(Douze heures)
M. Khadir
:
Alors, ce matin, j'avais la très mauvaise impression — et je crois
que c'était partagé — que la directrice de la DPCP demande une
enquête sur M. Francoeur lui-même. Heureusement, dans les explications que
nous avons obtenues du porte-parole, Me Jean-Pascal Boucher, le
porte-parole du DPCP, cette perception laissée par un des paragraphes du
communiqué de la direction des poursuites criminelles est corrigé.
On comprend maintenant que la direction
des poursuites criminelles demande une enquête criminelle, policière sur le
fond du dossier, c'est-à-dire ce dossier particulier auquel a fait référence M. Francoeur
et qui concernerait des activités de malversation en lien avec des intérêts
immobiliers, en lien avec deux membres du Parti libéral — enfin, deux
députés — et en lien avec la mafia. Donc, ça, c'est pour cette
option-là, et c'est intéressant qu'enfin on arrive là, qu'on cesse de se
chicaner sur pourquoi celui-ci a tiré l'alarme ou l'autre n'a pas trouvé le
dossier. Il faut aller au fond des choses, et c'est ce qui intéresse le public.
Maintenant, pour ce qui est de l'émoi causé
par les accusations lancées par M. Francoeur, ça n'aurait pas eu lieu s'il
n'y avait pas déjà plein d'interrogations dans le passé. Écoutez, ce n'est pas
rien, là. Luigi Coretti, qui est un accusé dans un dossier criminel qui
concerne le financement et l'octroi de contrats publics qui touchent le
gouvernement au pouvoir, bien, la DPCP abandonne le procès criminel. Oui, bien,
ils abandonnent la moitié d'autres poursuites, mais il y a un jugement à faire.
Une poursuite d'une si grande importance, qui est au coeur de l'intérêt de
l'État, je ne comprends pas que la DPCP ait décidé de l'abandonner, même contre
la volonté de l'accusé lui-même, qui dit : Écoutez, emmenez-moi en cour,
je serai heureux d'ouvrir ma besace, d'avouer mes fautes, mais en même temps de
vous permettre de comprendre pourquoi je ne suis pas le seul. Et il voulait
citer à comparaître des gens comme M. Charest et des gens comme M. Bibeau.
Et donc c'est pour ça que les accusations de M. Francoeur ont une telle
résonance.
Et je crois que, là-dessus, la direction
de la DPCP doit accepter ce déficit, je dirais, de confiance qui a été alimenté
par l'abandon du procès Coretti, qui fait en sorte qu'aujourd'hui l'accusation
de M. Francoeur, on est obligés de la prendre au sérieux.
M. Lavallée (Hugo) :
Est-ce que, donc, c'est là le seul problème que vous voyez au sein du DPCP?
Parce que d'autres de vos collègues estimaient plutôt que le délai qu'a mis le
DPCP à déclencher l'enquête qui a été annoncée ce matin était aussi de nature à
miner la confiance du public.
M. Khadir
: Bien,
je dirais, les dénégations. Parce que la semaine dernière, la direction de la
DPCP disait : Il n'y a aucun problème, ça n'existe pas, c'est pure
fabrication, on a cherché, on n'a rien trouvé. C'est dommage que la réponse de
Mme Murphy ait été de cette nature. C'est dommage que cinq jours, six
jours plus tard, là on est obligés de reconnaître qu'il faut vraiment une
enquête parce que c'est sérieux.
En tout cas, on n'ira pas plus loin parce
que ce qui est important, ce n'est pas ce qui… bien sûr, chacun… c'est-à-dire,
la confiance, l'intégrité de nos institutions est importante, mais là on a
besoin d'autres informations. Il y a un autre niveau beaucoup plus important, c'est
que des éléments proches du pouvoir actuel peuvent être impliqués dans des
dossiers criminels qui n'ont pas abouti. Et donc, pour que les gens puissent se
faire une opinion sur le gouvernement de M. Couillard, qui a tout fait
pour nier qu'il y a des problèmes, c'est important qu'on aille au fond du dossier,
au-delà des problèmes qu'on peut reprocher. Puis je tiens à affirmer que ça
fait plusieurs années que je demande, pour Québec solidaire, que la direction
de la DPCP, la direction de l'UPAC et la direction de la Sûreté du Québec
soient nommées aux deux tiers par les membres de l'Assemblée nationale. Donc
nous sommes heureux, aujourd'hui, d'appuyer la motion qui vient des deux
autres… enfin, de la CAQ, qui est appuyée par le PQ aussi. Je crois qu'il était
temps que tout le monde s'entende qu'il faut une nomination aux deux tiers.
