible de poser des questions,
de poser des gestes sans nuire à l'enquête de l'UPAC. C'est pour ça que la CAQ
demande qu'un mandat spécial soit donné à la Vérificatrice générale pour
examiner tous les contrats et les baux qui ont été signés par le gouvernement
avec des entreprises de Marc Bibeau. Il me semble, là, que c'est un minimum, et
je ne comprends pas la réaction de Philippe Couillard, ce matin, qui ne veut
pas donner un mandat spécial.
Comprenons-nous bien, là, la Vérificatrice
générale peut, de sa propre initiative, faire certaines enquêtes, mais la Vérificatrice
générale peut aussi se voir imposer des mandats par le gouvernement.
Rappelez-vous, il n'y a pas tellement longtemps, le scandale de la SQI, la
société québécoise immobilière, hein, suite au reportage à Radio-Canada, et
suite à notre demande, le gouvernement a donné un mandat spécial à la
Vérificatrice générale pour analyser tous les baux. D'ailleurs, on n'a pas eu
de réponse. Quand on réfère à l'étude de Raymond Chabot, là, ça n'est pas le
résultat de l'enquête de la Vérificatrice générale.
Mais ce que je ne comprends pas, c'est
pourquoi Philippe Couillard jugeait que le scandale de la SIQ était important,
mais que d'avoir un ancien premier ministre qui est sous enquête de police avec
le principal collecteur de fonds, puis que ce collecteur de fonds ait signé 40 baux
avec des organisations du gouvernement, ça, il ne trouve pas ça grave. Philippe
Couillard, là, se doit de faire la lumière sur les 40 contrats qui ont été
signés avec Marc Bibeau et les autres, s'il y en a plus que 40, là. On sait
qu'il y en a au moins 40. Il doit faire la lumière.
Et là, pour l'instant, ce qu'on voit, c'est
un Philippe Couillard qui essaie de prendre ses distances avec Jean Charest,
qui protège le Parti libéral puis les amis libéraux plutôt que de protéger les
intérêts des Québécois. Donc, il y a toujours, au moment où on se parle, des
contrats de signés qui sont en cours avec Marc Bibeau, donc ce ne sont pas des
vieilles histoires du temps de Jean Charest, il y a même plusieurs de ces baux
qui ont été signés sous Philippe Couillard. Donc, c'est son devoir, c'est son
devoir, à Philippe Couillard, de donner un mandat à la Vérificatrice générale,
sans nuire aux enquêtes de l'UPAC, pour que les Québécois sachent exactement ce
qui s'est passé.
Je pense que Philippe Couillard, encore
une fois, ne saisit pas la colère des Québécois. Les Québécois sont fâchés,
sont tannés de voir toutes ces magouilles avec des amis du Parti libéral,
veulent qu'on aille au bout du dossier sur les relations entre le gouvernement
et les entreprises de Marc Bibeau. Et même si Philippe Couillard essaie de
prendre ses distances, le passé de Jean Charest puis de Marc Bibeau va le
rattraper.
La Modératrice
: On va
prendre les questions. Mathieu Boivin, Cogeco.
M. Boivin (Mathieu) :
Qu'est-ce que la Vérificatrice générale devrait examiner exactement? Parce que
l'UPAC va voir s'il y a eu des illégalités qui ont été commises. Il est
possible qu'il n'y en ait pas eu. Sur quoi elle doit poser ses yeux, quel
stratagème? Quoi, exactement, elle doit examiner?
M. Legault
: Très
important comme question. L'UPAC est là pour regarder s'il y a eu des actes criminels
de posés. Moi, ce que je parle, là, c'est une enquête administrative. Donc, les
baux puis les contrats aussi de rénovation qui ont été donnés à Marc Bibeau,
est-ce qu'ils ont été donnés à la valeur du marché? Est-ce qu'il y a eu, quand
c'est nécessaire, des soumissions qui ont été faites? Est-ce que ces
contrats-là ont été faits… Est-ce qu'ils sont bons, financièrement, pour les
Québécois? Ça n'a rien à voir avec le côté criminel, là. Moi, je parle du côté
administratif, là. Puis je pense qu'il y a assez de doutes, là. Quand on est
rendus qu'on a une enquête de l'UPAC sur Marc Bibeau puis Jean Charest, il y a
assez de doutes pour que le premier ministre voie comme son devoir d'aller au
moins au bout du dossier administratif, de voir est-ce qu'on en a pour notre
argent dans ces 40 baux là.
