(Quatorze heures cinquante-huit minutes)
M.
Bérubé
:
Bonjour. Je suis ici pour réagir au rapport demandé par le ministre de la
Sécurité publique au commissaire de l'Unité permanente anticorruption suite aux
nombreux problèmes de fonctionnement de l'UPAC.
Dans le cadre du projet de loi n° 107,
où l'UPAC demande davantage de pouvoirs, demande d'être un corps de police
indépendant, on pose beaucoup de questions sur les moyens à sa disposition, sur
son indépendance, sur le climat interne. Évidemment, on a appris que différents
rapports existent qui démontrent des problèmes importants quant à
l'organisation du travail, quant à des plaintes, quant à un climat relativement
néfaste qu'on retrouve à l'intérieur de l'UPAC et qui affecte, évidemment, les
résultats.
Le Parti québécois a demandé à plusieurs
reprises ces rapports par des motions, par des questions, par le débat en
commission parlementaire. Le gouvernement libéral s'oppose systématiquement
depuis le début à ce que les rapports qui touchent à la fois l'AMF, le côté
économique, et à la fois la division des enquêtes soient rendus publics. Il
aura fallu que le rapport sur M. Forget, sur l'organisation de cette
division soit rendu public pour que le ministre décide de demander des comptes
à l'UPAC.
Je noterai aujourd'hui que le ministre de la
Sécurité publique, qui avait choisi de présenter le rapport sur les affaires
internes du SPVM, décide de ne pas tenir le même exercice avec l'UPAC.
Pourtant, l'UPAC relève directement de lui, alors je lui indique que la
responsabilité ministérielle, c'est d'assumer ses fonctions en tout temps, pas
devancer sa fin de semaine à partir du moment où il y a un rapport le vendredi,
en disant : Je vais émettre un communiqué seulement, puis vous lirez le
rapport.
Alors, pourquoi, au SPVM, où il y a une
relation un peu lointaine avec le gouvernement du Québec, le ministre présente
le rapport, le commente, pose même un diagnostic sur le leadership du directeur
Pichet et dans le cas de l'UPAC ne présente pas devant vous, la presse
parlementaire, devant la population du Québec ce rapport et ne répond pas aux
questions?
J'ajouterais également que le Commissaire
de l'Unité permanente anticorruption, qui était à quelques mètres de
l'Assemblée nationale ce midi, aurait pu se rendre à l'Assemblée nationale et
répondre à vos questions également.
On en a beaucoup, des questions qui
subsistent. Ce qui est le plus important, c'est le projet de loi n° 107 et
les débats qui ont cours, et les questions que je pose et que je vais continuer
de poser portent essentiellement sur l'efficacité de l'Unité permanente
anticorruption. Sa principale fonction, c'est d'enquêter et d'arrêter des gens
qui ont usurpé le bien public. C'est le rôle de l'UPAC. Et on peut être en
mesure d'apprécier, avec les rapports annuels, avec nos propres observations,
les résultats de l'UPAC, les résultats attendus de la part du public, notamment
lorsque ça touche le monde politique. Et je suis à même de constater, avec
plusieurs autres observateurs, l'impatience qui gagne les Québécois en cette
année 2018 alors qu'il y a des enquêtes qui semblent totalement
paralysées. Ça, c'est les questions qu'on pose sur l'essentiel.
Ensuite, les moyens à la disposition.
Alors, on nous indique qu'on a tout ce qu'il faut et ce que ça prend, c'est une
indépendance de la Sûreté du Québec. Nous considérons que la seule indépendance
viable pour l'UPAC, c'est l'indépendance du gouvernement actuel et de tout
autre gouvernement qui pourrait suivre. Écoutez, présentement, le commissaire
de l'Unité permanente anticorruption, nommé par le gouvernement libéral,
reconduit par le gouvernement libéral sur des critères que je ne connais pas
enquête sur le gouvernement libéral. C'est aussi simple que ça. Il faut le
rappeler.
La question d'indépendance, elle est
fondamentale. Lorsque le ministre nous indique qu'il y aura un comité de
surveillance qui va annuellement regarder ce qui s'est passé, le suivi, bien,
moi, je dis que, s'il devait avoir un comité de surveillance, il devrait être à
l'interne quotidiennement pas à l'externe sur ce qui se passe.
