(Onze heures sept minutes)
M. Nadeau-Dubois : Donc, ce
matin, on a assisté à une scène tristement familière pour beaucoup de gens au Québec
durant la période des questions, vraiment une scène classique de vieille politique
et une scène où il y avait, d'un côté, un ton pessimiste, catastrophiste sur le
Québec et, de l'autre, un ton revanchard.
Hier, dans un point de presse, on m'a posé
la question, on m'a demandé si le débat constitutionnel était un vieux débat,
et j'ai répondu en disant : Non, au contraire, je pense que c'est un débat
qui est d'actualité parce que c'est un débat qui nous permet d'imaginer le Québec
qu'on veut pour demain. Ce que je constate, c'est que ce dont les Québécois et
les Québécoises sont tannés, ce n'est pas du débat constitutionnel, c'est de
cette manière-là de mener le débat constitutionnel, de la manière dont ce
débat-là a été mené ce matin lors de la période de questions.
Puis c'est une scène, je vous dirais, qui
m'a déçu. Je suis un tout nouveau député, je commence dans mes nouvelles
fonctions et j'arrive avec une volonté de faire des débats de fond. Et dans ma
question, hier, c'est ce que j'ai tenté de faire, tenter d'initier un échange,
un débat de fond sur c'est quoi, une constitution, à quoi ça sert et comment
peut-on mobiliser les gens au Québec autour de ce projet-là.
Malheureusement, ce matin, les deux partis
traditionnels au Québec sont retombés dans leurs vieilles habitudes, dans leur
vieux ton, et je pense... en tout cas, ils m'ont déçu, moi, dans le ton qu'ils
ont employé tous les deux, et je pense qu'ils vont... c'est à cause de ce genre
d'attitude là puis de ton là que beaucoup de gens sont cyniques,
malheureusement, aujourd'hui, quand ils pensent à l'Assemblée nationale du
Québec.
Moi, je n'ai pas envie de sombrer
là-dedans. J'ai envie, au contraire, de continuer à amener des débats de fond
et je pense que le débat constitutionnel, ça peut être un débat mobilisant,
intéressant, si on fait comprendre aux gens du Québec ce que pourrait être un
Québec indépendant. Et je vais continuer à intervenir sur les enjeux
constitutionnels et je m'engage à faire une chose, c'est à ne jamais employer
le genre de ton qu'on a vu ce matin.
M. Salvet (Jean-Marc) : En quoi
M. Lisée avait-il un ton revanchard, puisque c'est lui que vous visez en
employant ce qualificatif?
M. Nadeau-Dubois : Moi, je
trouve que les deux partis politiques...
M. Salvet (Jean-Marc) : Mais
vous avez dit qu'il y en a un qui avait un ton pessimiste, l'autre qui avait un
ton revanchard. J'essaie de comprendre le mot «revanchard», là.
M. Nadeau-Dubois : Bien, on
lieu de lever le niveau du débat, de parler des avantages de l'indépendance, de
parler de comment ça pourrait nous permettre, par exemple, de sortir du
pétrole, comment ça pourrait nous permettre de renégocier nos accords
commerciaux, au lieu de faire ça, c'était un échange qui était vraiment comme
une vieille toune sur «repeat», là, hein, c'est-à-dire...
M. Salvet (Jean-Marc) : Est-ce
que c'est la logique de la période de questions contre laquelle vous en avez? C'est
un peu la logique de la période de questions?
M. Nadeau-Dubois : Je pense
que c'est possible de poser des questions de manière différente et surtout d'avoir
des réponses beaucoup plus intéressantes que celles qu'on a vues ce matin.
M. Laforest (Alain) :
N'êtes-vous pas en train de tomber dans le panneau du Parti libéral en parlant de
constitution? Parce que lorsqu'on parle de constitution, on ne parle pas
d'autre chose.
M. Nadeau-Dubois : Ça dépend
de comment on en parle. Le débat sur la Constitution, ça peut être un débat
ennuyeux, plate et ça peut être une distraction. Si on s'emporte dans des
guéguerres comme ce matin, c'est clair.
M. Laforest (Alain) : On s'entend
que c'est une distraction au Québec, là.
M. Nadeau-Dubois : Bien, nous,
à Québec solidaire, on a justement la volonté de l'aborder sur un angle
différent, en parlant d'assemblée constituante puis en impliquant les gens dans
ce débat-là.