Vous savez, je prends juste la SAQ, là, si
vous parlez à des spécialistes en immobilier, ils vont vous dire : La clé
du succès d'un centre d'achats, là, c'est d'avoir une succursale de la SAQ
parce qu'une fois qu'on a une succursale de la SAQ, là, on peut attirer des
consommateurs qui vont venir à la SAQ, mais vont aussi aller dans les autres
magasins. Donc, moi, je veux savoir, là. Ce n'est quand même pas rien,
40 baux avec des entreprises de Marc Bibeau, là. Il n'y a pas juste Marc
Bibeau qui a des centres d'achats au Québec. Donc, moi, je pense qu'il y a
assez de doutes, là, pour que le premier ministre bouge puis donne un mandat à
la Vérificatrice générale. Puis ce n'est pas vrai que la Vérificatrice générale
va le faire d'elle-même, là. Elle en a beaucoup, de mandats, beaucoup
d'organismes à vérifier. Donc, donnons un mandat spécial.
M. Boivin (Mathieu) : Il
est bien possible que le gouvernement continue à dire : Écoutez, on a
donné à RCGN, Raymond Chabot Grant Thornton, le devoir d'examiner ça, et il a
trouvé que les prix du marché étaient, grosso modo, respectés. Donc, légal, au
prix du marché, qu'est-ce qu'il reste à examiner?
M. Legault
:O.K. Bon, revenons
sur ce qu'on a demandé. Ce qu'on avait demandé au mois de novembre dernier, c'est
des contrats de millions de dollars de rénovations à des entreprises de Marc
Bibeau. Ça, ça n'a pas été regardé par Raymond Chabot, on a juste regardé la
partie baux. On n'a pas regardé les millions de dollars, à savoir si ça a été
donné à la valeur du marché aux entreprises de Marc Bibeau. Maintenant, Raymond
Chabot, là, c'est une chose, mais la Vérificatrice générale, c'est une autre
chose. Comment se fait-il que même sur ces dossiers-là à la SQI, on n'a pas eu
encore de nouvelles de la Vérificatrice générale? J'ai hâte d'avoir des
nouvelles. Puis là on ne parle pas juste de la SQI, on parle de
25 organismes qui ont des baux avec Marc Bibeau. Donc, Philippe Couillard
quand il se lève puis qu'il dit : Ah! Raymond Chabot a déjà fait un
rapport sur les baux de la SQI, il répond à une très petite partie. Puis, dans
le rapport de Raymond Chabot, on dit : La majorité des baux ont été signés
à la valeur du marché. Ah! regarde donc ça! Est-ce que la minorité, ce sont les
baux de Marc Bibeau? On n'a pas d'information.
M. Boivin (Mathieu) : Est-ce
que ça se peut que la concurrence n'ait pas joué comme il fallait?
M. Legault
: Bien,
moi, c'est ça qui m'inquiète, de savoir : Est-ce qu'il y a eu des
pressions de faites pour que des baux soient donnés à Marc Bibeau alors qu'on
aurait pu obtenir des meilleures occasions d'affaires avec d'autres centres
d'achats? Je pense qu'on a le droit de poser la question, sans faire déraper
l'enquête de l'UPAC, pour savoir si les contribuables québécois en ont eu pour
leur argent.
La Modératrice
: Merci.
Alain Laforest, TVA.
M. Laforest (Alain) :
Messieurs dame, quelle est la différence entre ce que vous demandez aujourd'hui
et ce que la Vérificatrice générale a reçu de mandat de l'Assemblée nationale
en novembre dernier, où c'est écrit qu'elle peut vérifier l'ensemble des
contrats accordés par le gouvernement?
M. Legault
: O.K.,
bien, deux choses. D'abord, dans le mandat qui a été donné à la Vérificatrice
générale, on ne parle que de la SQI. Deuxièmement, on ne parle que des baux, on
ne parle pas des contrats, entre autres, de réaménagement de bureaux, puis,
bien là, il y a 24 autres organismes qui sont touchés. Puis on parlait, à
l'époque, de M. Gantcheff, c'était suite à l'émission Enquête. Mais
là on apprend quand même qu'il y a 25 organismes qui ont donné 40 baux.
Est-ce qu'on peut s'assurer que ces 40 baux là soient révisés par la Vérificatrice
générale pour voir si ça a été donné à la valeur du marché?
