(Treize heures quatre minutes)
M. Nadeau-Dubois : Donc, Québec
solidaire a pris connaissance du projet de loi du ministre de l'Éducation.
Évidemment, notre réaction de cet après-midi est une réaction préliminaire. On
a fait une première lecture générale et rapide, et il y aura éventuellement une
réaction plus détaillée puis un travail aussi qui sera fait en commission
parlementaire.
Tout d'abord, ce qui a trait à la question
des enfants sans papiers, on considère que le projet de loi constitue un pas
dans la bonne direction et, en ce sens-là, on salue le travail du ministre
Proulx. Il faut se souvenir quand même que Québec solidaire a fait de la
question de la scolarisation des enfants sans papiers un enjeu important depuis
longtemps déjà. Françoise David, ma prédécesseure, avait fait adopter à
l'unanimité une motion sur cette question-là l'année dernière, également mon
collègue de Mercier, Amir Khadir, qui avait proposé un projet de loi, le projet
de loi n° 793, qui portait justement sur cette question-là.
Donc, en ce sens-là, c'est un enjeu qu'on
porte depuis longtemps, puis on salue la volonté du ministre Proulx d'agir
enfin sur cette question-là parce que c'est peut-être là le principal bémol de
Québec solidaire, on trouve que le projet de loi arrive très tard, trop tard
pour permettre aux enfants qui n'ont pas accès actuellement aux écoles du
Québec d'y avoir accès dès septembre prochain. Pourtant, c'est non seulement le
pouvoir, mais la responsabilité du ministre de l'Éducation, d'assurer
l'accessibilité à l'éducation publique pour tous les enfants du Québec, y
compris ceux qui ont un statut précaire.
On avait déposé, nous, un projet de loi
dans les temps pour permettre de scolariser tout le monde au Québec dès
septembre prochain, et donc on croit que le ministre a le devoir d'appeler le
projet de loi de Québec solidaire, qui lui pourrait être adopté d'ici la fin
des travaux pour modifier la Loi sur l'instruction publique et pour régler le
problème, donc, dès septembre prochain, là, le problème spécifique de la
question des enfants sans papiers. Ça permettrait, le fait d'adopter le projet
de loi de Québec solidaire, au Québec de se mettre, disons, dans les normes et
de remplir ses obligations internationales, de cesser de contredire à la
Déclaration universelle des droits de l'homme, à la Convention relative aux
droits de l'enfant et au Pacte international relatif aux droits économiques,
sociaux et culturels. Et, si le ministre de l'Éducation refuse d'appeler notre projet
de loi d'ici la fin des travaux, bien, le plan b, selon nous, ça doit être
d'émettre des directives ministérielles rapidement pour envoyer un message
clair aux commissions scolaires qu'elles ont le devoir d'accepter tous les
enfants, y compris ceux à statut précaire, d'ici septembre prochain et de le
faire gratuitement, sans envoyer, donc, une facture à des familles qui, on le
sait, n'ont pas les moyens de l'assumer.
Ça, c'est, disons, de manière générale,
mais, dans le détail du projet de loi, il y a deux bémols qu'on aimerait
apporter. Premièrement, le projet de loi stipule que le titulaire de l'autorité
parentale de cette personne demeure de façon habituelle au Québec. Alors, deux
questions pour Québec solidaire, la première : Qu'est-ce qui va se passer
avec les familles qui viennent tout juste d'arriver au Québec? Qu'est-ce que
signifie le mot «habituelle»? Il y a des familles qui peuvent être là depuis
quelques mois, quelques semaines. Est-ce qu'on est en train de laisser ces
enfants-là de côté? Ça peut sembler un détail, mais, pour ces familles-là, ça
n'en est pas un. Donc, pour nous, il y a un devoir de clarification, là.
Qu'est-ce qu'on veut dire par «habituelle»? Qu'est-ce qui va arriver à un
enfant dont la famille vient tout juste d'arriver au Québec? Deuxièmement,
qu'est-ce qui arriverait à un enfant dont les parents vivent à l'extérieur du
Québec? Est-ce qu'il aura accès à l'école? Ces questions-là peuvent sembler
techniques, mais, pour les familles concernées, c'est des questions très, très
importantes.
