(Treize heures trente et une minutes)
M. Tremblay-Marcotte (Yann) :
Bonjour, tout le monde. Merci d'être là. Je me présente, Yann
Tremblay-Marcotte, je suis du Front commun des personnes assistées sociales du Québec
et je représente la Coalition Objectif Dignité, qui a reçu l'appui de plus de
20 organisations communautaires et l'appui d'une centaine autres
organisations communautaires, une coalition qui s'est formée particulièrement
pour dénoncer les pénalités et les mesures de coercition prévues dans le projet
de loi n° 70 ou le programme Objectif emploi. Je vais être accompagné par
Véronique Laflamme, du FRAPRU, mais aussi de la Coalition Objectif Dignité,
ainsi que Manon Massé, députée de Québec solidaire, Adel Arezki, qui est un
étudiant en médecine qui a été l'origine de la lettre des professionnels de la
santé, ainsi que le député Harold LeBel, du Parti québécois.
M. LeBel : Rimouski.
M. Tremblay-Marcotte (Yann) :
Oui, de Rimouski. Donc, on vient d'entendre le ministre Blais. Évidemment, il
ne nous a rien appris de nouveau dans tout ça. On n'est pas contre la vertu
d'aller chercher le maximum, le potentiel des gens, d'aider toutes les
personnes dans le besoin, toutes les personnes qui veulent se former, qui
veulent apprendre plus, qui veulent terminer leur secondaire V. Nous,
depuis le début, on est pour ces mesures-là. C'est important de garantir des
formations qualifiantes pour l'ensemble des personnes. Mais, encore une fois,
le ministre Blais a mis de côté complètement le principal problème au programme
Objectif emploi, qui est les pénalités et les mesures coercitives. Donc,
là-dedans, le ministre Blais, il a complètement élucidé de dire que couper un
chèque de 628 $ par mois, pour lui, ça demeure acceptable. Il nous a parlé
d'un revenu minimum garanti. Mais l'aide sociale n'est plus garantie, donc le 628 $
ne devient plus garanti, l'aide sociale peut être coupée.
Donc, nous, ça fait déjà un an et demi
qu'on s'oppose à ce projet de loi avec beaucoup, beaucoup d'appuis qu'on a eus.
La semaine dernière, c'était la Semaine de la dignité des personnes assistées sociales,
la 44e qu'on organisait. Il y a eu 400 personnes qui étaient présentes à
la manifestation, c'est énorme, des personnes à l'aide sociale qui osent aller
dans la rue pour dénoncer ces mesures-là, qu'ils vont trouver injustes pour les
personnes qui vont se retrouver à l'aide sociale. Donc, voilà.
La première question qu'on veut poser au ministre
Blais, c'est : M. Blais, pourquoi tenez-vous à banaliser, hein, et
voire ridiculiser l'expertise de tous celles et ceux qui sont sur le terrain,
qui vous mettent en garde contre une approche coercitive à l'aide sociale?
Parce que, nous, c'est vraiment ça qu'on voit au quotidien. C'est les
organismes qui sont inquiets, les organismes qui vont devoir ramasser ces
gens-là qui vont se faire couper à l'aide sociale, qui vont se retrouver avec
moins que 628 $ par mois, qui vont avoir des problèmes de logement, qui
vont avoir des problèmes de santé mentale qui vont s'aggraver.
Donc, nous, c'est vraiment face à face à ça
qu'on veut mettre en garde le ministre et qu'il doit enlever les pénalités
financières et enlever les mesures coercitives. On va donner la parole, mais on
a vu qu'il y a 582 professionnels de la santé qui nous appuient. Il y a eu
près de 300 professeurs chargés de cours de l'université et des cégeps qui
nous ont appuyés. Il y a des organisations importantes qui étaient opposées à
ça, la Commission des droits de la personne, la Protectrice du citoyen, j'en
passe. Il y a vraiment beaucoup d'organisations qui sont opposées à ça.
Donc, le ministre ne nous a rien appris.
Ça fait longtemps qu'on s'oppose à ça. Ça fait longtemps que les personnes
assistées sociales méritent d'avoir beaucoup mieux que des coupures à l'aide
sociale. Ils méritent une formation ou des formations qualifiantes. Ils
méritent d'être accompagnés, effectivement, mais pas au prix de menaces de
sanctions financières. Donc, là-dessus, je vais passer la parole à mes autres
collègues pour continuer.