M. Laforest (Alain) :
Donc, ce que vous dites, c'est que le ministre des Finances, le premier
ministre ne disent pas la vérité lorsqu'ils affirment que la Vérificatrice
générale, dans le mandat de novembre, a la possibilité de le faire?
M. Legault
: Exactement.
La Vérificatrice générale a toujours la possibilité de faire ce qu'elle veut
dans ses vérifications. Mais, dans le mandat spécifique qui a été donné en
novembre à la Vérificatrice générale, tous les baux de Marc Bibeau et tous les
contrats de Marc Bibeau, pas nécessairement les baux, mais aussi les contrats,
ne sont pas visés par le mandat spécifique, c'est selon la discrétion de la Vérificatrice
générale.
M. Laforest (Alain) :
Dernière question : Est-ce qu'il est vrai que le ministre des Finances
s'est entendu avec quelqu'un de votre parti hier pour vous montrer les baux de
la Société des alcools signés avec... Aujourd'hui, il nous a dit : Moi, je
suis prêt à montrer à l'opposition sans aucun problème. C'est parce qu'il y a
des conditions de marché, là, il ne faut pas qu'on ait... fluctuation avec
l'entente des centres commerciaux, là.
M. Legault
: Tout
ce que j'ai entendu, c'est qu'il y a eu une ouverture de la part du président
de la SAQ de montrer les baux en privé à François Bonnardel, mais il n'y a pas
eu d'engagement. Puis, à ce que je sache...
M. Laforest (Alain) : Le
ministre des Finances l'a fait, là, tout à l'heure, il a dit : Moi, je
suis prêt à les montrer, les baux, là.
M. Legault
: Bon,
bien, tant mieux. Donc, en plus de la SQI, on va avoir des nouvelles sur la SAQ
si c'est le cas. Et moi, je voudrais que les 23 autres organismes où il y
a des baux avec Marc Bibeau soient examinés aussi.
La Modératrice
: Merci.
Marc-André Gagnon, LeJournal de Québec.
M. Gagnon (Marc-André) :
Bonjour, M. Legault. Il reste que la Vérificatrice générale est
indépendante, hein? Le message que le gouvernement envoie aujourd'hui, c'est
que la VG conserve toute l'indépendance nécessaire pour prendre de ses propres
initiatives. Elle vous entend, là, aujourd'hui, là, la VG, là. Elle pourrait,
de par sa propre initiative, s'intéresser à ces baux-là. Est-ce que c'est ce
que vous lui demandez personnellement?
M. Legault
: Moi,
je demande un mandat spécial. Pourquoi? Parce que la Vérificatrice générale
peut aussi, puis elle l'a déjà fait, réviser les états financiers puis les activités
des commissions scolaires, des hôpitaux, de certains ministères. Je veux dire,
c'est presque illimité, ce qu'elle peut faire, la Vérificatrice générale.
Là, moi, je pense qu'il y a une question
de rassurer la population, de lutter contre le cynisme de la population. Et
moi, je pense qu'il y a au moins 40 baux, là, avec Marc Bibeau, qui
devraient être visés dans un mandat spécial, pas à la discrétion de la Vérificatrice
générale, un mandat clair qui lui est donné avec obligation de résultat.
M. Gagnon (Marc-André) :
En simple, vous trouvez que ces baux-là, ça sent mauvais?
M. Legault
: Bien,
écoutez, ça sent très mauvais. On a Marc Bibeau, hein, qui, rappelez-vous, là,
tout ce qu'on apprend : Marc Bibeau qui collectait 10 millions par
année; Marc Bibeau qui payait les dépenses personnelles de Jean Charest à New
York; Marc Bibeau qui faisait un gros party à Baie-d'Urfé avec toutes les
firmes de génie; le même Marc Bibeau, il a 40 baux avec le gouvernement. Y
a-tu quelqu'un au Québec, là, à part Philippe Couillard, qui pense que peut-être
qu'il y a un lien entre les deux?
M. Gagnon (Marc-André) :
Vous avez parlé, tout à l'heure, de... vous avez exprimé le souci de ne pas
faire déraper l'enquête. Est-ce que c'est une crainte que vous avez en ce
moment, compte tenu de la quantité d'informations sensibles qui se sont retrouvées
sur la place publique?