M. Lavallée (Hugo) :
Donc, est-ce que je comprends que l'annonce de l'enquête rachète, si on veut, à
vos yeux, Me Murphy?
M. Khadir
: Pour
le moment, ça permet de procéder. Les questionnements sur comment ça se fait
que tout ça a traîné, comment ça se fait que ce dossier n'a pas abouti, si tel
est le cas, tout ça est grave, quand même, puis il faudra avoir les réponses
appropriées.
M. Lavallée (Hugo) :
Concernant un autre sujet, tout à l'heure M. Lisée a été interpellé sur la
question de la loi 101 et son application notamment dans les plus petites
entreprises et il a dit : Les mesures que nous proposons pour franciser
les petites entreprises ne sont pas appuyées par le Parti libéral, ni par la
CAQ, ni par Québec solidaire. Je voulais voir avec vous si c'était exact et
quelle était votre position sur cet enjeu.
M. Khadir
: Pour
ce qui est des petites entreprises, nous étions plutôt d'accord.
M. Lavallée (Hugo) :
Avec M. Lisée?
M. Khadir
: Oui,
oui. À l'époque… bien, je peux vérifier sur le nombre, à combien d'employés,
au-dessus de combien d'employés appliquer ces mesures-là, mais je suis tout à
fait persuadé que nous avons été d'accord avec cette position nous-mêmes.
M. Lavallée (Hugo) :
D'accord, merci.
M. Salvet (Jean-Marc) :
Vous avez suivi avec beaucoup d'intérêt la politique américaine au moment du
duel Hilary Clinton-M. Trump. Je ne doute pas que vous suiviez intensément ce
qui se passe en France actuellement.
M. Khadir
: Oui.
M. Salvet (Jean-Marc) :
Est-ce que votre candidat serait... sans doute par défaut, là, d'un point de
vue économique, mais serait Macron?
M. Khadir
: Bien,
je suis content de ne pas être devant ce dilemme-là, de ne pas avoir à choisir
ce vote parce que de voter pour Emmanuel Macron, ça lève le coeur. Un candidat
qui vient directement des finances, un type qui a gouverné... en fait, qui a
assumé le mandat de François Hollande, qui a trahi, trahi toutes ses promesses,
notamment celle d'être toffe, dur avec les finances. C'est ça, sa promesse qui
a séduit et qui a fait que les gens ont opté pour lui. Bien, voter pour
Emmanuel Macron, ça lève carrément le coeur. Donc, c'est sûr que c'est un grave
dilemme pour tous les progressistes et pour tous les gens de gauche. Et je suis
content de ne pas devoir faire ce choix-là.
M. Salvet (Jean-Marc) :
Je vous entends dire du mal d'Emmanuel Macron, je ne vous entends pas dire quoi
que ce soit...
M. Khadir
: Bien,
Le Pen, ça va de soi. Le Pen, ça va de soi.
M. Salvet (Jean-Marc) :
Ah bon?
M. Khadir
: Quel
dommage que l'histoire ait des hoquets comme ça. Trop de fois, on rate des
opportunités formidables. Imaginez si aujourd'hui c'est Jean-Luc Mélenchon qui
affrontait Marine Le Pen.
M. Salvet (Jean-Marc) :
Est-ce que vous êtes de ceux, même si vous dites «il n'y a pas de bon choix»,
qui pensent qu'il faut faire barrage, donc, au Front national et donc voter
pour Emmanuel Macron, quitte à ce que ce soit par défaut? Êtes-vous de cette
école ou...
M. Khadir
: Moi,
je trouve que ce qui se passe est sain. Le questionnement des progressistes, et
des gens de gauche, et des gens qui ont à coeur que la société française sorte
du néo-libéralisme, ce questionnement, ces hésitations, c'est très sain. Qu'il
n'y ait pas trop de gens qui aillent voter pour Emmanuel Macron, c'est très
sain, pour que ce type-là n'utilise pas cette polarisation pour se donner une
légitimité et...
Une voix
: ...
M. Khadir
: ... — je
m'excuse, je vais juste terminer — qu'il ne doit pas avoir... Il ne
faut pas oublier, il n'a pas eu plus que 24 %, 20 quelques pour cent, là,
au premier tour. Mais je pense que suffisamment de gens conscients des dangers
de Le Pen vont voter quand même pour lui pour qu'il l'emporte. Moi, je ne
perçois pas un danger quelconque que Marine Le Pen puisse l'emporter.