Mme Laflamme (Véronique) :
Merci, Yann. Bonjour, tout le monde. Donc, je suis Véronique Laflamme, je suis
une des co-porte-parole, aujourd'hui, de la Coalition Objectif Dignité et je
suis porte-parole du FRAPRU, le Front d'action populaire en réaménagement
urbain. Yann l'a dit, le problème aujourd'hui, c'est la question des sanctions
financières et c'est la question qui a été ignorée totalement par M. Blais
dans son point de presse. M. Blais nous a appris aujourd'hui que le projet
de règlement s'en venait, qu'il était presque terminé. Et ce que M. Blais
a également dit, c'est que s'il y avait des modifications à lui faire, on les
fera, je le cite. Eh bien, ce qu'on lui demande à M. Blais, c'est de
retirer, comme mon collègue Yann l'a dit, les sanctions financières. Ce n'est
pas compliqué, on lui demande de les retirer au projet de règlement. C'est une
modification bien claire qu'il pourrait faire dès maintenant.
Je vais vous parler, moi, des conséquences
des coupes à l'aide sociale. On a vu tout récemment dans les médias que le
ministre Blais avait sous-estimé les conséquences et surtout le nombre de
personnes qui seraient touchées par les coupes à l'aide sociale qui ont été effectuées
en 2015. Et aujourd'hui on pense que le ministre continue également à
sous-estimer les conséquences d'Objectif emploi.
628 $ par mois, actuellement, c'est
100 % des besoins de base, avec ça, qui ne sont pas couverts, ce n'est pas
compliqué. Le logement... À Québec, on est une des régions où le loyer médian
est le plus élevé partout au Québec, mais le loyer médian, pour l'ensemble de
la province, pour une personne seule, c'est 578 $. Faites le calcul,
50 $ par mois qu'il reste pour vivre. Et là, ça, c'est si vous êtes
chanceux, chanceuse, que vous trouvez un loyer à 578 $. On le sait,
actuellement, les trois et demie qui sont en location, quand vous vous
promenez, c'est plus 800 $, là. Alors, les personnes à l'aide sociale,
pour vivre, il ne leur reste rien, ce n'est pas compliqué. Elles doivent se
priver, elles doivent aller dans les comptoirs alimentaires, elles doivent se
rendre malades. Et Adel va en parler tout à l'heure, des conséquences sur la
santé. Le ministre a balayé, tout à l'heure, de la main les impacts sur la
santé en réduisant ça à des personnes qui pourraient avoir des épisodes
pratiquement psychotiques, là. Ce n'est pas de ça dont on parle quand on parle
de conséquences sur la santé de coupes à l'aide sociale.
Donc, 224 $, ce n'est pas une
pénalité qui est minime. On parle d'une pénalité qui représente le tiers d'un
revenu qui ne couvre déjà pas la moitié de ce qu'on devrait avoir, là. C'est
gros, 224 $, pour une personne à l'aide sociale. Arrêtons de balayer du
revers de la main les conséquences d'une telle coupe. C'est ce qu'on dénonce
aujourd'hui. C'est ce qu'on demande au ministre de revoir de toute urgence.
Enfin, je terminerais en disant que le
Québec s'est engagé à respecter le droit à un revenu suffisant en ratifiant le Pacte
international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et il s'est
engagé à respecter les droits à la hauteur des mesures disponibles. On a un
budget qui nous a été déposé en mars dernier, qui est un budget, incluant les
versements au Fonds des générations, qui avait les surplus parmi les plus élevés
de l'histoire du Québec, et il n'y a absolument rien pour lutter contre la
pauvreté. C'est inadmissible. Et on interpelle ce gouvernement-là, M. Blais
et l'ensemble de son gouvernement pour qu'ils agissent sans tarder pour lutter
réellement contre la pauvreté et respecter les droits, dont celui à un revenu
suffisant. On ne peut pas accepter plus longtemps un chèque d'aide sociale à
628 $ avec les conséquences qu'on connaît sur la santé, notamment, mais
également sur bien d'autres éléments, dont le développement des enfants, dont
on parle très peu, mais c'est une autre conséquence très grave de laisser des
gens vivre, là, survivre avec un revenu aussi bas.
Donc, on interpelle M. Blais
aujourd'hui, on interpelle ce gouvernement-là pour qu'il rehausse les
prestations de base à l'aide sociale afin de couvrir 100 % des revenus de
base. Et je vais laisser mon collègue Adel nous parler des conséquences sur la
santé de telles coupes à l'aide sociale.
M. Arezki (Adel) : Merci.
Alors, bonjour, je m'appelle Adel Arezki et je suis présentement étudiant à
l'Université McGill en médecine. Alors, je suis ici aujourd'hui pour
représenter plus de 582 signataires d'une lettre adressée au ministre
Blais pour exprimer les inquiétudes du monde médical et du monde de la santé
vis-à-vis la dernière réforme sur l'aide sociale, la loi n° 70.