M. Laforest (Alain) : Mais en
quoi ça règle les problèmes de santé, que ça règle les problèmes de la 25, aujourd'hui,
qui est un problème? La constituante, ça, c'est...
M. Nadeau-Dubois : Bien,
voilà, le défi, c'est de justement ne pas réduire le débat constitutionnel
simplement à la question de l'appartenance canadienne. Bien sûr, c'est le gros
morceau, mais, dans une constitution, il y a beaucoup d'autres choses. Il y a :
Quels pouvoirs voulons-nous donner à nos villes? Quels pouvoirs voulons-nous
donner à nos régions? Comment veut-on organiser notre système démocratique?
Ce n'est pas des petites questions, et ça
peut être des questions mobilisantes si on implique les gens. Or, actuellement,
on a un gouvernement qui a adopté une méthode tout à fait traditionnelle et
franchement élitiste. On écrit un document, on s'en va faire des relations
publiques au Canada anglais au lieu d'impliquer les gens au Québec.
M. Salvet (Jean-Marc) : Sur
le fond, justement, votre assemblée constituante, j'ai toujours compris, chez
Québec solidaire qu'elle visait à, comment dire, rédiger un texte fondateur
pour un Québec indépendant. Vous avez hier également parlé de cette assemblée
constituante à M. Couillard, alors qu'il est dans une logique de Constitution
canadienne. Donc, vous élargissez cette idée d'assemblée constituante à la
Constitution canadienne?
M. Nadeau-Dubois : Nous, on
pense que l'assemblée constituante, c'est le bon forum pour parler de tous ces
enjeux-là en premier lieu, en tout premier lieu, celui de l'indépendance. Mais
une assemblée constituante, c'est un exercice démocratique où il y a des
délégués qui sont élus par la population et les gens débattent de la constitution.
Et forcément, le point central de cette discussion-là, c'est le rapport avec le
Canada, mais il n'y a pas seulement ça. Et c'est pour ça qu'à Québec solidaire
on a une approche très, très différente de ce qu'on a vu ce matin, où c'était
réglé vraiment comme du papier à musique, péquistes et libéraux dans leur même
guéguerre habituelle. Et c'est de ça dont les gens sont tannés, je crois, pas
les débats constitutionnels eux-mêmes.
M. Bellerose (Patrick) :
Donc, l'assemblée constituante ne mène pas nécessairement à l'indépendance.
M. Nadeau-Dubois : À Québec
solidaire, on est un parti indépendantiste. On pense que, pour réaliser notre
projet de société, le Québec doit être un État indépendant. Et, pour nous, la
manière d'arriver à l'indépendance, la manière de sortir des oppositions
traditionnelles, c'est de mettre sur pied une assemblée constituante qui se
saisirait de cette question-là.
M. Bellerose (Patrick) : Qui
mène nécessairement à l'indépendance.
M. Nadeau-Dubois : Bien, il y
aurait un référendum, dans le fond, qui viendrait approuver ou désapprouver le
travail de cette assemblée constituante là. Donc, la décision, elle
reviendrait, in fine, dans le fond, à la population du Québec. Mais le travail
de rédaction, de consultation de la population sur quel projet de société on
veut, ça, c'est l'assemblée constituante qui s'en chargerait.
M. Bellerose (Patrick) : ...a
été divisé pour mieux régner, en faisant la part belle en Chambre en disant :
Il y a une nouvelle voix ici, sur l'indépendance...
M. Nadeau-Dubois : Moi, je
vais refuser de me faire instrumentaliser, et Québec solidaire va refuser de se
faire instrumentaliser par le Parti libéral pour alimenter ses guéguerres avec
le Parti québécois. De la même manière, on va refuser de se faire
instrumentaliser pour expliquer les difficultés du Parti québécois. Nous, on
est ici pour défendre un projet de société, on est ici pour défendre une vision
du Québec qui est différente de celle de tous les autres partis politiques.
Moi, c'est ce mandat-là que les gens de Gouin m'ont donné puis c'est ce que je
vais faire à l'Assemblée nationale.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Avez-vous l'impression d'être instrumentalisé présentement par le Parti
libéral?
