(Treize heures trente-six minutes)
M. Nadeau-Dubois : Alors,
nous avons quelques réactions à faire ce matin... en fait, cet après-midi, d'abord
sur le rapport de la Protectrice du citoyen, ensuite sur la récente annonce de
la ministre Joly concernant une politique culturelle.
D'abord, on a, au Québec, une nouvelle Protectrice
du citoyen, mais malheureusement le constat reste le même : les réformes
dans le secteur de la santé menées par le gouvernement libéral sont un échec.
C'est littéralement le bordel dans le réseau de la santé. Et le rapport est tellement
touffu, le rapport est tellement rempli de faits accablants, d'exemples
troublants, que ce serait beaucoup trop long pour moi d'en faire la liste.
Je vais nommer deux éléments qui nous
inquiètent particulièrement, du côté de Québec solidaire. D'abord, la question
des aînés. En ce qui a trait au traitement des aînés, par le système de santé
que dirige M. Barrette, les constats sont accablants. Encore une fois, ne
serait-ce que faire la liste de ça, ce serait trop long, mais :
augmentation de la maltraitance, augmentation des listes d'attente dans les
CHSLD, augmentation des expulsions de centres d'hébergement pour les personnes
âgées. C'est des chiffres qui sont clairs, ce sont des faits. M. Barrette,
ce matin et depuis plusieurs mois, accuse toutes les oppositions de nier la
réalité. Là, il y a une instance indépendante qui vient clairement de dire que
ses réformes en matière de santé sont un échec.
La conclusion qu'on tire de ce rapport de
la Protectrice du citoyen, c'est que les décisions de M. Barrette en
matière d'organisation du réseau de la santé font souffrir les aînés du Québec.
Et, selon nous, ces gens-là méritent mieux que ça et méritent un ministre de la
Santé qui regarde les faits plutôt que regarder les chiffres.
Deuxième élément d'inquiétude pour nous,
c'est la question du soutien à domicile. Les chiffres, tout le monde les a. Ils
sont clairs, ils sont, eux aussi, accablants. Les exemples sont profondément
troublants. Ce qu'on sait, et la Protectrice du citoyen nous le rappelle, c'est
que les besoins en matière de soutien à domicile, ils augmentent pour toute une
série de raisons, notamment le vieillissement de la population, mais les
besoins, ils augmentent. Et ce que la protectrice nous apprend aussi ce matin,
c'est que pendant ce temps-là les services, eux, ils diminuent. On a des
besoins qui augmentent de plus en plus; des services qui diminuent de plus en
plus. Alors la conclusion logique et la seule conclusion possible, c'est qu'il
y a de plus en plus d'aînés au Québec qui n'ont pas les besoins… qui n'ont pas
les services auxquels ils ont droit.
On parle d'une chute de 7 % de la
durée moyenne des services donnés entre 2010 et 2016. Pendant ce temps-là, les
besoins, eux, ont augmenté. Alors, M. Barrette peut bien chanter toutes
les chansons qu'il veut, là, les faits sont là, la réalité est claire : il
y a un manque de services pour le soutien à domicile.
Et donc je pourrais continuer très
longtemps avec les exemples, le rapport en est rempli, mais le meilleur
indicateur de l'échec des réformes Barrette en santé, c'est l'explosion du
nombre de plaintes. On parle de 26 % d'augmentation des plaintes. Ça,
c'est un chiffre objectif qui montre, là, que les gens qui sont sur le terrain,
qui travaillent dans le réseau de la santé puis qui reçoivent les soins le disent :
Il y a des problèmes, il y en a de plus en plus. Et M. Barrette, là, ne
peut plus jouer à cache-cache avec ça. M. Couillard non plus, d'ailleurs.
Ils doivent reconnaître leurs échecs en matière d'organisation du réseau de la
santé.
Maintenant, on voulait aussi réagir à la
question... disons à l'annonce de Mme Joly sur la politique culturelle, la
soi-disant vision. C'est une vision bien embrouillée, si vous voulez mon avis.
