(Huit heures vingt-quatre minutes)
M. Jolin-Barrette : Alors,
bonjour, tout le monde. Aujourd'hui, nos premiers mots vont aux victimes qui
ont dénoncé les agresseurs. On veut leur offrir tout notre soutien, et notre
message est à l'effet que c'est fort important de dénoncer, et la CAQ appuie ces
victimes dans leur dénonciation. Je pense que c'est important d'envoyer un
message clair aux victimes, celles qui sont sorties, mais également celles qui
n'ont pas brisé le silence non plus. Vous savez, la société est là pour vous
soutenir. Les différentes personnes ici, à l'Assemblée nationale, vous
soutiennent également. Alors, vous avez tout notre support pour dénoncer ces
comportements qui sont complètement inacceptables, et les individus qui ont
commis ce genre de geste là doivent être poursuivis.
Vous savez, en 2016, en mars 2016, j'ai
déposé un projet de loi, le projet de loi n° 596, Loi modifiant le Code
civil afin de rendre imprescriptibles les recours judiciaires pour les victimes
d'agression à caractère sexuel. Actuellement, l'état du droit en matière
civile, c'est à l'effet que, si vous avez été agressé avant 2010, il y a un
délai de prescription de trois ans. Ce qui veut dire que les victimes, s'ils
ont eu connaissance de leur agression, n'ont plus de recours en matière civile
pour poursuivre leur agresseur en matière de dommages-intérêts, on peut leur
opposer la prescription. À la CAQ, on veut changer ça depuis mars 2016.
Aujourd'hui, je demande à la ministre de
la Justice ainsi qu'à la ministre de la Condition féminine d'appeler le plus rapidement
possible notre projet de loi pour régler cette situation-là. Parce que, dans
les récents cas allégués qu'il y a eu hier et avant-hier par rapport à des
agressions sexuelles, certaines victimes qui entreprendraient une poursuite de
nature civile à l'encontre des individus qui les auraient agressées pourraient
se faire opposer la prescription et pourraient ne plus avoir de recours en
matière civile. C'est important, à ce stade-ci, de mentionner qu'en matière
criminelle il n'y a pas de prescription. Donc, j'encourage toutes les victimes
qui ont été agressées au cours de leur vie à déposer une plainte à la police,
et par la suite le Directeur des poursuites criminelles et pénales pourra
prendre une poursuite en matière criminelle.
Nous, le message qu'on envoie aujourd'hui,
c'est qu'on veut soutenir les victimes, on veut faire en sorte de donner tous
les outils aux victimes pour qu'elles soient indemnisées, qu'elles soient
compensées. Alors, on demande à Stéphanie Vallée, on demande également à Hélène
David, hier, qui a voté sur la motion par rapport au mois des femmes, par
rapport à la culture du viol, d'appeler le projet de loi, de faire pression
auprès de Jean-Marc Fournier pour que le projet de loi n° 596 soit appelé,
pour faire en sorte que les victimes, aujourd'hui, vont pouvoir entreprendre
des recours judiciaires contre leurs agresseurs et être indemnisées. Parce que,
vous savez, lorsqu'on est agressé sexuellement, il y a des conséquences en
matière psychologique, en matière physique, il y a des coûts associés à ça, ça
brise des carrières parfois, ça brise des vies également, alors c'est très
sérieux.
Il y a un problème sur le droit, et nous,
on propose une solution. Ça ne doit pas tarder, le gouvernement doit appeler le
projet de loi n° 596, d'autant plus que le scénario est appuyé par un
ancien bâtonnier, l'ancien bâtonnier Masson, par l'ancien doyen de la Faculté
de droit de l'Université d'Ottawa, Sébastien Grammond. Alors, plusieurs acteurs
du milieu juridique sont en accord avec cette proposition-là. Et également
l'ancien juge René Dussault avait rempli un rapport et disait la faisabilité
d'une telle solution. Alors, aujourd'hui on vise à supporter les victimes et on
a une solution concrète pour régler ce problème-là.
