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Point de presse de M. Amir Khadir, député de Mercier

Version finale

Le mercredi 1 novembre 2017, 12 h 30

Hall principal de l'hôtel du Parlement, hôtel du Parlement

(Douze heures trente-quatre minutes)

M. Khadir : Bonjour, tout le monde. Vu l'importance du projet, mes collègues Manon Massé et Gabriel Nadeau-Dubois ont tenu à être présents avec nous. C'est un jour important. On a parfois des problèmes majeurs qui relèvent plutôt du négatif et des critiques. Aujourd'hui, on est, heureusement, en plein milieu d'une crise politique, on prend quelques moments de parler d'un projet de loi qui, je pense, a l'assentiment d'à peu près tout le monde, y compris, j'en suis persuadé, chez le gouvernement libéral.

Alors, il s'agit d'un projet de loi qui vise à modifier nos lois afin que le commerce de détail qui se déroule sur notre territoire puis le commerce électronique qui s'impose à nous comme une réalité économique du XXIe siècle, ces deux commerces-là puissent vivre ensemble sans disparité, sans injustice, sans l'inégalité qui fait en sorte qu'aujourd'hui les grands joueurs, les Amazon, les Netflix de ce monde ne respectent pas les mêmes règles, bien qu'ils veuillent jouer sur la même patinoire que notre commerce de détail, que nos commerçants et commerçantes locaux.

Alors, j'ai l'immense plaisir d'avoir avec moi Mme Marwah Rizqy, que vous connaissez, fiscaliste, avocate, professeure à l'Université de Sherbrooke, qui défend ce genre d'idée depuis tout près de sept ans, et aussi M. Turgeon et M. Simons. Mais avant je demande leur patience et la vôtre pour présenter globalement qu'est-ce que vise à faire exactement notre projet de loi.

Alors, dans un premier temps, comme nous l'avons dit, il s'agit de s'assurer que les entreprises québécoises, celles que représente M. Turgeon ici, ceux et celles qui, comme M. Simons, tiennent à offrir des bonnes conditions de travail et de bons produits à la population québécoise et à leurs travailleurs et travailleuses, puissent, lorsqu'ils font commerce ici, ne pas être continuellement désavantagés par des règles et par des lois fiscales qui sont prévues pour le XXe siècle, mais qui ne disent rien sur les réalités modernes du commerce en ligne qui fait en sorte que des entreprises qui sont situées quelque part sur un territoire invisible au système fiscal, inatteignables au système fiscal, au Delaware, aux îles Caïmans, échappent aux responsabilités qu'on impose très justement et que sont capables de rencontrer nos entrepreneurs, nos entrepreneuses québécois et québécoises.

Donc, on veut moderniser la loi de l'impôt, on veut moderniser surtout la loi de la taxation. On veut s'assurer que toute activité commerciale qui se déroule sur le territoire, même si l'entreprise qui mène cette activité à travers Internet est logée ailleurs, à chaque fois qu'il y a une activité commerciale significative sur le territoire du Québec, que cette entreprise soit réputée étant établie au Québec pour pouvoir être soumise à la règle de payer ses taxes et impôts.

Je me rappelle très bien d'une réunion que j'avais avec la ministre Boulet sur Airbnb. La seule défense qu'elle avait pour ne pas agir, c'est dire : Écoute, Amir, je ne peux pas, mes lois ne me permettent pas, moi, d'imposer à une entreprise qui est logée à l'extérieur, comme Airbnb, du Québec... je n'ai aucune prise sur elle parce que ce n'est pas un établissement du Québec.

Alors, on veut, par le changement dans nos lois et règlements, corriger cette situation. Le seuil pour déterminer qu'une activité commerciale est significative, on l'a fixé. On propose un seuil de 30 000 $ parce que c'est le seuil qu'on impose à nos entrepreneurs, à nos travailleurs autonomes. Lorsque leurs activités dépassent 30 000 $, leurs revenus, on leur impose de se soumettre à la TVQ et à la TPS. Donc, on ne demande rien d'extravagant à ces entreprises multinationales, on demande juste que, comme n'importe quel autre individu qui réellement ici obéit aux lois, eux aussi obéissent aux mêmes lois, aux mêmes principes. L'idée c'est qu'il y ait une justice, une vision du XXIe siècle qui fasse en sorte que ce n'est pas parce qu'on a des moyens technologiques de faire des subterfuges pour aller ailleurs pour ne pas rencontrer nos responsabilités que nos lois laissent passer ça.

