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Point de presse de Mme Véronique Hivon, porte-parole de l’opposition officielle en matière de soins de fin de vie

Version finale

Le mercredi 14 juin 2017, 13 h 10

Salle Bernard-Lalonde (1.131), hôtel du Parlement

(Treize heures onze minutes)

Mme Hivon : Bonjour. Alors, on a vu ce matin, formellement, lors d'une conférence de presse, deux personnes qui sont aux prises avec une situation de paralysie très avancée qui ont recours aux tribunaux, avec l'aide de l'avocat Jean-Pierre Ménard, pour contester la loi, donc, sur l'aide médicale à mourir, essentiellement la loi fédérale, avec des incidences aussi sur la loi québécoise.

Je veux dire que je trouve cette situation-là profondément triste et déplorable. C'est profondément triste et déplorable que des gens qui sont dans des situations médicales excessivement pénibles doivent aller se battre devant les tribunaux pour faire reconnaître des droits qu'un jugement de la Cour suprême a pourtant expressément prévus lorsqu'il a été rendu il y a maintenant deux ans. C'est très grave parce que ça met en lumière, en fait, l'inaction des gouvernements par rapport à cet enjeu-là de la non-conformité entre la loi et ce qui était prévu dans le jugement de la Cour suprême.

Vous savez, ça aurait été très simple pour le gouvernement fédéral, avant d'écrire sa loi ou avec son ébauche de loi, d'aller la tester et de s'assurer qu'elle était conforme à ce que le jugement de la Cour suprême avait prévu. Or, non seulement il n'a pas fait ça, mais il s'est éloigné considérablement de ce que le jugement Carter de la Cour suprême prévoyait avec la question du critère de mort raisonnablement prévisible, qui à ce jour fait toujours couler beaucoup d'encre parce que personne ne sait exactement comment ça peut être interprété. Et on a vu ce matin que des gens estiment être lésés parce que ce critère-là est beaucoup plus restrictif que ce qui était prévu expressément dans le jugement de la Cour suprême.

Donc, on peut déplorer cette absence, donc, de leadership du gouvernement fédéral, mais on peut aussi déplorer l'absence de leadership du gouvernement actuel du Québec, qui a été formellement interpellé par six ordres professionnels, il y a plusieurs mois déjà, précisément pour faire clarifier la conformité entre la loi fédérale et le jugement de la Cour suprême. Alors, il n'y a toujours eu aucun geste de posé à cet égard-là. Et malheureusement le leadership que le Québec a toujours eu dans ce dossier-là s'est vu effrité avec le gouvernement actuel, qui a refusé cette demande insistante d'ordres professionnels. Mais bien sûr il y avait aussi des citoyens qui souhaitaient ça.

Alors, aujourd'hui, de voir que le ministre Barrette nous dit qu'il se réjouit, en quelque sorte, de cette contestation-là, qu'elle était en quelque sorte inévitable et qu'elle allait venir clarifier les choses, je me dis : C'est quand même incroyable que lui, qui, comme ministre de la Santé, membre du gouvernement, a été directement interpellé il y a de cela plusieurs mois par des ordres professionnels, n'ait pas assumé ce leadership-là et là se réjouisse que ce soient des gens très malades qui soient pris à faire cette démarche-là, avec les coûts que ça représente, avec le stress que ça représente, particulièrement dans la situation où ils se trouvent en ce moment.

Alors, je dois vous dire que ce matin j'ai été vraiment très étonnée, voire choquée de la déclaration du ministre Barrette, qui disait que, jusqu'à une certaine mesure, il se réjouissait de ce recours-là. Pourquoi ne l'a-t-il pas fait, lui, depuis des mois? Quand la loi fédérale est tombée et qu'elle n'était pas conforme au jugement de la Cour suprême, alors qu'il nous disait que c'était un critère qui était difficile à appliquer, pourquoi il n'a pas mis de l'avant ce leadership-là que le Québec a toujours démontré?

