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Point de presse de M. Alexandre Cloutier, porte-parole de l’opposition officielle en matière d’éducation, de recherche, de persévérance scolaire et d’alphabétisation, et M. Gabriel Nadeau-Dubois, député de Gouin

Version finale

Le mardi 7 novembre 2017, 10 h

Hall principal de l'hôtel du Parlement, hôtel du Parlement

(Dix heures une minute)

Le Modérateur : Alors, bonjour, tout le monde. Bienvenue à ce point de presse sur l'enjeu de la ségrégation scolaire et de la sélection des élèves au Québec, point de presse de M. Cloutier, député de Lac-Saint-Jean, et M. Gabriel Nadeau-Dubois, député de Gouin, avec plusieurs invités. Il y aura une période de questions sur le sujet de l'éducation à la toute fin, mais d'abord je donnerais la parole à M. Stéphane Vigneault, coordonnateur du Mouvement L'École ensemble.

M. Vigneault (Stéphane) : Merci, Nicolas. Bonjour, tout le monde. Merci d'être là en si grand nombre. Je vais commencer par vous présenter les intervenants à la conférence de presse d'aujourd'hui : le député de Lac-Saint-Jean, Alexandre Cloutier, porte-parole de l'opposition officielle en matière d'éducation; le député de Gouin, Gabriel Nadeau-Dubois, porte-parole de Québec solidaire; Anne-Marie Boucher, ici, à ma droite, responsable du comité aviseur du Mouvement L'École ensemble; Claire Lapointe, qui est là, professeure et directrice du Département des fondements et pratiques en éducation de l'Université Laval, qui est aussi membre du Conseil supérieur de l'éducation; et Perrine Argilès, de l'AVEQ, l'Association pour la voix étudiante au Québec.

Au Mouvement L'École ensemble, on base notre action sur des constats qui font de plus en plus consensus, à savoir que la ségrégation scolaire atteint des sommets inégalés au Québec. Par ségrégation scolaire, on entend le fait d'éduquer les élèves dans des écoles ou des programmes séparés en fonction de leurs revenus ou de leurs résultats scolaires. On a, en ce moment, au secondaire 21 % des élèves qui fréquentent le privé subventionné. On a, dans les projets particuliers sélectifs du public, 20 % des élèves aussi, donc 41 % des élèves en tout dans des voies sélectives. On sait que le public a décidé de concurrencer l'école privée sur son propre terrain, le terrain de la sélection, et donc sont apparus toute une série de projets particuliers et sélectifs.

Ça laisse l'école publique commune... Ce qu'on peut appeler maintenant l'école ordinaire, ça la laisse avec un fardeau alourdi, une surreprésentation des élèves en difficulté. En plus de ça, bien, on l'écrème de ses élèves les plus performants, et donc le cercle vicieux est reconduit. Les parents ont une mauvaise idée de l'école ordinaire, donc se font lancer dans les bras du privé subventionné ou des projets particuliers sélectifs. Donc, la ségrégation scolaire est constamment reconduite et ça nous met dans un système d'éducation inefficace et inéquitable, et les intervenants aujourd'hui pourront vous en parler.

Nos solutions, au Mouvement L'École ensemble, on en a trois qu'on propose : la fin du financement de l'école privée par les contribuables, la fin de la sélection au public et, troisième mesure, la consolidation de l'aide aux enfants en difficulté, mais en plus ajouter une offre d'enseignement enrichi pour les élèves les plus performants, parce qu'en appliquant nos deux premières solutions, il y aura un afflux d'élèves de projets particuliers et du privé subventionné vers ce qu'on pourrait appeler le nouveau public. Donc, il faut pouvoir aussi leur donner un enseignement pour ces élèves-là. Ce qu'on veut, au mouvement, c'est assez simple, c'est que nos trois demandes soient reprises par les partis politiques, par tous les partis politiques en vue des prochaines élections, en octobre 2018.

