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Point de presse de Mme Manon Massé, députée de Sainte-Marie–Saint-Jacques

Version finale

Le mardi 10 avril 2018, 9 h 30

Hall principal de l'hôtel du Parlement, hôtel du Parlement

(Neuf heures trente-quatre minutes)

Le Modérateur : Alors, bonjour. Merci d'être là. Bienvenue à ce point de presse. S'exprimeront, dans l'ordre, Manon Massé, porte-parole de Québec solidaire; Serge Petitclerc, porte-parole du Collectif pour un Québec sans pauvreté; Jacques, d'Action Dignité Lanaudière et trésorier du collectif; Yohann, du Regroupement contre l'appauvrissement Rimouski-Neigette; et finalement, Virginie Larivière, co-porte-parole du Collectif pour un Québec sans pauvreté.

Voilà. Manon, à toi la parole.

Mme Massé : Oui. Alors, bonjour, tout le monde. Comme vous le savez, aujourd'hui débutent les auditions, la commission parlementaire qui va étudier le projet de loi n° 173. Alors, le projet de loi n° 173 est un projet de loi qui comporte beaucoup de bon et qui nous laisse malheureusement sur notre faim concernant plusieurs personnes assistées sociales.

D'une part, une partie importante, on parle de 84 000 personnes assistées sociales, qui sont actuellement reconnues comme ayant des contraintes sévères à l'emploi, auront accès à un revenu de base qui va améliorer de façon substantielle leurs revenus, ce qui est génial. C'est parfait.

On a quelques questions importantes au ministre. Premièrement, s'il reconnaît que ces gens-là ont besoin d'améliorer leur revenu de base, comment se fait-il qu'il les fait attendre 66 mois avant d'y avoir accès? Pour nous, il y a une contradiction. On va travailler très fort pour nous assurer que les personnes puissent avoir accès non pas dans 66 mois, dans cinq ans, mais bien le plus rapidement possible.

L'autre élément, c'est que le revenu de base est un outil qui aurait pu être utilisé non pas exclusivement pour les personnes qui ont une contrainte sévère, mais pour l'ensemble des personnes assistées sociales. Alors donc, avec ce projet de loi là, on se retrouve dans une situation où il y a, d'un côté, les pauvres qui méritent d'avoir un revenu de base décent pour leur permettre de sortir la tête de l'eau — appelons ça les bons pauvres — et, de l'autre côté, ceux qui sont considérés comme les mauvais pauvres et donc... avec le projet de loi n° 70 qui a été adopté antérieurement, avec Objectif emploi, on se retrouve dans une situation où ces gens-là peuvent être coupés de moitié, bien, presque... leur chèque d'aide sociale.

Il y a quelque chose qui ne marche pas là-dedans, mais aujourd'hui, si on est là, c'est bien sûr pour souligner le début de ces travaux-là, vous dire que Québec solidaire, comme d'autres partis, seront au rendez-vous d'étudier le projet de loi, le rendre le meilleur possible pour toutes ces personnes qui verront leur situation améliorée, mais aussi et surtout pour permettre au Collectif pour un Québec sans pauvreté de venir vous dire, puisqu'ils travaillent au quotidien avec des gens qui vivent la situation, venir nous dire comment ils entrevoient le travail autour du projet de loi n° 173. Alors, Serge.

M. Petitclerc (Serge) : Alors, bonjour. Merci d'être présents, présentes.

En 2002, l'Assemblée nationale a adopté à l'unanimité la Loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale. Cette loi obligeait le gouvernement à se donner une cible à atteindre pour l'amélioration des revenus des personnes assistées sociales selon l'indicateur qu'il allait retenir. L'indicateur qui a été retenu, ça s'appelle la Mesure du panier de consommation. C'est un indicateur qui mesure le montant nécessaire pour qu'une personne puisse couvrir l'ensemble de ses besoins de base comme de se loger, se vêtir, se nourrir, se déplacer.