Ça m'amène à vous dire que j'espère que le gouvernement du Québec va ramener le leadership. Et, vous savez, il serait dans son pouvoir d'agir au lieu de laisser cette cause-là aller de l'avant à travers toutes les instances des tribunaux, parce qu'on s'imagine que ça risque d'aller jusqu'à la Cour suprême. Le gouvernement pourrait toujours dire qu'il fait un renvoi, donc, et qu'il veut cette précision-là. Le gouvernement fédéral pourrait le faire, bien évidemment, mais on a vu à quel point ils n'ont jamais fait preuve de la moindre initiative. Ils ont attendu d'être devant les faits accomplis avec un jugement de la Cour suprême pour bouger. Et, encore là, ils ont bougé très lentement. Il a même fallu une prolongation. Donc, cette possibilité-là, elle est toujours là.

Et l'autre chose que je veux ramener, c'est bien sûr toute la question de l'aide médicale à mourir pour les personnes qui sont atteintes de démence, qui sont atteintes, par exemple, de la maladie d'Alzheimer, et toute la question de pouvoir le demander à l'avance par des directives médicales anticipées. Là, on a un exemple devant nous, et qu'on n'attendra pas qu'à nouveau des gens saisissent les tribunaux. Et j'espère que le gouvernement, et j'espère que le ministre Barrette va vraiment poser les gestes qu'il faut, parce que, malheureusement, à ce jour, nos demandes n'ont pas été entendues par le gouvernement. Il a annoncé, en février, qu'il allait faire un renvoi; ce renvoi-là n'est toujours pas déposé. Il a annoncé qu'il allait mettre sur pied un comité d'experts; on n'en a jamais réentendu parler. Il a annoncé que la Commission sur les soins de fin de vie ferait un recensement des demandes qui avaient été refusées; on n'en a toujours aucune idée. J'entends même que la commission n'a pas été formellement saisie de ça. Donc, est-ce qu'il a posé ce geste-là juste pour essayer de calmer un peu les demandes de l'opposition? Ce serait excessivement cynique.

Donc, on lui demande formellement aujourd'hui de prendre ses responsabilités et de faire en sorte que le Québec continue d'assumer le leadership et que ce qu'il a énoncé, qui était très timide, au moins qu'il le mette en place et qu'il franchisse le pas supplémentaire qu'on lui a demandé, c'est-à-dire aussi d'entendre la population sur cette question-là, parce que ce n'est pas vrai que c'est une question qui ne touche que les experts, c'est une question qui touche les gens. Donc, on lui réitère à nouveau cette demande de pouvoir avoir une commission où on pourra entendre les gens sur la question de l'aide médicale à mourir demandée de manière anticipée.

M. Chouinard (Tommy) : Pour fins de compréhension, d'abord, je crois comprendre que la loi québécoise est elle-même contestée également. Est-ce que, si je ne me trompe pas, ces gens-là n'auraient pas davantage eu la possibilité d'avoir l'aide médicale à mourir si jamais il n'y avait pas eu la précision du fédéral, là? Je crois comprendre que leurs demandes auraient été refusées de toute façon, d'où votre demande de l'élargir à des gens qui sont atteints de maladies. C'est bien ça?

Mme Hivon : Oui. La cohabitation, c'est assez complexe. C'est-à-dire que le Québec a agi dans le cadre de sa compétence. Vous vous rappelez qu'il l'a fait avant le jugement de la Cour suprême et bien sûr avant la loi fédérale. Donc, on est allés, je vous dirais, au maximum qu'on pouvait dans notre champ de compétence. Le jugement Carter interpellait d'abord le fédéral, incidemment les provinces. Je fais juste vous expliquer ça, là, parce que ce n'est pas si simple.