Quelques faits sur le mouvement rapidement. On a une pétition en ligne. On est rendus à 2 200 noms. On commence aussi à avoir de plus en plus d'appuis de la société civile, des organismes. On a eu peut-être le plus notable en septembre, à la fin septembre, l'appui unanime des commissaires de la CSDM, la commission scolaire de Montréal, donc la plus importante commission scolaire au Québec, qui a décidé de nous appuyer. On aura aussi aujourd'hui l'appui de l'AVEQ. Et je peux vous dire que vous allez recevoir deux communiqués aujourd'hui, cet avant-midi d'appui, encore au mouvement : la Fédération des comités de parents du Québec qui va nous appuyer, le réseau des organismes communautaires de lutte au décrochage qui va nous appuyer aussi.

Donc, en terminant, s'il y a un message que j'aimerais vous faire aujourd'hui, c'est qu'aujourd'hui on brise un tabou politique avec la présence des députés Cloutier et Nadeau-Dubois. Le sujet, l'enjeu de la ségrégation scolaire fait son entrée dans le débat politique au Québec. À mon avis, c'est l'enjeu de politiques publiques le plus important auquel on fait face. Et donc grâce au courage politique, je pense qu'il faut le souligner, des députés Nadeau-Dubois et Cloutier, eh bien, cet enjeu-là va devenir incontournable. Les candidats aux prochaines élections n'auront plus le choix, devront se positionner d'une manière ou d'une autre sur l'enjeu de la ségrégation scolaire. Voilà. Donc, je laisse la parole au député Cloutier.

M. Cloutier : Merci. Alors, bonjour à vous tous et toutes. Merci aux différents partenaires qui se sont joints à nous aujourd'hui.

C'est important de se souvenir que le Conseil supérieur de l'éducation a rendu un rapport accablant à l'automne dernier, à l'automne 2016, dans lequel ils ont conclu que l'école québécoise était la plus inégalitaire, que l'école québécoise ne jouait plus son rôle de creuset social de l'apprentissage du vivre-ensemble, de l'apprentissage des différents milieux socioéconomiques où les jeunes ont à travailler et à apprendre ensemble.

On aurait pu penser que, suite au dépôt du rapport du Conseil supérieur de l'éducation, le gouvernement du Québec aurait pris à bras-le-corps cet important enjeu de société. Quelques semaines après le dépôt du rapport, c'est important de s'en souvenir, avait lieu un sommet sur les enjeux de la réussite scolaire au Québec, et ce qui a mené au dépôt de la politique de la réussite éducative. Je vous dirais que le grand oublié de cette politique sur la réussite éducative, c'est l'enjeu de la mixité sociale. On ne peut pas rester indifférents devant le rapport d'expert du Conseil supérieur de l'éducation qui nous dit qu'il y a urgence d'agir parce que malheureusement des jeunes en situation défavorable, des jeunes défavorisés sont plus susceptibles qu'ailleurs au Canada de ne pas obtenir leur diplôme. C'est ce qui a été documenté dans le rapport du Conseil supérieur de l'éducation.

Ce que nous souhaitons comme formation politique, c'est de retrouver la fierté de l'école publique québécoise, de s'assurer que les services soient offerts à tous nos jeunes, particulièrement aux jeunes avec le plus de difficultés d'apprentissage. Nous avons réclamé que dorénavant, dans chacune des écoles, il y ait des ratios pour soutenir les enseignants pour des services d'orthopédagogues, de psychoéducateurs, de techniciens en éducation spécialisée, pour que les services soient au rendez-vous. On veut que les parents québécois choisissent l'école publique québécoise par fierté avec des infrastructures et des écoles dignes de ce nom. Souvenez-vous que 90 % du parc immobilier sur l'île de Montréal... pardon, à la commission scolaire de Montréal, est soit dans un état insatisfaisant ou soit carrément dans un état qui doit être démoli, des écoles qui doivent carrément être détruites.

Il y a donc des solutions, encore faut-il qu'il y ait une volonté gouvernementale, et c'est dans ce sens que le Parti québécois s'inscrit. On demande donc au gouvernement du Québec de prendre cet enjeu à bras-le-corps et d'accepter d'ouvrir un vrai débat de société sur l'importance du vivre-ensemble et de la mixité sociale au Québec.

