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Point de presse de M. Gabriel Nadeau-Dubois, député de Gouin

Version finale

Le mardi 24 octobre 2017, 15 h 15

Salle Bernard-Lalonde (1.131), hôtel du Parlement

(Quinze heures treize minutes)

M. Nadeau-Dubois : Cet après-midi, on a assisté, à l'Assemblée nationale, à une démonstration d'incohérence de niveau olympique où on a deux partis politiques qui prétendent appuyer l'idée de la séparation entre la religion et l'État et qui, pourtant, ont voté contre le fait d'avoir une simple discussion sur la présence du crucifix au salon bleu. C'est une grande déception pour moi, pour Québec solidaire, parce que je croyais vraiment qu'en 2017 nous étions prêts, comme parlementaires, à avoir ce débat-là. C'est une déception. Je croyais vraiment que le Parti libéral du Québec et la Coalition avenir Québec allaient être capables de cohérence parce que c'est de cohérence dont il s'agissait avec la motion que j'ai présentée.

Ça fait 10 ans, au Québec, qu'on parle de laïcité, qu'on parle des accommodements raisonnables, qu'on parle de neutralité religieuse. Il y a actuellement une controverse importante au Québec sur cette question-là. Et que les deux partis, la CAQ et le PLQ, n'aient même pas été capables d'appuyer une motion qui demandait une discussion entre parlementaires sur le crucifix, c'est une démonstration publique d'incohérence. Et ils vont devoir expliquer à la population du Québec pourquoi la laïcité, ça vaut pour bien des affaires, mais ça ne vaut pas pour le salon bleu, lieu par excellence de la démocratie québécoise.

Alors, c'est une déception, c'est une surprise aussi. Je m'attendais vraiment à ce que l'ensemble des partis politiques soient capables de s'entendre sur l'importance de ces discussions-là. Et je serais très étonné que la totalité des caucus libéraux et caquistes soit d'accord avec cette position-là. Je n'arrive pas à y croire, en fait. Je ne peux pas y croire parce qu'en 2017 un héritage de Duplessis comme celui-là, qui voulait sceller l'alliance sacrée entre l'Église et l'État, bien, on devrait être capables d'en discuter et idéalement de le déplacer ailleurs dans le bâtiment. La CAQ et le PLQ ont montré qu'ils souhaitaient être dans la continuité de cet héritage, alors que, selon nous, Québec solidaire, en 2017, c'est le temps de tourner la page, d'honorer cet objet-là comme un objet d'histoire et de le déplacer dans un autre endroit de l'Assemblée nationale.

M. Dion (Mathieu) : Selon vous, qu'est-ce qui peut expliquer ça sur le non-dit, ce qui n'est pas dit? Qu'est-ce qui peut expliquer ça, qu'on prend une décision comme celle-là à la CAQ et au Parti libéral?

M. Nadeau-Dubois : C'est une maudine de bonne question!

M. Dion (Mathieu) : C'est électoraliste?

M. Nadeau-Dubois : Je ne sais pas à qui les libéraux et les caquistes tentent de plaire. Je ne comprends pas parce que moi, je suis convaincu que la société québécoise de 2017 est prête pour cette discussion-là. Et ce que les libéraux et les caquistes ont montré, c'est qu'ils étaient en retard sur la société québécoise de 2017.

M. Couillard, dans les dernières semaines, a beaucoup parlé de renouveau, de transformation et même de jeunesse. Bien, ce dont il vient de faire la démonstration, c'est que le Parti libéral du Québec, c'est un vieux parti conservateur qui n'a pas envie vraiment que le Québec progresse.

Journaliste : Est-ce que vous sous-estimez le vieux fond catholique du Québec?

M. Nadeau-Dubois : La culture catholique, c'est un élément fondamental de l'histoire du Québec, et c'est pour ça qu'on ne proposait pas de prendre le crucifix puis de le garrocher dans le fond d'une garde-robe. On proposait de la déplacer dans un autre endroit où on aurait pu le mettre en valeur, le présenter comme un objet justement patrimonial et historique. Quand on l'accroche au-dessus du fauteuil du président, le message qu'on envoie, c'est que c'est un objet d'actualité, alors que, pour nous, c'est un objet de patrimoine qui devrait être placé dans un endroit qui reflète ça.