Nous sommes excessivement enthousiasmés par l'idée. Et c'est pour ça que je pense que le gouvernement, que M. Leitão peut accueillir avec ouverture notre proposition. On n'est pas seuls là-dedans. L'Australie, à quelques nuances près, vient de prendre une initiative similaire et ont négocié des ententes avec les banques pour que les banques soient responsabilisées pour agir comme mandataires à chaque fois que c'est requis pour s'assurer que l'activité commerciale est soumise à la taxation et que ces entreprises-là déclarent, donc, leurs activités commerciales de manière appropriée. Et ces mandataires-là seront tenus responsables. Pourquoi les banques seront tenues responsables? Parce que c'est les banques et leurs cartes, leur plateforme d'affaires qui permet les transactions, qui permet que d'un compte bancaire ici, on achemine de l'argent à un autre compte bancaire ailleurs. Donc, les banques vont être tenues, par loi, comme responsables et mandataires de toutes les entreprises auxquelles elles permettent d'effectuer des transactions et donc d'effectuer une activité commerciale sur notre territoire.

Je ne voudrais pas aller trop dans le détail, je suis sûr que vous avez des questions bien précises. Le principe consiste en ce que je vous ai mentionné. Je demanderai à Mme Rizqy, dans un premier temps, de nous... je m'excuse, à M. Turgeon, dans un premier temps, à M. Léopold Turgeon de nous décrire l'impact de l'activité commerciale électronique actuelle sur le commerce du détail, et ensuite Mme Rizqy pourra mieux détailler les aspects techniques et surtout légaux qui entourent notre projet de loi. Merci.

M. Turgeon (Léopold) : Alors, merci beaucoup. Bonjour à tous et à toutes. Depuis quatre ans, les détaillants du Québec, par l'entremise du Conseil québécois du commerce de détail, ont tenté d'attirer l'attention des législateurs provinciaux et fédéraux sur l'importance de mettre fin à cette situation d'inéquité fiscale. Nos détaillants subissent une concurrence défavorable et injuste du fait que des plateformes étrangères de commerce en ligne ne sont pas tenues de collecter les taxes. Sans mesure législative concrète, la concurrence inégale qui a cours actuellement perdurerait et continuerait de désavantager nos commerçants et ultimement de mettre à mal notre économie.

Cinq études et publications réalisées récemment par des organisations reconnues viennent appuyer la nécessité de rétablir l'équité fiscale. Il y a d'abord eu, en mars dernier, une étude sur le commerce en ligne publiée par la firme de recherche Copenhagen Economics; le 31 juillet, l'étude sur le cas de l'Australie, réalisée par Mme Rizqy, ici présente, de la Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques de l'Université de Sherbrooke; ensuite, il y a eu la publication, au début du mois d'août, de l'étude Rétablir l'équité fiscaleEnjeux du commerce électronique et de la fiscalité au Québec, réalisée par Institut Québec; le 23 août, l'Institut C.D. Howe a publié un rapport sur le sujet, ajoutant ainsi sa voix à celles qui demandent au gouvernement d'ajuster nos lois fiscales; enfin, ce fut au tour de Desjardins de traiter en partie du sujet dans sa dernière parution intitulée Perspective, datant du 29 août dernier.

Le projet de loi déposé aujourd'hui reprend plusieurs de nos arguments et rétablit une partie de l'équité fiscale dans le secteur du commerce de détail. Si une telle initiative aboutissait, et c'est ce qu'on souhaite ardemment, le Québec emboîterait le pas à d'autres juridictions dans le monde qui ont déjà légiféré sur la question. Le Québec peut et doit agir pour répondre à cet enjeu, c'est une question d'équité. Nous n'attendons qu'une seule chose, que tous les commerçants, qu'ils soient d'ici ou d'ailleurs, soient soumis aux mêmes règles du jeu. C'est une question d'équité. Plus qu'un enjeu de secteur, il s'agit d'un enjeu de société. Merci.

Mme Rizqy (Marwah) : Bonjour. Ça fait maintenant plusieurs années que Léopold et moi avons parcouru les routes du Québec pour faire différentes conférences pour rencontrer les gens, les acteurs des différents milieux pour leur expliquer à quel point c'était important d'avoir des lois qui sont finalement en diapason avec la réalité économique du XXIe siècle.

Vous comprendrez que, pour moi, c'est enfin un grand jour quand on présente pas une réforme fiscale, mais des ajustements fiscaux pour s'assurer que nos lois actuelles soient finalement en diapason et en conformité avec notre ère numérique.

Aujourd'hui, j'aimerais aussi souligner qu'il est temps d'être unis devant l'adversité. Partout dans le monde, les autres gouvernements ont agi. Le Québec, encore une fois, est la province qui fait preuve de leadership en déposant enfin le premier projet de loi qui est en erre avec son temps, c'est-à-dire qui s'assure qu'une entreprise étrangère soit soumise aux mêmes règles de jeu que nos entreprises locales.