M. Nadeau-Dubois : Merci beaucoup. Bonjour, tout le monde. Le sujet qu'on aborde ce matin, c'est un sujet qui est tabou. On aborde, je dirais, le grand malaise qui loge au coeur de toutes nos discussions qui portent sur l'éducation au Québec. C'est un sujet qui rend les gens mal à l'aise, c'est un sujet tabou, mais le Conseil supérieur de l'éducation l'a démontré, il est dorénavant incontournable, ce sujet-là. L'école québécoise est la plus inégalitaire au Canada. Pour une société qui se prétend être une société de justice sociale, qui se prétend être un exemple en Amérique du Nord en matière d'égalité des chances, c'est une situation inacceptable.

Le mot de «ségrégation scolaire», c'est un mot fort, c'est un mot qui peut déranger, c'est un mot même qui peut choquer, mais c'est un mot qui est nécessaire pour sonner l'alarme et pour souligner une situation qui ne peut plus durer, c'est-à-dire le fait qu'aujourd'hui, dans les écoles du Québec, il y a des petits gars et des petites filles qui, parce que très tôt dans leur vie, on leur met une étiquette d'enfant à problèmes ou d'enfant en difficulté, bien, n'ont pas les mêmes chances que les autres de réussir leur vie.

Au nom de Québec solidaire, je veux donc féliciter le Mouvement École ensemble, qui a pris le bâton du pèlerin, qui est venu nous voir dans nos partis respectifs pour nous parler de cette problématique-là, pour nous sensibiliser à l'impact que ça a sur les familles puis sur les enfants du Québec. M. Proulx, aujourd'hui, le ministre de l'Éducation, va déposer ce qu'il appelle... en fait, va présenter aujourd'hui ce qu'il appelle un projet d'école du futur, hein, avec le projet Lab-école. Bien, pour nous, l'école du futur au Québec, ça doit être une école inclusive, une école équitable, une école qui permet à tous les enfants de se réaliser, une école où on n'exclut pas, d'entrée de jeu, un enfant parce qu'il serait moins talentueux ou parce qu'il aurait moins de facilité.

Notre système d'éducation, ça ne peut pas être comme un sac de pommes où on met les plus belles sur le présentoir en avant, puis les plus poquées, bien, on fait de la compote avec. Notre système d'éducation, il faut qu'il prenne soin de tous les enfants, partout sur le territoire. Dernièrement, le ministre Proulx s'est dit sensible, ce sont ses mots, à l'impact négatif de la sélection des élèves. C'est une sensibilité que l'on salue, mais ce n'est pas nécessaire. Il faut maintenant des actions concrètes.

C'est maintenant au gouvernement de répondre, la balle est dans le camp du ministre. Les comités de parents se sont exprimés, de plus en plus de commissions scolaires s'expriment, des parents s'expriment ce matin. Québec solidaire joint sa voix à ces voix-là, et maintenant on se tourne vers le ministre, et on attend de sa part des réponses et des mesures concrètes, parce qu'il y a une chose qui est claire, c'est que la situation actuelle ne peut plus perdurer. On ne peut plus échapper des milliers d'enfants au Québec à chaque année parce qu'on leur donne une étiquette de pas bons.

Le Modérateur : J'inviterais Mme Anne-Marie Boucher, qui est responsable du comité aviseur du Mouvement L'École ensemble.

Mme Boucher (Anne-Marie) : Bonjour. Je suis ici à titre de citoyenne, mais aussi à titre de parent, et c'est avec ces deux rôles-là que je m'implique depuis les tout débuts au sein du Mouvement L'École ensemble.

J'ai moi-même fréquenté des écoles publiques très ordinaires pendant tout mon parcours. J'y ai côtoyé des élèves ordinaires, j'y ai rencontré des professeurs, des enseignants et enseignantes extraordinaires et j'ai eu la chance d'y vivre une expérience qui est aujourd'hui rarissime au Québec, c'est-à-dire l'expérience de faire école ensemble, en partageant les bancs d'école avec des enfants de toutes origines culturelles ou sociales.

Pour moi, fréquenter l'école publique, ce que ça voulait dire, c'était d'apprendre le sens de l'empathie, faire concrètement l'expérience de la diversité, côtoyer des camarades parfois très différents de moi, mais avec qui j'allais recevoir et construire un monde commun. Aller à l'école publique, c'était et c'est toujours faire société ensemble.