Aujourd'hui, on a un rapport incomplet, un
rapport qui ne touche que la direction des affaires, je dirais, économiques,
une division où le directeur a déjà quitté. Mais le plus important, c'est la division
des enquêtes, dirigée par M. André Boulanger, et cette direction, elle a
eu une analyse, un diagnostic par Karine Martel, de la Sûreté du Québec. Ce
rapport essentiel devrait être public depuis longtemps. Je vous rappelle que le
gouvernement libéral s'oppose systématiquement et avec force au dévoilement de
ce rapport. À deux reprises, avec des motions, lors de questions à l'Assemblée
nationale, lors de mes questions en commission parlementaire, le gouvernement
libéral semble déterminé à tout faire pour que jamais on ne puisse connaître ce
qu'on retrouve dans le rapport de Mme Karine Martel.
J'ai entendu tout à l'heure le commissaire
de l'UPAC nous dire que c'est la Sûreté du Québec qui a ces informations-là.
Alors, aujourd'hui, je fais une demande formelle que le ministre de la Sécurité
publique se joigne à moi pour demander au directeur de la Sûreté du Québec de
rendre public ce rapport. La Sûreté du Québec est une organisation qui relève
du gouvernement du Québec, qu'elle rendu public sans tarder le rapport de
Karine Martel portant sur le climat qu'on retrouve à la division des enquêtes.
Si le quart de ce qu'on entend de ce qui s'y trouve est vrai, je pense que ça
va nécessiter des explications importantes. N'ayant pas accès à ce rapport, et
comme parlementaires qui étudient un projet de loi en commission parlementaire,
ce n'est pas vrai qu'on va accorder plus de pouvoirs à l'UPAC sans connaître ce
qui se passe réellement à l'intérieur de cette division.
Où réside l'intérêt du gouvernement libéral
à nous priver de cette information? Est-ce que le ministre est au courant de ce
qui s'y retrouve? Il n'a jamais voulu répondre à cette question-là lorsque je
lui ai posé lors de la commission parlementaire. Pourquoi ne veut-il pas le
savoir? Pourquoi ne veulent-ils pas? Comment peut-il apprécier l'amélioration
des conditions de travail à l'intérieur de l'UPAC s'il ne connaît pas les
diagnostics? Ça ne tient pas debout. Alors, le ministre, pour le SPVM, décide
de tenir un point de presse avec la mairesse de Montréal, de présenter le
rapport, de porter même une appréciation du directeur Pichet; dans le cas de l'UPAC,
pas de point de presse, un communiqué, puis le ministre ne se prononce pas sur
le leadership qu'il reconnaît ou pas au commissaire Lafrenière. Alors, c'est un
exercice qui est incomplet et qui a été inutile, voire même de complaisance.
Le Parti québécois, depuis le début, pose
des questions et va continuer de poser des questions. Rien ne nous empêchera de
continuer de poser des questions importantes, des questions qui portent sur un
enjeu fondamental au Québec, les rapports entre le politique et le policier. Et
ces rapports-là, on est obligés d'y faire face parce que, dans la structure
actuelle, que le commissaire nommé par le gouvernement libéral, reconduit par
le gouvernement libéral enquête sur le Parti libéral et que ces enquêtes-là n'aient
pas abouti place l'UPAC et son commissaire dans une position de vulnérabilité.
Il y a une façon très simple de le régler, notamment de nommer le commissaire
aux deux tiers des membres de l'Assemblée nationale, qu'il mette son siège en
jeu à l'appréciation des formations politiques.
J'ajoute également à l'attention du
ministre, qui indique en communiqué ce matin qu'il compte sur les oppositions
pour adopter le projet de loi n° 107, qu'il ne pourra pas compter sur le
Parti québécois. Et je lui indique que, dans ces circonstances, sans un vaste
appui des parlementaires, il n'a pas la légitimité de faire appuyer le projet
de loi n° 107, de le faire voter, de le faire adopter, alors il devra se
rendre aux arguments de l'opposition. Je vois très mal le gouvernement libéral
être le seul à voter en faveur d'une structure où la personne qu'il nomme est
celle qui enquête sur sa propre formation politique. À sa face même, ça ne
tient pas la route.
J'ajouterais également que j'aurais aimé
entendre le ministre sur d'autres enjeux qui sont apparus entre la fin de la
session parlementaire et aujourd'hui. Notamment, le commissaire de l'Unité
permanente anticorruption a fait une tournée médiatique à la carte où il a
indiqué notamment — et ça a surpris plusieurs observateurs, dont
votre humble serviteur — que, lors de la campagne électorale, il ne
se passerait rien, il n'y aurait pas d'arrestations, il n'y aurait pas d'avancement
des dossiers. Je suis un peu étonné. C'est de son propre chef qu'il a décidé
ça. Pourtant, le même commissaire de l'Unité permanente anticorruption nous
indiquait, à l'étude des crédits en mai 2017, et je le cite, qu'il n'en avait
rien à cirer, de l'agenda politique. Alors, manifestement, ça a changé en cours
de route.