M. Lecavalier (Charles) : Mais M. Couillard en 2014, pendant les élections, a dit que le crucifix était là pour rester. Donc, un peu... Comment ça que vous êtes étonné aujourd'hui que les libéraux disent non, alors que c'était pratiquement une promesse de campagne de garder le crucifix au salon bleu?

M. Nadeau-Dubois : Parce qu'il y a juste les fous qui ne changent pas d'idée et parce qu'on est actuellement dans un débat sur la neutralité religieuse de l'État. Les libéraux se réclament de ce principe-là, la CAQ se réclame de ce principe-là et, quand vient le temps d'être minimalement cohérent, ils ont peur, ils s'en vont se cacher dans un coin puis ils refusent d'appuyer une motion qui, je rappelle, demandait qu'on ait une discussion sur la question.

Donc, oui, je suis sincèrement surpris parce que je croyais qu'en 2017 au Québec la classe politique, là, était assez mature pour être cohérente. Et là, moi, ce que je vois, c'est deux partis politiques qui sont incapables de faire preuve de cohérence. C'est vraiment surprenant. Et on parle souvent de cynisme, là. Moi, je pense que ce genre de décision là, ça alimente le cynisme parce que ça montre qu'on promeut la laïcité sur toutes les tribunes et, quand vient le temps de l'appliquer dans l'endroit où on vote les lois au Québec, on n'est pas capable de le faire.

Il faut quand même rappeler, là, le salon bleu, ce n'est pas un endroit comme un autre. C'est un endroit qui est fondamental pour la démocratie québécoise. Ce n'est pas comme le mont Royal, là, où il y a une croix aussi, là, tu sais. Le mont Royal, c'est là où on fait des piqueniques, le salon bleu, c'est là où on vote des lois. Ce n'est pas la même chose. Alors, qu'on ne soit pas capable d'être cohérent quand arrive le temps de parler du salon bleu, c'est incompréhensible pour moi.

M. Pilon-Larose (Hugo) : Est-ce que le crucifix, celui qui est présentement accroché dans le salon bleu, pour vous, est un objet patrimonial?

M. Nadeau-Dubois : C'est un objet qui a été introduit...

M. Pilon-Larose (Hugo) : Cet objet-là, là, celui qui est là.

M. Nadeau-Dubois : Oui. Bien, c'est un objet qui a été introduit très récemment, hein? Il date des années 80 seulement. Ce n'est même pas le crucifix qui avait été installé originalement, lui, par Maurice Duplessis en 1936. Donc, c'est un peu l'aspect ironique de la situation. C'est que, même si on voulait parler d'un objet patrimonial, il faudrait exposer celui-là et le crucifix original, qu'on a retrouvé dans les dernières semaines.

Donc, oui, c'est un objet important pour l'histoire du Québec, mais, justement, mettons-le dans un endroit qui reflète ça. Quand on l'accroche au-dessus du fauteuil du président, ce n'est pas un signal qu'on respecte l'histoire, c'est un signal qu'on veut être fidèle à la signification politique de ce crucifix-là, qui est très claire : l'alliance entre l'Église et l'État au Québec. Et, en 2017, on est ailleurs. Il faut tourner la page. Et les libéraux et les caquistes, aujourd'hui, montrent tout leur décalage par rapport à l'état de la société québécoise, particulièrement les jeunes, particulièrement les jeunes.

    Mme Sioui (Marie-Michèle) : Qu'est-ce que ça peut apporter à la CAQ ou aux libéraux de refuser d'avoir ce débat-là, selon vous?

M. Nadeau-Dubois : C'est une bonne question. La décision de la CAQ et des libéraux, je ne la comprends pas. Il doit y avoir un mélange de... je ne sais pas. Il doit y avoir un mélange de peur, d'électoralisme et de conservatisme. C'est des partis qui, dans leur ADN, je pense, sont des partis conservateurs, et on en a eu une démonstration aujourd'hui.