J'ai quitté l'école secondaire au milieu des années 90, à une époque pas si lointaine, où la ségrégation scolaire, c'était vraiment le fait de l'école privée et où l'école publique tentait toujours d'être ce qu'elle est censée être, c'est-à-dire l'école de l'égalité des chances. Je suis depuis devenue une mère. J'ai trois enfants à la maison, de l'âge de 10 ans à 16 mois, et, comme beaucoup de parents, je suis préoccupée par la question de la ségrégation scolaire au Québec.

Dans la dernière année, ce n'est pas pour rien qu'il y a eu des dizaines de parents, des dizaines de mères et de pères qui ont publié des lettres ouvertes, qui ont fait entendre leurs voix sur cette question-là en interpellant le gouvernement sur la ségrégation scolaire même. Alors qu'on est dans la gestion des couches sales, la préparation des lunchs pendant nos soirées, pourquoi est-ce que des parents, des mères et des pères du Québec, investiraient-ils temps et énergie pour changer la donne?

Je dirais que c'est parce qu'on sent qu'il y a quelque chose d'inacceptable qui est en train de se produire au Québec et qu'il y a quelque chose d'essentiel qui est en train d'être perdu, parce que l'école qu'on appelle l'école du libre choix, aujourd'hui, c'est surtout l'école de la libre concurrence, c'est l'école de la libre anxiété face aux examens de sélection. Les parents ont, en effet, techniquement le choix de l'école de leur enfant, mais ils n'ont jamais voulu ni choisi la ségrégation scolaire, jamais choisi d'exclure les enfants les plus défavorisés au nom d'une supposée excellence, jamais choisi l'abandon des écoles publiques par les parents de la classe moyenne. Ils n'ont jamais choisi ce déni de solidarité, ils n'ont jamais choisi la loi du plus fort.

Même si on a à coeur l'école publique, en tant que parents, on se retrouve devant un dilemme qui est vraiment terrible. On doit choisir, en quelque sorte, de sacrifier le bien commun au nom du meilleur pour notre enfant. Puis évidemment, en tant que parents, on veut tous le meilleur pour notre enfant. C'est quelque chose qu'on partage à l'échelle du Québec. Mais je pense qu'au nom de tous les enfants du Québec, on peut exiger et on doit exiger le meilleur pour toutes les écoles publiques, c'est-à-dire penser le problème comme un problème collectif parce que c'est collectivement qu'on peut le régler ensemble. Je crois que les pères et les mères du Québec n'ont pas à porter l'odieux de la responsabilité de la destruction de l'école publique québécoise. Ils n'ont pas à porter l'odieux d'un choix politique qu'on n'a jamais vraiment choisi et pour lequel il n'y a jamais vraiment eu de débat. Nos élus devront, rapidement j'espère, s'engager à régler ce problème, c'est-à-dire le problème de la ségrégation scolaire.

Je finirais avec les mots de l'écrivaine et professeure Annie-Claude Thériault, qui a signé, dans LaPresse du 12 septembre dernier, une lettre ouverte sur la question et qui disait : «...nous ne pouvons faire réellement société que si nous avons des buts communs ou une vision commune du bien public. L'école doit cesser d'être [un vase] clos et recommencer à être le pivot de cette cohésion.» Merci.

Le Modérateur : Merci, Anne-Marie. J'inviterais maintenant Claire Lapointe, professeure au Département des fondements et pratiques en éducation à l'Université Laval.

Mme Lapointe (Claire) : Bonjour. Alors, je voudrais préciser tout d'abord que je prends la parole en mon nom personnel, bien que je sois membre du Conseil supérieur de l'éducation, en tant que citoyenne. C'est mon opinion personnelle et de professeure-chercheuse que je présente.