Ce projet de loi, aussi, assure non seulement la protection de notre assiette fiscale, mais assure également la protection d'un enjeu encore plus important : notre culture et notre identité sociale.

Quand j'étais plus jeune, on me parlait de l'époque, qui était importante, de s'assurer d'avoir des bâtisseurs du Québec, de s'assurer d'être maîtres chez nous. Aujourd'hui, ce projet de loi s'assure d'être maître chez nous du point de vue fiscal. Vous comprendrez que je me suis aussi assurée qu'au niveau constitutionnel nous sommes pleinement autonomes et que nous rencontrons parfaitement les critères de la constitution et qui nous donnent tous les moyens d'agir dans notre champ de compétences. Soyons audacieux et voyons ce jour comme une occasion rêvée de travailler tous ensemble, peu importe notre couleur politique. Merci beaucoup.

Le Modérateur : On va passer à la période de questions. Je demanderais aux médias présents de se nommer, leur prénom et leur média avant, vu qu'on a des invités. Donc, on commencerait à ma droite, donc, pour M. Salvet.

M. Salvet (Jean-Marc) : Jean-Marc Salvet, du journal Le Soleil. Peut-être une question pour vous, M. Simons, qui n'avez pas pris la parole encore. Est-ce que vous avez pu rencontrer le ministre des Finances du Québec récemment et lui parler de cette question-là?

M. Simons (Peter D.) : Non, pas récemment.

M. Salvet (Jean-Marc) : Est-ce que vous avez bon espoir qu'il avance? Vous avez entendu certaines de ses déclarations publiques. Est-ce que vous avez bon espoir que son gouvernement aille dans ce sens-là? Et, si oui, avec ce projet de loi ou par inspiration?

M. Simons (Peter D.) : Oui, j'ai toujours l'espoir parce que je suis un homme optimiste. Donc, oui, j'ai l'espoir. Pour moi, je pense, l'important, c'est une question agnostique, parlant politiquement, donc ça n'a aucun rapport avec aucun parti. Je pense, c'est le bon sens et c'est un petit pas, d'après moi, dans une direction qu'il faut qu'on... où on avance et on avance rapidement. Donc, s'il y a un vecteur d'action, peu importe d'où ça vient, je le supporterais.

M. Salvet (Jean-Marc) : Qu'est-ce qui fait que le gouvernement du Québec n'avance pas, n'a toujours pas avancé à ce moment-ci? Et par la suite même question s'agissant d'Ottawa.

M. Simons (Peter D.) : Écoutez, je ne suis pas politicien. Je me demande souvent la même question qu'on a l'inhabileté de peut-être juste prendre du recul et peut-être de mal lire la population, parce que je pense que les gens comprennent l'enjeu, l'importance, et j'ai senti beaucoup d'encouragements, donc... C'est compliqué, la politique, et j'ai beaucoup d'admiration, mais quelque part il y a une dynamique que je ne comprends pas.

M. Khadir : Est-ce que je peux me permettre quand même de dire que, malheureusement, on comprend aujourd'hui, si on pouvait, nous, l'affirmer à travers nos recherches, mais on a su hier qu'il y avait 187 rencontres en 12 mois des représentants des lobbyistes de Google, de Netflix? En fait, les géants du numérique, là, à tous les deux jours, rencontraient des gens des différents ministères du gouvernement fédéral. Je ne sais pas combien d'entre eux... On a fait une demande d'accès à l'information pour savoir combien d'entre eux rencontrent les ministres ici. Mais ce n'est pas une raison parce que, malgré tout, je rappelle à M. Leitão, je rappelle à ma collègue Mme Anglade, qui est la ministre responsable de l'Économie numérique, que leur parti, comme le nôtre, comme tous les autres partis, on a eu une décision unanime, un rapport qu'on a signé, qu'on a publié le printemps dernier sur la lutte à l'évasion fiscale, et, dans ce rapport-là, les recommandations quant au commerce numérique viennent en fait nous dire que c'est là qu'il faut aller. C'est parfaitement cohérent avec ça. Et moi, je n'ai aucune objection, on pourrait, si les autres partis le veulent, se rasseoir ensemble et faire ce qu'il faut à l'intérieur de ce cadre-là, mais avec la même détermination d'avoir enfin une justice fiscale, une équité fiscale, puis on met le nom des quatre partis au bas du projet de loi. Ça serait une première puis ça serait tellement chouette.

M. Salvet (Jean-Marc) : Merci.

Le Modérateur : Micro à ma gauche.