Le Modérateur
: Merci
beaucoup, M. Jolin-Barrette. Période des questions. Nicolas Vigneault,
Radio-Canada.
M. Vigneault (Nicolas) :
Est-ce que c'est en raison des événements des derniers jours que vous déposez
aujourd'hui ce projet de loi là?
M. Jolin-Barrette : En
fait, le projet de loi a été déposé depuis mars 2016, donc ça va faire deux ans
que j'ai déposé le projet de loi. Et, à de multiples reprises, depuis mars
2016, j'ai posé des questions au salon bleu à Stéphanie Vallée pour lui dire :
Qu'est-ce qu'elle attend pour outiller les victimes? À chaque fois, ils ont
repoussé du revers de la main mon projet de loi en disant : Écoutez,
maintenant, c'est 30 ans, la prescription pour le futur.
Par contre, qu'est-ce qu'on dit à toutes
les victimes qui ont été agressées sexuellement? Qu'est-ce qu'on dit aux
victimes qui ont été agressées dans les années 2000? Qu'est-ce qu'on dit
aux victimes qui ont été agressées dans les années 90? Qu'est-ce qu'on dit
à la victime qui a été agressée en 1987, les témoignages qu'on a entendus à la
radio ce matin? Qu'est-ce qu'on dit à la victime qui a été agressée en 1982,
qui était un mineur au moment des faits? Est-ce qu'on lui dit : On ne veut
pas que tu poursuives ton agresseur?
Il y a un trou dans la loi présentement.
Stéphanie Vallée peut modifier la loi. Elle doit le faire. Les arguments
juridiques sont là pour le faire. C'est appuyé par des intervenants du monde
juridique. Il n'y a aucune raison aujourd'hui que les libéraux n'appellent pas
le projet de loi n° 596 pour donner davantage de droits aux victimes et
surtout pour les accompagner dans leurs démarches pour réussir à faire le point
sur ça.
M. Vigneault (Nicolas) :
Il y a eu M. Salvail, ce matin M. Rozon, comment vous réagissez à
tout ça? Qu'est-ce que ça vous soulève comme questionnements, comme
préoccupations?
M. Jolin-Barrette :
Nous, on est profondément choqués. On est ébranlés. Ça ne s'explique pas, ce
genre de comportement là. Il faut que les individus qui sont en position
d'autorité et qui commettent ce genre de geste là paient pour ce qu'ils ont
fait, paient pour ce qu'ils ont commis.
Alors, vous savez qu'il y a un processus
judiciaire qui doit suivre son cours, les victimes doivent dénoncer, mais nous,
on va toujours être derrière les victimes par rapport à ce genre de
comportement là, ce genre de comportement qui est inadmissible.
Le Modérateur
: Marco
Bélair-Cirino, Le Devoir.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Oui. Votre proposition ne montre pas, ce matin, la faillite, dans le fond, de
la justice criminelle. Parce qu'il y a plusieurs personnes qui ont témoigné ce
matin dans Le Devoir et au 98,5 qui ont porté plainte à la police,
puis ça n'a débouché sur rien.
M. Jolin-Barrette : C'est
important. La première des choses, toutes les victimes doivent être encouragées
à dénoncer en matière criminelle. Est-ce que, dans certaines circonstances, il
y a certains dossiers qui n'ont pas été traités de la façon convenable? Ça se
peut. Mais il y a une chose, il y a un message que je veux envoyer aux victimes
aujourd'hui : N'hésitez pas à aller dénoncer. Les corps de police sont là pour
vous écouter, les procureurs de la couronne sont là pour vous écouter, vous
accompagner. Il y a plusieurs escouades maintenant qui sont en place dans les
différents corps de police. Il y a des policiers et des policières qui sont
formés pour recevoir les dénonciations, ils vont accompagner les victimes. Alors,
j'encourage toutes les victimes, lorsqu'elles seront prêtes... Parce que ça, c'est
bien important de comprendre que, parfois, il y a certaines victimes qui ne
sont pas prêtes à aller à la police parce qu'il y a un processus, aussi, personnel
pour pouvoir porter plainte. Mais le message qu'on envoie, c'est que les corps
de police sont disponibles, les policiers, les policières sont là et ils vont
accueillir les victimes.