M. Lecavalier (Charles) : Est-ce qu'il y a d'autres croix que vous souhaitez retirer ou c'est la seule? Il y a eu un débat, par exemple, dans les hôpitaux.

M. Nadeau-Dubois : Ce n'est pas pour rien qu'on a un débat sur le crucifix au salon bleu, c'est que le salon bleu, ce n'est pas un endroit comme un autre. Les symboles en politique, c'est important. C'est pour ça qu'on nous oblige à porter une cravate. C'est pour ça qu'on nous oblige à porter un petit écusson comme ça. Les symboles sont importants, et, au salon bleu, d'entre tous les lieux de l'État québécois, c'est celui qui devrait montrer une laïcité exemplaire.

Alors, non, l'objectif, ce n'est pas de procéder à une révolution culturelle où on va déboulonner toutes les statues et enlever toutes les croix, là. On n'est pas là du tout. On est dans une proposition tout à fait modérée et simple qui est de dire : Bien, au salon bleu, il me semble que c'est le temps de passer à autre chose. Déplaçons-le dans un autre endroit. Mais, non, on ne veut pas changer tous les noms de village et enlever toutes les croix de chemin du Québec. On parle du salon bleu. C'est un endroit qui est important.

M. Lecavalier (Charles) : Je posais quand même la question à propos des hôpitaux. C'est un milieu public. Il y a eu un débat à Québec, là, l'an dernier. Est-ce que les crucifix dans les hôpitaux, qui sont des lieux... un endroit public payé par l'État, il devrait y avoir des crucifix là?

M. Nadeau-Dubois : Moi, je peux comprendre le malaise de certaines personnes de voir des crucifix accrochés dans des institutions publiques. Mais le débat aujourd'hui ne portait pas là-dessus. Le débat, il portait sur le crucifix au salon bleu.

M. Lecavalier (Charles) : Est-ce que ce malaise-là, vous l'avez quand vous voyez des crucifix dans les lieux publics?

M. Nadeau-Dubois : Personnellement, ça ne me choque pas énormément. Je vous le dis en toute sincérité. Je trouve ça un peu anachronique, mais ça ne me choque pas personnellement. Et le débat n'était pas là-dessus aujourd'hui, et on ne débattra pas de ça aujourd'hui. Mais qu'on ne soit pas capables d'arriver à un consensus sur le crucifix au salon bleu, c'est de l'incohérence. Et aujourd'hui... Comme je l'ai dit, là, c'est de l'incohérence de calibre, là, olympique, là. Moi, pour moi, c'est inexplicable.

    Mme Sioui (Marie-Michèle) : J'avais juste sur un autre sujet, est-ce que ça va? Avez-vous pris connaissance du rapport du Conseil supérieur de l'éducation?

M. Nadeau-Dubois : Pas encore, malheureusement. C'est sorti, il y a quelques minutes. J'ai vu qu'il était sorti, j'ai vu quelques réactions. On s'en parlera peut-être plus tard. Je ne l'ai pas lu encore, alors je ne m'aventurerai pas sur un terrain que je n'ai pas encore exploré.

M. Lecavalier (Charles) : ...maintenant sur le 62, on a appris aujourd'hui que tous les cours, primaire, secondaire, université, cégep, devront être donnés et reçus à visage découvert. Est-ce que c'est une surprise pour vous? On n'a pas eu l'impression que c'était dans les discussions publiques et on apprend, par exemple, dans les universités ou dans les cégeps, les étudiants aussi devront avoir le visage découvert durant tous les cours.

M. Nadeau-Dubois : Moi, ce que je retiens, c'est l'improvisation de la ministre parce qu'en effet il y a eu, tout au long du débat sur le projet de loi n° 62, un flou constant. Et, en commission parlementaire, Québec solidaire a fait partie des gens qui ont demandé des explications, qui ont tenté de comprendre qu'est-ce que la ministre cherchait à faire justement, et on n'a jamais obtenu de réponse. On a fait, en commission parlementaire, des amendements pour préciser la portée du projet de loi, des amendements qui ont été refusés.

