(Neuf heures vingt-neuf minutes)
La Modératrice
: Alors,
bonjour à toutes et à tous. La vice-cheffe du Parti québécois et députée de Joliette,
porte-parole du Parti québécois en matière de famille, Mme Véronique Hivon,
va faire une déclaration. Elle est accompagnée de Valérie Grenon,
présidente de la Fédération des intervenantes en petite enfance du Québec-CSQ,
et Mme France Brochu-Proulx, responsable d'un service de garde en
milieu familial. Mme Hivon, la parole est à vous.
Mme
Hivon
:
Oui. Bonjour, tout le monde. Alors, comme vous voyez, je suis très bien
entourée ce matin. C'est parce que nous avons mis en ligne, hier, sur le site
de l'Assemblée nationale, une pétition qui est très importante, notamment pour
les responsables de services de garde en milieu familial au Québec, mais, bien
sûr, pour tous les parents qui tiennent à leurs responsables de services de
garde en milieu familial et à ce milieu-là auquel ils sont attachés.
Vous savez probablement que, dans la
foulée du projet de loi n° 143 du ministre Fortin sur le changement de la
Loi sur les services de garde éducatifs pour aller davantage vers la réalité
éducative, il y a eu une obligation supplémentaire de faite aux responsables
des services de garde qui relèvent des bureaux coordonnateurs, donc ce qu'on
appelle les responsables qui sont régies, par opposition à celles qui ne sont
pas régies, d'adhérer au guichet unique. Donc, une nouvelle obligation qui leur
a été faite, mais surtout d'avoir des frais pour y adhérer.
Et comme vous le savez sans doute, ce sont
des responsables qui ne nagent pas dans l'argent. Donc, c'est quand même une
responsabilité supplémentaire, un fardeau supplémentaire pour elles de devoir
payer des frais, des frais fixes de 50 $ plus 11 $ pour chacun des enfants
qu'elles accueillent. Alors, lors de l'étude du projet de loi, je m'étais
battue en commission pour que le principe de l'accès gratuit soit donné aux
responsables des services de garde. Juste comme petite comparaison, comme ça,
vous savez que les médecins, on en entend parler ces temps-ci avec le guichet
d'accès pour les patients, eux, ils y ont accès gratuitement. Ils n'ont aucuns
frais à débourser par rapport à tout ça, alors que les responsables de services
de garde, par comparaison, on leur impose des frais. Donc, c'est un principe
avec lequel nous ne sommes pas d'accord. On pense que ça, jumelé au fait
qu'avec la très grande volonté du gouvernement de privilégier les services
privés, d'avoir aussi, par le truchement de la modulation, vu un exode vers les
services publics, CPE et RSG, pour aller vers le privé, ils ont déjà des
problèmes importants.
Alors, c'est un fardeau supplémentaire.
Donc, je suis très heureuse de marrainer cette pétition pour demander la
gratuité, mais aussi, dans un deuxième temps, comme je l'avais demandé lors de
l'étude du projet de loi, pour qu'elles ne soient pas assujetties à cette
obligation, parce qu'il faut garder à l'esprit que ce sont des services
autonomes. Alors, évidemment, ce n'est pas la même chose qu'un CPE ou une
garderie en installation. Souvent, ce sont des parents qui connaissent la
personne, qui veulent que leur enfant aille dans ce service. Donc, le guichet
unique est une réalité qui ne cadre pas avec l'autonomie de ces personnes-là.
Alors, je vais maintenant céder la parole,
pour vous expliquer davantage peut-être les enjeux reliés, à Mme Grenon.
Mme Grenon (Valérie) :
Bonjour. C'est sûr que le guichet unique, comme Mme Hivon vient de le dire, c'est
encore un clou dans le travail de nos RSG. Nos RSG travaillent plus de 50
heures par semaine avec un salaire très difficile à calculer, parce que l'exode
des enfants vers le privé a fait diminuer les places de chacune de nos RSG. Un
guichet imposé à des travailleuses autonomes qui ont l'autonomie de choisir
leur clientèle, de faire leur publicité... Et souvent, les RSG, c'est le milieu
familial régi, subventionné, pas loin de la maison. Ils vont avoir vu leur
responsable, la responsable du quartier travailler, encadrer les enfants, et
vont vouloir aller la rencontrer pour choisir un milieu qui va répondre à leurs
valeurs familiales. Et le guichet unique fait une entrave à ce dossier-là. Des
frais, des frais imposés à des femmes, comme je viens de vous le dire,
majoritairement des femmes qui sont RSG, qui ont de la difficulté, à la fin du
mois, à tout boucler parce que de plus en plus d'exigences du gouvernement,
d'encadrement également.