Alors, si dans le passé les plaintes n'ont
pas été reçues de façon appropriée, c'est inacceptable, mais j'ose croire
qu'aujourd'hui les différents services de police vont pouvoir recueillir les
plaintes des victimes. Et on a confiance que les différents corps de police
vont le faire et surtout on encourage les victimes à aller chercher du support
à la police, mais dans les différents centres également, les réseaux de
victimes d'actes criminels. Et également j'encourage les victimes à demander du
support aux CALACS, à l'IVAC également. Il y a des outils au Québec, on s'est
doté de lois pour faire en sorte que les victimes soient supportées et, nous,
notre message va toujours être à l'effet de supporter les victimes, il y a des
moyens.
Un point important aussi, les victimes ne
sont pas seules. Il y a plusieurs individus qui sont là, plusieurs personnes
qui sont là pour vous supporter. Alors, n'hésitez pas, vous avez tout notre
appui, n'hésitez pas à dénoncer, et la société va être derrière vous dans votre
accompagnement.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Mais aux victimes qui se font répondre — plusieurs d'entre elles se
font répondre ça par des corps de police — qu'il n'y a pas de preuves
suffisantes pour porter des accusations envers la personne qui aurait commis
une agression sexuelle ou voire même un viol, dans le fond vous les invitez à
intenter des poursuites civiles en raison du fardeau de la preuve qui est moins
important à amasser?
M. Jolin-Barrette : Pour
nous, ce qui est important, c'est que les victimes soient indemnisées. En
matière criminelle, le fardeau de la preuve, comme vous l'avez dit, est
différent. Lorsqu'on dépose une plainte en matière criminelle, la police reçoit
notre plainte, ça devient au procureur de la couronne de déterminer est-ce
qu'il a la preuve, hors de tout doute raisonnable, pour déposer des
accusations. Parfois, en matière criminelle, il peut arriver qu'un procureur ne
dépose pas de plainte, non pas que la version de la victime n'est pas vraie,
ça, c'est important de le dire, mais c'est parce que son fardeau de preuve à
remplir est plus important.
Donc, ce n'est pas mieux non plus de
déposer des accusations si on ne peut pas obtenir de condamnation non plus, parce
que le processus judiciaire aussi, c'est quelque chose pour la victime aussi.
Et, en ce sens-là aussi, il faut que le système judiciaire s'adapte aux
victimes pour les supporter le plus possible et pour faire en sorte aussi que
la victime ne se retrouve pas confrontée dans la salle de cour par rapport à
son agresseur. Vous savez, en matière d'agression sexuelle, lorsqu'on fait un
témoignage, c'est souvent difficile, il faut revivre cette situation-là. Et le fait
d'être dans un espace clos avec l'agresseur, c'est une épreuve pour les
victimes. Alors, il y a plusieurs outils technologiques maintenant qui peuvent
être utilisés pour qu'il n'y ait pas, dans la même salle de cour, la victime et
l'agresseur, notamment on peut penser à des visioconférences. On le fait...
supposons, dans le cadre de mégaprocès, c'est des visioconférences. Nous, on croit
que le système de justice, rendu à la cour, doit s'adapter et doit faire en
sorte de créer autour de la victime un environnement qui est sain pour elle au
moment où elle aura à livrer son témoignage.
Alors, les tribunaux... et la ministre de
la Justice, au niveau de sa compétence en matière d'administration de la
justice, a un devoir à faire pour moderniser nos institutions, moderniser les
palais de justice et les façons de procéder lorsque vient le temps de faire un
témoignage de la victime d'agression sexuelle. C'est extrêmement important, et
il faut prendre action. On aurait dû prendre action beaucoup plus tôt. Mais là
c'est dans l'actualité. Présentement, il faut que les façons de faire au niveau
du témoignage soient modernisées, et que ça devienne une pratique courante de
procéder de cette façon-là, et que ça ne soit pas l'exception, qu'on facilite
la vie des victimes pour la dénonciation en matière criminelle.