M. Nadeau-Dubois : Bien, je
pense que c'est assez évident que c'est ça, la tentative, mais libéraux et
péquistes peuvent se le tenir pour dit, ça ne fonctionnera pas.
M. Bellerose (Patrick) : Mais
forcément, Québec solidaire fort, un mouvement souverainiste fort à gauche, va
diviser le mouvement souverainiste. Dans les faits, c'est ce qui va arriver.
M. Nadeau-Dubois : Moi, je
regarde ce qui s'est passé en Colombie-Britannique récemment, il y avait un
gouvernement libéral au pouvoir depuis 16 ans, il y avait une volonté
démocratique forte de chasser ce gouvernement-là. Les deux partis qui
aspiraient à le remplacer ont présenté leur candidature dans toutes les
circonscriptions, ils ont fait campagne sur leur projet de société et, une fois
que les électeurs, électrices ont tranché, ils ont réussi à travailler
ensemble. Et, à Québec solidaire, c'est toujours comme ça qu'on a fonctionné.
M. Salvet (Jean-Marc) : Vous
pourriez gouverner avec un gouvernement du Parti québécois minoritaire?
M. Nadeau-Dubois : Québec
solidaire est en faveur d'un mode de scrutin proportionnel mixte, donc,
forcément, la question des alliances, on y a toujours été ouverts et on l'a
d'ailleurs déjà fait dans le passé, créer des alliances à l'Assemblée nationale
pour faire avancer des projets de loi. On l'a toujours fait, on va continuer à
le faire. On verra la...
M. Salvet (Jean-Marc) :
Jusqu'à l'hypothèse d'un gouvernement de coalition.
M. Nadeau-Dubois : Voilà. Bien,
on fera les alliances parlementaires lorsqu'on connaîtra la composition de
l'Assemblée nationale. C'est prématuré à ce stade-ci, mais, sur le fond, bien
sûr qu'on est ouverts. Ce serait absurde, pour un parti qui prône la
proportionnelle mixte, de ne pas envisager des alliances ponctuelles pour faire
avancer des projets de loi.
M. Laforest (Alain) :
Seriez-vous prêt à accueillir Martine Ouellet dans vos rangs?
M. Nadeau-Dubois : Je ne
m'attendais pas à cette question-là. Bien, écoutez, moi, j'espère que Martine
Ouellet et ses collègues du Bloc québécois vont réussir à refaire l'unité. Je
pense que le Bloc québécois a une voix importante à Ottawa pour les
indépendantistes, dont je suis, dont nous sommes, à Québec solidaire. Alors,
moi, c'est surtout ça que j'espère et je...
M. Laforest (Alain) : Mais,
si ça ne fonctionne pas, là, qu'elle devient... elle est éjectée, elle n'est
plus chef demain matin, est-ce que vous seriez prêt à lui ouvrir les bras à Québec
solidaire pour l'intégrer dans votre groupe?
M. Nadeau-Dubois : Martine
Ouellet est une députée indépendantiste, est une députée progressiste. Québec
solidaire est un parti progressiste et indépendantiste. Donc, si Mme Ouellet
désire se joindre à une nouvelle famille politique, qu'elle nous appelle, et on
en jasera avec elle.
M. Bélair-Cirino (Marco) : La
députation de Québec solidaire pourrait passer du simple au double en deux
semaines.
M. Nadeau-Dubois : Vous êtes
déjà rendu très loin, je trouve, dans la spéculation. Je préfère ne pas faire
de politique-fiction.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Une précision. Les délégués de Québec solidaire ont décidé de ne pas discuter
d'éventuelles alliances stratégiques avec le Parti québécois, avec le Parti
québécois du déficit zéro, de la charte des valeurs québécoises, mais pourrait
gouverner avec le Parti québécois.
M. Nadeau-Dubois : Nous, ce
qu'on a décidé, c'est de présenter 125 candidatures de Québec solidaire comme
on le fait depuis 10 ans maintenant. C'est ça, la décision qu'on a prise. Ce
n'est pas de ne pas travailler avec le Parti québécois dans aucun contexte et
sous aucune condition. C'est, pour les élections de 2018, de présenter 125
candidatures avec la parité hommes-femmes. Ça, c'est ça, notre décision.
