(Treize heures quinze minutes)
M. Blais : Alors,
bonjour. Tout d'abord, deux éléments de communication aujourd'hui par rapport
au programme Objectif emploi, parce que je sais qu'il y a des collègues qui
vont venir vous rencontrer tout à l'heure pour vous faire part de leurs préoccupations.
Première chose à rappeler, donc, Objectif
emploi a fait l'objet d'une entente entre les partis pour que le projet de loi,
là, puisse aboutir. C'est un programme qu'on a... un projet qu'on a beaucoup
travaillé, on l'a beaucoup travaillé en commission parlementaire. Moi-même,
quand je suis revenu au ministère, là, j'ai désiré, là, donc, faire des modifications
à la fois sur l'esprit, mais le contenu, là, du projet de loi.
Donc, essentiellement, les modifications,
c'était de faire en sorte que ce projet de loi là soit vu comme un projet
d'intégration et d'intervention psychosociale chez les premiers demandeurs
d'aide sociale, favoriser d'abord le contact avec ces personnes-là. Aujourd'hui,
le programme d'aide sociale, tel qu'il existe du moins, on ne peut pas
rencontrer quelqu'un, un nouveau prestataire pour évaluer sa situation, et donc
les bonnes pratiques internationales nous disent qu'il faut les rencontrer,
comprendre leur parcours, comprendre leurs difficultés. Donc, avec Objectif
emploi, cette rencontre-là, elle est obligatoire, elle est nécessaire.
Et je comprends que des gens qui viennent
du milieu de la santé vont être sensibles à cet élément-là, d'autant plus que
ces rencontres nous permettent parfois de déceler des difficultés d'ordre
mental, des problèmes, par exemple, de toxicomanie qui ne sont pas
suffisamment, là, décelés. Et aujourd'hui il y a beaucoup de jeunes qui ont des
problèmes de santé mentale liés à des drogues qui sont trop fortes. On sait
qu'il y a un sous-diagnostic aujourd'hui de ces difficultés-là chez les jeunes
à l'aide sociale. Le fait qu'on les rencontre et les situer dans un parcours va
nous permettre d'en déceler davantage. Ils ne seront pas sous Objectif emploi,
ils vont en sortir, à ce moment-là, mais ils vont bénéficier, hein, d'un
montant d'aide sociale plus important.
Donc, le programme a beaucoup évolué. Il
ne s'adresse pas à des personnes qui sont psychiatrisées, ex-psychiatrisées ou
des personnes qui ne sont pas disponibles pour des raisons de santé. Donc, on a
mis plusieurs exceptions possibles pour faire en sorte de protéger les gens qui
sont plus fragiles.
Mais, en même temps, l'avantage du
programme, c'est qu'il n'est pas lié à des résultats. Contrairement à ce que
j'ai lu encore récemment, on n'oblige pas quelqu'un à trouver un emploi à
l'intérieur de six mois ou quelqu'un à prendre une qualification à l'intérieur
de quatre mois ou de huit mois. La personne doit simplement, et c'est fondamental,
être dans une démarche. Il n'y a pas d'obligation de résultat, mais il y a une obligation,
c'est vrai, de participation à une mesure que la personne a elle-même choisie,
en autant, bien sûr, que cette mesure-là soit réaliste pour ses capacités.
Deuxième communication que je veux faire avec
vous, la rédaction des règlements pour Objectif emploi va bon train. Les
juristes de l'État sont de retour au travail. Vous savez que l'aide sociale, c'est
un programme où la réglementation est très, très importante. Comme il y a eu
beaucoup de discussions là-dessus en commission parlementaire, comme moi, j'ai
dévoilé toutes nos intentions réglementaires, on a davantage discuté
d'intentions réglementaires en commission parlementaire que de la loi
elle-même, c'était normal. Les juristes de l'État maintenant sont au travail,
et on pense pouvoir déposer bientôt nos règlements pour pouvoir démarrer le
programme, aller en consultations, et éventuellement démarrer le programme.
Encore une fois, s'il y a des améliorations qu'on peut faire, on les fera
simplement parce que, bien sûr, la réglementation va être disponible pour
discussion et amélioration.