Travaillant dans le domaine de la santé,
nous sommes d'accord avec l'idée d'aider les personnes les plus démunies de la
société à se trouver un emploi et à s'épanouir, mais par contre, en pratique,
ce n'est pas aussi simple que le la loi n° 70 le laisse sous-entendre. Les
mesures coercitives proposées par le ministre Blais mettent les prestataires d'aide
sociale en position de précarité. En tant qu'intervenants de la santé, nous
constatons les conséquences de la pauvreté, nous constatons les conséquences
médicales et psychosociales de la pauvreté. Et cette loi, à notre avis, ne
ferait que les aggraver.
Comment imaginer qu'une personne qui vient
de se faire sortir de son appartement, qui n'a plus de numéro de téléphone, qui
n'a pas d'Internet, qui n'a même pas une adresse fixe essaie de tout de suite
se chercher un emploi? Alors, cela serait malheureusement un véritable recul
pour le Québec. Alors, on peut facilement envisager l'augmentation de la
détresse psychologique sur des personnes qui sont déjà éprouvées financièrement.
Alors, il n'est pas difficile d'imaginer la hausse des coûts de santé que cela
engendrera.
Et aussi nous sommes inquiets, car
actuellement le projet de loi mentionne que les bénéficiaires seraient
accompagnés tout au long de leur démarche d'obtention d'un emploi. Toutefois,
en pratique, lorsqu'on réfère nos patients à des services sociaux et
communautaires, ces services communautaires sont nettement insuffisants, ils
sont sous pression et ils débordent. Alors, comment le gouvernement peut couper
dans les services communautaires et sociaux d'un bord, et ensuite présenter le
projet de loi Objectif emploi alors qu'il n'y a même pas assez d'intervenants
pour pouvoir encadrer les prestataires?
Alors, compte tenu des restrictions
budgétaires, il est clair pour nous qu'il manquera de professionnels pour mener
à terme et à bien le programme Objectif emploi. Avant de s'attaquer à un tel
projet, le gouvernement a le devoir de consolider le système de santé et de
consolider les services communautaires et sociaux offerts à la population.
Aussi, vous connaissez tous les
difficultés d'accès à un médecin dans les CSSS. Et maintenant imaginez
l'augmentation des rendez-vous à teneur médico-administrative pour évaluer la
faculté à travailler des personnes qui sont invalides. Il n'est pas difficile
d'imaginer l'augmentation des délais d'attente que cela engendrera pour les
Québécois qui ont des besoins cliniques réels.
Et enfin nous sommes inquiets que les
critères d'ajustement et les exemptions ne sont pas encore énoncés, ne sont pas
encore détaillés dans la loi n° 70. Ces critères étant de nature
réglementaire pourraient faire l'objet de modifications plus tard par le
gouvernement, et ce, sans nécessiter une consultation des organismes et des
professionnels qui sont vraiment sur le terrain et qui connaissent la
situation.
Alors, pour toutes ces raisons, nous
demandons à nouveau au ministre Blais de reconsidérer la loi n° 70 en
regard aux conséquences psychosociales et médicales qu'elle engendrera et entre
autres en retirant les mesures coercitives. Alors, merci, et je vais laisser la
députée...
Mme Massé : Oui, merci,
Adel. Bien, écoutez, je pense que les gens vous l'ont dit, le ministre Blais
est venu, en fait, dire rien, rien qu'on ne savait déjà, sinon que les
règlements devraient... d'une loi qu'on ne veut pas, d'une loi où il y a
plusieurs professionnels de l'éducation, de la santé, des groupes sur le
terrain qui viennent nous dire que cette loi-là n'a pas de bon sens. Alors, ces
règlements-là s'en viennent et ces règlements-là s'en viennent pour venir
mettre des conséquences, mettre des sanctions pour les gens qui ne répondent
pas aux objectifs, pour les premiers demandeurs qui ne répondent pas aux
objectifs visés par ce programme-là.
J'entendais le ministre qui parlait
beaucoup des jeunes, des jeunes, des jeunes. Je rappelle que les premiers
demandeurs n'ont pas tous et toutes en bas de 25 ans, en bas de 30 ans.
Ils sont souvent des nouveaux arrivants. Ils sont des gens qui ont perdu une
job, qui ont eu accès au chômage, puis après ça il n'y a plus de chômage, et
donc ils vont à l'aide sociale. Donc, ce n'est pas... Je veux bien qu'il y ait
une partie de ces gens-là qui sont des jeunes, mais je voudrais défaire ce
mythe que c'est exclusivement des jeunes.