Alors, le changement demandé aujourd'hui par le Mouvement L'École ensemble et appuyé par des députés de différents partis politiques s'appuie tout à fait sur les résultats de recherches fiables au niveau scientifique. En effet, des études rigoureuses, réalisées entre autres en Finlande, en Allemagne, en Suède et aux États-Unis, ont démontré que le regroupement des élèves dans des écoles, des programmes ou des classes différentes, sur la base de leurs résultats scolaires ou de tests de sélection, diminue significativement les taux de réussite scolaire en bout de ligne, alors que les systèmes qui ont cessé cette sélection ont amélioré de manière importante la diplomation au secondaire et ont augmenté l'accès aux études postsecondaires pour les élèves venant de milieux défavorisés.

En Finlande, on a même constaté que les revenus des enfants venant de milieux défavorisés, qui avaient donc eu accès en plus grand nombre aux études postsecondaires, leurs revenus ont augmenté par rapport à la classe sociale à laquelle leurs parents appartenaient.

On note aussi, dans ces études, que contrairement au mythe qui circule beaucoup, les élèves qui ont plus de facilité à l'école et qui sont souvent issus de milieux plus favorisés ne sont pas pénalisés par cette mixité dans la classe ou dans l'école. Leurs résultats scolaires demeurent aussi bons, et probablement qu'ils développent des compétences de vivre-ensemble qui sont extrêmement importantes de nos jours. Comme l'a souligné le comité d'experts sur le financement, l'administration, la gestion et la gouvernance des commissions scolaires, dont je faisais partie, un rapport déposé en 2014, la mixité sociale à l'école aide tous les élèves à mieux réussir. J'ajouterais qu'elle est un moteur économique puissant pour une société comme le Québec, qui a une très petite population et qui doit donc développer tout le potentiel de l'entièreté de sa population dans ce monde du XXIe siècle de la grande compétition. Merci.

Le Modérateur : Merci. En terminant, je donnerais la parole à Mme Perrine Argilès, coordonnatrice générale de l'Association pour la voix étudiante du Québec.

Mme Argilès (Perrine) : Merci beaucoup. Bonjour à toutes et à tous. Alors, nous, à l'AVEQ, l'Association pour la voix étudiante au Québec, nous représentons les étudiantes et étudiants des universités de Concordia, de Rimouski et de Chicoutimi. À l'AVEQ, nous croyons que notre mission première du mouvement étudiant est non seulement de défendre l'accès à une éducation de qualité, mais également de faire entendre notre voix sur des enjeux plus larges.

Le Mouvement L'École ensemble nous a approchés, il y a quelques semaines, afin de savoir si nous étions intéressés à les soutenir. Par un concours de circonstances, nous avions un congrès durant ces mêmes dates, offrant un moment pour en discuter avec nos membres. Ce soutien était d'une évidence à la suite de nos positions convergentes comme la lutte pour la gratuité scolaire et contre la marchandisation de l'éducation.

Cela fait de nombreuses années que le gouvernement s'attaque aux fondements du système d'éducation dans le but de le subordonner aux intérêts du marché. Cette ségrégation scolaire au primaire et au secondaire perpétue les inégalités dans notre société en créant un système à deux vitesses. C'est une logique que l'on observe également au niveau des études supérieures lorsque nous parlons des différentes hausses de frais de scolarité ou de la non-reconnaissance du travail effectué par les stagiaires.

À l'AVEQ, nous croyons que l'éducation doit être un tremplin pour toutes et tous et non pas un simple instrument au service des indices de développement économique. Nous croyons fortement que le Mouvement L'École ensemble apporte des solutions favorables à l'amélioration de notre système d'éducation, un système équitable, accessible et représentatif des différentes facettes de notre société. Merci.

Le Modérateur : Merci. Nous allons maintenant passer à la période des questions. Je vous prierais de rester sur le thème du sujet de la conférence de presse, l'éducation. Au besoin, les députés seront disponibles en marge de la conférence de presse pour des questions sur d'autres sujets. Vous êtes nombreux. Une question, sous-question, s'il vous plaît, et aussi si vous pouviez vous présenter, pour le bénéfice de nos invités, ainsi que votre média. Merci.

Mme Cloutier (Patricia) : Bonjour. Patricia Cloutier, journaliste pour Le Soleil. Je veux savoir, M. Alexandre Cloutier, c'est quoi, votre position exacte. Parce qu'on sait que L'École ensemble veut faire en sorte que les subventions au privé, ça cesse de façon... tout de suite, là, si on veut, tous en même temps et que la sélection aussi cesse, qu'on rende les armes en même temps. Votre position là-dessus.