Pour l'aspect civil de votre question,
l'aspect civil, nous, ce qu'on veut par le projet de loi n° 596, c'est de
donner toutes les possibilités aux victimes qui souhaitent poursuivre leur
agresseur d'être indemnisées, d'obtenir des dommages-intérêts, d'obtenir un
dédommagement financier...
M. Bélair-Cirino (Marco) :
D'obtenir justice aussi.
M. Jolin-Barrette :
...d'obtenir justice également. Donc, c'est deux aspects. Le civil, ça touche
la personne elle-même, le criminel, ça touche la société. Mais il y a une chose
qui est sûre aujourd'hui, Stéphanie Vallée, elle a la solution à une problématique
qui est soulevée pour les victimes — je le répète — les
victimes qui ont été agressées en 1982, en 1987, il y en a qui ont été
agressées en 1997. Ce projet de loi là est nécessaire pour ces victimes-là,
pour ne pas qu'elles se fassent exposer le fait que leurs poursuites pourraient
être hors délai. Il y a une solution à cette problématique-là. Il faut que le
gouvernement... L'appel... Ça fait déjà depuis mars 2016 que le projet de loi
est présenté. Est-ce qu'on veut donner davantage de droits aux victimes ou on
veut le restreindre? C'est ça, le débat aujourd'hui. Et j'espère que, du côté
du gouvernement, on va nous entendre. Ce n'est pas partisan, c'est pour les
victimes. Il y a lieu de l'étudier dans les meilleurs délais.
Le Modérateur
: Merci
beaucoup. Patrick Bellerose, Journal de Montréal.
M. Bellerose (Patrick) :
Bonjour, M. Jolin-Barrette. Quel est effet que vous souhaitez avec ce
projet de loi là? Est-ce que c'est une conséquence supplémentaire, disons, pour
faire peur, créer un «chilling effect» aux gens qui seraient des potentiels
agresseurs?
M. Jolin-Barrette : Non.
À la base, là, nous, on pense aux victimes. Et actuellement on veut que les
victimes qui ont été agressées au cours de leur vie et qui décident, dans le
processus, de dire : Je veux obtenir justice, je veux obtenir
réparation... on ne veut pas qu'elles aient de barrières, on ne veut pas qu'il
y ait de bâtons dans leurs roues au niveau de leurs démarches judiciaires. Et
actuellement il en existe, des bâtons. La victime doit faire le processus
judiciaire. Et on ne veut pas qu'elles se fassent opposer la prescription pour
être indemnisées, pour avoir l'argent auquel elle a droit par rapport aux
dommages qu'elle a subis. Nous, on souhaite accompagner les victimes dans cette
démarche-là, et il n'y a aucune raison, aucune raison au monde, par des raisons
historiques, de droit civil, de dire : Une victime d'agression sexuelle de
1995, elle doit avoir un délai de prescription de trois ans. Écoutez, au Québec,
pour acquérir un terrain par prescription, c'est 10 ans, 10 ans. Ça
n'a aucun sens que quelqu'un qui a été agressé sexuellement ne puisse pas
entreprendre une poursuite civile dans un délai plus court que pour un délai de
prescription pour acquérir un terrain, un fonds de terre. Ça n'a aucun sens. Et
la ministre de la Justice est très consciente de ça. Elle a commandé un rapport
au juge Dussault. Le juge Dussault, un ancien juge de la Cour d'appel, dit
qu'il est possible d'étendre la prescription, de l'abolir. Alors, j'invite
véritablement la ministre de la Justice à appeler le projet de loi.