Le Parti québécois est déterminé à
s'assurer que l'UPAC, qui a été créée en 2011, ait les meilleures structures
possible, les meilleures personnes possible pour s'assurer que justice soit
faite dans des dossiers qui préoccupent les Québécois, et ils sont nombreux, où
on a volé de l'argent public à coups de millions de dollars. Puis il y a une
impunité, présentement. Alors, on souhaite le succès de l'UPAC, mais on doit
poser les questions essentielles.
En terminant, pourquoi le rapport qui
existe sur la mission la plus fondamentale de l'UPAC, qui est la division des
enquêtes, demeure caché? Pourquoi le gouvernement libéral s'y oppose? Pourquoi
le ministre s'y oppose? Qu'est-ce qu'on a à cacher? Et, quand M. Lafrenière
nous dit, tout à l'heure : C'est la Sûreté du Québec qui l'a, bien, ça
tombe bien, parce que la Sûreté du Québec, elle relève du ministre. Et, si on
le l'obtient pas de la part du directeur actuel, qui est M. Morency — on
l'avait demandé du directeur précédent, qui était M. Prud'homme, on
demandait à M. Prud'homme de nous permettre d'avoir accès au rapport qui
touche à la gestion de M. Lafrenière — que le ministre se joigne
à nous, sinon on comprendra qu'il ne veut pas connaître ce qui se trouve à
l'intérieur et que, pire, peut-être qu'il sait ce qui se trouve à l'intérieur
et qu'il veut nous priver de cette information. Alors, je m'arrêterais là pour
répondre à vos questions.
M. Laforest (Alain) : M. Bérubé,
est-ce que vous avez été contacté par un enquêteur de l'UPAC?
M.
Bérubé
:
La réponse, c'est oui. M. Lafrenière n'a pas voulu y répondre tout à
l'heure. Le lundi 8 janvier, vers 13 heures, un policier s'identifiant
comme un agent de l'UPAC, là, un policier du SPVM m'a appelé, d'abord pour me
souhaiter ses condoléances suite au décès de mon père et ensuite m'informer
qu'il souhaitait discuter avec moi.
M. Laforest (Alain) :
Est-ce que vous êtes prêt à discuter avec l'UPAC? Parce que, là, ce qu'on
comprend aujourd'hui, c'est qu'il y a une missive qui a été envoyée par
l'Assemblée nationale...
M.
Bérubé
:
Oui. Je ne suis pas prêt à dire ça, M. Laforest.
M. Laforest (Alain) :
Bien, c'est ça, expliquez-nous, là, votre compréhension.
M.
Bérubé
:
Bon, écoutez, j'ai reçu cet appel-là, et j'ai compris par la suite que le
député de La Peltrie a reçu le même appel de la même personne. C'est ce
que j'ai compris à travers un article qui est paru cette semaine. J'ai reçu cet
appel-là. Évidemment, ça surprend. J'en ai discuté avec mes proches, et on
décidé... on a hésité puis on a décidé : On va y aller. Et, lorsqu'on a
confirmé — puis je l'ai fait par écrit, d'ailleurs, donc il y a une
trace de ça — et on nous a indiqué qu'il n'y aurait pas de rencontre,
ils ne nous ont pas donné de raison, que c'était reporté ou que ça n'aurait pas
lieu, et qu'on devrait être au courant. Bien, la réponse, c'est qu'on n'est pas
au courant.
Et, moi, ce que j'ai fait, c'est que j'en
ai averti rapidement mon directeur de cabinet, qui en a averti l'Assemblée
nationale. Mais il semble, et à la lumière de l'information qu'on dispose que,
bien avant ça, il y avait déjà des échanges entre l'Unité permanente
anticorruption et l'Assemblée nationale sur les mesures à prendre. Mais je
pense que vous obtiendrez des nouvelles un peu plus tard de l'Assemblée
nationale, qui, je pense, ne va pas dans le sens de ce que M. Lafrenière a
dit tout à l'heure. Et je pense que ça sera bienvenu de voir qu'est-ce qui s'est
véritablement passé.
M. Robillard (Alexandre) :
Pourquoi, selon vous, le rapport, ou les notes, ou états de situation de Karine
Martel auraient dû faire partie de ce qui a été rendu public aujourd'hui ou, à
tout le moins, les mesures prises en lien avec ça?
M.
Bérubé
:
Bien, d'abord, pour la première partie, soit, mais M. Forget a déjà
quitté. Donc, qu'il y ait une amélioration continue, ce n'est pas prématuré d'y
voir, l'UPAC existe depuis 2011. Et puis l'UPAC a fait un rapport là-dessus,
puis, bon, le ministre semble satisfait. Mais n'oubliez pas qu'il a demandé le
rapport parce que, notamment, votre média a publié le rapport, sinon on ne
l'aurait jamais su.