M. Cloutier : On a différentes propositions qui explorent différentes avenues. Comme formation politique, on a adopté, lors de notre congrès, de revoir l'ensemble du financement de l'école privée et de l'école publique québécoise. Nous avons soulevé à l'Assemblée nationale le fait qu'il y a des écoles publiques qui étaient plus coûteuses que l'école privée, qu'il y avait des projets spécifiques qui étaient encore moins accessibles dans l'école publique que dans certaines écoles privées.

Nous sommes d'avis qu'on doit revoir l'ensemble de l'oeuvre, l'ensemble du financement, qu'il doit y avoir un débat de société sur le vivre-ensemble, sur la ségrégation scolaire et que ces enjeux-là doivent être débattus en toute sérénité, et on donne suite, dans le fond, à cette préoccupation d'abord exprimée par le Conseil supérieur de l'éducation, et on suit aussi les recommandations du rapport qui demande à l'État d'intervenir et de ne pas maintenir le statu quo.

Maintenant, nous, on pense qu'on doit revoir l'ensemble de l'oeuvre et on ne pense pas que juste de rejeter simplement le financement d'écoles privées sans égard à l'école publique serait la solution. On pense qu'il y a plusieurs approches qui sont possibles et on partage cette volonté de vouloir s'attaquer à ce vrai problème.

Mme Cloutier (Patricia) : Donc, je veux bien comprendre. Vous appuyez les trois revendications du Mouvement L'École ensemble ou...

M. Cloutier : C'est-à-dire qu'on partage la préoccupation qui est celle du vivre-ensemble, de la mixité sociale, de l'importance que nos jeunes Québécois apprennent à vivre ensemble dans la diversité. On pense qu'il y a plusieurs pistes de solution qui se retrouvent entre autres dans le rapport du Conseil supérieur de l'éducation. Si vous lisez en détail les propositions que nous avons déposées, entre autres lors de notre congrès, vous allez en retrouver plusieurs : investissements massifs, par exemple, dans les infrastructures des écoles publiques québécoises, une pondération ou l'accès plutôt d'un nombre minimum, un seuil garanti de professionnels pour les élèves en difficulté.

Dans le rapport du Conseil supérieur de l'éducation, ce qu'on dit aussi, c'est qu'il faut agir aussi en amont, dès la petite enfance, pour que les quartiers défavorisés, qui sont particulièrement plus susceptibles de ne pas avoir accès à des programmes spécifiques, se retrouvent pris, dans le fond, dans le système. Il propose donc un investissement massif pour la maternelle quatre ans particulièrement dans les quartiers défavorisés. Ce sont toutes là des prises de position qui vont dans le sens du vivre-ensemble.

Maintenant, pour ce qui est du financement des écoles publiques et privées, on pense qu'il doit y avoir un vrai chantier là-dessus au Québec.

M. Dion (Mathieu) : Mathieu Dion, Radio-Canada. Quelle forme prendrait le débat en question? Est-ce qu'on parle d'une commission parlementaire, de consultations en ligne? Qu'est-ce que vous voulez concrètement quand on parle d'un débat sur la chose? C'est large, un débat.

M. Vigneault (Stéphane) : À notre avis, on met au jeu trois propositions, trois solutions qui donc changeraient et qui présentent... qui changeraient le système d'éducation, qui présenteraient une nouvelle vision. Pour moi, le meilleur forum pour en discuter, c'est la prochaine campagne électorale, donc dans une dizaine de mois, et donc on souhaite que les partis se saisissent de nos propositions, et les mettent au jeu, et proposent enfin aux électeurs de trancher.

On a un système scolaire au Québec, qu'on vient de vous décrire, qu'on n'a jamais vraiment choisi. On a laissé les choses aller. L'année prochaine, on va fêter les 50 ans, là, du financement de l'école privée, et ça n'a jamais fait vraiment l'objet d'un choix collectif, et là c'est le temps de trancher. Il y a un timing intéressant, les élections se présentent l'année prochaine. Donc, pour moi, c'est le débat idéal.