Je vous rappelle un chiffre en terminant.
En ce moment, chez les jeunes à l'aide sociale de moins de 25 ans, il y a
à peine 4 % de ces jeunes qui participent à des mesures d'intégration sur
le marché du travail et qui terminent ces mesures, j'insiste, qui terminent ces
mesures. 4 %, c'est très, très peu, alors que l'on sait que ces
personnes-là, quand elles le font et quand elles terminent, leur capacité,
hein, à intégrer le marché du travail est très, très élevée. Donc, l'idée
d'Objectif emploi, c'est avant tout d'améliorer le capital humain de la
personne pour lui permettre de lui trouver une place dans la société.
Mme Porter (Isabelle) :
Oui, mais, M. Blais, dans la lettre que les professionnels de la santé ont
publiée cette semaine, ils disent que, bon, le projet de loi promet que les bénéficiaires
vont être accompagnés tout au long de leurs démarches d'obtention d'un emploi,
mais, en pratique, ils disent référer leurs patients à des services sociaux et
communautaires qui sont en nombre insuffisant, débordés et à bout de souffle.
Qu'est-ce que vous répondez à cela?
M. Blais : Écoutez,
d'abord, dans ce que j'ai lu dans la lettre, je me demande si on parle vraiment
de personnes qui vont être sous Objectif emploi. S'il s'agit de personnes
qui ont des épisodes psychiatriques et qui n'ont pas, disons, solutionné ces
problèmes-là, ces personnes-là ne seront pas sous Objectif emploi. Prenez
le temps de leur poser la question aujourd'hui : Êtes-vous certains que
les exemples qu'ils vont vous donner... ils vont vous donner des exemples.
Êtes-vous certains que ces personnes-là seront soumises, là, aux règles
d'Objectif emploi? La première chose.
Deuxième chose, il y a, en ce moment,
400 organismes seulement en employabilité au Québec qui travaillent avec
nous, dont les carrefours jeunesse-emploi. On vient d'attacher une entente pour
les trois prochaines années avec les carrefours jeunesse-emploi. Je peux vous
dire que, compte tenu de la bonne tenue de l'emploi au Québec, les organismes
d'employabilité ont de plus en plus de difficultés à trouver des gens, là,
parce que les gens se retrouvent un travail sans eux.
Donc, certains même sont inquiets
parce qu'ils ont de la difficulté à trouver des ressources et ils attendent
avec intérêt la mettre sur pied d'Objectif emploi parce qu'ils savent
qu'on va pouvoir leur référer des personnes.
Mme Porter (Isabelle) :
Donc, ils manquent de travail, c'est ça que vous dites?
M. Blais : Ils ne manquent
pas de travail, il manque de personnes à l'intérieur des organismes
d'employabilité. Les organismes d'employabilité sont là, comme le carrefour
jeunesse-emploi, pour aider des gens à se trouver un emploi, mais quand le taux
d'emploi est très élevé comme aujourd'hui, quand le taux de chômage est très
bas comme aujourd'hui, c'est 400 organismes en employabilité qui sont en
contrat de services avec nous, qui ont des ententes avec des résultats à
atteindre.
Ils doivent voir un certain nombre de
personnes. De plus en plus — vous leur parlerez — ils ont
de la difficulté à atteindre leurs quotas, leurs objectifs, leurs rencontres de
personnes parce que, bien sûr, le bassin s'amoindrit de plus en plus.
Mme Porter (Isabelle) :
Est-ce qu'on les pousse?
M. Blais : Je n'ai pas
dit ça, je dis simplement qu'il y a beaucoup d'organismes en employabilité au
Québec, dans un contexte où le chômage diminue, ils ont plus de disponibilité.