L'autre rapport que j'ai demandé par
motion, par question, ils ne veulent pas nous le donner. Nous, on soupçonne que
ce qui s'y retrouve est beaucoup plus préoccupant que ce qui se retrouve dans
le premier. Et je pose la question, là. Quand on a fait une motion commune, la
Coalition avenir Québec et nous, demandant que ça soit un ordre de l'Assemblée
nationale que le rapport soit rendu public, le gouvernement libéral s'est
opposé.
M. Robillard (Alexandre) :
Est-ce que vous trouvez ça… Qu'est-ce que vous pensez du fait que
M. Lafrenière dit qu'il n'a pas vu… qu'il n'est pas au courant de ça ou,
en tout cas, que c'est… il a dit : Je n'ai pas vu ça, ce document-là.
M.
Bérubé
:
Il faut prendre sa parole.
M. Robillard (Alexandre) :
Puis est-ce que ça, c'est une bonne raison, selon vous, qui explique pourquoi
il n'y a rien, dans ce qui a été rendu public aujourd'hui, qui fait référence
aux problèmes dans la boîte enquêtes?
M.
Bérubé
:
J'ai entendu ça, oui. Je lui souhaite d'avoir la même curiosité que j'ai et de
demander à savoir ce qui se passe dans sa propre organisation. Et moi, comme
législateur... Puis vous m'avez vu, là, poser des questions, là, les questions
que je pose en privé puis en public, c'est exactement les mêmes. En tout cas,
je souhaite qu'il obtienne ce rapport-là, je souhaite que la Sûreté du Québec
le rende public. Comme législateurs, on nous demande de donner plus de
pouvoirs, puis énormément de pouvoirs à un homme et à une organisation sans
savoir comment ils fonctionnent présentement. Puis évidemment qu'on a des échos
de ce qui a pu se passer. Il y a des gens qui nous disent : Surveillez ça,
les affaires internes. Il y a des policiers qui ont quitté, il y a eu des
démotions, il s'est passé toutes sortes de mouvements de personnel. Je vais
m'arrêter là.
M. Robillard (Alexandre) :
Mais est-ce qu'il est imputable de ce qui se passe dans la boîte enquêtes ou
pas?
M.
Bérubé
:
Absolument.
M. Robillard (Alexandre) :
Bon. Comment ça se fait que, dans ce cas-là, il n'est pas au courant de ce que
Karine Martel a trouvé dans sa boîte?
M.
Bérubé
:
C'est sa parole, je vais la prendre. Il dit qu'il n'est pas au courant, que lui
n'est pas au courant. Est-ce que quelqu'un d'autre l'est à l'intérieur de
l'organisation? Rendons service à tout le monde, à M. Lafrenière, aux
questions de l'opposition, à la presse parlementaire, aux gens qui suivent ce
débat-là, rendons-le public. Pourquoi on ne veut pas… J'avais posé la question
à M. Goulet, de la Sûreté du Québec, en commission parlementaire. C'est
des notes manuscrites, puis, selon la Loi d'accès, on ne peut pas vraiment...
J'ai dit : Vous pouvez faire ce que vous voulez, à la Sûreté du Québec; si
vous le rendez public, là, biffez les noms, caviardez les noms. Moi, je veux
des situations, je suis capable de vivre avec ça, puis on va savoir ce qui
s'est passé. Mais, mordicus, si vous saviez la panique qui s'empare des
différentes organisations chaque fois qu'on évoque ce rapport-là, ça tend à
démontrer qu'on vise la bonne chose.
M. Laforest (Alain) : Ce
qu'on a publié ce matin, ce n'est rien, là.
M.
Bérubé
:
Moi, je pense qu'on aurait intérêt à savoir ce qui se trouve dans ce rapport-là,
que je n'ai pas vu.
M. Lessard (Denis) : Ce
qu'on a publié, c'est vos rapports...
M.
Bérubé
:
Il y a deux rapports.
M. Lessard (Denis) :
...que vous demandiez, qui étaient caviardés, vous les avez. Puis finalement ce
n'est pas du tout ce qu'on s'attendait.
M.
Bérubé
:
Exact. Le premier, on a... on ne l'a pas. Bien, on l'a maintenant, oui, parce
qu'il a été diffusé, le premier, puis là ça a conduit au départ de M. Forget,
avec d'autres reportages, mais c'est par les médias qu'on l'a obtenu, on ne l'a
pas obtenu du gouvernement. Moi, je l'avais demandé, puis, vous vous souvenez,
il était largement caviardé. Le deuxième, Karine Martel, qui a fait l'objet
d'une... qui n'a jamais été aussi nommée...
