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Point de presse de M. Éric Caire, porte-parole du deuxième groupe d'opposition pour le Conseil du trésor et en matière d'efficacité de l'administration publique

Version finale

Le jeudi 28 septembre 2017, 11 h 02

Salle Bernard-Lalonde (1.131), hôtel du Parlement

(Onze heures trois minutes)

M. Caire : Bonjour. Aujourd'hui, je vous dirais que c'est avec une certaine fierté que j'ai déposé, au nom de la Coalition avenir Québec, le projet de loi sur l'imputabilité des sous-ministres et des hauts dirigeants. Il y a deux ans, j'avais eu l'occasion de déposer un rapport sur l'efficacité gouvernementale qui contenait un certain nombre de recommandations, et une de ces recommandations-là était à l'effet qu'il fallait augmenter l'imputabilité des sous-ministres et des hauts dirigeants d'organismes dans la fonction publique. J'avais, à ce moment-là, annoncé qu'on déposerait un projet de loi. C'est chose faite.

Maintenant, le projet de loi édicte trois grands principes. Le premier, c'est qu'il n'y a pas de sécurité d'emploi pour les sous-ministres et les hauts dirigeants dans la fonction publique. On a vu, dans les dernières années, puis j'en ai parlé en Chambre tout à l'heure, là, des cas de mauvaise administration publique. Puis on a l'impression qu'il y a une sécurité d'emploi, un «no fault», une amnistie totale pour les sous-ministres et les hauts dirigeants d'organismes. Et ça, le projet de loi vient y mettre fin de façon catégorique.

L'autre élément, bien, on dit qu'il faut qu'ils soient imputables, mais imputables de quoi? Donc, on vient paramétrer, à travers les plans stratégiques qui, actuellement, sont des farces, là. J'écoutais le président du Conseil du trésor nous dire qu'il y a déjà des plans stratégiques. Oui, mais c'est des farces. Il y a des ministères dont le plan stratégique est échu depuis deux ans, puis il n'y en a pas de nouveau. Il y en a une panoplie pour lesquels les objectifs, les échéanciers ne sont pas respectés. Personne ne réagit à ça. Et, dans la fonction publique, tout le monde va vous le dire, dans leur forme actuelle, l'idée des plans stratégiques est excellente, mais l'application, c'est du grand n'importe quoi, c'est du grand n'importe quoi. Et le président du Conseil du trésor fait une erreur majeure, le Conseil du trésor n'a pas l'obligation d'approuver les plans stratégiques, il a la possibilité de le faire, alors que nous, on en fait une obligation. Pourquoi? Parce qu'au nom du Conseil exécutif, du Conseil des ministres, le Conseil du trésor va s'engager à ce que ce qu'il y a dans le plan stratégique, ça ne sera plus une possibilité, ça va être une obligation qui va venir avec son lot de responsabilités.

Maintenant, on ne veut pas tomber dans l'arbitraire. J'écoutais, encore là, le président du Conseil du trésor parler de l'ère Duplessis. Il aurait eu intérêt à lire le projet de loi avant de le commenter. Ceci étant, on demande à un tiers neutre, qui est le Vérificateur général — puis je pense que tout le monde au Québec a confiance au Vérificateur général — de s'assurer du respect des objectifs et des échéanciers par les ministères et par les organismes de leur plan stratégique et, à partir de ça, va établir une cote d'efficience : est-ce que le ministère, est-ce que l'organisme a été efficient dans la réalisation de son plan stratégique? Donc, atteinte des objectifs, respect des échéanciers, mais aussi les ressources qui seront mises à disponibilité pour atteindre ces objectifs-là. Et, sur cette base-là, il y a une cote d'efficience qui va être émise. Et, si cette cote d'efficience là n'est pas suffisante, est insatisfaisante, il y a une obligation, effectivement, pour l'Assemblée nationale d'entendre les administrateurs, parce qu'on pense qu'il y a urgence.

Si ça va mal dans un ministère, je pense que tout le monde va être d'accord pour dire que c'est urgent d'entendre les gestionnaires sur leur gestion. Et, à partir de là, oui, effectivement, un gestionnaire, un haut dirigeant, un sous-ministre pourrait être démis de ses fonctions. Ce serait un motif de congédiement que de ne pas avoir atteint ses cibles, respecté ses objectifs et/ou ne pas avoir été efficient dans son administration. En bon français : un mauvais administrateur, bien, on ne le déplace pas, on ne lui donne pas une promotion, on ne le met pas sur une tablette dorée; avec ce projet de loi, on le congédie.