Sur un autre aspect du projet de loi,
celui qui concerne les établissements illégaux, à Québec solidaire on est bien
sûr en faveur de cesser de subventionner les écoles religieuses. Or, le projet
de loi tourne autour de ce problème-là, mais ne l'adresse pas directement parce
qu'une grande partie des écoles religieuses au Québec sont des établissements
privés. Or, le grand absent de ce projet de loi là, c'est la question du
financement des écoles privées, dont plusieurs sont confessionnelles. Le
ministre a dit tout à l'heure qu'il croyait qu'il y avait d'excellentes écoles
religieuses au Québec. Je n'en doute pas une seule seconde, mais, pour Québec
solidaire, on considère que ce n'est pas le rôle de l'État de subventionner des
écoles qui ont une fonction confessionnelle. L'éducation au Québec doit être
laïque et doit être laïque pour tout le monde. Il n'y a pas de raison que
l'État subventionne des écoles confessionnelles. Et c'est 77 % des enfants
qui fréquentent l'école privée au secondaire au Québec qui sont dans des écoles
confessionnelles. Donc là, il y a un trou, là, je dirais, dans le projet de loi
du ministre. Même si, comme je le disais, sur le fond, on partage plusieurs des
orientations du projet de loi, voilà un autre aspect qui n'est, à notre avis,
pas assez développé.
On voit également, sur cette question-là,
que le ministère a décidé de se doter de pouvoirs supplémentaires pour lutter
contre les établissements illégaux. On salue aussi cet aspect-là du projet de
loi, mais il y aura un travail à faire dans le détail pour voir s'il y a
vraiment les bons pouvoirs, si ça va se faire de la bonne manière parce que
l'objectif, c'est que, le plus rapidement possible au Québec, tous les enfants,
quelles que soient la religion de leurs parents ou leurs origines, aient accès
à une éducation publique de qualité.
Alors, personnellement, en tant que
responsable des enjeux d'éducation à Québec solidaire, je compte me pencher
plus en détail sur le projet de loi puis travailler avec mes collègues des
autres partis pour en faire une étude détaillée et proposer des amendements
également, c'est certain, dans un esprit constructif parce que, voilà, il y a
plusieurs éléments intéressants dans le projet de loi, mais, dans le détail, il
y a des bémols à mettre puis il y a aussi des trous, on croit, là, dans
l'approche que propose le ministre.
M. Bellerose (Patrick) :
Vous dites qu'il ne faut pas financer des écoles religieuses. Est-ce qu'on
devrait juste carrément interdire toute école religieuse?
M. Nadeau-Dubois :
Qu'est-ce que vous voulez dire?
M. Bellerose (Patrick) :
Toute école qui est hors du cercle de l'État public.
M. Nadeau-Dubois : Bien,
malheureusement, c'est compliqué, pour l'État du Québec, d'interdire un type
d'école, une école privée, par exemple. Ce ne serait pas possible, légalement,
d'interdire les écoles privées ou les écoles confessionnelles, pour des raisons
qui ont trait à la liberté d'association, notamment. Mais la moindre des choses
qu'on peut faire, c'est de ne pas financer avec des fonds publics ces
écoles-là. Actuellement, il y a des Québécois, Québécoises de partout au
Québec, qui sont de toutes les confessions, qui financent des écoles qui
mettent de l'avant une seule confession. Ça, d'un point de vue des finances
publiques, d'un point de vue de la justice sociale puis d'un point de vue de la
neutralité religieuse de l'État, c'est problématique pour nous.
Donc, interdire, c'est probablement
difficile, mais il faut au moins arrêter de donner de l'argent public. Pour
nous, c'est la moindre des choses.
M. Bellerose (Patrick) :
Avez-vous l'impression que le ministre se donne tous les moyens pour s'attaquer
aux écoles religieuses? Il a semblé adopter une approche très graduelle, de
dire : On verra en temps et lieu.
M. Nadeau-Dubois : Bien,
je vais être bien honnête avec vous, ça, c'est le genre d'enjeu sur lequel on
va se pencher dans le cadre de l'étude détaillée. J'ai fait seulement une
première lecture du projet de loi, donc je ne m'avancerai pas là-dessus pour le
moment. Mais on va vouloir discuter de ça, oui, parce qu'on va vouloir que les
choses bougent assez rapidement pour que, le plus vite possible, tous les
enfants du Québec aient accès à une éducation de qualité.
Journaliste
: Pourquoi
est-ce que vous pensez que le ministre Proulx a déposé ce projet de loi à une
semaine de la fin de la session parlementaire?
M. Nadeau-Dubois : C'est
une bonne question parce que le problème, il n'est pas nouveau. Québec
solidaire a tiré la sonnette d'alarme sur cette question-là l'année dernière,
et c'est, pour nous, la grande question. Pourquoi le ministre a attendu si
longtemps? Pourquoi est-ce que ce projet de loi là est aussi tardif? Québec
solidaire avait fait le travail, avait mis de l'avant un projet de loi.