En fait, il n'y a pas grand vision là-dedans. Je viens d'écouter le point de
presse de Mme Joly, et, honnêtement, je suis un peu sous le choc. J'allais
dire : Les bras m'en tombent, mais je pense que les épaules m'en tombent
aussi, là. Il n'y a aucune garantie d'avoir de la production de contenu
francophone. On parle de 500 millions de dollars sur cinq ans, alors que
c'est une multinationale qui engrange des millions de dollars à chaque mois en
termes de revenus.
Sur le fond, il est profondément
dérangeant que le gouvernement du Canada négocie avec une multinationale le
fait de payer ou non ses impôts. L'impôt, ce n'est pas optionnel. Payer ses
impôts, ce n'est pas comme choisir de s'inscrire à une activité parascolaire; les
impôts, c'est une obligation pour tous les citoyens du Québec et du Canada, et
ça comprend les citoyens corporatifs. Donc, déjà, sur le fond, il y a un
problème majeur. Ça crée un précédent dangereux. Les impôts, c'est pour tout le
monde : pour Uber, pour Netflix et pour tous les gens qui paient leurs
impôts à chaque année. Il n'y a pas de raison de faire des exceptions.
Et certes, cette décision-là, aujourd'hui,
vraiment, là, vient mettre un précédent dangereux. Parce que là le message
qu'on envoie aux multinationales, dans le domaine de la culture comme dans les
autres domaines, c'est que, si vous avez un beau site Internet puis un beau
logo, bien on va peut-être négocier avec vous pour savoir si vous allez payer
de l'impôt ou pas. Pour nous, c'est inacceptable. Vraiment, les mots me
manquent, là, pour décrire à quel point c'est une décision qui est frustrante.
On a l'impression que le gouvernement libéral fédéral prend le Québec pour
acquis, que Mme Joly et M. Trudeau pensent qu'ils peuvent, parce
qu'ils viennent du Québec ou je ne sais pas trop pourquoi, là, ignorer les
demandes du milieu culturel québécois qui ont été clairement exprimées dans les
dernières semaines. Les gens demandent plus de moyens, demandent de l'équité à
l'intérieur du secteur culturel; ce que Mme Joly vient d'annoncer
aujourd'hui, c'est tout le contraire, c'est un passe-droit pour une
multinationale qui manque de respect envers la culture québécoise. Merci.
Mme Biron (Martine) :
Pour le rapport de la Protectrice du citoyen, là, comme vous avez dit, ils se
suivent et ils se ressemblent. Elle a quand même dit que, pour la population en
général, les choses... les réformes avaient apporté une certaine amélioration.
Elle semble dire que, pour les personnes plus vulnérables, c'est vraiment plus
difficile. Est-ce que c'est un peu la lecture que vous faites?
M. Nadeau-Dubois : Bien,
c'est que nos services publics, le système d'éducation et de santé en
particulier, ils sont là avant tout pour aider les gens les plus vulnérables.
Alors, le test de l'efficience de nos services publics, le test de leur
utilité, c'est envers les gens les plus vulnérables, donc, et c'est de ces
gens-là dont on devrait le plus prendre soin. Qu'on parle des aînés, des aînés
surtout en situation d'isolement social, c'est parmi les gens les plus fragiles
au Québec. Quand nos services sociaux et de santé ne sont pas en mesure d'aider
ces gens-là, bien ils ne passent pas le test. Ça, pour nous, à Québec solidaire,
c'est clair.
Mme Biron (Martine) : Est-ce
que vous estimez que les réformes de M. Barrette sont ratées?
M. Nadeau-Dubois : Les
réformes de M. Barrette sont ratées.
Mme Biron (Martine) : Est-ce
que M. Barrette devrait partir dans un éventuel remaniement, selon vous?