Donc, c'est clair qu'à l'instar des gens
qui sont ici aujourd'hui, nous aussi, à Québec solidaire, on demande... Parce
qu'à l'étape des règlements, le ministre peut encore renoncer aux sanctions,
hein, ça réside dans le règlement et il peut encore reculer sur cet élément-là,
où là, écoutez, il y a une unanimité. Les gens disent... Il y a à peu près juste
lui au Québec qui pense que la coercition va lui permettre d'atteindre ses
objectifs, alors même que le gouvernement libéral ontarien a compris que ce
n'est pas en tapant sur la tête du monde qu'on leur permet de vivre dans la
dignité, mais plutôt en expérimentant, par exemple, la question du revenu
minimum garanti, que le ministre avait l'air pas très heureux de voir, mais en
tout cas, bref, et on se dit que la dignité, l'objectif dignité devrait être un
objectif de tout gouvernement.
Je veux saluer, bien sûr, Harold, on est
là ensemble. On le sait, Harold et moi, que, grâce à Françoise David, ma
collègue, mon ex-collègue, et Dave Turcotte, qu'il y a eu une guerre de chaque
instant pour essayer de faire comprendre au ministre que ça n'avait pas de bon
sens. Même on a dû se retourner de dos pour voter, qui a permis d'ébranler un
peu les murs du temple. Et je veux juste vous dire que, si c'était à refaire,
je le ferais encore, malgré la réprimande. Pourquoi? Bien, à chaque fois qu'il
est question des personnes à l'aide sociale, c'est comme si, là, c'était
légitime de, par exemple, couper de moitié.
Je veux juste terminer en vous disant
qu'au nom de Québec solidaire je m'engage, si toutefois on prend le pouvoir en
2018, à retirer immédiatement les sanctions pour les premiers demandeurs à
l'aide sociale. Harold.
M. LeBel : Merci, Manon. C'est
un beau clin d'oeil, Manon, effectivement, à Françoise puis à Dave, qui ont
travaillé beaucoup sur le projet de loi. J'ai pu travailler aussi, en
terminant, vers la fin, associé avec Dave, effectivement. Pendant tout le
travail qu'on a fait en commission, on s'est toujours, ensemble, prononcé
contre les sanctions. Et je vous le dis aussi, puis je vais utiliser ta même
formule, un gouvernement du Parti québécois abolirait ce genre de sanctions immédiatement.
Je le dis parce que le ministre — puis
ça m'a toujours fait frissonner à chaque fois qu'il en parlait — il
joue beaucoup sur les préjugés. Quand il nous ramène des pourcentages de gens
qui ne se présentent pas, tu sais, qui ne viennent pas, qui arrivent à l'aide
sociale mais qui ne se présentent pas aux bureaux des CLE, puis là il nous amène
des pourcentages, c'est quoi qu'il y a en arrière de ça? Il veut dire que les
gens ne veulent pas s'aider. C'est le message qu'il essaie de passer. C'est le
gros préjugé. C'est un ballon de plage qu'il essaie de nous passer.
Quand il dit que le ministère, dans sa
loi, il ne peut pas rencontrer les personnes, il ne peut pas rencontrer les
primodemandeurs, c'est faux. Il peut les rencontrer. S'il ne les rencontre pas,
c'est parce qu'il est mal organisé. Qu'il s'ouvre un peu, qu'il trouve des
nouvelles méthodes pour accueillir les primodemandeurs. Il faut bien qu'ils
passent, à un moment donné, au CLE, ces gens-là. C'est faux de dire qu'il ne
peut pas les rencontrer.
Mais tout ça, qu'est-ce qu'il y a en
arrière de ça? Le préjugé que les gens ne veulent pas s'aider puis que, s'il
n'y avait pas du bon gouvernement bien fin qui va les sortir de la pauvreté
puis qui va les aider, ils ne seraient pas capables de s'en sortir. Voyons
donc! Il y a plein de groupes communautaires qui interviennent pour aider les
gens à se sortir de la pauvreté. Qu'il arrête de couper les groupes
communautaires puis qu'il travaille avec ce monde-là. Il me semble que ça
pourrait aider.
Puis en plus, là, moi, je... C'est le ministre,
je n'en reviens pas, Sam Hamad, au début, qui avait développé le projet de loi
n° 70 — puis j'étais, à ce moment-là, critique sur la pauvreté — Sam
avait dit que c'était pour sauver 50 millions dans le système. Le nouveau
ministre arrive, lui, il dit que ce n'est plus ça, son objectif. Je me demande
c'est quoi, l'objectif fondamental de ce projet de loi si ce n'est pas encore
l'objectif de Sam Hamad du début, de couper, d'aller chercher 50 millions
dans le système.