M. Lessard (Denis) :
...ce que vous demandiez au préalable, qui avait été caviardé.
M.
Bérubé
:
Oui, et j'ai été surpris parce qu'à l'analyse on s'attendait qu'il y ait une
annexe, là, mais il n'y a rien là-dessus. Donc, manifestement, l'UPAC, la
Sûreté du Québec, le gouvernement libéral vont tout faire pour nous empêcher
d'avoir accès au contenu de ce rapport-là, et sans cela, ça rend l'exercice
totalement futile. L'essentiel se trouve là. Et je réponds au ministre, qui
s'attend à la collaboration de l'opposition pour donner plus de pouvoirs à une
organisation qui est... qui fait preuve d'une très grande opacité, qu'il ne
pourra pas compter sur le Parti québécois, et j'espère qu'il ne pourra pas
compter sur la Coalition avenir Québec également et qu'en conséquence... Moi,
je pense que ça prend l'unanimité pour cet enjeu-là.
M. Lessard (Denis) : Les
rapports que vous demandiez avec beaucoup d'insistance...
M.
Bérubé
:
C'est toujours les mêmes.
M. Lessard (Denis) : ...finalement,
on constate qu'il n'y a pas grand-chose là-dedans. C'est un problème de
communication, d'organisation...
M.
Bérubé
:
Bien, le premier... C'est parce que c'est difficile de donner une appréciation
de ce qui a été amélioré si on ne connaît pas le point de départ. C'est ça que
je dis. Il me semble, ça m'apparaît relativement simple. Puis tout ça, c'est
des éléments qui contribuent à voir est-ce que l'organisation atteint ses
objectifs. Ses objectifs, c'est d'avoir les moyens pour conduire des enquêtes puis,
s'ils ont ce qu'il faut, de procéder à des arrestations, puis des accusations,
puis qu'il y ait des condamnations. C'est ça, l'objectif. Puis on est détournés
par plein de «sideshows» qui font en sorte qu'on ne se concentre pas sur
l'essentiel.
Sans l'affaire Ouellette — je
vais l'aborder de front — sans l'affaire Ouellette, le projet de loi
n° 107 en tant que tel était fondamental. Toutes les questions demeurent
pertinentes. Ça a rajouté d'autres questions, mais il ne faut pas que ça nous
fasse dévier de l'objectif. Le gouvernement est en train de mettre beaucoup de
pressions pour qu'on l'adopte le plus rapidement possible. Je pense qu'on n'a
pas une situation qui nous permet de procéder. Tous les tests ont été manqués
par l'UPAC sur la transparence, sur sa volonté de participer à la commission
parlementaire. Il a fallu presque envoyer un subpoena, vous vous souvenez de
ça. C'est là qu'on en est.
M. Lessard (Denis) :
...est-ce que vous devriez être rencontré par l'UPAC? Vous étiez prêt à le
faire.
M.
Bérubé
:
Je n'ai pas à juger de ça. Ils me le demandent, ça ne me dérange pas, je vais y
aller.
M. Lessard (Denis) :
L'enquête est suspendue parce qu'ils ne peuvent pas vous parler ou à M. Caire.
M.
Bérubé
:
C'est la version de l'UPAC. Ma prétention, c'est que la version de l'Assemblée
nationale est bien différente...
M. Lessard (Denis) : ...
M.
Bérubé
:
Bien, on a eu des échanges, je l'invite à en faire part au cours des prochaines
heures. Je ne suis pas convaincu que M. Lafrenière a utilisé une formule
correcte tout à l'heure et je pense qu'il aura à changer sa version.
Mme Sioui
(Marie-Michèle) : Juste pour être clair, là, le rapport de départ,
celui qui est caviardé, c'est celui est sorti dans Le Journal de Québec,
c'est celui de septembre 2016.
M.
Bérubé
:
Oui, que j'ai ici, qui touche, je dirais, tout ce qui est question, là, de l'AMF
sur M. Forget, ce premier-là. Je l'ai ici.
Mme Sioui
(Marie-Michèle) : Bon, ce document-là, puisque les deux documents
qu'on a aujourd'hui portent sur celui-là, là, qui est lourdement caviardé,
est-ce que c'est encore justifié que ce document-là de septembre 2016 soit
caviardé...
M.
Bérubé
:
Bien, non. En fait...
Mme Sioui
(Marie-Michèle) : ...puisqu'on a deux documents de suivi sur celui-là?
M.
