(Huit heures trente et une minutes)
M.
Caire
:
Alors, bonjour. Aujourd'hui, en fait, je pense que ce qui s'est passé ce matin
à l'émission de M. Arcand va très certainement amener une éclipse, en
autant que je suis concerné. C'est surréaliste, les révélations qu'Yves
Francoeur a faites sur des ondes publiques, à savoir que des enquêtes, des
enquêtes ou, en fait, le processus judiciaire feraient l'objet d'obstruction,
d'interférence au plus haut niveau et que les gestes qui sont posés par les
policiers depuis un certain temps sont en réaction à ça.
Hier, en parlant évidemment des
révélations publiques qui ont été faites sur l'enquête touchant le premier
ministre Charest et Marc Bibeau, je vous ai dit : Il y a un certain nombre
de possibilités; on veut faire craquer un témoin ou, du côté des policiers, on
pense qu'il y a de l'obstruction et on veut mettre de la pression sur
l'appareil, sur la machine. Ce matin, je suis obligé de vous dire que c'est
cette explication-là qu'on retient. Autant l'UPAC, donc, que la police de
Montréal, les enquêteurs se sentent obligés de couler de l'information publique
parce que ce qu'ils perçoivent, ce qu'ils voient, ce qu'ils vivent, c'est que
leurs dossiers, pourtant solides... dans le cas qui nous concerne, on parle de
filature, d'écoute électronique, on nous dit que, si ce n'étaient pas des élus
libéraux, des membres du caucus libéral passés et même actuels, ces gens-là
seraient déjà en accusation. C'est extrêmement grave.
C'est encore plus grave quand on entend M. Francoeur
nous dire que ce qui est reproché à ces gens-là, l'objet de l'enquête, c'était
de la fraude, c'était du trafic d'influence, c'étaient des modifications
législatives reliées à des dossiers d'immobilier, dossiers immobiliers qui sont
reliés à la mafia. Aujourd'hui, là, tout à l'heure, je vais aller m'asseoir au
salon bleu, est-ce que je vais aller m'asseoir avec un collègue qui est en
lien, qui a travaillé, qui a collaboré avec la mafia? Parce que c'est ça que M. Francoeur
nous dit ce matin.
Alors, vous comprendrez que, dans ces
circonstances-là, personne, personne ne peut rester indifférent. Personne ne
peut balayer ça du revers de la main. Personne ne peut chercher d'excuses à ça
ou atténuer les allégations qui ont été faites par M. Francoeur. C'est la
raison pour laquelle nous demandons de toute urgence à ce que M. Francoeur
soit entendu en commission parlementaire pour qu'on puisse l'interroger sur les
révélations qu'il a faites ce matin et pour qu'on puisse aller au fond des
choses. Et de ça pourront, évidemment, vous comprendrez, découler d'autres
mesures appropriées. Et je pense que cette offre-là, c'est une offre que le
premier ministre ne peut pas refuser.
Le Modérateur
: Des
questions? Alain Laforest, TVA Nouvelles.
M. Laforest (Alain) :
Comment vous pensez que le premier ministre et le gouvernement vont réagir ce
matin à la suite des allégations à visage découvert de M. Francoeur?
M.
Caire
:
Écoutez, ce que j'espère, c'est que le premier ministre va accorder à ça tout
le sérieux que ça mérite et qu'il va accéder à notre demande. Ce que je crains,
c'est que Philippe Couillard réagisse comme il a toujours fait dans toutes les
situations de crise que son gouvernement a vécu, c'est-à-dire qu'il essaie de
minimiser les choses, qu'il essaie de nous dire : Bien, n'oubliez pas, M. Francoeur,
c'est un président de syndicat, on vient de déposer une loi qui ne fait pas son
affaire, alors que ce que M. Francoeur dit, c'est extrêmement grave. C'est
très précis, ça touche des dossiers très précis, ça touche des éléments très
précis. Quand on parle de filature, d'écoute électronique, de dossiers qui sont
déjà sur le bureau des procureurs, c'est extrêmement précis. Et je pense que la
seule chose à faire dans cette situation-là, c'est d'aller chercher
l'information et de faire toute la lumière. Pour moi, il n'y a d'autres
options, là.
M. Laforest (Alain) :
Vous avez dit tantôt : Je vais entrer dans le salon bleu, je vais éprouver
un malaise à me retrouver avec un collègue qui est peut-être associé à la
mafia. Si le premier ministre ne fait rien ou le gouvernement ne fait rien,
quelle est l'autre solution ou l'autre option pour faire la lumière?