M. Nadeau-Dubois : Mon collègue
Amir Khadir a déjà demandé la démission de M. Barrette. Cette demande-là,
elle est toujours en vigueur, de notre côté. Mais là, il y a maintenant aussi
M. Couillard, là, qui doit répondre à certaines questions.
Il y a eu beaucoup de changements de
ministère depuis que M. Couillard a été élu. Pourquoi est-ce que le
ministre de la Santé, lui, est resté en poste malgré les critiques sévères,
malgré que son autorité et son leadership est gravement contesté au sein même
du réseau de la santé, malgré des rapports comme ceux de ce matin? Qu'est-ce
qui fait que M. Couillard n'est pas capable de dire à M. Barrette
qu'il est temps de s'occuper de d'autres dossiers?
Moi, je n'ai pas la réponse à cette
question-là, mais c'est vraiment inquiétant, parce que, si M. Barrette
n'est pas capable lui-même de se rendre compte de l'échec de ses politiques,
bien c'est à M. Couillard à agir. Et on se demande pourquoi il a été
incapable de le faire jusqu'à maintenant.
Mme Biron (Martine) :
Vous pensez qu'un autre ministre que M. Barrette pourrait mener à bien le
dossier de la santé pour la dernière année électorale?
M. Nadeau-Dubois : Ça ne
peut pas être pire.
Mme Biron (Martine) :
Sur Netflix, au-delà de la question, je vous ai bien entendu sur le paiement
des impôts et des taxes. Dans un sens un peu plus large, là, est-ce que l'idée
qu'il y ait une maison de production Netflix Canada qui produit, qui est une
maison de production, est-ce que c'est une idée intéressante selon vous?
M. Nadeau-Dubois : Pour
nous, c'est une idée inintéressante, pour répondre à votre question. Pour nous,
c'est une mauvaise idée, parce que ce qu'on est en train de faire,
essentiellement, c'est de faire un marché de dupes où on dit : Vous ne
paierez pas d'impôts, et en échange on va vous aider à aller chercher plus de
parts de marché. Donc là, Netflix ici est gagnant-gagnant : il ne paie pas
d'impôt ou de taxes et se voit accompagné pour aller chercher d'autres parts de
marché aux autres joueurs du secteur, qui, eux, paient des taxes et des impôts.
Alors là, pour Netflix, là, eux, ils sont morts de rire, là. Ils ont gagné sur
tous les plans.
Et, pendant ce temps-là, il y a les beaux
slogans vides de Mme Joly puis de M. Trudeau. Mais c'est un marché de
dupes. Il n'y a aucune portion du secteur culturel aujourd'hui qui peut dire
qu'il est satisfait, parce que, littéralement, on fait presque une subvention
déguisée à un joueur privé pour qu'il aille chercher plus de parts de marché.
Pour nous, c'est un marché de dupes. Il n'y a rien d'intéressant là-dedans.
Mme Biron (Martine) :
Est-ce que vous pensez qu'il va y avoir un Facebook Canada?
M. Nadeau-Dubois : Bien,
honnêtement, on se pose la question. C'est ce que je disais tout à l'heure. Là
il y a un précédent qui a été créé, puis, selon nous, c'est un précédent
dangereux. On ne peut pas faire des deals avec des multinationales puis
échanger le fait de payer des taxes contre autre chose.
Je veux dire, le fait de payer ses taxes
et ses impôts, là, c'est un devoir de citoyen, de citoyens ordinaires et de
citoyennes comme nous, mais aussi du citoyen corporatif. Et il n'y a pas de
raison que ces entreprises-là, Netflix, mais aussi les Amazon, les Uber, les
Airbnb, les Google de ce monde, se soustraient à cette règle fondamentale qui
veut que quand on crée de la richesse on a un devoir de la redistribuer pour le
bien commun puis d'en faire profiter l'ensemble de la société. Ça, c'est un
devoir fondamental. C'est le socle d'une société qui se veut minimalement
égalitaire. Et il n'y a pas de raison que, parce que certaines entreprises
multinationales ont créé des nouvelles technologies, qu'on les soustraie à
cette norme-là, qui est une norme citoyenne, éthique fondamentale pour nous.