Pourquoi ne pas l'avoir appelé? Lui, il serait dans les temps, ce projet de loi
là, pour permettre aux enfants, dès septembre, d'entrer à l'école. Ça nous
permettrait au moins de régler cette question-là. Puis on pourra s'attarder,
après, aux questions relatives aux établissements illégaux.
Mais, à Québec solidaire, on a sonné
l'alarme, on a fait des représentations, Françoise David avait fait adopter une
motion. On a préparé un projet de loi. Si le ministre avait voulu régler le problème
au plus vite, il aurait appelé notre projet de loi. Et donc c'est à lui à
répondre à la question. Pourquoi avoir attendu aussi longtemps pour régler un
problème que tout le monde connaît au Québec?
M. Bellerose (Patrick) :
...électorale, ça va nous mener à la fin de l'automne, peut-être en juin. Donc,
c'est une sorte d'héritage politique. C'est un beau projet de loi à faire
adopter avant de se lancer en campagne électorale.
M. Nadeau-Dubois : Bien,
écoutez, le Parti libéral gouverne pour se faire réélire, et probablement que
ça fait partie de ses motivations. Mais nous, on pense que, là, le ministre
Proulx, là, le projet de loi qu'il propose, il semble avoir des bonnes
intentions. Pourquoi ne pas aller plus vite dans le sens de ces mêmes
intentions-là et appeler notre projet de loi, qui est prêt, qui est complet, qu'on
pourrait examiner et adopter rapidement?
Parce qu'il y a des enfants, dès ce
septembre, là, des enfants qui résident au Québec, qui sont des petits
Québécois, des petites Québécoises, qui ont le droit comme tous les autres
petits Québécois, petites Québécoises à avoir une éducation de qualité. Ce
n'est pas rien, ça. Dans un pays avancé comme le Québec au XXIe siècle, ça
devrait nous indigner qu'on laisse ces enfants-là sur le bord de la route. Le
problème, on le connaît depuis longtemps. Québec solidaire a agi. On pense
qu'on pourrait aller de l'avant avec le projet de loi, là, présenté par Amir
Khadir.
Mme Lévesque (Catherine) :
Sur un autre sujet, oui, bien, en fait, ce matin, bon, M. Lisée a répondu
à vos propos, là, tenus la veille sur une possible alliance après les
prochaines élections. Il a fermé la porte complètement. Est-ce qu'à votre avis
il jette le bébé avec l'eau du bain?
M. Nadeau-Dubois : Bien,
je comprends mal la fermeture de M. Lisée, considérant que le Parti
québécois, comme nous, est en faveur d'une réforme du mode de scrutin pour en
faire un mode de scrutin proportionnel mixte. Et la première conséquence d'un
tel mode de scrutin, c'est de faire de l'Assemblée nationale un lieu plus
diversifié, plus morcelé, où il y a plus de partis représentés, et donc de
rendre nécessaires des partenariats, des alliances parlementaires. Et donc, à
Québec solidaire, pour nous, c'est une simple question de cohérence. Si on est
pour un mode de scrutin proportionnel mixte, ça va de soi d'être ouvert à des
collaborations parlementaires pour faire avancer certains projets de loi,
certaines idées. Donc, moi, je comprends la déception de M. Lisée, mais là
il ne faut pas... il faut rester cohérent, quand même, avec notre vision de la
démocratie québécoise.
Pour nous, à Québec solidaire, c'est deux
débats très différents. Il y a le débat : Combien de candidatures
allons-nous présenter en 2018? La réponse qu'on a donnée il y a deux semaines,
c'est 125. Et il y a le débat : Une fois que le jugement démocratique est
tombé, comment est-ce qu'on peut travailler au sein de l'Assemblée nationale?
Mais, si on est sérieux dans notre volonté de rendre l'Assemblée nationale plus
représentative de la pluralité des voix politiques au Québec, il faut accepter
après ça de travailler ensemble. Pour nous, c'est vraiment une question de
cohérence.
Mme Lévesque (Catherine) :
Donc, M. Lisée n'est pas cohérent, actuellement?
M. Nadeau-Dubois : Moi,
je pense que M. Lisée... Moi, je comprends sa déception. Vraiment, il
avait investi beaucoup d'espoir dans la stratégie de la convergence. Le débat,
à Québec solidaire, on l'a fait. On l'a fait pendant plusieurs mois, on l'a
fait pendant plusieurs heures à notre congrès, et la décision, elle a été
prise. Nous, on invite tout le monde, dans tous les partis, à tourner la page
sur ce débat-là, à regarder vers 2018 et à rester cohérent avec notre volonté
d'avoir une Assemblée nationale plus diversifiée. Et la cohérence, ça veut dire
reconnaître que, dans un contexte où il y aurait une réforme du mode de
scrutin, il faudrait tisser des alliances entre partis pour faire avancer
différents projets. C'est vraiment une question de cohérence.