Puis c'est un ministre qui est absent.
Moi, je n'en reviens pas. Tantôt, il vient ici pourquoi? Pour dire qu'il n'est
pas prêt? Il vient encore dire que c'est... Et ça fait longtemps qu'on
travaille sur ce projet de loi là, là. Là, il vient nous dire que les
règlements, là, où il pourrait nous donner des nouvelles sur les sanctions, il
pourrait les retirer, ces règlements. Il n'est pas prêt, ça va être à
l'automne. Ça fait des mois, puis il chialait après nous autres qu'on posait
trop de questions, qu'on lui faisait perdre du temps en commission
parlementaire, mais qu'est-ce qu'il faisait pendant ce temps-là? Tu sais, ça
n'a pas de sens qu'il ne soit pas prêt. Il n'est pas prêt pour le plan de
lutte. Le plan de lutte est reporté. C'est le ministre du report, c'est le
ministre qui reporte toujours en avant, puis on ne voit jamais de résultat.
Puis je veux juste vous souligner qu'au
dernier budget il n'était pas prêt non plus parce que, le dernier budget, le
ministre des Finances, là, il n'a rien donné à ce ministre-là. Pas une cent
pour le SACAIS, le financement des groupes de défense de droits des personnes
assistées sociales entre autres, pas une cent. Dans le fond, on pourrait dire :
Il veut tellement passer sa loi puis il veut tellement que le monde ne chiale
pas qu'il ne financera pas les groupes qui chialent, tu sais. Puis il l'a déjà
dit, il dit : Ces groupes-là, ça sert surtout à monter à la tête des gens,
à mettre de l'huile sur le feu. Ça fait qu'il ne mettra pas une cent là pour
être sûr que ça passe.
Bref, c'est le ministre qui n'est pas
prêt. Il est venu juste nous dire qu'il n'était pas encore prêt, qu'il reporte
tout à l'automne. Pourtant, pour d'autres domaines, pour Bombardier, pour les
médecins, il était prêt. Mais pour ça, on va attendre encore. Les plus pauvres
de la société devront attendre de voir ce que ce gouvernement-là va faire. Mais
je trouve ça bien dommage.
Puis je suis très heureux d'être ici avec
ces groupes-là, avec des groupes qui défendent des droits. À Rimouski, j'en ai
plein, de groupes comme ça, puis je travaille avec eux autres le plus souvent
possible. À un moment donné, ces groupes-là, il faut qu'ils prennent la parole
puis il faut qu'on soit capables de pousser avec eux autres, cette parole-là.
Il faut que les gens comprennent, il faut qu'on sorte des préjugés.
Le Modérateur
: On va
prendre les questions, s'il y en a qui en ont.
Mme Porter (Isabelle) :
Avez-vous été étonnés par les propos du ministre concernant les organismes
d'employabilité qui, apparemment, manquent de demandeurs?
M. Tremblay (Yann) :
Bien, ça, c'est vraiment n'importe quoi. Je vous proposerais même d'interviewer
ces organismes-là parce que, nous, ce n'est pas ça qu'on entend de leur part. En
fait, là, c'est qu'ils sont complètement débordés puis... Ce que j'ai entendu
comme rumeur, comme quoi le propos de l'entente, c'est plutôt qu'ils vont être
obligés de privilégier les premiers demandeurs, mais ça veut dire qu'ils ne
pourront pas... ils vont avoir de la difficulté à rejoindre l'ensemble des
personnes, tu sais.
Ça fait que, dans leur mission, les
organismes ont beaucoup revendiqué de pouvoir donner de l'aide à beaucoup de
personnes, mais les ministres les contraignent à réduire les personnes auprès
de qui ils peuvent intervenir, et ça, ils sont absolument contre cette
chose-là. Ça fait que je vous invite vraiment à les questionner parce que,
nous, sur le terrain, ce n'est pas ça qu'on entend, c'est qu'ils sont débordés,
c'est qu'ils trouvent l'accompagnement difficile. Et l'accompagnement va être
encore plus difficile si les personnes ne sont pas volontaires. Ça, c'est un accompagnement
qui est difficile pour les organismes. Et donc ce n'est pas vrai que les
organismes manquent de job, là. C'est vraiment méprisant de la part du ministre
de dire ça, là.
M. Dion (Mathieu) : Par
rapport aux pénalités financières, il a mentionné qu'il n'y avait pas d'obligation
de résultat mais une obligation de démarches. J'aimerais vous entendre
là-dessus.