M. Dion (Mathieu) : Est-ce qu'aujourd'hui vous tentez d'éclipser l'annonce de Lab-école qui, selon le Parlement, est une bonne nouvelle?

M. Vigneault (Stéphane) : Non, et c'est un hasard. C'est un hasard complet. Donc, on ne savait pas que cette annonce-là arrivait.

M. Nadeau-Dubois : On l'a su hier. Mais, ceci étant dit, et je pense que ça tombe bien parce que M. Proulx veut nous parler de l'école du futur, on est ici aujourd'hui pour parler de notre école du futur. On est ici pour rappeler au ministre Proulx que c'est bien beau parler d'architecture et du menu de la cafétéria, mais que la question fondamentale pour l'école québécoise du XXIe siècle, c'est celle de l'égalité des chances. Au-delà du bling-bling, comment on fait pour donner les mêmes chances à tous les enfants du Québec? Et on espère que le ministre Proulx va en tenir compte dans son annonce de ce matin. Et sinon, bien, il s'expose aux critiques pas seulement de nos formations politiques, de tous les parents au Québec qui sont tannés d'être déchirés à chaque rentrée scolaire.

M. Chouinard (Tommy) : Bonjour. Tommy Chouinard, journaliste à LaPresse. M. Nadeau-Dubois, peut-être, est-ce que les trois revendications… les trois recommandations qui sont faites par le mouvement, est-ce que vous les appuyez? Est-ce que c'est des mesures que vous appuyez?

M. Nadeau-Dubois : C'est des mesures que Québec solidaire appuie dans leur entièreté. C'est des mesures qui étaient déjà à notre programme, alors, lorsque le Mouvement L'École ensemble nous a contactés, ça a tombé sous le sens pour nous de les appuyer.

L'essentiel, ce matin, c'est de parler de l'éléphant dans la pièce. C'est le fait qu'on a une école publique, on a un système scolaire, d'une part, généralement, qui est absolument inégalitaire puis une école publique qui est extrêmement inégalitaire.

Pour ce qui est des solutions, nous, on les appuie, mais bien sûr qu'on peut discuter des modalités. Donc, par exemple, sur le financement public de l'école privée, sur quelle période de temps est-ce qu'on le diminue? Qu'est-ce qu'on réinvestit dans l'école publique? Quelle aide on apporte aux élèves qui ont plus de facilité? Quelles options enrichies on leur offre? Quel type de parcours on peut développer au sein du public pour que tout le monde trouve son compte sans qu'il y ait de la sélection élitiste? Ça, c'est des questions qui restent ouvertes.

Mais, sur le fond, on est d'accord avec le diagnostic puis les grandes pistes de solution, c'est-à-dire il faut ramener la priorité sur l'école publique, ramener l'argent des contribuables au sein du système public puis renforcer cette école-là, qui est le socle de la société québécoise.

M. Chouinard (Tommy) : D'accord. M. Cloutier, peut-être. On parlait d'un sujet tabou, puis on en a eu un peu la démonstration tout à l'heure, quand vous avez donné une réponse. J'essaie de comprendre. Le programme du Parti québécois dit, d'un côté : Il faut réduire de façon significative, assez rapide, là, dans un premier mandat, le financement public aux écoles privées. D'accord? Bon, le chef est sorti après pour dire : Non, non, ce qu'on va faire, c'est demander un effort supplémentaire — de quel ordre, on ne le sait pas — aux écoles privées, puis, si ces écoles-là refusent de faire un effort supplémentaire, dont on ne connaît pas la nature, le financement serait coupé.

Je veux comprendre, là, la position du Parti québécois quand il dit qu'il appuie l'idée de lutter contre la ségrégation scolaire, là. Qu'est-ce que ça veut dire concrètement, sur les trois revendications qui sont… les trois recommandations qui sont faites?

M. Cloutier : C'est-à-dire que, sur l'identification du diagnostic, qui est le diagnostic qui est posé d'abord par le conseil supérieur, qui est repris ensuite par le mouvement, nous partageons en totalité cette réflexion qui doit avoir cours au Québec sur l'importance du vivre-ensemble.