M.
Caire
: Bien,
écoutez, je vous dirais, malheureusement, dans un gouvernement majoritaire, ce
que nous vivons actuellement, les possibilités des oppositions sont quand même
limitées. Vous comprendrez que tout est soumis au vote, et/ou à l'approbation,
et/ou au leadership du gouvernement. C'est la même chose en commission
parlementaire. Quand bien même on demanderait un mandat d'initiative, ce qui
est potentiellement ce que nous allons faire, si jamais le premier ministre
n'accédait pas à notre demande, vous comprenez qu'encore là il y aura un vote
et les libéraux sont majoritaires. Donc, si le Parti libéral se sert de sa
majorité pour obstruer ou faire obstruction, je devrais dire, à ce que le
Parlement peut et doit faire, je pense qu'il faudra faire un appel à tous, aux
sonneurs d'alerte partout où ils sont, que ces sonneurs d'alerte là prennent le
relais et qu'ils s'assurent que la lumière soit faite sur ces allégations-là, elles
sont extrêmement graves.
Le Modérateur
: Hugo
Lavallée, Radio-Canada.
M. Lavallée (Hugo) : Bonjour,
M. Caire. Donc, je comprends que vous voulez entendre M. Francoeur en
commission parlementaire. Bon, évidemment, ça peut prendre quand même quelque
temps avant d'organiser ça. Dans l'immédiat, est-ce qu'il y a un geste que M. Couillard
doit poser pour identifier l'élu qui serait prétendument concerné?
M.
Caire
:
Écoutez, d'abord peut-être une petite correction. Réunir une commission
parlementaire quand tout le monde siège, là, ce n'est pas long et c'est là où
je pense qu'on peut mesurer... puis je fais le lien avec la question de M. Laforest,
c'est là où on va mesurer l'importance que le premier ministre donne à cette
situation-là. Les députés sont à l'Assemblée nationale, nous sommes là. Une
commission parlementaire peut siéger n'importe quand, hein, n'oubliez pas ça,
là. On n'est pas tenus de siéger entre telle heure et telle heure, on peut
siéger n'importe quand, les soirs, les fins de semaine. Et ce que je peux vous
dire, c'est que les députés de la CAQ sont disponibles pour siéger ce soir, ce
soir si le premier ministre décide d'aller de l'avant avec notre proposition.
Il n'y a aucun problème. Mais, pour l'instant, je pense que c'est encore la
meilleure tribune pour donner suite à ce que M. Francoeur a dit.
M. Lavallée (Hugo) :
Mais est-ce que ça ne serait pas quand même risqué, justement, que ça puisse
compromettre des réputations si M. Francoeur se présente en commission
parlementaire, fait des allégations qui n'ont pas été démontrées devant les
tribunaux? Ça pourrait peut-être même nuire éventuellement à un procès. Il n'y
a pas un risque là?
M.
Caire
: Bien,
vous avez raison. Maintenant, les parlementaires ont aussi le loisir, dans leur
travail, de décider de siéger à huis clos dans un premier temps, d'évaluer ce
qui aura été dit, ce qui aura été démontré... Il y a plusieurs décisions,
d'ailleurs, de la présidence qui dit, là, tu sais, les parlementaires ont le
droit d'avoir l'information, mais ils ont aussi le devoir de la traiter
intelligemment sans compromettre des enquêtes, sans compromettre d'éventuels
procès.
Ceci étant dit, je vous rappelle que ce
qui est sur la table, ce que M. Francoeur a dit, c'est qu'on parle
d'obstruction, donc on parle de gens qui, justement, font de l'obstruction ou à
des enquêtes ou à des procédures judiciaires qui résultent de ces enquêtes-là.
Donc, ce qui menace les enquêtes — ce que je comprends, là, dans la
mesure où ce que M. Francoeur dit est vrai — c'est ce qui se
passe actuellement, pas ce qui se passerait dans une éventuelle commission
parlementaire.
Le Modérateur
: Patrick
Bellerose, Journal de Montréal et Journal de Québec.
M. Bellerose (Patrick) :
Bonjour. Est-ce que le DPCP a toute l'indépendance nécessaire pour faire son
travail?
M.