Maintenant, il faut s'assurer, effectivement, de ne pas faire de promotion parallèle. Le projet de loi y pourvoit. Donc, quelqu'un qui est à contrat, par exemple, si on le congédie, bien, il n'est pas question qu'on l'intègre dans la fonction publique. S'il veut devenir fonctionnaire, il y a un processus qui est connu, qui est formel, qui est normé. Il devra passer par ce processus-là comme tout le monde. Et, pour ceux qui avaient un emploi subalterne dans la fonction publique, bien, cet emploi-là peut... ils peuvent retourner à leur emploi. Par contre, ils seront payés et les avantages seront en fonction de l'emploi qu'ils occupent et non pas en fonction du salaire qu'ils avaient comme sous-ministre. Donc, pas de parachute doré, pas de tablette dorée. Oui, vous pouvez réintégrer vos anciennes fonctions, mais aux conditions des anciennes fonctions seulement. Donc, essentiellement, c'est ce que le projet de loi fait.

Maintenant, j'ai entendu la réaction du président du Conseil du trésor, qui, lui, dit : Tout va bien dans le meilleur des mondes, il n'y a rien à changer, nonobstant le fait qu'aucun haut dirigeant, aucun sous-ministre n'ait perdu son emploi dans les 10 dernières années parce que personne n'a trouvé de motif à ça. Il n'y a pas eu de fiasco suffisamment important pour congédier des administrateurs, selon le président du Conseil du trésor. Vous comprendrez que c'est deux visions qui s'opposent : le changement, l'imputabilité versus le statu quo. Là-dessus, j'attends vos questions.

M. Salvet (Jean-Marc) : Si je comprends bien, à l'heure actuelle, la sécurité d'emploi pour les gens dont vous parlez n'existe pas, mais il n'y a pas de balises pour les congédier, éventuellement, pour congédier les fautifs, entre guillemets.

M. Caire : C'est-à-dire que la sécurité d'emploi, elle existe dans la pratique, à savoir que, dans les 10 dernières années, vous admettrez qu'il n'y a pas eu de congédiement. Et même je vais citer le président du Conseil du trésor, Martin Coiteux, au moment où il était président du Conseil du trésor, qui a dit : Si une personne qu'on engage n'a pas les compétences pour assumer les fonctions pour lesquelles on l'a engagée, on va l'essayer dans une autre fonction jusqu'à temps qu'on trouve un emploi pour lequel elle aura les compétences. Mais ça, c'est de la sécurité d'emploi mur à mur. À titre comparatif, en moyenne, chez les fonctionnaires syndiqués, là, qui, eux, bénéficient d'une sécurité d'emploi reconnue par la loi, c'est, en moyenne, au-dessus de 200 sanctions — soit des suspensions, soit des congédiements — par année pour des motifs d'incompétence, alors que chez les hauts dirigeants et les sous-ministres, aucun.

M. Salvet (Jean-Marc) : Combien de personnes sont visées par ce projet de loi, théoriquement, actuellement?

M. Caire : Bien, écoutez, tous ceux qui ont le statut d'administrateur d'État, tous ceux qui ont le titre de sous-ministre et tous ceux qui sont les premiers dirigeants d'un organisme du gouvernement du Québec.

M. Salvet (Jean-Marc) : Est-ce que, comment dire, ça ne va pas à l'encontre du principe de la responsabilité ministérielle?

M. Caire : Pas du tout. D'ailleurs, je vais citer Philippe Couillard, au moment où il était ministre de la Santé, vous me permettrez, j'ai cette citation-là dans mes papiers, puis j'ai trouvé ça tellement bon parce qu'en plus c'était en réponse à une excellente question du député de La Peltrie de l'époque, et il disait — et là, on est en 2007 : «La réalité, M. le Président, c'est que ce sont les établissements qui sont imputables de ce qu'ils font avec les immenses sommes d'argent public qui leur sont transférées et qui doivent répondre devant le public. Bien sûr, moi, je suis imputable pour l'ensemble du réseau — il était ministre de la Santé à ce moment-là — mais la première réponse, elle doit venir de l'établissement ou de l'agence.» Donc, déjà là, Philippe Couillard reconnaissait que les hauts dirigeants d'organismes ou les sous-ministres, il y avait une forme d'imputabilité qui devait...

M. Salvet (Jean-Marc) : En l'occurrence, un directeur d'hôpital n'est pas visé par votre projet de loi.

M. Caire : Non, pas du tout. Là, on parle… On ne parle pas de hauts fonctionnaires, on parle des sous-ministres, on parle des dirigeants, des hauts dirigeants d'organismes et les administrateurs de...

