(Onze heures une minute)
Mme
Hivon
:
Bonjour. Merci d'être présents. Alors, je tenais à revenir sur le sujet que
j'ai abordé en ouverture de la période des questions, c'est-à-dire le parti
pris flagrant de ce gouvernement pour les garderies privées commerciales, les
garderies privées à but lucratif, qui ont littéralement explosé sous le règne
libéral.
Alors, comme je l'ai mentionné, pendant
les 15 ans de régime libéral, le nombre de places en garderies privées
commerciales a littéralement explosé de 3 600 %. Ce qu'on note dans
le dernier budget, bien sûr, c'est à nouveau ce parti pris pour les garderies
privées avec une bonification du crédit d'impôt. Et ça, ce n'est pas banal du
tout parce que ce que le gouvernement, au cours des dernières années, malgré
son engagement, lors de la dernière campagne électorale, de maintenir le tarif
d'accès aux services de garde en CPE et en garderies subventionnées au même niveau,
il a littéralement augmenté les coûts des places en CPE avec la modulation des
services de garde, avec ce qu'on appelle la taxe famille, ce qui fait en sorte
que ça coûte beaucoup plus cher pour beaucoup de familles d'aller en CPE plutôt
que d'aller en garderie privée, où le crédit d'impôt peut faire en sorte que,
pour beaucoup de familles, ça revient moins cher.
Et là ce à quoi on assiste cette semaine
avec la bonification du crédit d'impôt, bien sûr, c'est un incitatif financier
supplémentaire qui va poursuivre le transfert d'enfants qui étaient dans les
services de CPE vers des services privés, commerciaux, à but lucratif. Pourquoi
c'est si grave? C'est parce que, étude après étude, la qualité supérieure des
services en CPE est toujours démontrée. Il y a des écarts de 30 % qui sont
constatés, notamment par l'Institut de la statistique du Québec.
Alors, on est face à un gouvernement qui
nous dit à quel point la réussite éducative, c'est important, à quel point l'agir
tôt, c'est important, puis qu'il veut mettre de l'avant des mesures en ce
sens-là, et ce qu'on constate, c'est que les gestes qui sont posés vont
complètement à l'encontre de la réussite éducative et de l'agir tôt parce qu'on
est en train de favoriser les garderies privées commerciales au détriment des
CPE. Et, quand le ministre nous répond que lui veut un équilibre, bien, c'est tout
à fait faux parce que non seulement il donne un coup de pouce supplémentaire
aux garderies privées commerciales, mais, de l'autre main, il coupe dans le budget
en infrastructures pour les centres de la petite enfance.
Alors, vous avez sûrement regardé les
documents budgétaires, vous avez sûrement constaté à quel point il y a une
explosion de milliards dans le PQI. Or, le PQI, pour les infrastructures en
CPE, lui, il baisse, il baisse de 57 millions par rapport à l'année
dernière pour les infrastructures en CPE, et même dans les crédits, le soutien
aux infrastructures baisse de 6 %. Alors, c'est de la poudre aux yeux
quand le gouvernement prétend qu'il veut une offre équilibrée. Ce n'est pas du
tout ce qu'on constate quand on regarde les choses.
Je veux, en terminant, parler d'un autre effet
pervers qui est très grave, c'est celui qu'on encourage, avec ce crédit d'impôt
là bonifié, encore plus les services de garde non régis. Ça, c'est encore pire.
Les services de garde non régis, ils ne font l'objet d'aucune évaluation, ils
ne font l'objet d'aucune norme de formation pour les éducatrices, d'aucun
programme éducatif. On ne peut même pas les recenser. Le ministre n'est même
pas capable de dire combien il y en a au Québec, de ces services de garde non
régis, mais on évalue qu'il y a plusieurs dizaines de milliers d'enfants qui
les fréquentent. C'est les chiffres généraux qu'on a eus lorsqu'on a étudié le
projet de loi n° 143, là, en décembre, avant la fin de la session. Donc,
évidemment, puisqu'ils sont tributaires, ils peuvent demander le crédit
d'impôt.