Maintenant, dans les pistes de solution, nous avons la prétention d'en avoir plusieurs à offrir aux Québécois. Parmi celles-ci, c'est d'avoir des écoles publiques dignes de ce nom sur le plan des infrastructures. C'est aussi dans les recommandations du Conseil supérieur de l'éducation. Parmi les autres revendications, on retrouve entre autres l'importance d'avoir un seuil garanti pour les services aux élèves qui ont le plus de difficulté.

Pour ce qui est des écoles privées, le Conseil supérieur de l'éducation aborde aussi cet enjeu, et ce qu'il propose, le Conseil supérieur de l'éducation, c'est que l'école privée soit davantage représentative du milieu dans lequel elle s'insère, comme par exemple qu'elle soit plus représentative du nombre d'immigrants, de réfugiés, de personnes en difficulté d'apprentissage, de personnes de milieux socioéconomiques plus défavorisés. Il propose aussi que le financement soit lié à une meilleure représentativité.

Et c'est dans cet esprit-là que notre chef Jean-François a exprimé ses intentions, suite au congrès, et c'est pour ça que le Parti québécois a adopté comme résolution de revoir la totalité du financement, incluant le financement à l'école publique, qui, comme vous le savez, est de moins en moins gratuite et de moins en moins accessible. Ce sont là quelques propositions qui viennent répondre, je pense, en partie, à cette problématique qui est celle de la mixité sociale, mais on est ouverts à un véritable débat de société sur cet enjeu.

M. Chouinard (Tommy) : Donc, vous dites : Il faut faire ce débat-là. Vous, vous voyez ça ici, à l'Assemblée nationale, d'ici les élections? Concrètement, vous voyez ça comment?

M. Cloutier : Bien, idéalement, comme c'est, à notre point de vue, un problème qui est urgent et réel, on souhaiterait que le gouvernement actuel prenne le dossier à bras-le-corps. Malheureusement, je suis obligé de vous dire que, dans la politique sur la réussite scolaire qui a été déposée, ce n'est pas le cas. Et, comme le disait tout à l'heure mon collègue de l'Assemblée nationale, aujourd'hui, il y a une annonce importante sur le plan gouvernemental en ce qui a trait aux infrastructures, la qualité des infrastructures, l'alimentation, les saines habitudes de vie, mais il y a quand même un éléphant dans la pièce. C'est : Qui compose cette école publique? Qui auront accès à ces nouvelles écoles au Québec?

Le Modérateur : Merci, Tommy. On va passer à Pascal puis on va faire ça ensuite... partager le micro. Merci.

M. Dugas Bourdon (Pascal) : Oui, M. Cloutier, encore. Je m'excuse de vous demander de retourner au micro. Donc, Pascal Dugas de l'Agence QMI. Pour rebondir sur la question de mon collègue, est-ce qu'un PQ porté au pouvoir en 2018 mettrait fin au financement public de l'école privée?

M. Cloutier : Je pense que... en fait, je crois avoir répondu en long et en large à la question. Ce que j'ai dit, c'est que le financement à la fois de l'école publique et de l'école privée doit être revu.

M. Dugas Bourdon (Pascal) : Donc, c'est possible qu'on mette fin au financement public de l'école privée.

M. Cloutier : Ce n'est pas la proposition qui a été adoptée lors de notre congrès. Par contre, nous nous sommes engagés à revoir le financement pour nous assurer que l'école publique soit plus accessible, que l'école publique soit plus représentative des milieux défavorisés, etc. Puis là je ne veux pas reprendre toutes les explications que j'ai données tout à l'heure.

Le Modérateur : D'autres questions sur ce sujet, s'il vous plaît?

Journaliste : ...question sur un autre sujet. J'ai une...

Le Modérateur : ...qui s'adresse au député?

Journaliste : Oui, oui, oui.

Le Modérateur : Écoutez, alors on va faire ça en marge. On va permettre à tout le monde de quitter puis on va rester là. On va vous trouver le temps pour les autres questions. Merci beaucoup.

Des voix : Merci.

(Fin à 10 h 30)

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