M. Salvet (Jean-Marc) : C'est, finalement, quelque 100 personnes?

M. Caire : On parle de… Non, ça, on est plus aux alentours de 200 et quelques personnes.

M. Salvet (Jean-Marc) : D'accord. O.K.

M. Dugas Bourdon (Pascal) : Avez-vous des exemples de fiascos où il aurait fallu mettre du monde dehors?

M. Caire : Bien, le ministère des Transports. Personnellement, je considère que Dominique Savoie avait amplement mérité le congédiement. Et, quand on lit les deux rapports subséquents de la Vérificatrice générale, je pense qu'on avait matière à aller dans cette direction-là. Pour en donner un autre, la Société des traversiers du Québec. Vous admettrez que la gestion qu'ils ont fait des acquisitions et même le traversier qui est actuellement en cours de construction aux chantiers de la MIL Davie — mon collègue Donald Martel l'a décrié à de nombreuses reprises, là — écoutez, on multiplie les coûts de façon exponentielle. Et puis, je vous dirais…

M. Bonnardel :

M. Caire : Hein?

M. Bonnardel : L'informatique.

M. Caire : Oui, puis c'est ça que j'allais dire, le DSQ. Écoutez, là, c'était un projet de 560 millions à l'époque. On est rendus au-dessus de 1,2 ou 1,3 milliard, quelque chose comme ça; RENIR, qui nous a coûté trois fois le prix puis qu'on n'est pas capables de déployer, qui ne fonctionne pas. Puis là on pourrait passer probablement un après-midi à faire la nomenclature des nombreux projets qui ont été des fiascos et pour lesquels il y a une immunité totale pour ceux qui en étaient les responsables.

M. Salvet (Jean-Marc) : L'époque de Duplessis, dit M. Moreau.

M. Caire : Bien, M. Moreau, je pense qu'il doit… Je ne sais pas. Écoutez, c'est un peu inexplicable parce qu'à l'époque de Duplessis, il faut bien comprendre qu'on congédiait n'importe qui pour aucune raison. Or, ici, ce qu'on fait, c'est qu'on établit quelque chose de très clair. D'abord, on dit à l'administrateur qui est visé, que ce soit le sous-ministre, le haut dirigeant, on dit : On va t'évaluer sur des bases objectives qu'est le plan stratégique. Et là on va s'entendre et on amène un tiers neutre dans le processus, qui est le vérificateur général adjoint à l'imputabilité, qui va cautionner moralement. Parce qu'encore une fois ce que M. Moreau dit, c'est inexact. La responsabilité de l'élaboration et de l'adoption des plans stratégiques relève exclusivement du pouvoir exécutif, et c'est comme ça que c'est prévu dans la loi. Le tiers neutre vient donner une caution morale pour dire : Est-ce que les objectifs sont bons? Est-ce qu'ils sont mesurables? Est-ce qu'ils sont suffisamment ambitieux? Parce qu'on ne veut pas se faire faire le coup d'avoir des objectifs complètement loufoques, des échéanciers qui ne tiennent pas la route pour être sûrs qu'on va atteindre nos objectifs et respecter nos échéanciers, et il faut que ce soit ambitieux, quand même, il faut qu'il y ait de la viande autour de l'os, mais il faut que ce soit réaliste. Donc, on amène un tiers neutre, qui va donner une caution morale.

Et là on s'entend, le responsable de l'administration du plan, que ce soit le sous-ministre ou haut dirigeant, le Conseil du trésor va signer, en disant : Au nom du gouvernement, nous, on s'engage, on dit que ce plan-là est bon et on s'engage à le réaliser. Et le Vérificateur général va donner une caution morale, en disant : Oui, nous, on pense que c'est mesurable, c'est ambitieux, c'est un bon plan. Il y a l'exécution du plan. À la fin de l'exécution du plan, là ça relève du contrôle parlementaire. Donc là, c'est pour ça que c'est le vérificateur général adjoint qui va venir évaluer : Est-ce qu'on a atteint les objectifs? Est-ce qu'on a respecté les échéanciers? Est-ce qu'on a été efficients? Parce qu'on peut respecter les objectifs, les échéanciers, mais on a tellement mis de ressources que...

M. Salvet (Jean-Marc) : Mais toute cette mise en place, les cotes d'efficience, et tout ça, est-ce que n'est pas assez lourd pour éventuellement congédier un haut dirigeant aux trois, quatre ans?

M. Caire : Non, de facto, non, parce que, d'abord, comme on le disait, il y a déjà... l'élaboration des plans stratégiques, c'est déjà dans la loi. Donc, nous, ce qu'on fait, on vient les formaliser, puis on vient faire en sorte qu'on ne va plus faire cet exercice-là juste pour respecter la loi. Il va vouloir dire quelque chose, cet exercice-là. Il va avoir un sens, cet exercice-là, et pour tout le monde. C'est pour ça qu'on dit, dans la loi, on change le «peut valider», le Conseil du trésor «peut valider» par «doit valider». Ça, c'est la petite nuance qui a échappé à M. Moreau, mais ce n'est pas grave, il va le relire à tête reposée, puis il va être meilleur la prochaine fois, compte tenu qu'il ne peut pas être pire, de toute façon.