M. Chouinard (Tommy) : Oui, mais... Bien, c'est parce que... Mais c'est important aussi, là.

Mme Hivon : Oui, c'est ça. Donc, ce qui est arrivé, c'est que, là, le fédéral ne s'est pas conformé parfaitement à Carter. Il a mis de l'avant un critère qui est la «mort raisonnablement prévisible», qui est distinct de notre critère «fin de vie». Pourquoi notre critère, c'est la fin de vie, là? C'est important de le rappeler, notre loi, ce n'est pas une loi sur l'aide médicale à mourir, c'est une loi sur les soins de fin de vie, c'est une loi pour accompagner la personne en fin de vie avec les soins palliatifs, la sédation et jusqu'à l'aide médicale à mourir si c'est nécessaire pour endiguer ses souffrances. Donc, dans notre loi, il y avait une question de compétence, mais on ne pouvait pas non plus répondre à la demande ou, je vous dirais, à ce que la Cour suprême est venue dire. Notre loi, elle est sur les soins de fin de vie.

Donc, c'est le fédéral, pour une question de compétence puis pour une question, je vous dirais, d'ampleur de ce qui était prévu dans le jugement de la Cour suprême... Parce que le jugement de la Cour suprême, il ne met aucune limite de temps, et ça peut être une personne handicapée qui ne serait pas malade, comme tel. Donc, la loi fédérale est arrivée, ne respecte pas le jugement de la Cour suprême, vient mettre le critère de la mort raisonnablement prévisible, énormément de flou autour de ça, mais énormément de déception, parce que les gens se disent : Est-ce qu'il va falloir recontester pour avoir une loi fédérale qui répond au jugement de la Cour suprême?

Le Québec, et c'est ce que Me Ménard lui-même dit, il est comme pris en souricière là-dedans parce que notre loi, elle est sur les soins de fin de vie, on est limités par notre compétence — je pense qu'on l'a bien exploitée, elle a été confirmée — mais, tant que le fédéral met juste le critère de la mort raisonnablement prévisible, on ne peut pas aller plus loin que ça. Donc, on est pris là-dedans.

M. Chouinard (Tommy) : Et donc votre demande de renvoi, ça, c'est un renvoi à la cour...

Mme Hivon : D'appel, quand il y a un renvoi à la Cour d'appel.

M. Chouinard (Tommy) : À la Cour d'appel, c'est ça, fédérale, mais un renvoi à la Cour d'appel pour...

Mme Hivon : D'appel du Québec.

M. Chouinard (Tommy) : ...pour lui demander — Cour d'appel du Québec? O.K. — pour lui demander, donc, de statuer...

Mme Hivon : Sur la conformité entre la loi fédérale — le Québec peut faire ça — et le jugement. Puis, incidemment, ça peut avoir des effets aussi sur, au Québec, comment on peut se gouverner dans tout ça. Et c'est une demande qui a été faite, donc, par six ordres professionnels au ministre Barrette formellement, puis c'est pour ça que je trouve ça choquant aujourd'hui que le ministre Barrette dise : Bien, je me réjouis, c'était écrit dans le ciel que ça allait arriver, cette contestation-là. Pourquoi faire porter le poids à deux personnes qui sont malades, qui se battent pour elles-mêmes, mais aussi pour la société — parce que c'est une question, vraiment, d'intérêt public — et donc de laisser ce poids-là à ces personnes-là alors qu'elles vont commencer en Cour supérieure, risque d'appel, et tout ça, alors que le Québec pourrait le faire en allant directement à la Cour d'appel aussi?

M. Chouinard (Tommy) : Donc, un délai plus court.

Mme Hivon : Délai plus court, priorisation, et puis éviter les frais à ces personnes-là, le stress. Je veux dire, moi, je trouve que c'est tout à leur honneur que ces personnes-là soient allées de l'avant avec ce combat-là, mais il me semble qu'on a tellement franchi des grands pas ensemble au Québec. Collectivement, on a été un vrai leader, on a inspiré la Cour suprême, on a inspiré le fédéral, on inspire d'autres juridictions. Comment ça se fait que, là, on laisse ça entre les mains de deux citoyens alors que le gouvernement fédéral aurait pu et aurait dû... d'abord, il aurait dû se conformer au jugement ou minimalement demander si sa loi était conforme, mais à défaut, on voit qu'il y a zéro leadership fédéral sur la question. Ils sont allés de manière très restrictive. Le gouvernement du Québec avait ce loisir-là. Donc, je trouve que ça aurait été la chose à faire.