M. Tremblay (Yann) :
Bien, une démarche, c'est un résultat, tu sais, c'est ce qui... La façon qu'il
pense, c'est qu'il va y avoir un suivi, donc est-ce que tu t'es présenté à tel
endroit, à tel endroit, à tel endroit à tel moment. Est-ce que tu as fait... On
ne sait pas encore ça va être quoi, le contenu, hein, mais est-ce que tu as
fait 10, 15... Ça, c'est des résultats. Je ne comprends pas pourquoi il dit qu'il
n'y a pas de résultats à atteindre, il y a des résultats à atteindre et si ces
résultats-là ne sont pas atteints, c'est là qu'il va proposer des pénalités aux
gens, tu sais.
Mme Porter (Isabelle) :
Si je comprends bien, dans le fond, l'information que vous avez... Ça fait que
ce que vous attendez de voir dans le règlement, c'est ce genre de nuance là, à
savoir quelles sont les conditions précises en vertu desquelles une sanction
serait imposée. Parce que, tout à l'heure, le ministre nous a dit : Bien,
j'ai tout dit sur ce qu'il allait y avoir dans le règlement. Qu'est-ce qu'il
n'a pas dit? Qu'est-ce qui reste à clarifier, selon vous?
M. Tremblay (Yann) : Bien,
il reste tout à clarifier, en fait. Oui, il a dit ses intentions, il nous a
exposé des beaux tableaux, ça, on a vu ça. Mais qu'est-ce qui va être effectivement
mis dans le projet de règlement? Ça va être quoi, les obligations des
personnes? Ça être quoi, les sanctions prévues? Ça va être quoi... attends,
j'ai...
Mme Laflamme (Véronique) :
Bien, les démarches.
M. Tremblay-Marcotte (Yann) :
...oui, les démarches qui vont être obligatoires, les organismes qui vont être
accrédités pour que ce soit une démarche qui soit acceptable? Il y a vraiment
un ensemble de mesures qui doivent être précisées. La seule affaire qui est
sûre actuellement, c'est qu'il veut pénaliser le monde, les obliger et retenir
le chèque si les gens ne se présentent pas à leur rendez-vous. Là, retenir un
chèque du seul revenu disponible, c'est complètement dramatique, là, on
s'entend.
M. Lecavalier (Charles) :
Mme Massé, qu'est-ce qu'il y a de nouveau pour faire cette sortie-là aujourd'hui?
Parce qu'on a l'impression qu'il y avait une espèce de trêve depuis l'adoption
du projet de loi. Puis là, c'est quoi, on reprend... vous reprenez le combat, finalement,
contre...
Mme Massé : Bien, ces règlements-là...
Tant et aussi longtemps que les règlements ne sont pas déposés, on peut encore
influencer, comme parlementaires. Harold l'a dit, on s'est retrouvés, dans les
derniers, mois à attendre beaucoup. La lutte à la pauvreté, c'est une lutte de
chaque instant. On était extrêmement indignés de voir, dans le budget, qu'il
n'y avait rien au niveau de l'aide sociale, qu'il n'y avait rien au niveau, en
fait, de la lutte à la pauvreté. On nous promet un plan de lutte cet automne
dans lequel, à part le mot «revenu minimum garanti», dont le ministre vient de
vous dire : Oui, puis on est en train de voir comment, dans le fond, tous
les transferts vont se retrouver là-dedans... Holà! On commence à avoir peur.
Alors donc, la semaine dernière était la
semaine nationale de la dignité des personnes assistées sociales — c'était
la semaine dernière, c'est ça, mercredi dernier — et je pense que,
dans cette foulée-là, il y a eu un rassemblement, il y a eu des jeunes
personnes de la santé qui sont sorties, et je pense que, là, on est rendus au
bout. Et à preuve qu'on est rendus à un bon bout de faire cette pression-là,
c'est que le ministre s'est senti l'obligation de venir dire qu'il n'y avait
rien qui avait avancé encore. Alors donc, nous, on dit : Bien, avancez,
mais retirez la sanction, ça presse.
M. LeBel : Puis la nouvelle aujourd'hui,
ce que j'ai vu un peu de nouveau tantôt, là, ce qui me fait un peu frissonner,
c'est quand il dit que ses règlements vont être à l'automne. Moi, ça me dit que
le plan de lutte, ça va être basé sur la même philosophie que le projet de loi n° 70.
Et, si c'est ça, ça ne marchera pas; si c'est ça, ça ne passera pas, les
groupes vont se lever partout. Si ce plan de lutte est fait sur les mêmes
préjugés que le projet de loi n° 70, je vous le dis, ça ne passe pas.