Avec le projet de loi n° 73, c'est la première fois que le gouvernement concrétise cet engagement important pour les personnes étant reconnues comme ayant une contrainte sévère à l'emploi dite de longue durée. Parce que ça permet un premier pas vers un élargissement de la couverture des besoins de base à toutes les personnes en situation de pauvreté, le présent projet gouvernemental représente, pour le collectif, un pas dans la bonne direction, puis c'est la raison pour laquelle on appuie le projet de loi.

Toutefois, comme le diable se trouve souvent dans les détails, on tient aussi à souligner que ce projet de loi mérite d'être amélioré, et c'est la raison pour laquelle nous soumettons à la commission une série de six recommandations.

Les deux premières, on souhaite les illustrer avec Jacques et Yohann. La situation de Jacques, c'est un bel exemple de pourquoi on doit assouplir tout ce qui touche la reconnaissance des contraintes sévères à l'emploi, parce que la porte d'entrée pour le revenu de base, c'est l'aide sociale, c'est la contrainte sévère à l'emploi. Et, avec Yohann, on veut souligner tous ceux et toutes celles qui ne sont pas à l'aide sociale mais qui reçoivent l'équivalent de ce qui pourrait être une contrainte sévère à l'emploi.

C'est pour ça qu'on recommande qu'il soit possible d'accéder au Programme de revenu de base sans obligatoirement passer par le Programme de solidarité sociale. Mais je vais donner la parole aux deux concernés.

M. Deslauriers (Jacques) : Bonjour. Je m'appelle Jacques Deslauriers. Merci d'être là.

Moi, j'ai un D.E.C. en horticulture, j'ai un certificat d'études en écologie. J'ai travaillé 30 ans comme horticulteur. En 2010, j'ai eu une raideur sur le côté gauche. Je me suis présenté à la clinique médicale, on a constaté que j'avais un problème avec le nerf sciatique. Donc, à un moment donné, ils m'ont donné des médicaments, je suis retourné au travail, puis, deux semaines plus tard, c'était sur le côté droit. Ça fait que là ils ont dit que ce n'était pas normal. Ils m'ont envoyé passer des radiographies, ils ont constaté de l'arthrose sur la colonne vertébrale, hernie discale L4, L5, le nerf sciatique atrophié.

Donc, mon médecin me considérait dret là en contrainte sévère à l'emploi. J'ai été obligé de me battre avec l'aide sociale pendant quatre ans parce qu'ils ont contesté les résonances magnétiques, les deux, celle de mon médecin et celle que le ministère m'avait demandé de passer. Puis quand je suis arrivé, moi, à l'aide sociale, à un moment donné, après avoir travaillé 30 ans, c'était pareil comme si j'allais demander la charité. On m'a regardé puis on se demandait ce que je faisais là, parce que ma contrainte ne paraît pas, c'est le dos.

Ça fait qu'à un moment donné je me suis senti mal là-dedans. J'ai vécu un deuil par rapport à ce que je faisais comme salaire puis ce qu'on me donnait par mois, mais, en plus, tu es malade, tu es obligé de te battre pour faire respecter tes droits. Pus quand tu les fais respecter ou tu essaies de les faire respecter... mais ils sont tout le temps là, en train d'essayer de te jouer dans la tête. Moi, ils ont même envoyé un photographe pour me poser, pour voir si j'étais vraiment inapte au travail. On a essayé de me jouer dans la tête. Finalement, j'ai réussi à passer au travers, mais ça a pris quand même quatre ans. Merci.

M. Morneau (Yohann) : Oui, bonjour, tout le monde. Mon nom, c'est Yohann Morneau. Je suis ex-travailleur.

Je travaillais 40 heures-semaine et voire plus. Tout à coup, j'ai eu un accident de travail. Cet accident de travail là, j'ai reçu de la CSST, ça a bien été, mais les investigations médicales ont trouvé une sclérose en plaques, ce qui m'a amené à arrêter de travailler. J'ai des difficultés de mobilité, j'ai des douleurs chroniques.

