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Point de presse de M. Amir Khadir, député de Mercier

Version finale

Le mercredi 18 novembre 2009, 12 h 17

Salle Bernard-Lalonde (1.131), hôtel du Parlement

(Douze heures dix-sept minutes)

M. Khadir: Alors, bonjour, tout le monde. Nous sommes ici, dans le hall d'entrée de l'Assemblée nationale, quelques minutes après avoir assisté à une manifestation du Front commun des personnes assistées sociales du Québec et du collectif pour l'élimination de la pauvreté, qui ont manifesté dans le cadre de la déposition d'une pétition de près de 10 000 personnes qui demandent à l'Assemblée nationale et au gouvernement, c'est-à-dire le ministre Hamad, d'abolir les catégories pour les prestations d'aide sociale.
Alors, j'ai le plaisir de donner la parole à différents représentants qui sont présents ici, avec moi, soit Amélie Châteauneuf, du Front commun des personnes assistées sociales du Québec. Il y a aussi deux personnes qui sont assistées sociales et qui viennent ici témoigner, soit Robert Roussel et Monique Toutant, qui vont s'identifier. Nous avons le plaisir aussi d'accueillir le Dr David Barbeau, médecin au CLSC des Faubourg, à Montréal, qui va témoigner du dilemme devant lequel le personnel de santé fait face dans l'évaluation de ces catégories des personnes assistées sociales, et également M. Renaud-Lauzé, du Collectif pour un Québec sans pauvreté. Alors, je passe la parole à Amélie Châteauneuf.

Mme Châteauneuf (Amélie): Bonjour. Alors, nous sommes ici, devant vous, le Front commun des personnes assistées sociales et ses alliés, puisqu'aujourd'hui il y a une pétition appuyée par 10 000 personnes, 10 000 citoyens et citoyennes du Québec, et par 312 organisations de la société civile: Le Mouvement des femmes, le milieu de l'itinérance, le milieu du logement, le milieu de la pastorale sociale. On est ici parce que la situation est très grave actuellement. Les personnes assistées sociales, elles sont des centaines de milliers qui doivent faire le choix entre l'itinérance ou les banques alimentaires. Les banques alimentaires sont vides actuellement, donc il y a urgence.
Le ministre de la Solidarité sociale, Sam Hamad, doit agir et il doit réformer de manière urgente le Programme d'aide sociale en abolissant les catégories de manière à ce que tous et toutes puissent vivre dans la dignité avec 858 $ minimum par mois pour subvenir à leurs besoins essentiels. Donc, je vais passer la parole à une personne assistée sociale, M. Robert Roussel.

M. Roussel (Robert): Bonjour. Mon nom est Robert Roussel. La lettre que je vais vous lire, c'est une lettre écrite en mon nom personnel et au nom des personnes assistées sociales.
Bonjour. Je me présente, Robert Roussel. J'ai 38 ans. On me considère comme une personne apte au travail. Présentement, je suis en congé de maladie pour une période indéterminée. Parfois, je trouve ça difficile et déchirant comment je vis. Je paie ma chambre, mon épicerie, et il me reste quelques dizaines de dollars pour survivre. Pensez-vous sérieusement qu'avec quelques dizaines de dollars on va être capables de se payer du linge, surtout que nous sommes à quelques semaines de l'hiver? Des fois, on est limités dans nos achats de nourriture, on se contente de s'acheter de la nourriture à bon marché comme du beurre de pinottes, du baloné ou du Kraft Dinner.
C'est beau, les débuts de chaque mois, on peut s'acheter des choses mais, rendus au milieu du mois, il nous manque de la nourriture. Je suis allé souvent, dans les années passées, chercher des bons alimentaires pour une épicerie communautaire ou pour l'épicerie du coin. Aujourd'hui, je suis écoeuré de porter cette étiquette d'apte, je veux mes trois repas par jour.
Si, aujourd'hui, le gouvernement se réveillait, il verrait qu'il y aurait moins de gens pauvres, moins d'itinérants couchés dans les parcs. Arrêtez de nous donner des étiquettes. Dans le passé, j'ai perdu beaucoup d'amis à cause des étiquettes. Mais là je suis tanné de cela. J'ai fait beaucoup d'efforts sur le marché de l'emploi, les études, et rien n'a fonctionné à mon goût. J'ai fait des études au niveau secondaire régulier et aux adultes et j'ai commencé deux cours au professionnel que je n'ai pas été capable de terminer.
Oui, je suis tanné de porter des étiquettes et j'essaie de faire comprendre aux gens de tous les milieux que je suis une personne à part entière avec mes limites, comme tout le monde a des limites. Mon rêve était, depuis longtemps, de travailler dans le domaine des communications, je n'ai jamais eu la chance.
Alors, je termine là-dessus. Si le gouvernement peut se réveiller et se rendre compte que nous avons tous et toutes les mêmes besoins de base, je pourrais vivre sainement. Merci.

