(Huit heures quarante et une minutes)
Mme Ouellet : Bien, merci. Ça
me fait vraiment plaisir de venir vous rencontrer en cette fin de session,
première session transparlementaire, et, on le voit, la pertinence d'agir aux
deux paliers de gouvernement, tant le palier provincial que le palier fédéral,
est indéniable. En fait, le transparlementarisme, c'est ce qui se rapproche le
plus de l'indépendance, de travailler sur les deux paliers de gouvernement en
attendant que ces deux paliers-là deviennent un seul palier avec l'indépendance
du Québec.
C'est également la façon la plus logique de
travailler parce qu'on envoie 50 milliards à Ottawa année après année. Il
faut qu'on s'occupe de nos affaires. Le fait de travailler sur l'ensemble des
dossiers, peu importe le niveau de compétence, permet de mieux agir tant en
matière d'environnement, en matière d'économie qu'en matière de culture. Le
travail en silo est inefficace, voire même nuisible, et c'est sûr qu'on
constate vite les limites du Québec avec son statut de province qui fait en
sorte que ça positionne le Québec en position de quémandage constant par
rapport à Ottawa.
C'est surréel. Dans un grand nombre de
dossiers, le Québec doit quêter son argent, son 50 milliards que ses
propres citoyens ont envoyé à Ottawa. Et même lorsque ce sont deux partis
libéraux, tant au niveau provincial qu'au niveau fédéral, le Québec doit
quémander sa juste part et se fait, le plus souvent qu'autrement, dire non.
On n'a rien qu'à penser à la Banque
d'infrastructure avec des gros impacts parce qu'on sait, c'est des impacts de
milliards de dollars en termes de retombées au niveau de la localisation de la
Banque d'infrastructure. Les transferts en santé, le négociateur le plus
féroce, agressif que je connaisse est revenu bredouille d'Ottawa. Le CRTC, la
demande du report de la loi de la légalisation de la marijuana.
Et qui l'eut cru, qui l'eut cru, le plus
fédéraliste des premiers ministres libéraux du Québec a relancé le débat
constitutionnel, a relancé avec un timing qui, je dois vous dire, nous fait
penser un peu à des tactiques de diversion pour nous faire oublier ses amitiés
fumeuses avec Marc-Yvan Côté, aussi une tactique, je vous dirais, électoraliste
qui vise à déshabiller la CAQ de son programme nationaliste. Mais on le voit,
le gouvernement canadien avec Justin Trudeau a dit non, un non net, fret,
sec avant même que d'avoir lu le document, avant même que le document soit
déposé. Et je crois que Philippe Couillard a mis le Québec en position de
faiblesse en se mettant les deux genoux à terre avant même de commencer et là,
bien, il est pris à quémander à l'ensemble des provinces canadiennes pour
pouvoir aller parler de constitution. Je pense que c'est assez clair, la seule
façon de régler les crises constitutionnelles, c'est l'indépendance du Québec.
Tant qu'elle ne sera pas faite, elle sera à faire.
Dans l'ALENA, renégociation de l'ALENA
avec l'arrivée de Donald Trump aux États-Unis, on constate très bien
encore là que le fait de ne pas être un pays nous désavantage. Mais, même
malgré ça, Philippe Couillard ne se tient même pas debout pour faire des
demandes. Et j'ai eu l'occasion de faire adopter à l'unanimité une motion à
l'Assemblée nationale pour protéger nos agriculteurs et la gestion de l'offre,
pour que la gestion de l'offre soit non négociable dans les renégociations de l'ALENA.
Malheureusement, on n'a pas eu d'écho du côté d'Ottawa.
Du côté d'Énergie Est, une étude
alarmante que j'ai eu l'occasion de déposer au gouvernement, une étude qui
reprend un petit peu une transposition de ce qui s'est fait à... l'accident
qu'il y a eu à la rivière Saskatchewan Nord et avec un bris de pipeline, et
c'est 500 kilomètres de la rivière qui ont été contaminés. Si ça arrivait au Québec,
c'est l'équivalent d'un Montréal-Rimouski. Énergie Est est dangereux pour l'eau
potable, c'est 4 millions de Québécois, s'il y avait un accident
semblable, qui seraient privés d'eau potable dans la région métropolitaine.
Chalk River, lors des crédits, donc, j'ai
eu l'occasion de faire ressortir ce dossier-là, un dépotoir de déchets
nucléaires à moins d'un kilomètre de la rivière des Outaouais. Avec les changements
climatiques et les inondations qu'on a connus et qu'on risque de connaître
encore dans les futures années, vous le savez, la rivière des Outaouais sort de
son lit, c'est un risque de contamination immense de l'eau de la rivière des
Outaouais. Donc, c'est l'eau potable, parce que la rivière des Outaouais se
jette aussi dans la rivière des Mille Îles et donc dans le fleuve Saint-Laurent,
un risque immense qu'on ne doit pas prendre. Et tout ce qu'a réussi à répondre David
Heurtel, c'est de dire : Bien, je prépare un plan d'urgence en cas de
catastrophe nucléaire. Je crois que c'est totalement irresponsable de sa part
que de ne pas travailler pour faire en sorte que ce site-là ne soit pas
localisé à Chalk River.