M. Bellerose (Patrick) : La question est pour M. Simons aussi, s'il vous plaît, question pour vous, question qui va un peu dans le même sens, mais... Quel est le message que vous envoyez aujourd'hui au gouvernement Couillard par votre présence?

M. Simons (Peter D.) : Je pense que c'est un enjeu assez important qu'il faut mettre derrière la partisanerie. Je pense effectivement que l'enjeu est évident, le changement est d'une urgence, même la commission Godbout l'a constaté il y a plusieurs années. Et, bien, je serais ravi comme citoyen de voir tous les partis travailler ensemble pour un changement que je considère essentiel pour le Québec et inévitable. On peut le faire maintenant, avec réflexion et un petit peu de temps devant nous ou on peut attendre la crise et on peut le faire en urgence une fois qu'on voit, finalement, l'érosion de non seulement la base fiscale, mais l'érosion, même, de notre contrôle de la réglementation. La journée vient rapidement où la réglementation ne serait plus décidée ici, à l'Assemblée nationale, mais elle serait décidée spontanément par des efforts corporatifs globalistes, si je peux dire. Donc, oui, j'aimerais voir tout le monde travailler ensemble pour le bien du Québec parce que mon coeur est là. Voilà.

M. Bellerose (Patrick) : Pouvez-vous résumer en une image ou un chiffre l'impact que ça a eu sur votre entreprise?

M. Simons (Peter D.) : La plus importante image pour moi serait... Je pense que c'est public maintenant, on regarde un investissement important, chez nous, en robotique pour être capables de desservir le commerce électronique et notre entreprise. Par exemple, si le de minimis monte à 800 $ ou si l'équité n'est pas installée, tous les acteurs dans ce projet-là ont quand même constaté que... on dit : Bien, il faut revenir sur cet investissement-là et peut-être certainement le mettre en question. Donc, l'impact est important. Donc, pour moi, ça, c'est gros, c'est quand même... ça représente 650 emplois et le futur de la technologie automatisation dans l'économie ici, à Québec, au moins.

M. Bellerose (Patrick) : Merci. Une question pour M. Khadir, s'il vous plaît. On n'a pas l'habitude de vous voir à côté de patrons d'entreprises, de gens du commerce de détail. Pourquoi avoir choisi de déposer ce projet de loi là?

M. Khadir : Écoutez, d'abord, c'est peut-être une curiosité savoureuse de savoir que quelqu'un qui critique beaucoup le capitalisme soit avec des gens qu'on associe au capitalisme. Sauf que je vous prie de remarquer que M. Simons s'évertue à répéter que, s'il faut faire ça, c'est parce qu'il a des responsabilités. Comme entrepreneur et homme d'affaires responsable, socialement responsable, il sait que la consommation repose sur des citoyens qui ont une vie et qui ont des besoins, et ces besoins-là requièrent des services sociaux, et il faut les financer. Et l'assiette fiscale est tellement mise à mal par le commerce électronique que nos services sont menacés parce que, bientôt, quand nos commerçants vont tomber aux mains… Si on ne fait rien, nos commerçants et nos commerçantes vont tomber aux mains des géants du numérique, et on va complètement assécher la source du financement de nos services publics.

Donc, moi, ce capitalisme-là, je suis capable de travailler avec. On a nos critiques, on a nos différends. On discute, avec M. Turgeon et les commerçants, le commerce du détail, sur l'importance de payer de bons salaires. Parce que nous, on croit, oui, justement, que tout ça se tient et qu'en augmentant la capacité d'achat de nos travailleurs, de nos travailleuses, en enrichissant l'ensemble de la société, c'est notre commerce local qui prospère. Mais ça, on fera ces débats-là ailleurs.

Aujourd'hui, notre présence, c'est le reflet d'un consensus social. Ce n'est rien que ça. Regardez au Canada, là, c'est la même chose : à travers tous les spectres politiques, tout le monde dit qu'il faut faire quelque chose, et, si on n'agit pas assez vite, c'est qu'il y a des lobbys qui menottent, malheureusement, nos hommes et nos femmes politiques trop souvent. Aujourd'hui, je dis au gouvernement libéral : On n'a pas besoin de fléchir devant ce lobby-là, il y a un consensus social. Le Parti libéral a besoin de bons coups, le gouvernement, comme n'importe quel gouvernement. C'est l'occasion de mener un bon coup, d'appeler notre projet de loi, où, je l'ai dit, j'offre la possibilité, on s'assoit avec M. Leitão puis on met son nom sur notre projet de loi également. On met le nom de n'importe quel autre parti qui veut, ensemble, qu'on ait un projet de loi qui rétablisse cette justice fiscale.

Le Modérateur : Micro de gauche encore. À ma gauche.