Bérubé
:
Bon. Le premier... On va... C'est vrai, c'est très technique. Il ne faut pas
perdre personne avec ça.
M. Robillard (Alexandre) :
Mais avez-vous vu le rapport caviardé à être décaviardé? Est-ce que vous l'avez
vu, ce rapport-là, le rapport caviardé?
M.
Bérubé
:
Celui portant sur les enquêtes? Non.
Mme Sioui
(Marie-Michèle) : Non, il y en a quatre. Il y en a quatre en tout,
O.K.?
M.
Bérubé
:
Ah! bien, il m'en manque.
Mme Sioui
(Marie-Michèle) : Il y a septembre 2016. Aujourd'hui, les deux
documents portent sur celui-là. Puis il y a aussi les notes, ou le document, ou
appelez-le comme vous voulez, de Karine Martel. Bon.
M.
Bérubé
:
Oui. Tout à fait. D'accord.
Mme Sioui
(Marie-Michèle) : Celui qui est caviardé, est-ce que vous l'avez vu
décaviardé?
M.
Bérubé
:
Non.
Mme Sioui
(Marie-Michèle) : Est-ce qu'il mérite encore d'être caviardé,
puisqu'on a fait deux rapports sur celui-là?
M.
Bérubé
:
Qu'on les décaviarde tous puis qu'on se fasse une idée nous-mêmes. Non,
là-dessus, c'est accès total. On parle d'organisations gouvernementales qui
relèvent du gouvernement du Québec. Qu'on puisse enlever les noms...
M. Robillard (Alexandre) :
Vous attendiez-vous à ce que le rapport qui était caviardé soit décaviardé
aujourd'hui?
M.
Bérubé
:
Bien oui, évidemment, bien évidemment. Puis celui de Karine Martel, qui est le
plus important, selon moi, qui ne l'est toujours pas, là tout le monde s'envoie
la balle...
M. Laforest (Alain) :
Qu'est-ce qui se passe?
M.
Bérubé
:
La Sûreté du Québec nous dit : Ah! bien là on ne peut pas. Le ministre
nous dit... Attention. Le ministre nous dit : Ça appartient à la Sûreté du
Québec. Mais, la Sûreté du Québec, c'est vous le patron. Ouin, mais ils ne veulent
pas. Là, l'UPAC dit : Ah! c'est la Sûreté du Québec. Parfait. Je vais
poser la question à la Sûreté du Québec : Je ne sais pas si on peut, mais
si le ministre m'aide, peut-être qu'on va pouvoir. Je lui fais la demande
aujourd'hui.
M. Laforest (Alain) :
Qu'est-ce qui se passe?
M.
Bérubé
:
Je pense qu'ils vont tout faire pour nous empêcher d'avoir accès au rapport le
plus important, qui est celui sur ce qui s'est passé. Écoutez, je pense qu'il y
a 20 policiers qui ont été rencontrés puis qui ont livré des témoignages
sur ce qui se passe à l'interne, puis des choses importantes.
M. Bovet (Sébastien) :
Est-ce que l'UPAC et M. Lafrenière ressortent plus forts, aujourd'hui, ou
affaiblis?
M.
Bérubé
:
Bien, je vais faire le même exercice que j'ai fait avec M. Coiteux lors de
sa présence, là, très, très visuelle, là, avec la nouvelle mairesse sur le
rapport du SPVM que j'ai ici. J'ai posé la question : J'aimerais vous
entendre, avez-vous confiance au directeur Pichet? Et puis finalement on a
appris que non...
M. Bovet (Sébastien) :
Non, mais vous, là, selon vous?
M.
Bérubé
:
... — j'y arrive, j'y arrive — il a dit non. Ce matin, j'aurais
aimé entendre son appréciation de ça. Moi, ce que je vous dis, c'est que, dans
les conditions actuelles et avec le leadership actuel, notre réponse sera de ne
pas accorder notre appui à lui donner davantage de pouvoirs, et nous allons
maintenir la pression pour obtenir toutes les réponses nécessaires. Pour ce qui
est du Parti québécois, c'est très clair. J'entends la CAQ nous dire qu'ils
sont d'accord avec les deux tiers, et tout ça. Soyez avec nous là-dessus.
M. Bovet (Sébastien) :
Mais la question, M. Bérubé, en tout respect, c'est : Est-ce que M. Lafrenière
est encore solidement, à votre avis, installé à la tête de l'UPAC? Et l'UPAC
est-elle encore une institution dans laquelle on peut faire confiance?
M.
Bérubé
:
Je pense que M. Lafrenière a plusieurs tests qu'il doit passer. Il doit
répondre des parlementaires, ce n'est pas... il n'est pas...