M. Bovet (Sébastien) : Mais, en mars, M. Barrette n'a pas demandé, justement, à Stéphanie Vallée de faire des demandes devant nos tribunaux pour clarifier la situation?

Mme Hivon : La seule chose qu'il a demandée, ce n'est toujours pas déposé — donc, ça, je pense qu'il y a une source d'inquiétude aussi — c'était de venir clarifier le concept de mort raisonnablement prévisible. Donc, c'est beaucoup plus restreint que ce que les gens demandent aujourd'hui. Aujourd'hui, ce que les gens demandent, c'est... en fait, ils dénoncent l'incompatibilité de la loi fédérale avec ce qui était prévu dans le jugement de la Cour suprême, qui ne prévoyait aucun critère de mort raisonnablement prévisible, de fin de vie. Donc, ça pouvait être une personne lourdement handicapée, mais qui n'était pas en fin de vie qui obtienne l'aide médicale à mourir. Le fait...

M. Bovet (Sébastien) : Dans le communiqué, il parle de «clarifier les zones grises des dispositions du Code criminel, qui causent des incertitudes au sein des ordres professionnels, notamment en ce qui concerne la définition du concept de mort raisonnablement prévisible — comme vous dites — et ce, afin d'assurer la protection du public.»

Mme Hivon : Exact.

M. Bovet (Sébastien) : Mais donc ça ne va pas au-delà de la mort raisonnablement prévisible.

Mme Hivon : Moi, je n'ai pas vu qu'il parlait de conformité de la loi fédérale avec le jugement de la Cour suprême. Et, quand il l'a exposé publiquement, il a dit que c'était pour comprendre la «mort raisonnablement prévisible» parce qu'évidemment ça a un impact ici. Puis Me Ménard l'explique bien que le Québec ne peut pas aller plus loin que ce que la loi fédérale prévoit. En fait, si on veut s'assurer de la certitude juridique, c'est surtout que notre loi, là, il ne faut pas l'oublier, des fois les... on ne pourrait pas, nous, inclure les personnes handicapées. C'est une loi sur les soins de fin de vie, dans notre champ de compétence à nous. Donc, il ne faut pas perdre de vue ça. Moi, ce que j'ai dit, depuis la loi fédérale où les gens nous demandaient : Allez-vous modifier votre loi?, c'est comme si... il y a le jugement de la Cour suprême, beaucoup plus large, après il y a eu la loi fédérale, beaucoup plus restrictive, puis il y a la loi québécoise. La loi québécoise, on parle de fin de vie, la loi fédérale parle de mort raisonnablement prévisible, puis le jugement de la Cour suprême, lui, il n'a pas de critère d'expectative de vie, si vous voulez. Donc, vous pourriez être une personne lourdement handicapée puis y avoir accès.

Donc, c'est ça, un peu, qu'il faut démêler. Mais, moi, ce que je disais, c'est que le Québec, on aurait pu, par une loi d'application à la suite de la loi fédérale, s'assurer au moins qu'il y avait une conformité, je vous dirais, avec la réalité fédérale. Mais la Cour suprême, ça, on ne peut pas le faire.

Mme Lamontagne (Kathryne) : Ça aurait pu être évitable, donc, pour ces gens-là.

Mme Hivon : C'est clair. Je veux dire... puis je pense que Me Ménard l'a fait ressortir. Ça fait des mois que ça a été demandé au gouvernement du Québec, au ministre Barrette et à la ministre Vallée, de prendre leurs responsabilités, en quelque sorte. Il y a cette espèce d'incohérence là entre la loi fédérale et le jugement de la Cour suprême, et c'est sûr que ça a des impacts aussi pour les Québécois. Ça a des impacts, pour les gens à travers le Canada, mais ça a des impacts pour les Québécois.