Ce qu'on voit aussi comme phénomène, c'est
que les services de garde en milieux familiaux régis, donc qui relèvent des
bureaux coordonnateurs, sont en train de diminuer au profit de services de
garde non régis parce qu'ils sont maintenant capables d'avoir de la clientèle à
cause de ce crédit d'impôt là. Donc, quand le gouvernement, encore une fois,
nous dit à quel point c'est important d'agir tôt puis de prévenir, bien, ce
qu'on voit, c'est que, par les gestes qu'il pose, il favorise à la fois les
garderies privées commerciales, dont les études démontrent que la qualité est beaucoup
moindre que dans les CPE, et, de l'autre côté, il favorise les services de
garde non régis, qu'il a refusé de soumettre au même encadrement. Alors, évidemment,
c'est quelque chose qui est très préoccupant pour nos tout-petits, parce qu'on
pense que la priorité devrait être à la qualité pour les tout-petits
Et en dernier lieu je voudrais simplement
porter à votre attention le fait que ce crédit d'impôt là, cette bonification
va, au bas mot, coûter 85 millions de dollars. Déjà, c'est plus de 650 millions
que coûte le crédit d'impôt qui est donné pour les services de garde privés ou
même non régis. Et ce que ça signifie en plus, c'est qu'il n'y a aucun contrôle.
Et là le ministère du Revenu vient de réaliser à quel point c'était un bar
ouvert que ce crédit d'impôt là, parce qu'on n'est même pas capables de
recenser le nombre d'endroits qui offrent ce crédit d'impôt là. Et ils ont
intenté, au cours de la dernière année, 22 poursuites et ils ont gagné les
22 poursuites en lien avec le crédit d'impôt qui était mal utilisé. Donc,
c'est très préoccupant de voir qu'on n'a même pas resserré ça avant de bonifier
le crédit d'impôt.
M. Gagnon (Marc-André) :
Est-ce que vous estimez que d'accorder autant d'argent au milieu des garderies
privées, ça ouvre la porte à de la collusion?
Mme
Hivon
:
Bien, écoutez, ça ouvre la porte très certainement à ce que les garderies
privées fassent encore plus d'argent. Parce que l'autre élément qu'il faut
garder en tête, c'est qu'il n'y a aucune garantie qu'elles n'augmenteront pas
leurs tarifs. Donc, ça se peut très bien, en fait, que les seuls bénéficiaires
de ce crédit d'impôt là soient les propriétaires de garderies privées parce que,
si elles augmentent leurs tarifs de, je ne sais pas, 5 $ par jour, bien,
le crédit d'impôt va avoir un effet nul dans le portefeuille des parents. Alors,
c'est évident que ça, c'est un autre enjeu parce qu'il n'y a pas eu aucune
garantie qui a été demandée. Donc, quelles sont les garanties qui sont
demandées pour qu'il n'y ait pas de collusion, pour que ça ne soit pas les
garderies, les propriétaires qui fassent plus d'argent avec ça? Aucune idée, il
n'y en a pas, là, il n'y a pas eu de travail par rapport à ça.
M. Gagnon (Marc-André) :
Mais estimez-vous qu'il y a déjà de la collusion?
Mme
Hivon
:
Je ne peux pas me prononcer là-dessus.
M. Gagnon (Marc-André) :
Parce que votre collègue... Oui, mais...
Mme
Hivon
:
Vous savez tout le travail qu'on avait fait à l'époque, et donc c'est quelque
chose que... On reste vigilants, mais c'est... On n'est pas des enquêteurs,
donc je ne suis pas capable, aujourd'hui, de vous dire si le phénomène est
complètement enrayé ou s'il est toujours présent.
M. Gagnon (Marc-André) :
Mais parce que votre collègue Nicolas Marceau, en point de presse, là, lors du
huis clos du budget, lui, estimait qu'il y en avait probablement déjà.
Mme
Hivon
:
C'est difficile à dire. Moi, je ne veux pas spéculer. Ce qui est clair, c'est
qu'il y a eu une explosion des permis, bien, je vous ai dit, là, une
augmentation de 3 600 %, sous le règne libéral, des places en
garderie privée, puis il y a eu une explosion, littéralement, du nombre de
permis qui ont été octroyés depuis la modulation des frais puis l'introduction
de la taxe famille parce que les permis étaient donnés comme ça, sans
évaluation, à qui le voulait. Donc, on a vu un développement anarchique des
places en garderie et on a vu des CPE qui avaient des places libres, ce qu'on
n'avait jamais vu. Pourquoi? Quand le ministre dit qu'il faut tenir compte du
libre choix des parents puis de l'équilibre, on veut bien, mais le fait est que
c'est sûr que les conditions monétaires, ça joue sur les familles. Donc,
lui-même, pourquoi il fait ça en ce moment, de bonifier ça? C'est pour en
envoyer plus vers le privé. Alors c'est clair que ça a un impact.