M. Bovet (Sébastien) :
Vous avez dit : Il a échoué tous les tests jusqu'à maintenant.
M.
Bérubé
:
Bien, en fait, ceux qu'on lui a... Peut-être que les gens considèrent que ceux
qu'on lui pose ne sont pas...
M. Robillard (Alexandre) :
Est-ce encore l'homme de la situation?
M.
Bérubé
:
J'aimerais entendre le ministre d'abord. Je vous donnerais ma réponse très
rapidement après, très rapidement après.
Journaliste
: ...ça n'a
pas l'air clair pour vous, là.
M.
Bérubé
:
Bien, j'ai des questionnements qui demeurent. Je sais que M. Lafrenière
n'aime pas mes questions, je le sais, ça, mais c'est des questions que je pose au
nom du public. Je fais mon travail de parlementaire de façon extrêmement
rigoureuse. Les questions que je pose sont pour le bénéfice de ce débat. Et
voyez dans quelle situation on est : On a le projet de loi n° 107
pour donner plus de pouvoirs, mélangé avec l'affaire Ouellette, mélangé avec
d'autres histoires qui font en sorte qu'on s'éloigne de l'essentiel. Est-ce que
cette organisation-là fonctionne ou pas en termes de résultats, en termes de
climat interne? Et manifestement il y a quelque chose qui ne marche pas, et la
réponse qui est accordée aujourd'hui... qui est apportée aujourd'hui est
insuffisante. Ça sera mes commentaires.
Mme Sioui
(Marie-Michèle) : Je vais poser la question autrement. Est-ce qu'on
est dans un exercice de relations publiques aujourd'hui? Est-ce que c'est du
marketing?
M.
Bérubé
:
Oui. Oui, c'est un exercice de relations publiques et, en même temps, avec un
risque minimum. Le ministre n'a pas daigné se présenter devant vous pour
présenter le rapport comme il l'a fait à Montréal avec celui du SPVM. La
responsabilité ministérielle, ce n'est pas juste quand ça fait notre affaire ou
pas juste quand il y a des caméras, là, qui sont là pour montrer qu'on est
présents, là. Là, c'est important de l'être, il a décidé de ne pas y être. Et
je sens le malaise de M. Coiteux depuis le début sur cet enjeu-là. Je n'ai
pas entendu souvent M. Coiteux défendre M. Lafrenière directement,
alors c'est pour ça que je tiens à ce qu'il dise qu'il a confiance à M. Lafrenière.
Je ne sais pas si c'était son choix de commissaire. J'aimerais ça drôlement
l'entendre là-dessus.
M. Bovet (Sébastien) :
Une précision sur l'intervention de l'Assemblée nationale telle qu'évoquée par
M. Lafrenière, elle dit : Nous avons contacté MM. Bérubé et
Caire...
M.
Bérubé
:
Lui ne le dit pas; moi, je le dis.
M. Bovet (Sébastien) :
C'est ça. Mais, bon, il le laisse entendre...
M.
Bérubé
:
Et il ne nous nomme pas.
M. Bovet (Sébastien) :
...et qu'il y a eu une demande de l'Assemblée nationale qui a fait en sorte que
des choses ont changé, et c'est la raison pour laquelle il n'y a plus de rencontre
avec vous et M. Caire. Est-ce que vous comprenez que l'Assemblée nationale a
invoqué votre immunité parlementaire et celle de M. Caire ou celle de M.
Ouellette, puisque la rencontre devait avoir lieu dans le cadre de l'enquête
sur M. Ouellette?
M.
Bérubé
:
Oui, c'est... Je ne le sais pas, mais je sais une chose, c'est que les échanges
sur les enjeux de cette nature-là étaient préalables à l'appel que j'ai reçu
lundi après-midi, donc ce n'est pas lié. Quand M. Lafrenière a dit ça,
c'est faux, et je pense que l'Assemblée nationale pourra le préciser.
Bien, pourquoi je vous dis ça? La séquence
est très claire, transparence totale : Je reçois un appel sur mon
téléphone cellulaire — et d'ailleurs comment on l'a obtenu? C'est une
bonne question — me disant : Bonjour, M. Bérubé, quelques
généralités, j'aimerais ça, échanger avec vous. Pourquoi? Puis, bon, je suis
curieux un peu. Ah! bien, vous savez, il se passe plein de choses, et tout ça.
Parfait, alors laissez-moi vous revenir là-dessus, mais je ne suis pas très
chaud à l'idée. Je suis un parlementaire, je pose mes questions à l'Assemblée
nationale. J'en discute avec mon directeur de cabinet, il avertit l'Assemblée
nationale : Est-ce normal? Pas plus que ça.
