(Onze heures trente-neuf minutes)
Mme Massé : Alors, bonjour, tout
le monde. Quelle journée! Quelle journée! Je ne sais pas si, vous autres, vous
êtes comme ça, mais moi, je commence à être profondément tannée de cette politique-là.
Un jour, le directeur du cabinet du premier ministre aurait servi de contact
privilégié au sein du gouvernement pour des firmes externes; après ça, Marc
Bibeau, qui collectait 10 millions par année pour le Parti libéral du
Québec, est sous enquête avec Jean Charest, une enquête qui piétine. Ensuite,
on apprend, deux autres libéraux, dont un membre du caucus actuel, sont sous
enquête, une autre enquête qui piétine. Et par-dessus ça, aujourd'hui, Sam
Hamad qui démissionne. Coïncidence ou non, je ne le sais pas, mais cette rafale
d'événements là est profondément inquiétante.
Le premier ministre dans tout ça? Il défend
son monde, hein? Il ne défend pas tout le monde, il ne défend pas toute la population
du Québec, il défend son monde. C'est le premier ministre des libéraux.
Certains ont déjà dit : Un chum, c'est un chum. Je rappelle que le premier
ministre semble savoir des choses mais n'en parle pas. Il est évident qu'il n'a
pas fait le ménage au sein de son parti et que les années noires de Charest le
rattrapent tranquillement, un fil à la fois.
Dans le rapport Charbonneau, on parlait de
trafic d'influence, de proximité entre l'économique et le politique. Le système
de trafic d'influence du Parti libéral ne semble pas être très loin de l'ère
actuelle. Ça commence à faire. Ça commence à faire. On est une démocratie au
Québec, on est une démocratie qui se respecte ou, à tout le moins, qui en a
plus que marre de ne pas être respectée dans nos enjeux démocratiques. La
population n'a plus confiance. La population n'en peut plus de voir ça se
dérouler sous ses yeux.
Alors, j'invite le premier ministre
Philippe Couillard à réfléchir très sérieusement en fin de semaine, quelques
jours qui nous séparent avant le retour en Chambre, la semaine prochaine, et je
l'invite à réfléchir très sérieusement, parce qu'en démocratie, là, il ne
suffit pas d'avoir un gouvernement majoritaire pour faire fonctionner un
gouvernement. Ça nous prend aussi la confiance de la population.
Et je nous rappelle collectivement que M.
Couillard, même s'il a la majorité des sièges, n'a eu que 43 % de
l'expression du vote populaire. Alors, j'invite M. Couillard à réfléchir comme
il faut en fin de semaine et à envisager tous les moyens nécessaires pour
restaurer la confiance du peuple québécois envers la classe politique, parce
que, quand il ne le fait pas, c'est aussi ma réputation qu'il met en jeu. Quand
les libéraux ne prennent pas acte que la population n'en peut plus de cette
proximité, de ces trafics d'influence et de ces portes tournantes entre le
réseau... entre le milieu économique et le milieu politique, c'est l'ensemble
de la classe politique qui est discréditée, et, dans ce sens-là, il est grand
temps de s'y prendre soin.
Donc, envisager tous les moyens... Je ne
sais pas, c'est lui, le premier ministre. Alors, je ne sais pas. Si ça prend
des élections partielles dans tous les comtés représentés par les anciens
ministres à 100 000 $, bien, qu'il le fasse. Si ça prend des
élections anticipées pour faire un réel ménage, bien, qu'il le fasse. Je ne le
sais pas. C'est lui qui a voulu être premier ministre, c'est lui qui savait
très bien dans quel parti il se retrouvait, qui savait très bien quels ont été
les défis... pas les défis, quelles ont été les réalités identifiées à la
commission Charbonneau.
Alors, ce premier ministre là, je l'invite
à réfléchir et à nous revenir clairement avec un enlignement qui va redonner
confiance au peuple par rapport à la classe politique.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Est-ce que je comprends, Mme Massé, que vous demandez au premier ministre de
faire fi de la loi sur les élections à date fixe et de demander au
lieutenant-gouverneur de dissoudre l'Assemblée nationale pour qu'il y ait des
élections anticipées?
Mme Massé : Je ne le sais pas.
C'est au premier ministre de nous dire comment il s'y prendra pour le faire, ce
ménage-là. Pour le moment...
M. Bélair-Cirino (Marco) : Mais
c'est une façon de faire le ménage, selon vous.
Mme Massé : C'est-à-dire que
moi, je ne sais pas ce qu'il va trouver dans son ménage. Ce que moi, je sais,
pour le moment, O.K., c'est que, un, depuis trois ans, il nous dit qu'il est
une cloison claire entre l'ère Charest et son ère à lui, et plus on avance dans
le mandat, plus il y a des ficelles qui ramènent l'ère Charest proche de M.
Couillard. Alors, la confiance, elle est ébranlée.
Que le premier ministre fasse tout ce
qu'il doit faire, c'est ça que je dis. Je ne sais pas c'est quoi. C'est lui qui
le fait, c'est lui qui connaît son groupe parlementaire. Qu'il le fasse, ce
ménage-là.
M. Bélair-Cirino (Marco) : M.
Hamad, qui a annoncé sa démission au cours des toutes dernières minutes, dit
partir de l'Assemblée nationale la tête haute. A-t-il raison de partir, de
renoncer à ses fonctions la tête haute?