Du côté de la légalisation de la
marijuana, qu'on soit d'accord ou non avec la légalisation, le gouvernement
canadien va légaliser, et c'est la création d'un marché, d'un nouveau marché complètement
nouveau, évalué entre 1,3 et 10 milliards de dollars. C'est énorme. Qu'on
regarde juste le marché de l'alcool au Québec, c'est un marché de 6 milliards
de dollars. Et ce marché-là, si le Québec revendiquait de s'occuper de la
production et des permis de production, on pense... c'est des revenus
additionnels qui pourraient revenir à l'État québécois.
Alors que Philippe Couillard coupe à
droite, coupe à gauche, coupe dans l'éducation, coupe dans la santé, il se
ferme les yeux devant un nouveau marché qui est celui de la production. Et ce
qu'on se rend compte, c'est que le gouvernement de Justin Trudeau semble
privilégier les producteurs existants, donc de marijuana thérapeutique, les
producteurs existants qui sont majoritairement en Ontario et de façon, vous me
direz, peut-être pas très surprenante, libéraux. Pire, Philippe Couillard
refuse que la distribution revienne à la Société des alcools du Québec, qui
pourrait le faire dans des succursales séparées, et, ce faisant, il prive
l'État du Québec de 200 à 450 millions de dollars de revenus annuellement
avec une vision très étroite, toujours de privatisation.
Finalement, j'ai eu l'occasion de
travailler le dossier aussi des paradis fiscaux en questionnant le P.D.G. de la
Caisse de dépôt et placement, Michael Sabia, à savoir s'il allait appliquer une
des recommandations du rapport unanime de l'Assemblée nationale concernant les paradis
fiscaux, c'est-à-dire désinvestir des entreprises qui utilisent les paradis
fiscaux. Non seulement il a refusé de s'engager à appliquer la recommandation,
mais il a également refusé de s'abstenir d'investir de nouvelles sommes dans
des entreprises liées aux paradis fiscaux.
Et tout dernièrement, bien, j'ai eu l'occasion
de voter contre l'accord Canada-Europe, un accord qui fait mal à nos agriculteurs
et particulièrement du côté des producteurs fromagers, mais un accord aussi qui
est insensé, parce qu'avec la clause des investisseurs, c'est une clause qui
permet aux multinationales de poursuivre les États, et ça, c'est totalement
inacceptable. Il faut enlever cette clause-là des investisseurs de tous les
accords internationaux. Je suis pour les accords de libre-échange qui
favorisent et qui privilégient les peuples, les travailleurs et des accords de
libre-échange qui respectent aussi la souveraineté des États et des pays. Merci
beaucoup.
La Modératrice
: M.
Bellerose.
M. Bellerose (Patrick) :
Bonjour, Mme Ouellet. Donc, vous avez connu une révolte de votre caucus la
semaine dernière. Quand vous êtes devenue chef du Bloc, vous avez dit : Je
serai à Ottawa les lundis, le restant de la semaine, ici, à Québec, ensuite en
circonscription.
Est-ce que vous comptez être plus présente
à Ottawa suite aux événements qu'on a connus la semaine dernière?
Mme Ouellet : Écoutez, je
vais continuer à être présente les lundis. Donc, on a notre caucus le lundi, et
je suis très présente, parce que, vous savez, aujourd'hui, on est en 2017, avec
les conférences téléphoniques, il y a vraiment facilité de pouvoir se
contacter. Donc, je continuerai à être très présente avec les gens du Bloc
québécois, mais à distance, c'est clair, pour le mardi, mercredi, jeudi.
M. Bellerose (Patrick) :
D'accord, mais on peut quand même croire que la révolte est survenue parce que
vous n'étiez pas présente pour la voir venir, pour la sentir venir, peut-être
pour contrôler aussi votre chef de cabinet de l'époque.
Est-ce qu'il y a quelque chose que vous
allez faire de différent l'an prochain pour éviter une telle répétition?
Mme Ouellet : Bien, écoutez,
ça n'a pas tellement rapport, là, avec la présence... et je pense que vous
l'avez vu, nous sommes ressortis du caucus unis. Gabriel Ste-Marie l'a dit, on
va soulever des montagnes, déménager des montagnes ensemble. Donc, on a
vraiment une volonté de vouloir aller de l'avant. Et, vous le savez, avec le
caucus du Bloc québécois, il y a vraiment une communauté, je vous dirais, de
points de vue sur les dossiers, et on va miser sur ce travail-là, là, dans les
prochaines sessions.