Le lendemain, je rappelle, je rappelle le
policier en question puis je lui envoie un courriel pour qu'il reste une trace
de notre conversation, que je conserve, et je lui dis : Je suis disposé à
vous rencontrer, puis j'offre des plages, là, de rencontres. Il m'indique que
ce n'est plus possible. Je ne sais pas pourquoi ce n'est plus possible, mais je
pense que l'Assemblée nationale a des échanges avec l'Unité permanente
anticorruption que je ne connais pas, mais que j'aimerais connaître. C'est pour
ça que je vous indique que j'aimerais ça qu'il puisse préciser ce qu'il en est.
Mais je pense qu'il est faux d'indiquer qu'on a... Nous, on n'a rien demandé,
là. Je ne sais pas pour Éric Caire, là, mais on n'a rien demandé. On me pose
des questions, je suis plutôt volontaire, je suis disponible, ça me tente
d'échanger. De quoi ils veulent nous parler? On le saura à ce moment-là, puis
je vais vous le livrer assez rapidement, soyez-en assurés.
La Modératrice
: En
anglais.
Mme Fletcher (Raquel) : How do you feel, then, that today Mr. Lafrenière is saying
that the investigation that has involved Guy Ouellette and possibly Jean
Charest has been suspended because of this call from the National Assembly?
M.
Bérubé
:
His word, his word. I'm not aware of what he's talking about. All I know, and
he doesn't tell that to the press, someone from his organization called me on
my cell phone — he has my cell phone — and decided to say :
Hey, Mr. Bérubé, nice to talk to you, I want to tell you that I have great
respect for you and I want to meet you. How come? Ah! you know, there's some
stuff going on, investigation, and we do feel that you're someone interested
about those kinds of issues. Good, so let me think about it, I'm going to call
you later. Then I decided to call him later, and said : I talked to my
cabinet, they said : OK, we'll go there for sure, and I wrote an email to
make sure that I have a proof of that, and I still have this email, and he said :
It's not going to be possible, you might be aware of that. No, I'm not. And
what I hear today is that Mr. Lafrenière is telling that the National
Assembly stopped him from meeting a Member of Parliament. It's totally false, I
know this for sure, because when I listen to these quotes, we make some calls,
and I think you're going to know more in a few hours, that is not the truth. So,
we're available to meet those people. But you know what? Nobody is going stop
me of asking some tough questions, and maybe this is what is annoying the UPAC.
Mme Fletcher (Raquel) : Why do you think that UPAC wanted to speak to you to begin with? Do
you have any information?
M.
Bérubé
: I don't know, they didn't tell me. Maybe I'm going to be the one
asking questions with them. I have a bunch of
questions.
Mme Fletcher (Raquel) : Are you surprised or disappointed that Mr. Lafrenière says
that he has actually suspended the investigation, he's not working on it
anymore?
M.
Bérubé
:
His business, his business.
Mme Fletcher (Raquel) : That doesn't bother you that he's not working on this investigation
anymore?
M.
Bérubé
:
Well, since he was assigned, Mr. Lafrenière is in charge, so he's the
boss. But we're working right now on a bill where he asks personally to the Government
to have more power. If he wants to have more power, he's going to have to
collaborate in a better mood. In every single time we asked for documents, we
asked for some information, it's always hard. You cannot read anything, so it's
pretty disappointing. So, Parti québécois is still going to vote against the
bill and we feel that, if you don't have all the Members of Parliament voting
for some… an issue that's sensitive, he cannot pass the bill. So, that's bad
news for Mr. Coiteux.
M. Robillard
(Alexandre) : Est-ce que vous vous êtes senti intimidé par l'intervention
de l'UPAC auprès de vous la semaine dernière?
M.
Bérubé
:
Surpris, surpris, mais je ne me laisse pas démonter facilement.
M. Robillard (Alexandre) :
O.K. C'est parce que vous répétez ça tout le temps, que ça vous ne changera pas
votre... ça ne changera rien pour vous...
M.
Bérubé
:
Je ne sais pas, mais...
M. Robillard (Alexandre) :
...avez-vous l'impression qu'on a tenté de changer quelque chose dans votre
façon d'intervenir?
M.
Bérubé
:
Non, pas à travers la discussion. Mais juste l'appel sur mon cellulaire, je
trouvais ça étrange, je trouvais ça étrange. Mais ceci étant dit... puis j'ai
compris que ça allait être le cas pour Éric Caire aussi, qu'on va participer à
la rencontre, mais là c'est eux qui ne veulent plus. Ça fait que je vais
continuer de poser des questions. Merci, M. Robillard.
(Fin à 15 h 26)