M. Asselin (Pierre) : Pierre Asselin, pour le journal Le Soleil. Une petite question. Votre projet de loi inclut aussi la collecte de données. Ça couvre quoi, ça, dans votre esprit, cet aspect-là? Parce que la vente de biens et de services, on comprend, mais la collecte de données, moi, je trouve ça intéressant et j'aimerais ça comprendre.

Mme Rizqy (Marwah) : Vous comprendrez que j'ai beaucoup participé au volet technique de ce projet de loi. La raison pourquoi que j'ai ajouté la collecte de données, je me suis inspirée de nos amis européens. Ils ont ajouté la mention de collecte de données pour assujettir Google, en particulier, à l'impôt corporatif ainsi que Facebook, parce que ces entreprises font beaucoup de profits à partir de la collecte de données qu'elles collectent et puis revendent. Alors, en ajoutant ce petit libellé, je m'assure que la prochaine fois qu'un gouvernement fait des publicités sponsorisées sur Facebook, bien, ses impôts soient payés ici.

M. Asselin (Pierre) : Et puis une autre question. Si le gouvernement est intéressé à vous emboîter le pas, à peu près dans quelle échéance vous voyez... dans combien de temps ça pourrait devenir une... ça pourrait être accepté, cette loi-là?

M. Khadir : Vous savez, mon cher monsieur, que, quand il s'agit d'une urgence de nature politique, ou policière, ou estudiantine, on se rappellera, en moins de 24 heures, on peut passer un projet de loi. Donc, ça dépend de la volonté du gouvernement. On peut l'inscrire au feuilleton rapidement. Bien, c'est déjà inscrit, le gouvernement peut l'appeler. Et je vous le dis, je ne sais pas quelle mesure exceptionnelle il faut prendre pour ajouter le nom des autres partis, mais je n'ai aucun problème. Dans l'esprit transpartisan qui a été signalé par Mme Rizqy, par M. Turgeon et par M. Simons, on est capables de faire ça. Ça serait une innovation à la fois législative et politique pour montrer que, devant une urgence de nature économique, on réagit avec diligence, avec hauteur, puis on met tout le monde la main dans la pâte, puis... Ce n'est pas difficile dans ce cas parce qu'il y a un consensus social. Ce n'est pas quelque chose qui est controversé, là. Il n'y a aucune controverse dans la classe politique alentour de ça. Le monde se demande juste comment agir et comment surmonter le lobby des gros joueurs, des géants du commerce électronique. Mais je pense que, là, on doit se respecter. En tout cas, le Québec peut innover. Imaginez, si on fait ça, la pression que ça induit sur le gouvernement libéral à Ottawa, là. Si le Québec passe à l'acte, c'est une dynamique politique incroyable pour pousser le Canada. Et maintenant, si le Canada, avec la Grande-Bretagne, la France… M. Macron a une initiative. J'espère, en tout cas, que cette initiative est sincère. Là, on embarque dans une dynamique nouvelle.

M. Pilon-Larose (Hugo) : Hugo Pilon-Larose de La Presse. Ma question est pour M. Simons. Quel jugement auriez-vous de la classe politique québécoise si on ne prend pas acte de ce projet de loi là et si on n'avance pas rapidement?

M. Simons (Peter D.) : Écoute, je pense que j'ai été assez clair dans le passé dans mes déclarations que... Je ne suis pas un homme fâché. Je suis un homme optimiste qui a un genre de rêve de construire une entreprise dans une place avec des valeurs, avec un projet de communauté. Je pense que... Et j'assume qu'on partage tous ici aujourd'hui ce même espoir de projet. Donc, mon jugement, c'est que c'est peut-être simplement que moi, je suis dans la guerre, je suis sur le champ de bataille, et c'est très facile à sentir l'urgence de changement. Je réalise que l'humain n'aime pas changer. Et, quand on pense que le changement ne nous touche pas, on ne veut pas changer.

Je suis là pour provoquer la classe politique généralement parlant et les pousser à changer, à souligner l'urgence. On est dans une vallée, il fait beau, le soleil est sorti, mais moi, je suis dans la prochaine vallée puis il y a une guerre, deux armées qui sont à l'attaque, il y a des gens qui meurent, puis je pense que c'est beaucoup plus intense qu'on peut imaginer. Et il ne faudrait pas laisser ça arriver au point qu'il y a une érosion de l'assiette fiscale, donc une érosion de notre habilité d'avoir un projet. Parce que, malgré... Là, aujourd'hui, je suis le capitaliste, ici, aujourd'hui, mais j'ai des rêves, j'ai des rêves pour mes enfants, j'ai des rêves pour la société, j'ai des rêves pour nos aînés et j'ai un... Je suis énergisé par ce que je vois dans notre habilité de concurrencer. Je vois les jeunes créatifs, je vois le potentiel et je rêve de construire. J'aime ça, construire, mais... Et ça ne nous sépare pas.