Donc, ce n'est pas un rejet de tout
dialogue ou de toute collaboration avec le Parti québécois. Ça, c'est beaucoup
comme ça que ça a été interprété, mais le fond de notre décision, c'est d'aller
de l'avant avec notre programme, avec notre projet de société et de proposer à
tous les Québécois, Québécoises, dans tous les comtés, cette option-là
progressiste pour le Québec. C'est ça, notre décision. Et pas plus tard que
lundi dernier, mon collègue Amir Khadir faisait une sortie conjointe avec
Carole Poirier du Parti québécois sur la question des CPE, et je peux vous
promettre qu'il va en avoir d'autres, de ce travail conjoint là, non seulement
avec le Parti québécois, mais aussi avec d'autres partis. C'est toujours comme
ça qu'on a travaillé à Québec solidaire.
Donc, bien sûr qu'on va toujours être
ouverts à travailler avec les autres partis lorsque l'Assemblée nationale est
constituée. Durant les élections, on considère que c'est notre devoir de
présenter une option progressiste à tout le monde.
M. Croteau (Martin) : J'ai
une question sur un tout autre sujet. Qu'est-ce que vous pensez de l'idée
lancée par Mitch Garber de verser 1 000 $ à des diplômés afin
d'encourager la persévérance scolaire?
M. Nadeau-Dubois : Bien, moi,
je salue toujours les citoyens, citoyennes engagés qui ont à coeur l'éducation.
Et quand ils viennent du milieu des affaires, pourquoi pas? Moi, je trouve que
c'est des... Il faut saluer les gens qui considèrent, comme nous, à Québec
solidaire, que l'éducation, c'est important.
Est-ce que la solution est la bonne? J'en
doute. Ça me semble être un peu simpliste comme proposition, mais je salue sa
bonne volonté. Je pense que c'est intéressant de voir que les gens réalisent,
comme le font de plus en plus de gens au Québec, que l'éducation, là, on l'a
trop négligée dans les dernières années. Et je pense que la solution est
peut-être plus là, réinvestir dans le système, encadrer mieux les jeunes qui
sont en difficulté, plutôt que de leur promettre une récompense financière à la
fin des études.
M. Croteau (Martin) : Donc,
c'est plus... Y a-tu des mesures précises qui pourraient être adoptées à
l'école, à vos yeux, afin d'encourager la persévérance scolaire?
M. Nadeau-Dubois : Bien, il y
a une chose qu'il faut faire de manière urgente, c'est réembaucher des
spécialistes. Quand j'ai fait ma campagne dans Gouin, on m'en a parlé
énormément. Je rencontrais des parents qui avaient des enfants qui venaient de
recevoir un diagnostic de trouble d'apprentissage, de trouble de comportement
et qui devaient attendre deux ans pour avoir un diagnostic et donc avoir de
l'accompagnement.
C'est ces jeunes-là qui sont les futurs
décrocheurs, et, si on ne les aide pas dès le primaire dans leurs difficultés,
on aura beau leur promettre des compensations sept ans plus tard, le problème,
il faut le régler à la base en encadrant mieux, en accompagnant mieux les
jeunes, dans les écoles primaires, qui ont des difficultés, et, pour ça, ça
prend des professionnels. Ça prend des professionnels, et malheureusement, dans
les dernières années, il y a eu des coupures qui ont fait mal, hein? Seulement
dans la commission scolaire de Montréal, c'est 375 spécialistes qui ont été
coupés. Donc, ça, à un moment donné, ça a des impacts sur le terrain et ça
alimente le cercle vicieux du décrochage scolaire.
M. Bellerose (Patrick) : En
quoi la solution de M. Garber est simpliste?
M. Nadeau-Dubois : Parce que
je pense qu'elle ne règle pas le problème à sa source. Le problème à la source,
c'est nos jeunes en difficulté qui accumulent un retard dès leurs premières
années de fréquentation du système scolaire. Alors, même si on propose, après
le secondaire V, une espèce de récompense, le problème, c'est que les
problèmes... L'enjeu, c'est que les problèmes d'apprentissage, ils commencent
beaucoup plus tôt.
Donc, ça veut dire réinvestir dans nos CPE
et dans l'éducation primaire pour régler le problème à la source, parce que
sinon on hérite, au secondaire, de problèmes qui ont été créés beaucoup plus
tôt dans le parcours scolaire. Merci à vous.
Des voix
: Merci.
(Fin à 11 h 20)