Mme Toutant (Monique): Alors, bonjour. Mon nom est Monique Toutant. Moi aussi, c'est la même chose. Ce que je vais vous dire en ce moment, c'est en mon nom à moi mais aussi avec les personnes qui sont à l'extérieur, qui sont avec nous.
Avant j'étais considérée sans contraintes sévères à l'emploi puis, un beau jour, on m'a diagnostiquée avec une rhumatoïde aiguë. C'est à ce moment-là que j'ai fait des démarches auprès de mon médecin pour obtenir la contrainte sévère. Résultat, j'ai obtenu la contrainte temporaire.
Au début, je devais remplir... et voir mon médecin à tous les trois mois pour remplir le fameux formulaire en question. J'ai essayé encore et encore, c'était toujours la contrainte sévère. Résultat, bien, au bout de deux ans... pendant deux ans de temps, il a fallu que je fasse remplir cette fameuse formule qui donnait toujours le résultat de contraintes temporaires à l'emploi. Qu'est-ce qu'il faut... C'est quoi qu'il faut que les médecins fassent, au juste? Est-ce que c'est les médecins ou le gouvernement qui doit avoir la responsabilité dans tout ça? Parce que, pour moi, dans mon état de santé, c'était comme inacceptable. Puis ça a duré trois ans comme ça. Puis, au bout de trois ans, j'ai été enfin reconnue contraintes sévères à l'emploi. Miracle!
Présentement, je suis une personne considérée contraintes sévères à l'emploi. Je considère inacceptable qu'il y ait des catégories à l'aide sociale. Même avec ce montant que les contraintes sévères ont, on ne roule pas sur l'or. Alors, je demande... je comprends ce que vivent les personnes sans contraintes à l'emploi puisque je l'ai moi-même été. Il ne faut pas avoir... Quand on n'a pas suffisamment pour se loger, se nourrir, se vêtir, c'est sûr, on tombe malade. C'est pourquoi je souhaite de façon urgente que le gouvernement abolisse les catégories à l'aide sociale pour la dignité de chacun et de chacune et pour le respect des droits humains.

M. Barbeau (David): Bonjour. Je m'appelle David Barbeau. Je suis médecin de famille au CLSC des Faubourgs, au centre-ville de Montréal. Ça fait 12 ans que je travaille là. Avec une dizaine de mes collègues, je souhaite appuyer la démarche du Front commun des personnes assistées sociales dans ses demandes visant à mettre fin aux catégories «apte» ou «inapte» à l'emploi.
Alors, d'entrée de jeu, il faut préciser que c'est aux médecins qu'on demande de déterminer si une personne est apte ou inapte à l'emploi. Ça a un enjeu pour les personnes qui peuvent voir leur chèque augmenter de 564 $ par mois jusqu'à 858 $ par mois. Nous sommes d'avis que les médecins sont mis dans une situation impossible, dans un dilemme impossible à résoudre. Et d'ailleurs, à notre connaissance, il n'y a aucun médecin qui est à l'aise à remplir ces papiers-là.
D'abord, la prestation pour une personne vivant seule de 564 $ par mois ne permet pas le maintien d'une bonne santé. Et, à cet égard, il faut rappeler que la pauvreté, c'est probablement le déterminant le plus important de la santé. En fait, c'est la mère de tous les maux, tant au niveau de la santé qu'au niveau des problèmes sociaux et familiaux.
Ensuite, les raisons qui expliquent l'inaptitude à l'emploi débordent largement le cadre médical. Vous savez, l'analphabétisme, la négligence pendant l'enfance, les troubles d'apprentissage, les personnalités difficiles, la pauvreté transgénérationnelle, tout ça, ce n'est pas des diagnostics qui sont reconnus par l'aide sociale, mais néanmoins ça peut souvent expliquer pourquoi une personne est inapte à l'emploi.
Ensuite, le formulaire de l'aide sociale demande aux médecins de se prononcer sur les capacités et les limitations fonctionnelles d'une personne pour suivre des formations, mais les médecins n'ont aucune idée du genre de formations qui sont offertes sur le marché.
Il faut aussi prendre en considération que les demandes que les patients nous font polluent complètement la relation patient-médecin. Alors, ça peut amener une perception négative chez le médecin du patient ou ça peut amener chez le patient un sentiment de rejet, de colère, d'incompréhension si le médecin refuse de signer.
Dans les faits, nous croyons que la majorité des personnes qui vont voir leur médecin pour se faire signer un formulaire n'aspirent en fait qu'à se trouver un travail qui leur convient et qui correspond à leur capacité. Plusieurs personnes qui font la demande d'un certificat d'invalidité médicale pourraient en fait effectuer un travail à leur rythme avec un encadrement approprié. Mais les conditions actuelles du marché du travail ne sont pas en mesure de fournir ce genre d'emploi.
Alors la gestion de la question de l'aptitude ou de l'inaptitude à l'emploi coûte cher. Cette façon de faire a pour but de diminuer les coûts immédiats du système de sécurité sociale en limitant l'accès aux prestations maximales, alors qu'en bout de ligne les frais en soins de santé et en frais judiciaires seront nettement, nettement supérieurs.
Et c'est aux médecins que le système demande de jouer le rôle de gardien de l'accès. En cette période de pénurie médicale, c'est inadmissible que les médecins consacrent du temps à ce genre de tâche. Et d'ailleurs, pas plus tard que lundi dernier, on a reçu l'appui du président du Collège des médecins du Québec et du secrétaire, qui considèrent, eux aussi, que les médecins ne devraient pas avoir à jouer ce rôle-là.
Pour toutes ces raisons, nous sommes d'avis qu'il serait avantageux d'instaurer un revenu minimal d'insertion garanti fixé, dans un premier temps, au montant actuel octroyé aux personnes en incapacité permanente, soit 858 $ par mois. Nous pensons que ce geste contribuerait à améliorer la santé et l'intégration des personnes assistées sociales tout en permettant de récupérer du temps médical qui pourrait être utilisé à meilleur escient. Ceci aurait un effet direct sur la diminution de la pauvreté et des problèmes de santé et les problèmes sociaux qui en découlent.
Il faut également considérer que l'argent qui sera utilisé par le gouvernement pour financer ces mesures sera immédiatement redistribué dans la société québécoise puisqu'il servira à faire des achats ou des paiements sur des biens essentiels courants. Soyons d'accord, ce n'est pas avec 858 $ par mois que l'on peut s'acheter des REER ou mettre de l'argent à l'abri dans des paradis fiscaux. Merci.