Mme Lévesque (Catherine) :
Quelles sont les prochaines étapes? Bon, il y a eu des lettres ouvertes, on
essaie de conscientiser le public. Mais quelles sont les prochaines étapes? Est-ce
que c'est des manifestations? Qu'est-ce qu'il va falloir faire?
Mme Laflamme (Véronique) :
Bien, en fait, Mme Massé vient de dire : Aujourd'hui, c'est un peu, tu
sais, un point culminant qui fait suite à ces différentes interventions. Bien,
en fait, aujourd'hui, on interpelle le ministre pour lui dire : Écoutez, vous
n'avez pas encore fini votre projet de règlement, là, retirez les sanctions.
Quand il y a eu une manifestation, quand il y a eu des lettres ouvertes, quand il
y a eu non seulement des professionnels de la santé, là — plus que quelques
centaines, là, ce n'est quand même pas rien — et quand il y a eu également
des universitaires qui sont sortis publiquement pour dénoncer ce projet de loi
là, en plus des différentes organisations de la société civile, là — qui
ne sont pas seulement les groupes de lutte à la pauvreté, là, on parle des
grandes centrales syndicales, on parle de regroupements de divers milieux en santé
mentale, en lutte à la pauvreté, les organismes, les groupes de femmes, etc.,
qui sont sortis pour dénoncer ce projet de loi là — bien, ce qui
reste à faire, c'est de taper sur le clou. C'est ce qu'on est venus faire aujourd'hui.
Parce qu'une manifestation de personnes assistées sociales, c'est difficile à
tenir. Yann en a parlé tout à l'heure, les gens qui sont victimes de préjugés
tout au long de l'année, et pour ne pas dire à chaque jour, bien, de se
mobiliser pour leur dignité, c'est quelque chose. Donc là, nous, on prend la
balle au bond aujourd'hui pour dire : On porte la voix de ces personnes-là
qui se sont fait entendre de façon importante.
Et ça fait longtemps, au Québec, qu'on
n'avait pas entendu autant de témoignages sur l'importance de l'aide sociale.
Je vous rappellerais que, dans la semaine, dans les jours qui ont précédé, là,
il y a eu des courriers d'opinion dans les médias régionaux, notamment, et dans
les grands médias nationaux aussi — je pense au Devoir et à LaPresse
encore la semaine dernière — de personnes qui ont parlé de l'importance
pour elles d'avoir eu accès à cette aide-là de dernier recours et des
conséquences qu'auraient eu sur elles Objectif emploi si ça avait été en oeuvre
au moment où ces personnes-là avaient eu besoin de l'aide au dernier recours.
Et ça, ce n'est pas rien. Et là on parle de personnes de différents milieux,
notamment des femmes qui essayaient de retourner aux études, qui avaient des
enfants à faire vivre, et toutes sortes d'autres personnes qui se sont fait
entendre pour dire : Écoutez, ça n'aurait pas été praticable pour moi pour
telle et telle raison.
Et ce qu'on dit aujourd'hui, c'est que
l'aide au dernier recours, ce n'est pas pour rien que ça s'appelle l'aide au
dernier recours. Il y a toutes sortes de raisons qui font en sorte que des
personnes se rendent là. Et, quand elles y arrivent, la solution, ce n'est pas
de leur taper encore plus sur la tête, c'est de les aider à s'en sortir. Et,
pour ça, ce n'est pas par des sanctions financières qu'on va y arriver, qui
relèvent pratiquement du harcèlement, c'est en les aidant, parfait, mais en
laissant faire les sanctions financières, et mieux encore, en augmentant ces
prestations-là, qui sont insuffisantes, qui font en sorte que les personnes ne
peuvent même pas se chercher d'emploi. Comment voulez-vous, avec un revenu
aussi bas que celui-là qui vous permet à peine de payer votre logement, pouvoir
vous déplacer si vous êtes dans une région, de vous déplacer pour aller
rencontrer des employeurs, de vous acheter des vêtements qui ont de l'allure
pour rencontrer des employeurs?
Donc, ce qu'on dit, c'est qu'il faut
lutter contre la pauvreté, le faire beaucoup mieux. Et, si on veut aider les
personnes à trouver de l'emploi, il faudrait d'ailleurs s'assurer que l'emploi
permette de sortir de la pauvreté — ça, c'est un autre débat sur
lequel il faudrait revenir — mais il faudrait arrêter les mesures
coercitives.
Mme Lévesque (Catherine) :
Concrètement, je voulais savoir : Comment est-ce qu'on peut vivre avec
400 $ par mois? C'est quoi, le pire scénario?