Donc, je veux transmettre l'urgence et je veux transmettre que ce changement-là, on est dans le... juste... On vient de terminer le premier demi de l'échiquier, et ça, ça veut dire que les changements vont accélérer d'une manière géométrique, les changements pour le bien — parce que je suis technophile, à la base, moi — et pour le mal. Et donc, si on pense que c'est comme le roi qui a demandé l'invention des échecs, c'est... La géométricité, l'humain la juge mal. Il pense toujours que c'est plus lent. Donc, focussons là-dessus, c'est urgent. Ce n'est pas juste les faibles puis les malades qui vont tomber. Vous ne pouvez pas me demander, comme entrepreneur, de compétitionner contre des grands de l'industrie mondiale — parce qu'on est dans un contexte global aujourd'hui — avec un désavantage, au minimum, de 30 %. Et c'est ça qu'on fait maintenant. En plus, vous voulez ajouter un bain pour les gens aînés, vous voulez qu'on paie 15 $ l'heure — que je supporte intellectuellement — il faut qu'on soit capables de... au moins, mettez le champ égal. Je ne demande pas une augmentation de l'assiette fiscale. Mettez ça juste, égal, équitable.

M. Pilon-Larose (Hugo) : Excusez-moi, donc, vous êtes d'accord avec le 15 $ de l'heure pour les...

M. Simons (Peter D.) : En principe, oui. Mais c'est facile être d'accord avec le 15 $ à l'heure. Le problème, c'est : il faut investir dans les technologies puis des robotiques pour être capables d'avoir la productivité concurrentielle pour le faire. Donc, je ne veux pas étendre la discussion parce que... Je veux simplement montrer que l'enjeu est beaucoup plus vaste qu'on juge, et le besoin d'action unifiée est beaucoup plus essentiel. Et, une fois que le dommage est fait, on est lâches — est-ce que je peux dire? — peut-être, et on attend. Le dommage serait irréparable, d'après moi.

M. Pilon-Larose (Hugo) : Et là vous avez mentionné tantôt que c'est un enjeu transpartisan, qui doit interpeler tous les partis politiques. Aujourd'hui, vous êtes présent avec Québec solidaire...

M. Simons (Peter D.) : Oui. C'est politico-agnostique pour moi. Ça veut dire...

M. Pilon-Larose (Hugo) : Exact. Mais, vous, d'être ici présentement avec Québec solidaire, est-ce que c'est une profession de foi que vous faites envers ce parti ou il n'y a pas de lien?

M. Simons (Peter D.) : Non, je suis agnostique. Je suis pour un vecteur d'action qui réalise les changements, qui réalise qu'une loi qui a été créée il y a 100 ans... Notre fondation de notre loi fiscale était fondée en 1920, 1930. On est 100 ans plus tard. Et, si on ne peut pas se mobiliser pour moderniser une loi qui était faite dans une époque où tout était tangible, si on ne peut même pas être d'accord qu'une entreprise tangible et intangible ont besoin d'être jugées sur la même plateforme, bien, oui, là, vous allez me perdre comme rêveur, vous allez me perdre comme bâtisseur et vous allez me perdre comme homme d'affaires qui croit et veut créer un meilleur avenir. Et, quand vous me perdez, bon Dieu, vous ne voulez pas... Non, il faut mettre ça égal. Après, je vais aller jusqu'au front de la bataille, puis je vais me battre, et je sais que j'ai des gens chez nous qui vont être capables de conquérir, qui vont être capables d'exister dans un monde global, mais pas avec un désavantage de 30 %.

M. Khadir : M. Simons, ne partez pas parce que vous êtes peut-être, aujourd'hui, agnostique, mais, si on réussit à faire accepter ça par le gouvernement et les autres partis, il va devenir oecuménique. Ça va être beaucoup mieux, ça ne sera pas négatif.

M. Pilon-Larose (Hugo) : Une question pour vous, M. Khadir. Juste une précision. Qu'est-ce que vous portez présentement, les députés solidaires, sur vos manteaux, le symbole?

M. Khadir : Mais, est-ce qu'on a terminé la conférence sur le projet de loi?

Le Modérateur : On pourrait répondre après, une fois que ça va être terminé sur les...

M. Khadir : Parce que je pense que madame avait une...

Le Modérateur : Oui. D'autres questions sur le projet de loi? Question en anglais?