M. Bellerose (Patrick) : Si
la raison, ce n'est pas votre absence, c'est quoi, la raison qui a mené à cette
révolte du caucus?
Mme Ouellet : On a passé
cette étape-là et on a décidé, tout le monde ensemble, qu'on ne regardait pas
vers le passé mais qu'on allait bâtir vers l'avenir.
La Modératrice
: M.
Laforest.
M. Laforest (Alain) :
Êtes-vous dans le bon Parlement?
Mme Ouellet : Oui, tout à
fait. Tout à fait, et c'est pour ça que je vous dis : C'est du
transparlementarisme. Les décisions d'Ottawa ont beaucoup d'impact sur le
Québec. Je vous en ai présenté quelques-unes lors du bilan, mais vous avez
aussi la liste de l'ensemble des interventions que j'ai faite, tant en période
de questions qu'au niveau des motions.
Et les décisions d'Ottawa ont beaucoup
d'impacts sur le Québec, et le Québec est souvent en train de quémander à
Ottawa. Encore ce matin, là, encore ce matin, Ottawa veut se départir des ports
et des quais, 25. Le Québec serait prêt à en prendre cinq, mais est obligé de
quémander que la réfection soit faite, évaluée, je crois, là, de ce que j'ai
lu, autour de 100 millions de dollars. Mais comment ça se fait qu'Ottawa,
avec notre argent, n'a pas entretenu ces quais-là, ces quais-là qui ont un gros
impact sur le développement économique des régions? Puis même, du côté de
Rimouski, le Coriolis, qui est un navire de recherche, ne peut même pas
accoster.
Donc, on le voit dans un grand nombre de
dossiers, là, un après l'autre, l'impact, justement, que ça soit du travail qui
se fasse en parallèle, des vases clos et qu'il n'y ait pas de lien qui se
fasse. Et ce meilleur lien là, c'est l'indépendance.
M. Laforest (Alain) : Donc, le
Parlement du Québec n'a pas sa raison d'être parce que vous défendez des
dossiers fédéraux à Québec, là. Mais vous dites : Le transparlementarisme,
c'est ça. Donc, on élimine le Parlement du Québec, vous allez à Ottawa puis
vous défendez les dossiers du Québec.
Mme Ouellet : Bien non. On
élimine le Parlement d'Ottawa puis on rapatrie tout au Québec.
M. Laforest (Alain) : Mais
vous êtes chef du Bloc, madame. Vous êtes...
Mme Ouellet : Bien oui, mais
le Bloc québécois veut faire l'indépendance. C'est quoi, la volonté du Bloc
québécois? Ça reste toujours de rester le moins longtemps possible à Ottawa, c'est
clair. C'est d'éliminer le palier fédéral parce que clairement ça ne nous
représente pas bien, ça ne va pas en fonction de nos valeurs et de nos
intérêts.
Encore dans l'accord Canada-Europe,
pourquoi qu'on se retrouve à demander des compensations pour les producteurs de
fromage? C'est parce que le gouvernement canadien a décidé de favoriser le
boeuf de l'Ouest plutôt que de favoriser les fromages du Québec. Et ça, ça se
répète constamment. Donc, le travail du Bloc québécois, c'est d'éliminer un des
deux paliers et qui est le palier d'Ottawa.
M. Laforest (Alain) :
Êtes-vous contente de la visibilité que vous avez eue depuis que vous êtes chef
du Bloc en étant à Québec?
Mme Ouellet : Bien, écoutez,
moi, je pense que c'est... je regarde par rapport à d'autres chefs qui m'ont
précédée puis je pense que c'est une bonne visibilité, et on va continuer à
travailler dans ce sens-là.
La Modératrice
: Mme
Biron.
Mme Biron (Martine) :
Bonjour, Mme Ouellet. J'aimerais savoir si, au cours de la session, vous avez
eu des contacts avec le Parti québécois, histoire d'arrimer certaines positions
avec le PQ?
Mme Ouellet : Oui, on a des
contacts quand même assez régulièrement sur les motions, sur les projets de
loi, et je pense qu'on va travailler à augmenter, je vous dirais, cette
fréquence-là.
Mme Biron (Martine) : Alors,
votre travail ici, à Québec est un peu en lien... vous êtes un peu une
extension... Sans nécessairement faire partie du caucus du PQ, vous êtes encore
très proche du Parti québécois.
Mme Ouellet : Bien, écoutez,
j'ai des contacts avec le Parti québécois, j'ai des contacts également avec
Québec solidaire puis je pense que c'est important. Et, au Bloc québécois, on
se retrouve à, un petit peu, incarner cette convergence-là, parce qu'on a des
membres, c'est certain, du Parti québécois, on a des membres de Québec
solidaire, on a des membres d'Option nationale. Donc, moi, je veux travailler
avec l'ensemble des partis indépendantistes au Québec.