Mme Massé : Bien, je pense
que, dans les années passées, à Québec solidaire, nous avons, à quelques
reprises... mon collègue Amir Khadir a, à quelques reprises, identifié comment
M. Hamad fait partie de cette tradition politique libérale. Mais vous
comprendrez qu'aujourd'hui... Qu'est-ce qui fait que cet homme-là démissionne
aujourd'hui? Il reste à peine un an et demi avant les élections. Est-ce qu'il
se retire la tête haute? Ça lui appartient de le savoir. Moi, je ne vais pas
frapper sur quelqu'un qui n'est déjà pas très en bonne forme.
Ceci étant dit, je vous rappelle qu'à
Québec solidaire nous avons déjà demandé la démission de M. Hamad, notamment
dans l'épisode de Premier Tech, si ma mémoire est bonne, là. Il faudrait que je
voie avec Amir.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Soupçonnez-vous un lien entre sa démission et la déclaration fracassante, ce
matin, du président de la Fraternité des policiers de Montréal, Yves Francoeur,
qui laisse entendre qu'il y aurait une espèce de force obscure qui bloque le
dépôt d'accusations, de fraude et de trafic d'influence contre deux libéraux,
dont un, disait-il ce matin, à 7 h 24, qui siège toujours à l'Assemblée
nationale? Est-ce qu'il y a un lien à voir?
Mme Massé : Bien, écoutez,
est-ce que c'est une coïncidence? Ce que je sais, c'est qu'à Québec solidaire,
depuis quelques années, on a été capables de démontrer qu'il y a effectivement
trafic d'influence entre le milieu économique et le milieu politique,
particulièrement au niveau du Parti libéral, mais aussi dans d'autres partis
politiques. Ceci étant dit, est-ce que M. Hamad, suite à cette déclaration de
M. Francoeur, a senti la soupe chaude et il s'est dit : Bon. Je suis mieux
d'en aller? Ça, c'est lui qui pourrait vous répondre, je n'en ai aucune idée.
Par contre, par le passé, je réitère... Rappelons-nous
du rôle de M. Hamad dans l'élection de M. Couillard, rappelons-nous du rôle de
M. Hamad au sein du Parti libéral et rappelons-nous la commission Charbonneau
qui, de façon générale, nous rappelle que le financement des partis politiques
a été frauduleux et problématique par le passé, et M. Hamad faisait partie de
ce Parti libéral là. Alors, il y a beaucoup d'éléments, là, qui sont en jeu.
M. Bélair-Cirino (Marco) : M.
Poëti a invité, ce matin, M. Francoeur, qu'il dit... il estime qu'il jouit
d'une grande crédibilité, à faire part de ses préoccupations, les informations
qu'il détenait à l'Unité permanente anticorruption. En Chambre, la ministre de
la Justice a invité M. Francoeur ou a pressé M. Francoeur de communiquer ces
informations-là à la directrice des poursuites pénales et criminelles. Est-ce
que c'était la chose à faire, la seule chose à faire pour le gouvernement,
selon vous?
Mme Massé : Bien, écoutez,
moi, ce que je ne sais pas, et c'est M. Francoeur qui pourrait y répondre... et
c'est d'ailleurs pourquoi l'idée de le voir en commission parlementaire demeure
pour nous quelque chose d'intéressant et d'important. Mais ce que je vous
dirais par rapport à ça, c'est : M. Francoeur connaît très, très bien, là,
c'est un policier d'expérience. M. Poëti confirme que c'est un homme de
confiance, mais, ceci étant dit, nous avions aussi cette analyse-là de notre
côté. M. Francoeur connaît très bien l'UPAC, le DPCP, etc. Est-ce qu'il l'avait
fait antérieurement? Est-ce qu'il est rendu là à le faire? Je ne le sais pas.
Mais, vous savez, moi, une des choses qui
me préoccupent, c'est qu'à chaque fois qu'il y a des lanceurs d'alerte qui
sonnent la cloche... Et ça, c'est internationalement, ce n'est pas seulement au
Québec, mais à chaque fois qu'il y a un lanceur d'alerte qui sonne la cloche,
on se demande si cette personne-là est crédible. On regarde du côté du lanceur
d'alerte comme s'il était le coupable au lieu de se dire : Oh! est-ce que
plutôt cette personne-là n'est pas en train de justement nous indiquer
collectivement qu'il y a quelque chose qui ne va pas? Et moi, c'est de ce
côté-là que j'ai envie de regarder et que j'ai envie qu'on regarde
collectivement.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Est-ce que, selon vous, le gouvernement libéral s'est lancé dans une course...
une chasse, plutôt, à la source, notamment après la diffusion des informations
dans Le Journal de Montréal et de Québec plus tôt cette semaine?
Mme Massé : Je vous dirais que
c'est effectivement ce que j'ai vu dans les réponses en Chambre, dans
l'attitude générale du gouvernement libéral et de certaines...
M. Bélair-Cirino (Marco) : C'est
inquiétant, ça?
Mme Massé : Bien, ça l'était
assez pour qu'à force de pressions, à force d'indignation de la population, on
mette sur pied une commission Charbonneau et qu'on se dise : Là, il faut
comprendre quelque chose. Et je vous dirais que notre préoccupation, et c'est
pour ça que je demande sincèrement au premier ministre d'y réfléchir beaucoup,
cette fin de semaine, c'est que le gouvernement du Parti libéral nous a
habitués à des cachotteries. Et j'espère bien que, si M. Couillard est honnête
et fidèle à son propos, qu'il va prendre tous les moyens pour nous... pas juste
nous convaincre en paroles, mais aussi en geste que c'est vers là qu'on s'en
va.
(Fin à 11 h 50)