Caire
: Ah! quelle
excellente question. J'aurais tendance à vous dire : Jusqu'à preuve du
contraire, oui. Ceci étant dit, ce que M. Francoeur a fait aujourd'hui, c'est
qu'il a jeté un pavé dans la mare parce que ce qu'il laisse entendre, et c'est
ce qu'il faut justement vérifier, il faut aller... Il faut répondre à cette
question-là parce que ce que M. Francoeur dit, c'est que cette
obstruction-là qui se fait ne se fait pas au niveau des enquêtes, elle se fait
lorsque les dossiers sont... je ne le sais peut-être pas mot à mot, là, mais je
pense que ce je suis dans l'esprit, il dit : On dépose les dossiers sur le
bureau des procureurs, puis là ça monte plus haut, plus haut, plus haut dans la
machine, puis à un moment donné ça se perd. C'est à peu près ce qu'il a dit. Donc,
plus haut, plus haut, plus haut, ça veut dire quoi? Bien, c'est sûr que ça nous
ramène au DPCP. Mais, encore une fois, avant d'attaquer la crédibilité du DPCP,
ce que je pense qu'on doit faire, c'est vérifier ce que M. Francoeur dit,
parce que, là, on a comme deux institutions qui s'affrontent. Mais, une chose
est sûre, c'est qu'on ne peut pas ne pas répondre à votre question. Ça, ce n'est
pas une option.
M. Bellerose (Patrick) :
Est-ce que vous invitez l'élu qui est visé par ces allégations à sortir et à
expliquer par lui-même les allégations auxquelles il peut faire face?
M.
Caire
: Bien,
écoutez, ce serait l'idéal, bien sûr. Maintenant, il y a deux possibilités :
ou ce que M. Francoeur dit n'est pas conforme à la vérité, puis je vois
mal un élu s'accuser faussement, on s'entend, ou alors c'est vrai... puis,
écoutez, là, quand on est à l'étape de faire de l'obstruction au système
judiciaire pour éviter des mises en accusation, bon, tu sais, ce n'est pas Alice
au pays des merveilles, là, je ne pense pas qu'un élu va sortir en disant :
O.K., c'est moi qui l'ai fait. Vous comprenez? Bon, en tout cas, tant mieux
s'il le fait, là, ça nous éviterait bien des problèmes, mais j'en doute.
Le Modérateur
: Mathieu
Boivin, 98,5, Cogeco Nouvelles.
M. Boivin (Mathieu) : M. Pascal
Bérubé, du PQ, a réclamé le départ de Jean-Louis Dufresne, le chef de cabinet
du premier ministre actuel, sur la base de suspicions qu'il n'a pas forcément
précisées. Deux questions : Qu'est-ce qu'on reproche exactement à
Jean-Louis Dufresne dans ce qui a été révélé hier soir? Et pensez-vous aussi
que M. Dufresne, sur la base de ça, doit quitter son poste?
M.
Caire
: Bien,
écoutez, dans un premier temps, vous n'êtes pas sans savoir qu'on a déjà
demandé à M. Dufresne de quitter, là, pour l'ensemble de son oeuvre. Je
vous dirais que ça, ça rajoute peut-être, là, à son CV. Ce qu'on lui
reproche... Écoutez, ce qu'on comprend, c'est que Marc Bibeau, dans le cas du
contrat du pont Mercier, se retrouve dans une situation difficile avec Violette
Trépanier, grande argentière du Parti libéral, et M. Dufresne, qui est, à
ce moment-là, un consultant... on élabore une stratégie pour essayer de
défendre les intérêts de Marc Bibeau. Donc, le chef de cabinet du premier
ministre du Québec actuel a fait partie du réseau d'influence de Marc Bibeau
pour défendre ses intérêts dans un passé pas si lointain. Alors, vous me
demandez : Est-ce que ça, ça devrait s'ajouter à la pile des raisons pour
laquelle il démissionne? La réponse à ça, c'est oui.
Le Modérateur
: Simon
Boivin, Le Soleil.
M. Boivin (Simon) :
Juste rapidement revenir sur la question du DPCP. Est-ce qu'il n'y aurait pas
lieu de le convier aussi en commission parlementaire pour éclaircir certaines
zones d'ombre?
M.
Caire
: Je
pense que, pour l'instant, on doit se limiter à Yves Francoeur puis je vous
explique pourquoi. C'est que, si on convoque d'emblée le DPCP, on vient de dire :
Francoeur a raison, ce que Francoeur dit, c'est béton, puis on a des doutes sur
le DPCP. Moi, je pense qu'il faut y aller par étapes. La première chose, c'est
d'entendre Yves Francoeur. Ce qu'il a dit ce matin est extrêmement grave. Mais,
pour l'instant, il est le seul à avoir fait ces révélations-là. Bien sûr, on
est tentés, et je le fais, de faire un lien avec le coulage d'informations dont
certaines enquêtes ont fait l'objet. Puis là ça explique les gestes qui ont été
posés. Et c'est dans ce cadre-là, d'ailleurs, qu'il a fait ces révélations.