Mme Fletcher (Raquel) : Oui, en anglais. I'll start with you, Mr. Khadir. When this debate came up about the Netflix tax just last month, Mélanie Joly said over and over again that the Canadian Government was working with other governments around the world to kind of come up with some sort of, I don't know, global standardized tax code or way to proceed on this. So, is it realistic that Québec could unilaterally go ahead with this kind of bill all on its own?

M. Khadir : If it's realistic to overcome the lobbies, it's realistic because there is nothing in our economical reality or the technical aspects of this law that is not achievable. Australia has done it. When they say that it's unrealistic, it's a question of law being balance of force. When, just in the last 12 months, 187 lobbyists from the big… how do you call that, corporate — les géants de l'électronique, comment on appelle ça? — ...

Une voix :

M. Khadir : …yes, the digital giants, you know, encircled the political body in Ottawa, that's what makes things difficult because otherwise there is nothing extravagant. We just say : If a commercial activity is being carried here, the tax on that activity should be paid here, nothing more. We just ask that people doing business here don't be penalized 30% just to start off to compete with big giants who use these loopholes in our law to make an easy profit.

So, it's really nothing difficult. We have carried a careful analysis so to reduce the burden of the legislator to act rapidly. As I mentioned in French, it depends on the will of the Government. I have no problem if the Government wants to put its name under the law. I'm open to that, as much as we do it soon, not three months, not six months. We know that when there is an emergency, we can pass a law in one day, in less than 24 hours. So, let's do it.

Mme Fletcher (Raquel) : How would you…

Mme Rizqy (Marwah) : …something?

Mme Fletcher (Raquel) : Yes, sure.

Mme Rizqy (Marwah) : Excuse me, but you just… You started a question with something that was very, very false. Even though Ms. Joly said that Canada is working with many other governments for a new bill regarding the sales tax, this is not true. There are at least, right now, 100 jurisdictions that already passed a bill regarding sales tax. So, right now, if Québec passes the bill, we're just going to join the parade with every other jurisdiction that already has a bill which is exactly the same as this one.

Mme Fletcher (Raquel) : And do you agree with what Mr. Khadir just said, that it is an emergency? It means we…

Mme Rizqy (Marwah) : Clear, it's an emergency. Clear, I'm very concerned right now, I am concerned that Ottawa is not doing their job right now, they're not protecting the tax base of the Canadians. They're actually welcoming all the foreign corporations to come here but with no respect of the laws that we have here. Thank you.

Mme Fletcher (Raquel) : Can you introduce yourself in English?

Mme Rizqy (Marwah) : Yes, Marwah Rizqy, Tax Law Professor at the University of Sherbrooke.

Mme Fletcher (Raquel) : Thank you so much. I have one other question, I'm not sure who would like to answer it, but I was just wondering how you would enforce it. So, how would you get these companies, first off, to pay the tax? And then, if they refuse to pay it, then what would you do?

M. Khadir : There are provisions in the project, the bill we have, that the banks are mandatories… become mandatories automatically of every foreign corporate business who is carrying commercial activities over the Internet because they provide the system and the passage to transfer the money in the transaction. If they carry a transaction, they become mandatory and they have to provide information about the amount of business being done here and to operate the tax… «le prélèvement de taxes», the tax… they have to obtain the tax, withhold. If they don't comply, they will be… there are provisions of up to 30% for the banks, up to 200% for the big businesses who are not complying with the law.

Mme Fletcher (Raquel) : And even if the banks aren't Canadian banks?

M. Khadir : Well, they must go through some local platform. Now, I don't think foreign banks can directly operate here without having the right to operate on the Canadian territory. So, the banks… and the banks have… You know, everywhere where these types of laws have been passed, the banks have been willing to cooperate and they have given already indications in Canada that they don't mind to act in an appropriate level because they know the burden, the communication burden, the image burden on them if they don't want to cooperate and they do harm to our local business.

Mme Fletcher (Raquel) : Would you like to add to that at all?

Mme Rizqy (Marwah) : Then again, with all our jurisdiction, the GAFAN, Google, Apple, Facebook, Netflix, and so on and so forth…

Mme Fletcher (Raquel) : Sorry, I'm just going to…

Des voix :

Mme Fletcher (Raquel) : Mes collègues, pouvez-vous descendre le volume? Merci. Go ahead.

Mme Rizqy (Marwah) : I don't think it's fair to think that the corporations will not abide with the laws. When I looked what happened in France, in Norway or in Australia, all the time that the legislator passes a new bill, they just abide with the laws. They're not bad corporations, they actually want to play with the rules. And, when we change the rules, they just go on and apply the new rules. And just to make you understand how big is e-commerce, the growth of e-commerce is 45% every year. So, this is why it's very urgent to change the law rapidly here in Québec.