M. Bellerose (Patrick) :
...pas qu'on se retrouve avec un système un peu à l'américaine où des gens
règlent au civil pour éviter, justement, d'avoir un procès criminel?
M. Jolin-Barrette : Non,
c'est deux aspects complètement distincts. En matière criminelle, là, c'est important
que les victimes dénoncent, aillent voir la police et qu'elles soient
accompagnées au niveau de la plainte criminelle. L'aspect civil, il est là pour
indemniser la victime. Une victime, elle peut avoir souffert psychologiquement,
souffert physiquement, avoir eu des impacts financiers dans sa vie, des
conséquences aussi par rapport à son bien-être, à sa santé, tout ça. Le volet
civil, il est là pour la victime. En matière criminelle, on punit l'individu
qui a eu un comportement répréhensible par rapport à la société en général.
Alors, l'élément qui est intéressant dans ce que vous soulevez, là, c'est que
l'État, le Québec, là, lui, il dit : Un individu qui a commis une
agression sexuelle contre quelqu'un, moi, l'État, il n'y a pas de délai pour que
je puisse le poursuivre. Mais par contre, quand ça touche un individu personnellement,
l'État du Québec dit : C'est seulement trois ans, la prescription, à
partir du moment de la connaissance, avant 2013. C'est incohérent. Pourquoi
est-ce qu'on donnerait moins de droits aux individus, aux victimes qu'à l'État
comme tel, parce que c'est la couronne, c'est la reine qui poursuit? Alors,
nous, ce qu'on veut aujourd'hui c'est faire en sorte que les victimes aient
toutes les possibilités de poursuivre leurs agresseurs. Et le gouvernement
libéral est très au courant qu'il y a un trou dans la loi et qui profite aux
agresseurs sexuels, et nous, on trouve ça inacceptable et inadmissible. Il faut
qu'il prenne action dès maintenant, qu'il appelle le projet de loi
no° 596.
Le Modérateur
: Merci
beaucoup. Mathieu Boivin, Cogeco Nouvelles.
M. Boivin (Mathieu) :
Vous avez dit qu'une des choses qui vous animent, à tout le moins, une des
choses qui vous semblent les plus importantes, c'est que les victimes soient
indemnisées. Ça vaut combien, ça, une agression sexuelle, des gestes de
harcèlement?
M. Jolin-Barrette : Écoutez,
je ne suis pas un spécialiste de ces dossiers-là, je ne peux pas vous dire
combien ça vaut. En matière civile, la victime doit démontrer quels sont ses
chefs de dommages, et là c'est au tribunal à attribuer la réclamation par
rapport à ce qui est demandé par la victime.
Par ailleurs, il faut savoir que les
victimes ont droit également à un régime d'indemnisation qui s'appelle
l'Indemnisation des victimes d'actes criminels, l'IVAC, et qui sont présents un
peu partout sur le territoire québécois. Donc, j'encourage les victimes à faire
des démarches pour être indemnisées si elles ont été victimes d'un acte
criminel, qui est un régime d'indemnisation public.
M. Boivin (Mathieu) :
Qu'est-ce que vous répondriez à quelqu'un qui dirait : Bien, écoutez... Mettons,
dans les cas récents d'Éric Salvail puis de M. Rozon, ils sont assez
sévèrement sanctionnés. En fait, le sont-ils, ne le sont-ils pas? On va laisser
ça à l'évaluation de chacun. Mais quelqu'un pourrait vous dire : Ils
paient déjà assez cher sans qu'en plus on soit obligés de changer la loi pour
fesser encore plus fort.
M. Jolin-Barrette :
Bien, écoutez, nous, on ne défendra jamais les agresseurs sexuels. Je pense
qu'on doit donner tous les outils aux victimes, qui, elles, ont subi les
dommages, pour être indemnisées. Il faut faire en sorte, là, que, si vous avez
été victime d'agression sexuelle, tous les recours soient à votre disposition,
et actuellement ce n'est pas tout à fait le cas, O.K.?