Donc, pourquoi le ministre Barrette, qui aujourd'hui nous dit qu'il se réjouit, en quelque sorte, que cette démarche-là soit entreprise puis qu'elle amène des clarifications, lui, quand il avait le pouvoir de le faire... Il a des juristes, des juristes à son emploi, on a l'expertise au Québec, ça fait des années qu'on travaille là-dessus, pourquoi il n'a pas entrepris ce renvoi-là plutôt que de laisser des citoyens le faire?

Et puis, pour répondre à votre question, s'il se réjouit aujourd'hui de ça, c'est bien clair que ce n'était pas son intention d'aller faire ça avec le renvoi dont vous me parlez, c'était beaucoup plus restreint, c'était vraiment juste sur la question de la mort raisonnablement prévisible, pour voir si c'était plus large, égal, différent de notre notion, au Québec, de soins de fin de vie.

M. Chouinard (Tommy) : Une précision, là, quand vous dites que le jugement Carter... puis là il faudrait que je me replonge dedans, mais il n'y avait pas de balises dans le temps, comme telles, c'est parce qu'il ouvrait au suicide assisté, là, c'était ça, l'idée, là, donc.

Mme Hivon : Tout à fait. Ils ouvraient... suicide assisté, et donc il fallait une maladie grave incurable, tous les autres critères, la souffrance...

M. Chouinard (Tommy) : Les autres critères, mais pas la notion de temps.

Mme Hivon : Mais pas la notion de temps. Et c'est ce qui fait qu'il y a une très grande différence entre la loi fédérale, qui vient mettre ce concept flou — qui est sujet à beaucoup, beaucoup d'interprétations — de mort raisonnablement prévisible avec le jugement fédéral, et c'est pour ça, avec... c'est ça... et c'est pour ça qu'aujourd'hui les deux citoyens, M. Truchon, Mme Gladu, disent qu'en fait leurs droits sont comme niés, parce que la Cour suprême est venue prévoir plus large, et eux, ils tombent dans la situation où ils ne peuvent pas se prévaloir de la loi, et c'est pour ça qu'ils veulent contester.

Puis le comble, dans tout ça, c'est que... vous vous rappelez — je sais que c'est technique, mais c'est un dossier, quand même, qui est vraiment important — ils avaient donné 11 mois, la Cour suprême, au gouvernement fédéral, pour qu'ils changent le Code criminel. Ils n'ont pas bougé. Finalement, ils ont demandé une extension de six mois, ils ont eu quatre. Bien, pendant le quatre mois, les gens avaient le droit de bénéficier de l'aide médicale à mourir en vertu du jugement de la Cour suprême. Donc, il y a des gens, comme dans la situation de Mme Gladu ou de M. Truchon, s'ils faisaient une requête au tribunal, ils pouvaient obtenir... parce que la Cour suprême, quand elle a rendu son jugement pour dire : On va vous accorder quatre mois de plus, elle a dit : Mais ce n'est pas vrai qu'on va brimer des droits, pendant ce temps-là, de citoyens qui auraient droit à l'aide médicale à mourir en vertu de notre jugement de 2015. Donc, pendant ce quatre mois-là, il y a des gens — il fallait faire une requête au tribunal — qui ont obtenu l'aide médicale à mourir, des gens dans la situation de Mme Gladu ou M. Truchon. Vous vous imaginez?

Mme Blais (Annabelle) : Savez-vous à peu près combien?

Mme Hivon : Non, je ne le sais pas. Je ne le sais pas. Il n'y en a pas eu des tonnes, mais Me Ménard pourrait sans doute le dire. Puis donc il y a eu cette période-là, et puis là la loi fédérale est tombée, puis on est revenus beaucoup plus restrictifs parce qu'on ne suivait plus le jugement de la Cour suprême. Donc, c'est évident... Là, il y a une contestation en Colombie-Britannique, il y a une contestation au Québec parce qu'il y a des gens qui s'estiment lésés du fait que la loi fédérale ne reflète pas ce que la Cour suprême devait dire, puis nous, par la bande, bien, évidemment, on est affectés par ça.