Mme Fletcher (Raquel) : OK, thank you. Est-ce que vous parlez anglais aussi?

M. Simons (Peter D.) : Yes, I speak English also. My father is Irish, and…

Mme Fletcher (Raquel) : Can you introduce yourself for us in English, please?

M. Simons (Peter D.) : My name is Peter Simons. I am president of La Maison Simons.

Mme Fletcher (Raquel) : OK. And you also spoke to the urgency of this. How does this affect you personally and your business personally?

M. Simons (Peter D.) : Well, we're a national retailer in Canada. We're Canada's oldest private family-owned business in the country. We run an e-commerce site in our category, which is number two in Canada in the fashion business, behind Amazon, so it's an important part of our strategy and we have made important investments in e-commerce over the last 10 years. So, it represents today from… I remember when it was two people. It represents today 150 professionals. It will represent, in the next three months, 1,000 other jobs in distribution. So, it's important to us.

Mme Fletcher (Raquel) : Simons is obviously a household name in Québec. And I think a lot of people would be surprised that you are also… I mean, you're not a small business. When we talk about this issue, we're often talking about how it affects small business. But it is not just small business. It's all local business.

M. Simons (Peter D.) : It's all, it's small businesses and large businesses. The competitive disadvantage… We're here talking about a number of things today… It's going to touch everyone. And I'm… It's not asking to be protected or… We have made millions of dollars in investment, in development of people, technology, in AI. We're trying to build, but it's very hard to do it with this… what I consider an inequitable sort of idea. I would like to see, provincially and federally… This is a small step. I would like to see a new fiscal philosophy put in place that could guide us a little bit more than just a piecemeal action that is reactionary to lobbying or any other taste of the day. I mean, you have to start to accept that taxation will happen at the point of consumption. That is a global problem. Québec and Canada should be participating more actively in the reform of fiscality globally. These things are going to touch our ability to affect minimum wage, offer services, education. It's a big, big change that's happening, it's tectonic. And, if you're not in it, it's hard to feel it. I am in it. I have one foot in the old economy and I have one foot in the new economy. I think it gives me a unique perspective to be able to sense the urgency, understand how it's going to impact everyone, and not fall prey to disingenuous explanations of the cost of acquiring. The lobbies, I must admit, sometimes are just simplistic in their arguments. The argument basically is : We don't want to participate and have any responsibility for any citizens or taxation in Canada.

Well, you know, my father is in an old persons' home. He gets one bath a week. And that we accept that as a society, I must admit, it breaks my heart. I see him three times a week, and I don't worry about him, I worry about the person beside him. And we can't even do that anymore. Can we not admit that it's an emergency? And these aren't very difficult intellectual ideas. This is the idea that intangible companies and tangible companies, the products are all the same. This is the idea that, if you want to do business in Québec, you'll collect the sales tax and follow the law. These are basic, easy ideas to get through.

But we seem to have trouble moving into… get in action together. And it would be too… I think, if we don't get it together, your children, my children, they will look back on our generation, and their judgment will be absolutely scathing because they will live through an important decline in what makes us all proud to be Canadians. And it's important that we stand up, we decide what our projects are as a country, we decide what we really value and we don't allow a lot of people to just come here and say : Well, I love Canadians doing business with Canadians, but don't let me take care of your father, that's not my business; don't let me educate your kids; I want to deliver my goods on your roads, but I don't want to pay for the pothole.

If we all accept that and we get down into this argument where it's just you trying to tax more… It's not about taxing more. If someone stood up today and said : Everyone pays the tax, but we'll lower sales tax across the country from coast to coast, great, it's fair. Then, we can start to talk and we can start to talk about how we spend our money and how much taxes are right or wrong. But the disingenuous ideas of «it's going to cost too much to collect taxes»… I can tell you, I collect a lot of sales tax in my store. The Government never consulted me. They passed a law, and I'm a law-abiding citizen, and I collect the taxes, and I send my cheque in. And the only person that comes is once a year, and they check that I sent the right cheque.

So, what do we have to wait for… You know, like, this week, it was : Well, we have to have Netflix… has to be an agreement. So, who's making the laws now, really? What's happening? What's happening to journalism? What's happening to democracy? That's where we're at, a little bit, here. It has to stop. We have to use our heads. Let's do the easy part, let's put this change into place : intangible, tangible as equals; sales tax, equitable. These are basic, easy things.

M. Khadir : That's why he's not an agnostic.

Des voix : Ha, ha, ha!

Le Modérateur : D'autres questions?

Mme Fletcher (Raquel) : No, that's OK. Thank you very much.

Le Modérateur : Merci.

(Fin à 13 h 12)

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