Mme Biron (Martine) :
Donc, la solution idéale aurait été, pour vous, que Netflix paie des taxes et
sans autre contrainte canadienne?
M. Nadeau-Dubois : Bien,
déjà, il faut faire respecter les taxes en vigueur. Ça, c'est une première
chose, si on parle spécifiquement de la question de Netflix. Bien sûr, Netflix
devrait payer ses taxes et ses impôts, parce que, comme toute entreprise, ils
vendent des produits sur le territoire du Canada et du Québec. En conséquence,
ils devraient payer des impôts, des taxes sur le territoire du Québec et du
Canada.
Est-ce que c'est suffisant pour aider le
secteur culturel au XXIe siècle? Bien sûr que non. Il faut faire aussi
d'autres choses. Est-ce qu'il faut, par exemple, demander davantage de
redevances aux câblodistributeurs? C'est une question qui mérite d'être posée.
Donc, il y a d'autres choses à faire. Mais
là, en ce moment, l'éléphant dans la pièce, c'est le passe-droit monumental que
se voit conférer Netflix.
Mme Biron (Martine) :
Mais est-ce que vous ne pensez pas que la facture aurait été refilée aux
contribuables ou aux abonnés?
M. Nadeau-Dubois : Les
gens à la maison paient déjà des taxes à la consommation sur l'ensemble de
leurs produits. Il n'y a pas de raison, selon nous, qu'il y ait une exception
faite pour Netflix.
Est-ce qu'il y aurait eu une petite
augmentation des prix? C'est une possibilité, mais ça fait partie du devoir
citoyen fondamental pour une entreprise de payer ses taxes et ses impôts.
On ne peut pas, d'un côté, donner des
passe-droits, puis, après, lire des rapports comme celui de la Protectrice du
citoyen aujourd'hui, puis se dire : Il manque d'argent dans le réseau de
la santé. Ces choses-là sont liées.
Quand on multiplie les bonbons fiscaux à
des multinationales, forcément ça a des conséquences sur l'ensemble de la
société. Et ça, c'est les gens qui sont abonnés à Netflix aussi qui vivent les
coûts sociaux de ce genre de politique fiscale là. Donc, tout ça est lié, là.
Le Modérateur
: Des
questions en anglais? Maya.
Mme Johnson
(Maya) : Yes. I just want to make sure that I
understood clearly. You said that Mr. Barrette's reforms have failed and
that Mr. Khadir has asked in the past for him to resign. That invitation
is still open, you said?
M.
Nadeau-Dubois : Yes. Of course, this invitation is still open. But I
think that right now it's Mr. Couillard that has to step in. Mr. Couillard
has to realize that the leadership and the authority of his Health Minister is
challenged inside the healthcare system itself. He has to realize that the
politics of Mr. Barrette have failed and that
there is a need of a new leadership in terms of health in Québec right now.
Mme Johnson
(Maya) : It's one thing for the opposition
parties to question the Health
Minister, his reforms, because, of course, as the opposition, you're there to
oppose, but now we have an independent neutral body, I mean, to… So, what kind
of a message do you think that that sends when you're hearing this from the…
M.
Nadeau-Dubois : In the last hours and in the
last week, Mr. Barrette has been, you know, attacking fiercely the opposition parties, saying that we are inventing facts, that we do not know
the reality. He's been saying, he's been repeating that at the question period at the National Assembly.
Right now, we have an
independent body that says: Your policies have failed, the numbers are clear,
the examples are deeply concerning. So, now, Mr. Barrette has to recognize
that it's not being partisan to say that his reforms have failed, it's an
objective fact. And it's not the first report; it's a new report after a long
list of reports that have said: Those policies don't work. The facts are there.
When we talk about the
26% increase of complaints against the health care system, that's an objective
fact. People don't complain if they're happy about the treatment and the
service that they get. You know, they complain when there's a problem. And, if
there's more and more complaints, it means that there's more and more problems.
Le Modérateur
:
Merci.
(Fin à 13 h 50)