M. Bovet (Sébastien) : Le gouvernement du Québec ne peut pas élargir le concept d'aide médicale à mourir parce que ce n'est pas dans son champ de juridiction pour donner l'aide médicale à mourir à quelqu'un qui n'est pas en fin de vie, c'est ça?

Mme Hivon : C'est ça. En fait, il y a deux obstacles. Le premier, il est constitutionnel, en lien au partage des compétences. Est-ce que, par exemple, pour des personnes handicapées, ce qui était prévu dans le jugement Carter, on pourrait le faire? Il y a un risque parce qu'on n'est pas face à des gens malades, on est plus dans une question de suicide assisté. Donc, c'est très complexe. Bien, c'est complexe, hein, il y a matière... mais nous, on a vraiment voulu ne jamais échapper notre loi. Donc, on est allés avec les balises de la compétence du Québec. Déjà, il y en a, vous savez, qui l'ont contestée, mais la validité a été réaffirmée. Donc, la question des personnes handicapées va beaucoup plus large, ça fait référence au concept de suicide assisté, donc on s'éloigne.

L'autre question, par ailleurs, c'est quand le fédéral est venu mettre son critère de mort raisonnablement prévisible, que certains voient un peu plus large que la fin de vie, moi, ce que j'avais dit, c'est que, là, c'est d'autres choses. On n'est pas dans le jugement de la Cour suprême, mais il y a quand même une différence entre mort raisonnablement prévisible et fin de vie. Est-ce qu'au Québec on aurait pu s'assurer que, si jamais il y a une interprétation plus large qui est donnée à ça, qu'on s'assure que les Québécois aient la même interprétation, vous me suivez? Donc, on aurait pu, par exemple, faire une loi d'application de la loi fédérale où, comme dans toutes les autres provinces où il n'y a pas de loi, il faut être conscients de ça, ils ont fonctionné avec des directives, un guide de pratiques, des normes du Collège des médecins. Donc, c'est l'ordre professionnel qui est venu édicter les règles et c'est comme ça qu'ils fonctionnent pour appliquer les changements au Code criminel. Donc, on aurait pu aussi faire ça. Et le Collège des médecins n'a toujours pas émis, si vous voulez, ces ajustements-là en lien avec la loi fédérale, mais ça, ce n'est plus incident, là, parce qu'aujourd'hui le gros débat, c'est de se dire : La loi fédérale doit être au même niveau que le jugement de la Cour suprême, elle doit le respecter, et ça a des incidences pour les gens. Donc, la contestation part vraiment de ça. C'est bon?

Puis je vous répète qu'il y a tout un autre enjeu qui est la question, là, pour les personnes atteintes d'Alzheimer et la question de pouvoir venir le prévoir de manière anticipée. Là, je pense que le gouvernement du Québec ne doit pas attendre une autre situation comme celle-là, et donc on doit être en mode solution puis avancer.

Et c'est pour ça qu'on lui réitère aujourd'hui notre appel qu'au-delà d'un comité d'experts qui ne permette pas d'aller entendre les gens qui... Parce que ça, ce n'est pas prévu dans le jugement de la Cour suprême. Il n'y a rien sur cette situation-là, d'une demande anticipée. Mais c'est sûr que ce débat-là, il est là, on l'a vu, là, depuis quelques mois avec les tristes incidents qui sont arrivés.

Donc, il faut encore une fois faire preuve de leadership et se donner tous les moyens pour y arriver plutôt que de forcer des gens, comme ce qui arrive aujourd'hui, à saisir les tribunaux. Donc, il vaut mieux être en avant de la parade que d'attendre trop, trop tard. Puis c'est pour ça qu'on pense que les gestes qui ont été annoncés qui, visiblement, n'ont toujours pas eu de répercussions — on n'en a plus du tout entendu parler depuis fin février — c'est un pas, ce n'est pas suffisant. Puis il faudrait aussi entendre la population là-dessus parce que, là-dessus aussi, il faut trouver le consensus social, et je pense que le Québec est très bien placé pour être un précurseur à nouveau là-dedans. Merci beaucoup de votre intérêt.

(Fin à 13 h 31)

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