Même chose pour les centres locaux d'emploi, hein? Vous comprenez qu'il y a quelques
années à peine, là, 10 ou 15 ans, il y avait le double de personnes à
l'aide sociale au Québec. Aujourd'hui, ça a diminué de façon importante, donc
ils ont un peu plus de temps pour s'occuper de ces personnes-là. Mais
rappelez-vous, Objectif emploi, ça touche 17 000 nouvelles personnes
à l'aide sociale par année. C'est très peu, c'est un peu plus de 4 % de
l'ensemble de la population à l'aide sociale. Mais ces 4 % là, ce sont des
gens, quand ils sont aptes bien sûr, qui ont un potentiel d'insertion, de
retour aux études d'abord ou bien de retour sur le marché du travail, un
potentiel très élevé.
Alors, c'est pour ça qu'on fixe davantage
notre attention sur ce groupe, même si tous les autres auront accès encore aux
mesures d'employabilité, là, qu'il y a à l'intérieur du ministère.
M. Lecavalier (Charles) :
Qu'est-ce que vous pensez... je pense qu'il y a un projet pilote qui a été
annoncé en Ontario pour le salaire minimum garanti. Est-ce que vous avez suivi
ça?
M. Blais : Bien sûr.
M. Lecavalier (Charles) :
Qu'est-ce que vous pensez de ça?
M. Blais : Alors, notre
compréhension, là, ce que l'on voit, essentiellement, c'est une bonification de
l'aide sociale pour la personne qui est à l'aide sociale ou une bonification du
revenu disponible pour une personne pauvre sur le marché du travail. Donc, en
termes plus techniques, c'est une forme d'impôt négatif, et on s'assure de
faire en sorte que, si la personne améliore son revenu, son taux effectif
d'imposition marginale est diminué, mais pas à 100 %, comme c'est souvent
le cas avec l'aide sociale, mais plutôt à 50 %. Donc, ça valorise, bien
sûr, la recherche de revenus parce que les revenus ne sont pas immédiatement
coupés.
La difficulté, bien sûr, avec le programme
de l'Ontario, donc il y a une question méthodologique : Est-ce que, du
point de vue méthodologique, on va apprendre beaucoup de choses? Il y a des
débats là-dessus, je vais mettre ça de côté, je vais laisser les universitaires
en parler. L'autre question, c'est : Qu'est-ce que vous faites quand votre
programme est terminé? Le programme coûte 50 millions. Vous avez
sélectionné, au hasard, 4 000 personnes, si je me souviens bien. Vous
améliorez leurs revenus, vous rehaussez leurs revenus disponibles de façon importante,
mais le jour où l'expérience se termine, qu'est-ce qui arrive avec ces
personnes-là? On ne le sait pas.
Donc, on a une autre approche, différente,
vous verrez ça dans le troisième plan de lutte contre la pauvreté, et, bien sûr,
notre ambition, et c'est une ambition qui est réaliste pour le Québec dans le
contexte actuel, c'est de sortir 100 000 personnes de la pauvreté au Québec.
Objectif emploi fait partie des mesures qui peuvent nous aider, mais, bien sûr,
on a aussi besoin de mesures de redistribution du revenu qui sont plus
efficaces que ce que nous avons aujourd'hui.
M. Lecavalier (Charles) :
Mais ça, sur le revenu minimum, ça, de votre côté, vous attendez une étude...
M. Blais : On a un
rapport, on a des experts qui travaillent là-dessus, qui vont nous faire des recommandations.
En parallèle aussi, on a un plan de lutte qui pourrait intégrer — on verra
le rapport — des éléments de ce rapport.
Mme Porter (Isabelle) :
Concernant l'échéancier, Objectif emploi, vous parliez de bientôt pouvoir
dévoiler le règlement.
M. Blais : Oui, dès le
beau temps. Quand le beau temps va arriver, là.
Mme Porter (Isabelle) :
...l'été, finalement, d'ici la fin de la session.
M. Blais : Non, vraiment,
on espère que ça sera bientôt. C'est beaucoup, beaucoup de règlements, je peux
vous le dire, puis on fait très attention dans la rédaction. Il y a des éléments
de droit, il y a des sensibilités aussi, il y a eu beaucoup de discussions en commission
parlementaire, mais vraiment, bientôt, on voudrait pouvoir les déposer pour
aller en consultation.