Mme Biron (Martine) : Est-ce
que vous travaillez plus avec un parti qu'un autre? Parce que, bon, quand même,
le Parti québécois est l'opposition officielle. Iu est-ce que vous travaillez
plus avec Québec solidaire? Où est-ce que vous voyez, là, la prochaine session,
là, la prochaine année? Est-ce que vous voyez plus d'espoir à QS ou au PQ?
Mme Ouellet : Bien, écoutez,
moi, je vais travailler avec l'ensemble des partis indépendantistes. Pour moi,
c'est important, mais, je l'ai toujours dit, je suis devenue députée
indépendante, indépendantiste, amie du Parti québécois, et ça, ça ne changera
pas.
La Modératrice
: M.
Bovet.
M. Bovet (Sébastien) :
Bonjour. Est-ce que le transparlementarisme est plus difficile que ce que vous
pensiez?
Mme Ouellet : Bien, écoutez,
non, parce que je savais à quoi m'attendre. Je le sais c'est quoi de siéger
dans une assemblée nationale, et, vous savez, c'est pour ça aussi que j'ai
nommé un chef parlementaire à Ottawa. De toute façon, je n'aurais pas pu siéger
à Ottawa car je ne suis pas députée au niveau fédéral. Et donc c'est important
d'avoir, dans l'enceinte, au niveau de la Chambre, un député qui occupe le rôle
de chef parlementaire. Donc, avec l'ensemble... il y a toute une équipe de 10
députés à Ottawa, là. Donc, je pense qu'avec cette équipe-là c'est ce qui
permet, là, d'avoir une présence et d'être actif à Ottawa.
M. Bovet (Sébastien) : Je
comprends mal que vous minimisiez l'ampleur du défi, parce que votre caucus à Ottawa
a failli imploser. N'est-ce pas le signe ultime que c'est difficile?
Mme Ouellet : Bien, écoutez,
vous avez vu, on a réglé cette crise-là, effectivement.
M. Bovet (Sébastien) : Vous
l'avez récupéré du bout des ongles, là.
Mme Ouellet : Pardon?
M. Bovet (Sébastien) : Vous
l'avez récupéré, votre caucus, du bout des ongles, là. Vous avez failli
l'échapper.
Mme Ouellet : Bien, je ne
dirais pas ça. Moi, je pense qu'on a eu une très bonne rencontre. On a discuté,
et je pense que vous l'avez vu, à la sortie de la rencontre, la volonté de l'ensemble
des députés de travailler ensemble, c'était très clair. Et c'est dans cette
optique-là qu'on va travailler. Je vous l'ai dit, ça va être un travail de
collaboration, et on a une bonne atmosphère au caucus.
M. Bovet (Sébastien) :
Dernière question, j'aimerais juste comprendre ce que vous avez dit à la fin de
votre exposé. Est-ce qu'il y a des accords de libre-échange qui respectent les
pouvoirs nationaux, qui respectent les travailleurs à travers le monde ou tous
les accords de libre-échange sont mauvais à la base?
Mme Ouellet : Bien, écoutez,
je ne les connais pas tous, ça fait que je ne pourrais pas tous vous les
mentionner, mais je peux vous dire que le premier accord de libre-échange Canada—États-Unis
avant l'ALENA, il n'avait pas la clause des investisseurs. Et donc je crois que
c'était un accord qui respectait les États. Et là on l'a vu à l'usage, avec
l'ALENA et avec d'autres accords, ce que ça amène comme problématique, le fait
de permettre à des multinationales de poursuivre des pays. Et je pense que c'est
de nier la souveraineté des peuples, et ça, c'est inacceptable. Et il y a des
millions de citoyens à travers le monde, que ce soit en Europe, que ce soit en
Amérique du Nord, que ce soit au Québec, qui s'opposent justement à perdre la
souveraineté de leurs décisions, tant leurs décisions économiques, leurs
décisions environnementales. Et les ultimes décideurs doivent toujours rester
les gouvernements, qui sont les représentations de la population.
Donc, je pense qu'on doit avoir cette
réflexion-là au niveau mondial de ne pas remettre entre les mains d'entreprises
ou de tribunaux, même privés, privatisés, le sort de ce qui pourra être décidé
en termes de lois, en termes de décisions économiques, d'investissements au
niveau des États, parce que ça, ça a des gros impacts sur notre qualité de
l'environnement, sur les emplois. Et moi, je crois beaucoup au libre-échange,
mais au libre-échange qui va profiter aux citoyens, qui va profiter aux
travailleurs et qui va respecter la souveraineté des États.
La Modératrice
: Merci.
Mme Ouellet : Merci. Bonne
journée.
(Fin à 8 h 58)