M. Renaud-Lauzé (Ian): Bonjour, mon nom est Ian Renaud-Lauzé. Je suis porte-parole du Collectif pour un Québec sans pauvreté.
Vous vous imaginez qu'on est ici, aujourd'hui, pour appuyer pleinement le Front commun des personnes assistées sociales dans ses revendications pour l'élimination des catégories à l'aide sociale et la pleine compensation des limitations fonctionnelles. Pour le collectif, la question de la fin des catégories à l'aide sociale et de la pleine compensation des coûts liés aux limitations fonctionnelles est en lien avec la couverture des besoins essentiels, et ça fait partie certainement du prochain pas à faire pour avoir un Québec sans pauvreté.
L'an passé, en fait au mois de mai dernier, le collectif est venu déposer une pétition de 100 000 noms dans laquelle était incluse cette revendication-là importante. Le gouvernement n'a toujours pas agi. Il est temps que ça change. Bien entendu, le gouvernement est présentement dans un processus de consultation pour écrire son deuxième plan d'action visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale au Québec. C'est évident que la fin des catégories à l'aide sociale doit être le principal morceau de ce prochain plan d'action. C'est un choix politique, nous avons les moyens, mais surtout nous n'avons pas les moyens de ne pas le faire. Rappelons que notre filet de sécurité sociale, c'est ce qui a permis probablement au Québec d'être beaucoup moins touché par la crise financière actuelle. C'est payant d'avoir un filet de sécurité sociale généreux.
En plus de répondre aux exigences du droit international, mieux soutenir le revenu des personnes les plus pauvres, c'est injecter directement de l'argent dans notre économie, dans l'économie de toutes les régions du Québec. C'est aussi participer à un effort collectif pour l'amélioration de la santé, comme le disait notre ami docteur ici. Le directeur de la santé publique admet que, présentement, 20 % des coûts des soins de santé au Québec sont causés directement par la pauvreté des personnes. Il est temps que ça change.
Investir dans le mieux-être des personnes en situation de pauvreté au Québec, c'est une question de dignité et de droits humains mais aussi de gros bon sens pour faire du Québec une société riche de tout son monde. Présentement, nous sommes pauvres, comme collectivité, de l'exclusion qu'on fait envers une partie de la population. Merci beaucoup.

M. Khadir: Pour terminer je voudrais mentionner qu'aujourd'hui, en Chambre, en plus de la pétition qui a été déposée par Mme Monique Richard, députée de Marguerite-D'Youville et de moi-même, député de Mercier, tous les deux, nous avons aussi tenté de déposer des motions qui n'ont malheureusement pas été acceptées par le gouvernement. La motion de Mme Richard demandait l'exclusion de la pension alimentaire du calcul des revenus pour les personnes assistées sociales. Et la motion que j'ai déposée demandait simplement l'abolition des catégories pour l'évaluation du montant d'allocation d'aide sociale.
Alors, nous croyons que le travail et le combat pour que justice soit faite et que les besoins essentiels de toutes les personnes vivant au Québec, de tous les concitoyens et concitoyennes, soient reconnus d'une manière universelle, en reconnaissance des besoins fondamentaux, sociaux et économiques de nos concitoyens, doivent se poursuivre, et le gouvernement devra tôt ou tard agir là-dessus.
Merci beaucoup. Au revoir. Merci de votre présence.

(Fin à 12 h 32)

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