Mais je pense que, pour l'instant, il faut se limiter à M. Francoeur.
Mais, comme je l'ai dit, suite à ce témoignage-là en commission parlementaire,
bien, la commission parlementaire compétente décidera s'il y a lieu d'aller
plus loin, d'entendre d'autres personnes. Ce n'est pas limitatif, là, c'est un
premier pas vers la vérité. Mais c'est sûr que ce n'est pas le seul pas qu'on
doit faire.
Le Modérateur
: Question in English, Maya Johnson, CTV.
Mme Johnson (Maya) : Good morning, Mr. Caire. Can you explain the various reasons for
which you're asking for Mr. Dufresne's resignation?
M.
Caire
:
Well, what we know is Jean-Louis Dufresne was part of an influence traffic made
by Marc Bibeau to protect his own interests. So, we think that it's not a good
idea to have in your cabinet someone who did that job for a character, a personage
like Marc Bibeau with all the suspicions around him.
Mme Johnson (Maya) : How do you respond to people who say that he was just doing his job
as a communications officer?
M.
Caire
: Well, I respond that the link between the Liberal
Party, Marc Bibeau, raising funds, you know, illegal fundraising is too close,
is too close to think that Jean-Louis Dufresne has nothing to do with that.
Mme Johnson (Maya) : Can you tell us about the revelations, this bombshell that
Mr. Francoeur dropped this morning, and what you expect to result from
that or what you're hoping to see come from that?
M.
Caire
:
But, first of all, I think the Premier must not, you know, just take care of
that exactly as if nothing happened, you know, like he did in the past. I think
he must take it seriously. I think we have to hear Mr. Francoeur in a
parliamentary commission and know exactly what he knows and what he could
reveal more than what he did this morning, and maybe moving forward with a
specific inquiry for that specific question.
Le Modérateur : Ryan Hicks, CBC.
M. Hicks (Ryan) : But couldn't hearing from Mr. Francoeur jeopardize an ongoing
investigation? Do you have confidence in the investigators to do their work?
M.
Caire
:
Well, first of all, the reason why Mr. Francoeur did the revelation he did
this morning is because someone, somewhere tried to stop the procedure. So, I
don't think the parliamentary commission could do more than what happened now,
first.
Second, parliamentary
could always hear Mr. Francoeur privately. There is no obligation to make
that hearing public. And then we can appreciate the testimony of Mr. Francoeur
and appreciate if that testimony must be public. So, that's the reason why I'm
not, you know, worried about, you know, an eventual inquiry.
M. Hicks (Ryan) : Do you think, though, that there is — and this is what
the Liberals would say — a blurring of the lines between the
institutions, between MNAs, between police and that a lot of this could either
jeopardize an investigation or it's talking about an investigation that was
dropped, where no charges were laid?
M.
Caire
:
Well, if you consider what happened in the last few weeks, public revelations
probably made by police themselves, I'm really concerned that that link between
MNAs, between Government, between our institutions was broken, was broken, and
I think it's important because we must work on the public's confidence from his
own institutions. That confidence is broken too, so we have to move and make
that confidence come back. That's our goal and that's what we have to do as parliamentary.
That's why I ask for that commission, and hearing Mr. Francoeur, and know exactly
what happened, and know exactly what happened. Because if some MNA seats in the
National Assembly now have a link with the mafia, would people want to have an
MNA who have certain links with the mafia? I think the answer is no. So, we
must find the truth.
Le Modérateur
:
Last question, Raquel Fletcher.
Des voix
: ...
Le Modérateur
:Sorry, there is too much noise.
Mme Fletcher (Raquel) : Can I just get you to repeat what you've said in that last sentence
that you've said because the… we didn't get the audio because the…
M.
Caire
:
OK. What I said is the public's confidence about his institutions is broken,
and we have to hear Mr. Francoeur in a parliamentary commission to find
the truth and to make the confidence of the public about his institutions come
back. That's our goal. I don't want to sit with an MNA who maybe — who maybe — has some link with the
mafia.
Le Modérateur
:
Thank you very much.
(Fin à 8 h 50)