M. Croteau (Martin) :
Mme Hivon, une question sur un autre sujet, si vous permettez. Le DGEQ refuse
d'enquêter sur les pratiques des partis politiques en ce qui concerne la
collecte des données personnelles. Son argument est que, finalement, depuis cinq
ans, il réclame une réforme légale, législative là-dessus et que le
gouvernement ne fait rien, finalement. Alors que pensez-vous de ce
développement aujourd'hui?
Mme
Hivon
:
Bien, écoutez, moi, je pense que c'est clair qu'il faut entrer dans la modernité
et donc il faut que les règles soient adaptées, très clairement. Et vous savez
comment c'est pour ces enjeux-là, il faut travailler de manière collégiale, et
ce n'est pas toujours au rendez-vous. Et, moi, ce que je suggérerais… parce que,
jusqu'à récemment, j'étais porte-parole de ce dossier-là, donc il y a des
séances de travail, là, un comité qui réunit le DGE et les partis politiques,
je suggère que cette question-là fasse l'objet d'un point à l'ordre du jour,
assurément, de la prochaine rencontre avec le DGE pour que le travail se fasse.
M. Croteau (Martin) :
Mais est-ce qu'il est possible d'adopter des règles claires avant les
prochaines élections ou il est trop tard à ce stade-ci?
Mme
Hivon
:
Bien, écoutez, c'est au DGE de… c'est le DGE qui peut vous dire ce qu'il en
est, mais vous savez qu'avec de la bonne volonté on est toujours capables
d'agir rapidement.
M. Croteau (Martin) :
Mais c'est parce que le… En tout respect, non, parce que le DGE, ce qu'il dit,
c'est : Non, moi, je ne toucherai pas à ça, puisque je dis depuis des
années au législateur, de légiférer pour réglementer ces pratiques. Il renvoie
la balle au législateur.
Mme
Hivon
:
Bien, c'est ça. En fait, la question… En théorie, ce serait possible si le
gouvernement souhaitait s'attaquer à la question puis qu'on était capables de,
tous ensemble, en faire une priorité. Vous savez que c'est toujours possible,
quand il y a une collégialité puis une unanimité, de décider qu'il y a un dépôt
de projet de loi puis qu'on l'adopte rapidement. Évidemment, si on veut faire
une réforme complète de la loi sur le Directeur général des élections, je pense
que c'est totalement irréaliste. Si on voulait s'attaquer précisément à cette
question-là, je pense que ce serait tout à fait envisageable. Mais, comme le
DGE vous le dit lui-même et comme on le constate nous-mêmes avec ce qui s'est
passé aujourd'hui puis le refus, hier, du gouvernement de consentir à la
motion, il n'y a aucune volonté de la part du gouvernement.
M. Croteau (Martin) :
Mais en faites-vous une demande formelle? Est-ce que le Parti québécois réclame
des…
Mme
Hivon
:
Je ne peux pas vous faire une demande formelle, mais ce que je vous dis, c'est
que cet enjeu-là, pour nous, il est très important.
La Modératrice
: Merci.
Mme Montgomery
(Angelica) : Ms. Hivon, on the exact same
subject, actually, what would it take to pass a law so that the data would… so
that the DGE would have the power that he says he needs in order to look at the
data of political parties?
Mme
Hivon
:
I'm sorry, can you repeat the beginning?
Mme Montgomery
(Angelica) : What would it take?
Mme
Hivon
:
What would it take? It would take, of course, a will, a will from the governing
party, from the Government to look at that question. And, if everybody was
willing to do it, of course, everything is possible, to bring amendments, to
change that and give that power to the Directeur général des élections. Of
course, it's something that's new and that we have to look at with a lot of
attention. But unfortunately what we see is that the Government does not even
want to say yes to a motion that was presented yesterday, you know, on that
topic. So, of course, there's no will from the Government, so the possibility
of seeing that happening are «quasi nulles».
Mme Montgomery
(Angelica) : What do you think is happening?
Because they said no to that motion yesterday, they said they have their own,
and now we have nothing. What do you think is happening?
Mme
Hivon
:
I don't know. You have to ask them. I think this is quite puzzling.
Mme Montgomery
(Angelica) : Does your party support making a
change to the law to give this power…
Mme
Hivon
:
It's a discussion that we need to have about that, but for sure we are willing
to look at the best way to deal with that, yes.
La Modératrice
:Merci.
(Fin à 11 h 12)