Alors, nous, ce qu'on dit aujourd'hui, c'est
que : Donnons les outils aux victimes, faisons en sorte que, si elles
souhaitent poursuivre leurs agresseurs au niveau civil afin qu'elles puissent
être indemnisées, enlevons aux victimes toute possibilité de contestation sur
la forme au niveau de la prescription, au niveau du délai. C'est fondamental
que ça tombe.
Je dois dire que, depuis 2013 aussi, le
délai de prescription maintenant est à 30 ans pour le futur et que, pour
les enfants, la prescription commence à courir à partir de l'âge de 18 ans
en matière civile. Mais ça, c'est depuis que la loi a été changée en 2013. Pour
toutes les victimes avant, elles peuvent se faire opposer la prescription, il y
a eu des cas qui se sont rendus jusqu'à la Cour suprême. Le législateur
québécois, nous, à l'Assemblée nationale, le gouvernement libéral a le pouvoir,
là, aujourd'hui, d'apporter une modification à la loi qui va faire en sorte que
les victimes vont avoir davantage de droits, et ça va faciliter la vie des
victimes.
M. Boivin (Mathieu) : Qu'est-ce
que vous pensez des propos d'Alexandre Taillefer, qui, pour illustrer la
distance qu'il avait l'intention de mettre avec son amie Isabelle Melançon, qui
est maintenant ministre de l'Environnement, disait : On va mettre un
condom, deux condoms, trois condoms.
M. Jolin-Barrette :
Bien, je pense que c'est déplacé comme langage, et je pense que M. Taillefer
devrait utiliser des termes... un langage plus approprié dans la sphère
publique.
M. Boivin (Mathieu) :
...
M. Jolin-Barrette :
Bien, je pense que le choix des mots et l'image étaient tout à fait déplacés.
Le Modérateur
: Merci
beaucoup. Nous allons y aller rondement. Je crois qu'en français on avait
d'autres questions sur d'autres sujets. Rondement, Patrick Bellerose.
M. Bellerose (Patrick) :
Question rapide sur le projet de loi n° 62. Êtes-vous d'accord avec la
décision du gouvernement d'interdire le niqab dans l'autobus sur tout le
trajet?
M. Jolin-Barrette : La problématique
avec le projet de loi de Stéphanie Vallée, là, c'est que c'est difficilement
applicable. Nous, ce qu'on a a proposé, là, c'est qu'on va abolir le projet de
loi n° 62 et qu'on va véritablement présenter une charte de la laïcité qui
va faire en sorte, là, d'avoir un projet de loi qui est applicable. Pour nous,
là, le projet de loi n° 62, là, ça ne règle aucunement la situation, et ça
complique davantage les choses, et ce n'est pas un vrai projet de loi pour la
laïcité, ça prévoit énormément d'exceptions. Alors, on va retourner à la table
du travail.
M. Bellerose (Patrick) :
Êtes-vous d'accord avec l'idée d'interdire le niqab dans l'autobus?
M. Jolin-Barrette : Ce
qui est important, c'est que la personne dévoile son visage lorsqu'elle reçoit
un service.
Le Modérateur
: Merci.
Marco Bélair-Cirino, Le Devoir.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Oui. Une résidente de Montréal allègue avoir été sauvagement battue par un
chauffeur d'Uber. Votre formation politique était pour un allègement des
conditions qui seraient imposées à la multinationale si elle reste établie au Québec,
là. Vous jugiez que les restrictions imposées par le gouvernement du Québec
étaient trop sévères. Est-ce que ça ne démontre pas que la vérification des
antécédents judiciaires, notamment, et aussi la responsabilité pour une
compagnie de taxis d'afficher l'identité du chauffeur — parce que,
là, Uber refuse de transmettre à l'avocat de la victime alléguée l'identité du
chauffeur — est nécessaire?