M. Salvet (Jean-Marc) :
Vous feriez quoi? Est-ce que vous souhaitez voir l'un plus que l'autre au
pouvoir?
M. Khadir
: Je
dis à tous ces gens à qui ça lève trop le coeur, bien, d'aller voter blanc pour
que ça soit enregistré puis à tous ceux qui sont capables de surmonter ça d'aller
voter Macron pour bloquer Le Pen. Ces deux options sont valides. Et je
pense que c'est comme ça que les choses vont se dérouler parce que voter, pour
n'importe quelle personne soucieuse de la société, consciente des dégâts causés
par les banquiers, par les affairistes comme Macron, c'est carrément... ça lève
le coeur d'avoir comme condamnation politique de devoir voter pour Macron.
M. Salvet (Jean-Marc) :
Merci.
Mme Plante (Caroline) :
Bonjour, M. Khadir. Est-ce que les dirigeants de l'UPAC, la SQ, DPCP devraient
être nommés aux deux tiers à l'Assemblée nationale?
M. Khadir
: Ça
fait plusieurs années que nous le demandons, pour Québec solidaire. Il était
temps que tous les partis d'opposition au moins s'entendent. J'espère que le
gouvernement, compte tenu du fait que la confiance envers ses institutions est
ébranlée par toutes sortes d'histoires, et pas uniquement par les accusations
de M. Francoeur, arrive à la même conclusion que nous, que pour le bien de
ses institutions, il faut que ces directions soient nommées aux deux tiers. Ça
fait plusieurs fois que je le demande dans des points de presse, à l'Assemblée
nationale, de diverses façons, dans nos communiqués, et il était temps qu'on
soit unanimes dans l'opposition.
Mme Plante (Caroline) :
Qu'est-ce que vous pensez de l'annonce du DPCP, là, qu'il va y avoir enquête
criminelle sur les allégations de M. Francoeur? Est-ce que les
parlementaires ont eu un rôle à jouer là-dedans? C'est-à-dire est-ce que c'est
grâce à eux, ce qu'on voit aujourd'hui?
M. Khadir
: En
fait, c'est grâce, je dirais, à l'indignation populaire. Je pense que les gens
s'expriment sur les tribunes, dans les courriels, dans les Twitters, mais
aussi, j'imagine, en contactant leurs députés, puis on le sent, on l'entend sur
la rue, et j'espère que les responsables de ces diverses institutions, comme
nous, communiquent avec la société. Alors, il est clair que, pour les gens il y
a un problème, il y a un problème de confiance. On sait que le travail est fait
avec honnêteté, mais on peut aussi douter de la solidité, du courage démontré,
de la diligence démontrée par nos institutions quand il s'agit de poursuivre
des gens qui sont au sommet du pouvoir. Et donc, pour rectifier ces
problèmes-là, le gouvernement fait bien... pas le gouvernement, le DPCP fait
bien de réagir et, au lieu de nier, au lieu d'essayer d'accabler M. Francoeur,
de chercher, bon, à atténuer, disons, les responsabilités, de dire : Bien,
voilà, on va faire enquête.
Mme Plante (Caroline) :
Est-ce que ces dirigeants d'institution, comme à l'UPAC, au DPCP, font un bon
boulot en ce moment?
M. Khadir
:
J'espère qu'ils vont faire un meilleur boulot. J'espère qu'ils vont faire un
meilleur boulot, parce qu'on n'en serait pas là. Les accusations de M. Francoeur
ne porteraient autant, ne seraient pas aussi crédibles s'il n'y avait pas eu,
par exemple, le cas Coretti. Il y a encore une réponse que la DPCP nous doit.
Pourquoi est-ce qu'on a abandonné la poursuite de M. Coretti? Lui, il dit :
Moi, je suis l'accusé, écoutez, poursuivez-moi, je veux ouvrir mon sac, je veux
m'incriminer moi-même, mais je veux aussi vous dire qui sont les responsables
gouvernementaux qui étaient de mèche avec moi, puis je veux citer à comparaître
M. Charest, je veux citer à comparaître M. Bibeau. D'accord? Et, dans
un cas aussi grave, qui touche au coeur des intérêts de l'État, la DPCP n'a pas
poursuivi prétextant l'arrêt Jordan. Il y a un problème. Il y a un grave
problème. Et je rappelle qu'ils ont encore un an après l'abandon, ils ont
encore un an pour revenir sur leur décision, et je pense qu'on en est rendus
là. Merci.
Mme Plante (Caroline) :
D'accord. Merci.
(Fin à 12 h 12)