M. Dion (Mathieu) : Pour
les organismes d'employabilité, juste pour clarifier, là, est-ce qu'il pourrait
y avoir révision du nombre qu'il y a au Québec, par exemple, éventuellement?
M. Blais : Non, ce n'est pas
ça que je vous annonce, mais quand on dit, en ce moment, les gens croulent sous
le travail, tout ça, je ne dis pas que c'est faux, mais je dis simplement qu'il
y a un contexte, en ce moment, qui est tel qu'avec la diminution du chômage les
400 organismes en employabilité que l'on finance au ministère, puis
ça, ils nous le disent, ils ont de plus en plus de difficulté à atteindre
leurs quotas, hein, en termes de personnes qu'ils doivent rencontrer. Objectif
emploi va leur permettre de leur référer notamment des jeunes. C'est ce
qu'espèrent les carrefours jeunesse-emploi.
Mme Porter (Isabelle) :
En tenant compte des consultations, on pourrait penser qu'Objectif emploi va
être appliqué et entrer en vigueur à quel moment?
M. Blais : Ça, je ne peux
pas vous le dire, on verra puis on verra quelle est l'issue des consultations,
si on nous demande des changements.
Mme Porter (Isabelle) :
Au plus tard...
M. Blais : C'est
difficile à dire. Je ne m'avancerai pas là-dessus.
Mme Porter (Isabelle) :
Mais est-ce que ça va être avant le dévoilement du plan d'action de lutte à la
pauvreté?
M. Blais : Non, difficile
à dire. Le troisième plan d'action, on l'a annoncé pour l'automne prochain,
mais c'est très difficile, pour le moment, de voir la chronologie. Commençons
par déposer les règlements, là, le plus tôt possible, puis ensuite on verra les
réactions à ces règlements-là, si ça nous oblige à faire un tour de roue, faire
des vérifications supplémentaires puis des changements, qui sait. Ensuite, on
verra comment on peut l'appliquer. C'est assez complexe parce que ça demande
aussi des modifications informatiques, dans les systèmes informatiques des
agents d'aide sociale. Ça demande aussi des collaborations — vous
verrez quand je présenterai le règlement — plus étroites avec le
réseau de l'éducation parce que ces jeunes-là, plusieurs, la plupart, n'ont pas
terminé leur secondaire V. Le plus beau cadeau qu'on peut leur offrir, c'est
ou bien de terminer leur secondaire V ou bien de vaincre une partie de
leur analphabétisme, parce qu'il y a beaucoup d'analphabétisme chez ces
jeunes-là, ce qui veut dire qu'on va aussi utiliser les ressources du réseau de
l'éducation, les ressources formelles, mais aussi les organisations qui
travaillent en analphabétisation pour ces jeunes-là, parce que, pour une partie
d'entre eux, la meilleure des choses, c'est d'aller un peu plus loin dans leur éducation.
Ça va?
M. Lecavalier (Charles) :
Peut-être une dernière question. Est-ce qu'il y a toujours une volonté réelle
du gouvernement d'instaurer un revenu minimum garanti au Québec?
M. Blais : Bien, écoutez...
M. Lecavalier (Charles) :
Parce que je vous ai posé la question sur l'Ontario, puis vous m'avez dit :
Bien, notre plan à nous, c'est les 100 000 emplois, c'est ça qui va
sortir les gens de la pauvreté.
M. Blais : Oui, mais notre
engagement à nous, c'est ça. Et on a un rapport, hein, sur la question du
revenu minimum garanti ou les autres formes de revenu minimum garanti. Je dis
souvent : L'aide sociale, c'est une forme de revenu minimum garanti, mais
qui appartient, à mon avis, davantage au XXe siècle qu'au XXIe siècle.
Alors, je pense qu'il y a une volonté et un intérêt du gouvernement d'aller
plus loin dans les... d'avoir une idée plus précise de l'ensemble des
mécanismes de transfert pour voir si on peut les réorganiser effectivement vers
une forme différente de revenu minimum garanti. Ça va? Bien, bonne fin de
semaine, hein? Au revoir.
(Fin à 13 h 28)