La ministre a dit une chose en commission parlementaire, a dit une autre chose aujourd'hui en point de presse. Elle se contredit elle-même. Est apparue la question des établissements scolaires, qui n'avait pas été discutée ou, en tout cas, pas à ma connaissance, durant la commission parlementaire. Et ça montre à quel point, je veux dire, c'est un bordel total, c'est un fouillis absolu, ce projet de loi là. Et c'est inquiétant qu'après deux ans... pendant deux ans de débat, on n'ait pas pu adopter un projet de loi en disant aux parlementaires sur quoi exactement ils votaient. Et ça, c'est choquant, c'est choquant qu'on nous ait fait voter un projet de loi en nous le vendant d'une certaine manière et qu'ensuite on nous dit : En fait, ça va s'appliquer différemment de ce qu'on vous a dit avant l'adoption. Il y a un problème de démocratie ici, là.

    Mme Sioui (Marie-Michèle) : Est-ce que ça aurait changé votre vote?

M. Nadeau-Dubois : Je ne crois pas que ça aurait changé notre vote. On aurait voté contre de toute façon. Mais il y a une question de principe, là. Et la question de principe, elle est importante. Ce n'est pas pour rien qu'on fait des commissions parlementaires, ce n'est pas pour jaser, c'est pour comprendre les intentions du gouvernement. Et quand un ou une ministre en commission parlementaire exprime ses intentions, il faut qu'il y ait la confiance puis, nous, il faut qu'on croie à cette personne-là. Si on se relève un matin puis qu'en point de presse ça a changé, ça érode la confiance et de manière importante.

Donc, il y a une question de principe ici qui est importante au-delà de la question : Est-ce que ça aurait changé le vote ou pas parce que, là, ça se produit dans le cadre de ce projet de loi là, mais est-ce que, dans d'autres commissions parlementaires, il faudrait se mettre à douter des explications données par les ministres? J'espère qu'on n'est pas en train de s'en aller là. Ce serait inquiétant pour la vie parlementaire.

Le Modérateur : En anglais.

Mme Johnson (Maya) : Merci. Just going back to the crucifix. You used the words — I'm translating freely here — Olympic-caliber incoherence. Pretty strong words.

M. Nadeau-Dubois : Well, it's totally incoherent from the Liberal Party and the Coalition avenir Québec. I mean, those two parties pretend to support the basic principle of the separation between religion and the State and, when it comes to apply that very basic principle to the institution in which we are actually voting the laws of Québec, they're being cowards and they're not being able to be coherent. So, yes, it is, you know, an Olympic-caliber of incoherence and it's a public display of incoherence. So, I can't wait to see them try to justify their opposition, because, for me, it's totally incoherent.

And I'm thinking especially to the youth of Québec, for which… Yes, the history is important, but we live now in a society where the religion and the State should be separated, and it should begin in the National Assembly. I don't see how you can oppose that very basic principle.

Mme Johnson (Maya) : The justification that we've heard so far repeatedly is heritage, our traditions. How do you respond to that?

M. Nadeau-Dubois : Heritage is very important. The history of Québec is very important. And the Catholic religion is an important part of that history. That's why, that's precisely why we should take the crucifix down and put it on display somewhere else in the building, where we can really present it as an important historical artefact for Québec.

But, when it is suspended over the Speaker's chair, it's not a symbol of history, it's a contemporary message that religion is still linked to the political power. And that's problematic. And I think the Liberal Party and the Coalition avenir Québec have shown that their political DNA is a conservative DNA. They have shown that, deeply, they are conservative parties. Even if Mr. Couillard is using slogans about youth, and renewal, and transformation of Québec, honestly, when it comes to acting in a modern way, the Liberals were not coherent. So, for me, actions speak louder than words, and the Liberal Party had the opportunity today to do a real gesture of secularism and they did not.

Mme Johnson (Maya) : So, really, that's hypocrisy.

M. Nadeau-Dubois : Well, that's hypocrisy, that's incoherence, of course. When you pretend to defend the principle of religious neutrality, you have to be able to vote for a motion that only asks for a debate on that issue inside the Bureau de l'Assemblée nationale. If you're not able to do so, you're incoherent.

Une voix : Merci.

(Fin à 15 h 27)

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