M. Jolin-Barrette :
Bien, ce qui est important dans un cas-là, c'est, s'il y a eu une agression
physique, que la plainte puisse être enregistrée à la police et que, genre, le
chauffeur soit retiré de ses fonctions de conducteur d'Uber. Alors, les règles
entourant la sécurité doivent être appliquées.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Mais est-ce que la compagnie doit transmettre l'identité du chauffeur à la
plaignante, là, à celle qui se dit victime pour que les procédures puissent se
poursuivre?
M. Jolin-Barrette :
Bien, dans tous les cas, il doit y avoir une facilitation entre la compagnie
et... d'un chauffeur qui a commis un acte criminel. Ils doivent pouvoir être
poursuivis. Donc, les moyens doivent être pris pour pouvoir poursuivre le
chauffeur. La forme... Je ne connais pas le cas, donc, que vous alléguez présentement,
je n'en ai pas pris connaissance. Une chose qui est sûre, c'est que, pour les
victimes qui ont été battues, comme dans ce cas-là, il faut que le processus
judiciaire suive son cours puis il faut qu'on puisse identifier l'agresseur.
Le Modérateur
: Merci.
Questions en anglais, Maya Johnson, CTV.
Mme Johnson
(Maya) : Good morning. Just a very basic
question : What are you trying to accomplish with the bill you're
proposing? I understand you want to change or remove the statute of
limitations, is that it?
M. Jolin-Barrette : Well, the situation right now is the fact that, if you've been
assaulted, like, in 2000 and you knew that, you can be… you can have a motion
in the courthouse that will say that you cannot sue me because you are over the
time that you can sue me. Well, right now, what we want to do is to give more
rights to the victims because, if somebody has been assaulted before 2010,
maybe she cannot sue the person who made that to her. So, that's very important that the Liberal
Government call my bill because we want to give more
rights to the sexual victims.
Mme Johnson (Maya) : You're saying now, in 2017, that a person who had been
assaulted prior to 2010 would not be able to go forward with a complaint?
M. Jolin-Barrette : Well, you have to make a distinction. First of all, in criminal
jurisdiction, you can sue anytime a person, even if the assaults have been in
1950 or right now, there is no time limit. On the civil, on the
«indemnisation», to have money for the victim, the rule is for 2013 and the
future, it's 30 years. It starts at 18 years old for a minor. Prior to that,
before 2010, if you have been assaulted, sexual assault, you can… in the
courthouse, the defendant can oppose you a motion to say : You cannot sue
me because it's out of time, you're not in the time limit to sue me. So, that's
really, really important that
the Liberal Government patch
the hole in the bill… in the law because right now we have some victims and
some courts… some cases went to the Supreme Court and say : The victims
cannot sue the person who made the criminal offence against her because you're
not in the time limit. We want to change that, and Justice Minister Vallée knows
that, and some experts from the justice world already say : We can do that
and we have to do that. The Liberal Government needs to
help the victims. And right now with its position with… since March 2016 she
has the possibility to do that when I tabled the bill, and she didn't move, and
she say, with our bill, that's not important. We need to have a concrete answer
about the situation right now and to give all the ways to the victims to
receive an «indemnisation» of the «agresseur».
Mme Johnson (Maya) : And, just more broadly speaking, what is your reaction to all of
these allegations they're servicing now, first about Éric Salvail and most
recently about Gilbert Rozon?
M. Jolin-Barrette : We are really shocked about that. We are really disappointed, and
our thoughts go to the victims. And we have a clear message for them : We
are with you, we support you in your process, and you will find all the support
in the different courthouses with «des centres d'aide de victimes d'actes
criminels». You can go to «l'Indemnisation des victimes d'actes criminels». We
are with you. And these types of «comportements» are unacceptable. So, we
support the victims and we say : When you will be ready to talk, we will be there to support you, and the judicial system will be there
to support you.
But right now what is important this morning is that the Liberal Government calls our bill
and makes a difference for the victims. They have the possibility to make a difference
and to simplify the lives of the different victims of sexual assault.
Le Modérateur
:
Merci. Thank you. Merci.
(Fin à 8 h 49)