L'exode du privé a fait beaucoup de
dommages, et ces frais-là viennent encore mettre une entrave dans leur travail
qu'ils font auprès de près de 90 000 enfants au Québec qui reçoivent
des services des RSG. Les frais... Nous, on veut des frais gratuits, c'est
clair pour nous. En plus, depuis un an, plus d'un an, le ministre Fortin nous
dit qu'il va être prêt à discuter avec nous, à voir aux modalités de tout ça.
Mais ce qu'on apprend, c'est que depuis un an, tout est déjà canné d'avance. Le
ministre Fortin a envoyé une lettre aux RSG, en plus, en décembre, par le biais
des bureaux coordonnateurs, pour leur dire qu'il était de tout coeur avec
elles, qu'il leur souhaitait des belles fêtes, mais qu'également il était prêt
à la discussion et à la négociation pour que les frais soient le plus minimes
possible. Minimes possible, pour nous, c'est gratuit, mais la difficulté, c'est
que ce n'est pas vrai parce que les frais ont déjà été fixés voilà plus d'un an
avec la corporative qui travaille avec le guichet unique.
Donc, pour nous, assez, c'est assez. On
représente plus de 80 % des RSG régies subventionnées du Québec, et, pour
nous, il ne peut pas y avoir de frais supplémentaires, quand on dit que, comme
Mme Hivon l'a dit, les médecins, eux, le guichet est gratuit. Bien, s'il est
imposé, le guichet, si on maintient l'imposition du guichet unique pour les RSG
du Québec, on veut qu'il soit gratuit.
La Modératrice
: Merci.
Maintenant, Mme Proulx.
Mme Brochu-Proulx (France) :
Bonjour, tout le monde. Mon nom est France Brochu-Proulx. Moi, je suis une
responsable de service de garde en Abitibi-Témiscamingue, à Amos précisément.
Moi, j'ai un service de garde depuis huit ans et puis je ne crois pas au
guichet unique, pas du tout. Je n'ai pas besoin de ces frais-là. Nous, les
enfants, on va les... souvent, on va rencontrer les mamans au parc, ou ils vont
venir cogner à notre porte parce qu'on est à proximité d'eux. Je pense que le
guichet unique va nous éloigner un peu de la proximité avec les parents,
premièrement. Et deuxièmement, ce sont des frais énormes pour nos RSG. Ils
n'ont pas besoin de ces frais-là.
Moi, j'ai une amie RSG monoparentale. Je
crois que les frais qui lui seront imposés pourront nuire à son service, étant
donné que ce sera des sous qu'elle ne pourra pas investir pour les enfants de
son service de garde. Moi, je vous invite fortement à nous appuyer et j'invite
mes amis, mes parents, les RSG, toute la population à nous appuyer et à aller
signer la pétition sur l'Assemblée nationale pour le guichet unique. On dit non
au guichet unique.
Mme
Hivon
:
Merci. Alors, peut-être juste, en guise de conclusion, vous dire qu'évidemment,
comme vous vous rappelez peut-être du débat lors de l'étude du projet de loi
n° 143, le gouvernement a refusé, donc, d'encadrer formellement les
services de garde qu'on appelle non régis. Et il a refusé ça et, d'un autre
côté, il impose des obligations supplémentaires aux responsables de services de
garde qui sont déjà régis, qui ont le programme, qui ont toutes les normes de
qualité et de sécurité.
Alors, c'est, encore une fois, un deux
poids, deux mesures, et c'est les responsables qui, elles, se conforment,
relèvent des bureaux coordonnateurs qui en font les frais. Alors, c'est
pourquoi je suis heureuse de marrainer cette pétition.
La Modératrice
: Merci.
On va maintenant passer à la période de questions. Par respect pour nos
invitées, on va commencer avec le sujet du jour et ensuite on pourra passer aux
autres questions. Micro de gauche, Patricia Cloutier, Le Soleil.
Mme Cloutier (Patricia) : Oui,
bonjour. Ce que j'aimerais savoir, c'est : À l'heure actuelle, le guichet
unique, il vous est imposé, mais est-ce que vous êtes obligées de prendre les
enfants ou, en tout cas, qui vous sont proposés par le guichet unique? Est-ce
que vous gardez cette autonomie-là de choisir ou c'est une imposition?
Mme Grenon (Valérie) : Dans le
fond, le guichet unique, c'est une imposition. Il n'est pas encore en vigueur
au niveau des RSG. Il y aura encore une autonomie, une certaine autonomie dans
leur choix de leur clientèle, mais le parent va devoir aller, après avoir
visité le milieu familial, avoir choisi le milieu en vertu de ses valeurs qu'il
veut faire prôner auprès de son enfant, va devoir aller s'inscrire au guichet
unique, et là la RSG va devoir aller chercher l'enfant sur le guichet. Donc,
c'est là, la lourdeur administrative qu'on déplore, pour le parent, mais, bien
sûr, pour les RSG.