Mme Laflamme (Véronique) :
Bien, écoutez, ce qu'on entend, là... Bien, moi, je peux vous parler de... je
pense que Yann pourra compléter, mais 400 $ par mois, là, nous, quand on
entend des gens qui ont de la misère à arriver, c'est de la colocation forcée.
Mais là, colocation forcée, tu vas avoir une coupe, donc tu vis dans une
chambre, dans un logement insalubre, les personnes qui se ramassent à la rue.
Écoutez, c'est ça, notre crainte, c'est que de plus en plus de personnes se
ramassent à la rue. Et, là encore, la lutte à l'itinérance, on a plusieurs voix
qui se sont élevées récemment pour s'inquiéter de l'inaction gouvernementale en
matière de lutte à l'itinérance, du fait que la Politique nationale de lutte à
l'itinérance qui a été adoptée, les bottines ne suivent pas les babines,
finalement. Mais c'est ça qui attend les gens, là. On en voit des femmes, là,
de moins de 65 ans qui ont une insuffisance de revenus puis se retrouvent
en situation d'errance. Des témoignages comme ça, on en entend tous les jours.
Mais c'est ça, ultimement, qui attend... pas tout le monde, mais une partie de
ces personnes-là, malheureusement.
M. Tremblay-Marcotte (Yann) :
Puis, je veux juste rajouter... je pense que c'est vraiment une belle explication,
Véronique, c'est juste... Tu te retrouves avec 400 $ par mois. Après ça,
tu viens de tomber... un pas de recul pour, après ça, être en bonne posture
pour te trouver un emploi. Le temps que tu vas vivre avec 400 $ par mois,
c'est du temps que tu vas handicaper ta santé, que tu vas te retrouver dans une
situation encore plus précaire mentalement et physiquement, et après ça c'est
encore plus difficile de te retrouver un emploi. Donc, ça va vraiment...
l'intention du gouvernement ne fonctionnera pas. S'il souhaite amener les gens
vers l'emploi, ça va les précariser encore plus, on parle de la rue.
Évidemment, tu ne peux pas payer un logement 400 $ par mois, te loger. Les
organismes communautaires vont être encore plus sollicités pour répondre à
différents besoins de santé. C'est impossible, impossible.
M. LeBel : Moi, je veux juste
témoigner... Dans nos bureaux de comté, là, juste récemment, là... Quand tu
vis, tu n'as pas d'argent, qu'est-ce que tu fais? Tu coupes — il peut
être là pour en témoigner — dans la santé, tu coupes dans... Moi,
j'ai plusieurs cas, là, actuellement, puis c'est surtout les femmes qui vivent
la pauvreté plus, problèmes de dentition. Tu sais, ils ont 60 ans, tu
sais, ils repoussent le dentiste. Ils repoussent le dentiste, ils n'ont pas les
moyens. À un moment donné, ils se ramassent, là, avec des gros problèmes, puis
là nous autres, au bureau de comté, il faut travailler... on essaie de trouver
des solutions, mais il n'y a rien. On appelle à la RAMQ, ils disent : On a
plein de problèmes de même. Il n'y a pas rien, on ne peut pas aller nulle part.
On en vit, ça, plein de ça. Et c'est ça. La pauvreté, là, des fois tu caches
ça, tu caches ça, tu caches ça, mais ça s'accumule, ça s'accumule. Tu fais des
choix, puis à un moment donné c'est ta santé qui est en danger.
Une voix
: Je veux
juste mentionne qu'il y a trois témoignages qui sont dans le petit paquet de
feuilles que je vous ai remis au début.
Mme Laflamme (Véronique) :
Donc, si on veut économiser 50 millions, ce n'est pas... c'est une
économie de bouts de chandelles parce que ça nous coûte beaucoup plus cher, en
bout de ligne, comme société. Merci.
Mme Lévesque (Catherine) :
On a entendu Pascal Bérubé, on a entendu Jean-François Lisée sur la
convergence...
Mme Massé : Bien, si vous
voulez, on ne prendra pas ce genre de question là quand on a des invités où on
parle d'aide sociale. Ça arrive tellement peu souvent, qu'on va aller au fond
de celle-là. Puis je pense que j'ai tout dit ce matin, vous m'avez eue en long
et en large. C'est les membres qui vont décider en fin de semaine.
M. Lévesque (Christian) :
Vous ne voyez pas un flip-flop entre ce que M. Bérubé et M. Lisée
disent?
Mme Massé : Je ne
commenterai pas ça. Je n'aime pas ça quand ils se mêlent de mes affaires.
(Fin à 14 heures)