Et là, à partir de là, on a le tiers neutre. Donc, on va demander au Vérificateur général, qui a déjà une expertise en évaluation, on s'entend, mais d'aller se chercher une expertise encore plus pointue avec le vérificateur adjoint à l'imputabilité, et là on va avoir les critères d'évaluation, on va élaborer puis on va demander au vérificateur, et donc avec les ressources nécessaires, de faire la vérification des plans stratégiques à échéance et d'établir la cote, puis après ça, bien, comme on le disait, la CAP fait déjà l'audition des administrateurs, sauf que la loi lui demande, dans le cas où ça va vraiment mal dans un ministère... parce qu'actuellement la CAP va faire des auditions des administrateurs, en disant : Bon, bien, lui, on ne l'a pas entendu, ça fait longtemps; lui... Il y a toutes sortes de critères qui sont corrects. Moi, je suis membre de la CAP, puis je ne dénigre pas ça. Mais maintenant, ce qu'on va dire, c'est que l'Assemblée nationale pense que, quand ça va mal dans un ministère, ça devrait être une priorité pour la CAP. Et c'est justement parce qu'on respecte le travail de la CAP et parce qu'on croit que la CAP fait un excellent travail qu'on veut qu'elle se penche...

M. Salvet (Jean-Marc) : ...la mise à pied, le congédiement seraient décidés par la CAP, alors?

M. Caire : Non, la CAP... Non parce que ça relève du pouvoir exécutif, mais la CAP pourrait le recommander par contre, la CAP pourrait le recommander. Et là, à partir de là, le ministre, de toute façon, n'a pas besoin... Ce que la loi dit, là, c'est : Le non-respect, selon la loi, du plan, c'est un motif de congédiement. Maintenant, il appartient au ministre de le faire ou non, et il appartient à la CAP de le recommander.

M. Salvet (Jean-Marc) : Mais vous, vous seriez au pouvoir, vous le feriez.

M. Caire : Bien oui, c'est... clairement, là. Vous comprendrez que, si on édicte une loi comme ça, c'est parce qu'on pense que quelqu'un, après avoir entendu les recommandations de la CAP... parce qu'il peut y avoir des raisons pour lesquelles les objectifs n'ont pas été atteints. Pensons à un verglas...

M. Salvet (Jean-Marc) : Je comprends, mais vous vous baseriez sur la recommandation de la CAP.

M. Caire : On pourrait... Bien, certainement qu'on écouterait ce que la CAP dit et on entendrait la recommandation clairement, mais je tiens à le dire, la loi ne fait pas obligation à l'Exécutif de mettre en application la recommandation de la CAP. Soyons clairs. L'Exécutif demeure maître d'oeuvre si oui ou non il l'exécute. Donc, il pourrait congédier même si la CAP ne le recommande pas ou il pourrait décider de garder la personne même si la CAP recommande de le faire, mais à ce moment-là il devra... il y a... tout ce débat-là se fait publiquement, et donc tous ces acteurs-là auront à justifier publiquement leur comportement.

M. Dugas Bourdon (Pascal) : Qu'est-ce qui, selon vous, a mené à un tel relâchement dans l'imputabilité à travers les années? Ça date de quand?

M. Caire : Ah, mon Dieu! Ça date d'il y a très longtemps, je pense, malheureusement, et tellement longtemps qu'il faut bien comprendre que c'est la raison qui a amené l'adoption de certaines lois et qui a amené aussi l'introduction de concepts comme la gestion par résultats, mais c'est la non-application de ça. Qu'est-ce qui a amené ça? Moi, je pense que les pouvoirs politiques n'ont qu'eux à blâmer, les pouvoirs politiques n'ont qu'eux à blâmer. Je pense qu'au niveau des gouvernements peut-être qu'il y avait trop de précieux collaborateurs qui étaient nommés à des postes importants, peut-être qu'il y avait trop de gens qui occupaient des fonctions pour d'autres raisons que leurs compétences, ce qui a fait en sorte qu'on devait fermer les yeux ou leur trouver un emploi ailleurs, puis c'est devenu une culture, c'est devenu une culture, là, le jeu de la chaise musicale dans la fonction publique, c'est culturel, ce qui fait en sorte qu'aujourd'hui il n'y a plus un haut dirigeant dans la fonction publique qui a peur de perdre son emploi, là, ça n'arrive pas. Merci.

(Fin à 11 h 17)

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