Mme Cloutier (Patricia) : Mais
pour le parent, par exemple, qui cherche une place subventionnée puis qui dit :
Bien, moi, j'aimerais ça avoir accès… tu sais, qu'on me priorise, s'il était
inscrit avant, sur la liste du guichet unique, par exemple, ce n'est pas une
bonne mesure, selon vous? Vous voulez complètement que ça disparaisse?
Mme
Hivon
:
Bien, si je peux juste me permettre, c'est qu'évidemment les responsables des
services de garde qui veulent être inscrites peuvent tout à fait être
inscrites. Il n'y a personne qui dit qu'il ne faut pas qu'ils s'inscrivent.
L'idée, c'est de garder l'autonomie pour celles qui n'ont aucune difficulté à
avoir de la clientèle dans leur quartier, par exemple, puis qui se disent :
Là, est-ce qu'on va imposer cette lourdeur-là, ces frais-là? Il y en a qui
peuvent être tout à fait à l'aise et d'accord à être intégrées au guichet. Mais
pour… je dirais, pour le jumelage, une RSG qui est déjà complète, ça n'avance
pas le parent de l'avoir sur le guichet si, de toute façon, elle a déjà ses
enfants. Mais l'idée, ce n'est pas de dire qu'ils ne peuvent pas être là.
L'idée, c'est de leur donner le choix, le droit d'y être ou non, pour respecter
leur autonomie.
Mme Cloutier (Patricia) :
Merci.
La Modératrice
: Est-ce
qu'on a d'autres questions sur le sujet? Merci beaucoup. Donc, si vous voulez
vous diriger…
Des voix
: ...
La Modératrice
: Oui. Alors
Alain Laforest, micro de droite.
M. Laforest (Alain) : Encore
des droits imposés par les Américains sur le papier journal et sur le papier
d'impression. Quelle est votre impression là-dessus, là, sur la charge menée
par les Américains?
Mme
Hivon
: Évidemment,
c'est une décision vraiment déplorable. On voit que, de plus en plus, des
décisions commerciales sont prises sur une base politique, ce qui est complètement
inacceptable. Et on l'a vu, bon, pour le bois d'oeuvre, on le voit, là, pour le
papier journal. C'est très inquiétant. Ceci dit, on a confiance que le
processus devant le tribunal, éventuellement, s'il faut s'y rendre, devant
l'OMC, pourra corriger les choses, comme on l'a vu avec Bombardier. Mais c'est
certain que c'est une décision très déplorable.
M. Laforest (Alain) : Sur le
budget, on apprend ce matin que le gouvernement va investir plus d'un milliard
pour aider les familles, va piger dans le Fonds des générations pour réduire la
dette. Vous en pensez quoi au Parti québécois?
Mme
Hivon
:
Écoutez, c'est d'un cynisme consommé, ce qu'on voit ce matin. Il y aurait un
livre pour dire comment faire croître le cynisme, et on dirait que le gouvernement
est en train de le lire et d'appliquer une recette.
Alors, on est très, très, je vous dirais,
désabusés par cet exemple supplémentaire de cynisme, mais est-ce qu'on est
surpris? Malheureusement, nous ne sommes pas surpris, avec ce qu'on a vu depuis
toutes ces années d'austérité et ces bonbons électoraux. Alors, je pense que
les Québécois ne sont pas dupes et je pense qu'ils en ont soupé de ce type de
manière de faire les choses.
La Modératrice
: Micro
de gauche, Hugo Pilon.
M. Pilon-Larose (Hugo) : Mais
sur cette proposition-là du gouvernement, là, si on comprend bien, d'utiliser
10 milliards de dollars du Fonds des générations pour rembourser la
dette... L'économie va bien en ce moment. Ce n'est pas le temps de le faire, de
rembourser une partie de la dette?
Mme
Hivon
:
Écoutez, on va regarder les détails. D'ailleurs, c'est assez surprenant qu'il y
ait autant d'informations, à quelques semaines du budget, déjà, dans les médias
ce matin. Normalement, comme vous le savez, ce sont les parlementaires qui
doivent être mis au courant. Donc, est-ce que ce sont des ballons d'essai? Est-ce
qu'on est encore en train de tester des choses? Alors, on va évaluer ça quand
le budget sera déposé.
M. Pilon-Larose (Hugo) : Mais
vous, de votre côté, au Parti québécois, souhaitez-vous entamer, utiliser le
Fonds des générations dans un premier mandat pour rembourser la dette?
Mme
Hivon
: C'est
une bonne question, mais nous allons vous faire part de ce que nous ferions
avec le Fonds des générations puis toute notre réflexion par rapport à la dette
justement au moment du budget.