M. Bellerose (Patrick) :
Vous avez vraiment l'impression que vos délégués voudraient gouverner en
alliance avec le Parti québécois, qui porte, et je cite, les deux bêtes du
néolibéralisme et du racisme?
M. Nadeau-Dubois : Bien,
pour ce qui est de comment les alliances se feraient, avec qui, à quelles
conditions, à l'intérieur ou pas d'un gouvernement, avec des ministres ou non,
toutes ces questions-là sont largement prématurée à ce stade-ci. On ne sait
même pas de quoi va avoir l'air l'Assemblée nationale en 2018. Donc, ça, c'est
des questions auxquelles on va répondre plus tard.
Pour ce qui est des membres de Québec
solidaire, bien sûr, c'est une réflexion qu'il va falloir avoir de notre côté
sur comment allons-nous consulter nos membres dans ce processus-là. Et, parce
que ce serait inédit au Québec si une situation, là, comme celle-là se
produisait... Et, de notre côté, il faudrait faire le travail, faire des
consultations et s'adapter. Une réforme du mode de scrutin, ça ne change pas
juste la manière dont les électeurs votent. Ça change toute la culture
politique, ça change les rapports mêmes entre les partis à l'Assemblée
nationale.
Donc, forcément, pour chaque parti, ça
signifie des remises en question, ça signifie une révision de son
fonctionnement. Et, pour Québec solidaire, il faudrait se poser la question :
Comment allons-nous consulter nos membres? À ce stade-ci, je n'ai pas la
réponse à ça. Mais on est bien conscients que ça impliquerait de s'adapter. Et
c'est pour ça qu'on reste ouverts, c'est pour ça qu'on ne ferme pas la porte,
parce qu'on pense qu'une réforme du mode de scrutin, ce serait une avancée
démocratique exceptionnelle et qu'il faudrait s'adapter, dans nos partis et à
l'Assemblée, à cette avancée-là.
M. Bellerose (Patrick) :
Donc, vous reconnaissez tout ce qu'on a vu il y a deux semaines au congrès, que
ce n'est pas garanti que vos délégués seraient ouverts à une alliance à un
gouvernement de coalition.
M. Nadeau-Dubois : Bien
sûr que non, ce n'est pas garanti. Ça s'appelle la démocratie. Mais est-ce
qu'on en discuterait, est-ce qu'il faudrait voir à quelles conditions? Bien sûr
que oui. Si on est pour un mode de scrutin proportionnel mixte, il faut être
ouverts à des partenariats et des alliances parlementaires. C'est une question
de cohérence. Et les gens à Québec solidaire, on peut leur reprocher bien des
choses, mais pas d'être cohérents.
M. Bellerose (Patrick) :
Pourquoi votre coordination nationale a refusé de dissocier des propos entendus
au congrès?
M. Nadeau-Dubois : Québec
solidaire s'exprime publiquement par la bouche de ses porte-parole élus. Ces
gens-là s'appellent Manon Massé et Gabriel Nadeau-Dubois. Et nous avons répondu
au nom de Québec solidaire à la demande du Parti québécois. Nous l'avons fait
très rapidement. Notre conseil de coordination a voulu, juste par cordialité,
par politesse, envoyer une réponse écrite, réponse qui stipulait clairement que
Québec solidaire avait déjà répondu à l'invitation, à la demande du Parti
québécois. Cette réponse-là, vous la connaissez. Manon et moi l'avons dit
clairement, on considère que ce n'est pas constructif de se réclamer
mutuellement des excuses dès que des militants ou des militantes d'un parti politique
lancent des attaques envers l'autre parti. Si moi, je demandais à Jean-François
Lisée, ou à François Legault, ou à Philippe Couillard de s'excuser à chaque
fois que des militants, militantes de leurs partis m'invectivent, j'en verrais
35, lettres d'excuses par jour.
Donc, nous, on trouve ça pas très sérieux,
là, cette espèce de petite guéguerre pour se demander des excuses. Nous, on a
envie de se concentrer sur le parti au pouvoir, qui s'appelle le Parti libéral
du Québec, qui a fait mal à notre démocratie avec les scandales de corruption,
qui a fait mal à notre système d'éducation. Puis nous, on a envie de parler
d'un projet de société, pas de s'enfoncer dans des demandes réciproques
d'excuses. Pour nous, on considère... ce n'est pas constructif, ce genre
d'attitude là.
(Fin à 13 h 19)