M. Legault
: C'est
certain. Il y a toutes sortes d'hypothèses à savoir qui, et comment, et
pourquoi cette information a été coulée. Moi, je ne veux pas nuire à l'enquête,
mais je pense que la Vérificatrice générale, si on lui donne un mandat spécial,
elle peut le faire sans avoir aucun impact négatif sur l'enquête de l'UPAC.
La Modératrice
: Merci.
On va prendre une dernière question en français.
M. Laforest (Alain) : Est-ce
que Mme LeBel vous a donné de l'information, votre directrice adjointe?
Elle est quand même assez au courant, elle était à la commission Charbonneau,
là.
M. Legault
: Non.
M. Laforest (Alain) :
Mais elle doit savoir des choses, cependant.
M. Legault
: Ah!
elle sait peut-être des choses, mais elle ne m'a pas donné d'information.
M. Laforest (Alain) : Parce
que vous avez un acteur privilégié dans votre parti, actuellement.
M. Legault
: Oui,
mais il a toujours été clair, depuis que Sonia LeBel travaille avec nous, qu'il
n'est pas question d'avoir de l'information privilégiée.
La Modératrice
: Merci.
On va passer aux questions en anglais. Maya Johnson, CTV.
Mme Johnson (Maya) : Hello, Mr. Legault. Can you explain why you feel the Auditor
General is best placed to carry out an investigation?
M. Legault
:OK. We have to
remember that, first, Marc Bibeau was the bagman of the Liberal Party for many
years. He collected more than $10 million a year. Now, he's under a police
investigation with Jean Charest, and now we know that 40 leases between
companies of Marc Bibeau and the Government have been signed, and many of them in the last few years, under
Mr. Couillard's management. So, I think, right now, we need to have a
special mandate to the General Auditor in order not to cause any negative
impact with the investigation of the UPAC, but we need to know, there's an
administrative audit that needs to be done about those 40 leases. It's not
one or two, 40 leases signed by the Government and Marc Bibeau's companies.
Mme Johnson (Maya) : How do you respond to criticisms that the Opposition parties have been especially suggesting the Premier or the Government interfere with an ongoing police
investigation by asking him to shed light on these allegations?
M. Legault
: The last thing I want is to interfere with this investigation, but
I think that, when you know the role played by Marc Bibeau in the financing of
the Liberal Party and at the
same time you know that 40 leases were signed with Marc Bibeau's
companies, it's normal… and that's what the population is asking, the population is asking us to ask the Government for this kind of inquiry, of investigation with the General
Auditor. But it won't have any impact on the UPAC investigation. I think it's important. I don't want to interfere. I want
that the… and it looks that they will give an answer by the end of the year. I
want to know exactly what happened with Marc Bibeau and Jean Charest. It's
something important. Come on! In Québec, a Premier, a Prime
Minister who's under police investigation, that's important.
Mme Johnson (Maya) : So, you think it's possible for Premier Couillard to provide
answers in this context without compromising the ongoing police investigation?
M. Legault
:
Absolutely, absolutely. And Mr. Couillard did it once. Remember, few
months ago, with the scandal regarding the SIQ, he gave a special mandate to
the General Auditor. So, is he telling us today that it's not as bad as the
scandal that happened with the SIQ? We're not talking about only the SIQ, but the SAQ, the SAAQ and 25 different parties who signed
leases with Marc Bibeau, so it's enough to have a special mandate to the
Auditor General. And I think that, right now, Mr. Couillard is telling us
that the General Auditor may decide to have this kind of investigation, but
they also have to investigate about what's happening in schoolboards, in
hospitals, anywhere. So, I think it's important, it's important
enough to have this special mandate. We can do that, we did that before, and it's
more important than ever.
La Modératrice
:Merci beaucoup.
Mme Johnson (Maya) : One final question
on another subject, if I may, about English in the National
Assembly. Mr. Coiteux apologized this morning for
not responding to an English question in French. How do you feel about speaking English during question period?
M. Legault
: I expect that the majority of the questions being asked in French, but I have no problem with, sometimes, some
questions in English. And I
think that… I have no problem also that they answer in English. I don't
understand why Mr. Coiteux, who's an MNA from the West Island, that he decided
not to answer an English question in English. Was he shy about what's happening with Jean Charest and
Marc Bibeau? Maybe that's the real answer.
Mme Johnson (Maya) : So, you would answer a question in English?
M. Legault
: Sure.
La Modératrice
: O.K. Merci
beaucoup.
M. Legault
: Merci.
(Fin à 13 h 8)