La Modératrice
: Micro
de droite, Patrick Bellerose.
M. Bellerose (Patrick) :
Bonjour, Mme Hivon. Est-ce que le Parti québécois peut aider à résoudre la
crise au Bloc québécois?
Mme
Hivon
:
Écoutez, c'est une crise qui est déplorable, mais c'est un parti qui est
autonome. Le Parti québécois a toute son indépendance et on est d'avis que c'est
aux membres et aux gens qui oeuvrent au Parti québécois… au Bloc québécois, c'est
vraiment aux membres et aux gens qui oeuvrent au Bloc québécois de régler cette
situation-là.
M. Bellerose (Patrick) :
On a vu les sondages en fin de semaine. Est-ce que vous craignez que la crise
nuise au mouvement souverainiste de façon plus large?
Mme
Hivon
:
Écoutez, c'est trop tôt pour le dire. On ne peut pas évaluer ça pour l'instant,
mais c'est sûr que nous, ce qu'on espère, c'est un dénouement et une sortie de
crise.
M. Bellerose (Patrick) :
Mais, dans votre esprit, ce n'est pas exclu que ça nuise au mouvement
souverainiste.
Mme
Hivon
:
Je ne peux pas vous dire aujourd'hui l'impact de ça, mais c'est sûr qu'on aime toujours
l'union plutôt que la division, c'est certain. Mais c'est aux gens du Bloc
québécois de vraiment trouver les meilleurs moyens pour sortir de cette
impasse.
M. Bellerose (Patrick) :
Sur le budget, juste sur le budget, qu'est-ce qui est cynique? Vous avez dit :
C'est d'un cynisme consommé. Qu'est-ce qui est cynique là-dedans?
Mme
Hivon
:
Qu'est-ce qui est cynique?
M. Bellerose (Patrick) :
Oui.
Mme
Hivon
:
C'est que tous ces bonbons électoraux qui arrivent à quelques mois des élections,
ils se sont gagnés sur le dos des familles les plus défavorisées, sur le dos
des enfants qui ont des difficultés d'apprentissage, sur le dos de nos aînés
dans les CHSLD, de nos aînés à domicile qui ont vu leurs heures de soin
coupées. On l'a vu avec la Protectrice du citoyen, sur le dos de la qualité des
services qu'on peut offrir, sur le dos des infirmières, sur le dos des gens qui
portent à bout de bras les services publics.
Alors, c'est d'un cynisme consommé de voir
qu'on a coupé de manière sauvage pendant des années et que là on arrive à la
veille des élections comme si tout ça allait être oublié et que, soudainement,
c'était donc important de s'occuper des personnes les plus vulnérables, des
familles qu'on a saigné et à qui on a imposé une taxe-famille, à qui on a coupé
des services. C'est ça qui est profondément cynique.
M. Bellerose (Patrick) :
Merci.
La Modératrice
: Merci.
Micro de gauche, Hugo Lavallée.
M. Lavallée (Hugo) :
Bonjour, Mme Hivon. Vous avez peut-être vu cette enquête de Radio-Canada
sur le climat de travail malsain à l'Assemblée nationale. Plusieurs gens en
congé maladie et plusieurs démissions au cours des derniers mois et dernières
années. Est-ce que vous aviez conscience de ce mauvais climat de travail comme
parlementaire? Et qu'est-ce qu'on devrait apporter comme correctif?
Mme
Hivon
:
Écoutez, c'est vraiment, comme vous le savez, une question qui relève de la
direction de l'Assemblée nationale. Ce n'est pas une question qui relève du
gouvernement ou de l'opposition officielle. Donc, je vais platement vous
référer aux autorités de l'Assemblée nationale.
M. Lavallée (Hugo) :
Mais vous vous en lavez les mains? Vous n'êtes pas inquiète de ça comme
parlementaire?
Mme
Hivon
:
On espère évidemment toujours que le climat de travail puisse être le meilleur
possible. C'est certain que c'est des... on côtoie le personnel de l'Assemblée
nationale, donc on espère que ces gens-là puissent travailler de la manière la
plus positive possible et avec toute la sérénité possible, mais vous
comprendrez que ce n'est pas la responsabilité des partis politiques et des
groupes parlementaires à l'Assemblée nationale. Donc, je vous référerais
vraiment à l'Assemblée nationale.
M. Lavallée (Hugo) : Mais
même pas via le BAN? Parce que le PQ a un siège au BAN.
Mme
Hivon
: Le
BAN pourra être saisi, mais c'est une instance qui relève de l'Assemblée
nationale et des autorités de l'Assemblée nationale.
La Modératrice
: Merci
beaucoup.
Mme
Hivon
:
Merci.
(Fin à 9 h 46)