Il a fallu que je me batte contre la CSST quand même. Vous connaissez un petit peu comment ça fonctionne. Vu que j'ai perdu en CSST, j'ai dû me virer vers la Régie des rentes. Il y a eu un trou de trois ans sans salaire, à peu près. Donc, je n'ai pas eu le choix... Ma blonde m'a aidé beaucoup, Dieu merci. Je n'avais pas droit à l'aide de dernier recours, parce que ma blonde, elle, elle travaillait déjà puis elle gagnait un petit peu trop. Donc, il a vraiment fallu se serrer la ceinture. Il a fallu apprendre à vivre avec un déficit budgétaire, on va appeler ça comme ça. J'ai toujours travaillé, puis là tout à coup, si tu gagnes, admettons, 35 000 $, 40 000 $, puis tu tombes à 9 000 $ par année, les factures qui rentrent, c'est des factures de 35 000 $, là, vous voyez le genre. Ça devient étouffant, puis il faut se battre toujours : bataille avec la CSST, reconnaissance avec la Régie des rentes, ça a été quelque chose d'incroyablement dur, et ça l'est encore.

Le projet de loi n° 173, je pense que c'est une bonne idée. Évidemment, il faut le peaufiner parce qu'il y a des trous là-dedans. Comme moi, je n'aurais pas le droit à ça de la façon que c'est écrit actuellement. Ça fait qu'on va se fier à nos parlementaires, évidemment, qui vont nous donner un bon coup de main là-dedans.

Qu'est-ce que je voulais dire d'autre aussi? Je voulais dire que, par contre, la Régie des rentes, je parlais de ça tantôt, ils me virent juste 760 $ par mois. Vous comprendrez que ce n'est pas beaucoup pour vivre, c'est même moins que l'aide sociale. C'est quand même assez fou, puis je pense qu'on devrait nous inclure et non nous exclure du projet de loi actuel.

Je voulais faire un gros merci aussi, vite fait, là, si ça ne vous dérange pas, là. Merci pour le temps de parole, puis je voulais remercier mon bureau de comté de Harold LeBel avec Louise DesRosiers qui est rendue une amie. Elle m'a aidé pendant trois ans, une grosse bataille. Je tiens à la remercier. Et évidemment je remercie ma blonde. Merci beaucoup, Anne.

Mme Larivière (Virginie) : Oui, bon, vous venez de l'entendre avec le témoignage de Jacques et de Yohann, hein, il y a encore de la place à l'amélioration pour le projet de loi n° 173 et le projet de revenu de base.

Donc, en plus des recommandations qui concernent l'assouplissement des critères qui mènent à la reconnaissance de contraintes sévères à l'emploi et celle qui concerne l'accessibilité au revenu de base, là, sans nécessairement avoir à passer par le Programme de solidarité sociale, le collectif recommande que la reconnaissance d'une contrainte sévère à l'emploi soit l'unique critère d'admissibilité au Programme de revenu de base, c'est-à-dire qu'on recommande de retirer l'obligation de présence au Programme de solidarité sociale pendant au moins 66 mois des 72 derniers avant d'avoir droit au revenu de base, l'idée étant que, si on reconnaît une contrainte sévère à l'emploi chez une personne, alors il n'y a aucune raison de la laisser patienter cinq et demi avant de lui assurer la couverture de ses besoins de base. Pour le collectif, c'est une erreur qu'il faut corriger.

Les recommandations 4, 5 et 6 concernent surtout le processus d'adoption du projet de loi et du projet de règlement qui suivra. Alors, le collectif recommande que le montant des prestations du revenu de base soit inscrit dans le règlement et que la Mesure du panier de consommation soit clairement identifiée comme étant le seuil auquel s'élévera le revenu de base. Parce que, si le plan d'action du gouvernement, déposé en décembre dernier, mentionne ce seuil-là de la MPC, le projet de loi, lui, n'en fait pas mention, et il apparaît, pour nous, important de clarifier ces détails qui n'en sont pas. Enfin, on recommande que l'atteinte de la cible d'amélioration du revenu, à la hauteur de la MPC, soit devancée, hein? En effet, pourquoi attendre en 2023 pour assurer la couverture des besoins de base?

Et enfin, dernière recommandation, que le Programme de revenu de base soit implanté dans les plus brefs délais, parce qu'on l'a dit, le collectif appuie le projet de loi, et donc plus rapidement il sera adopté et implanté et mieux ce sera, donc, pour les personnes concernées. Merci.

Le Modérateur : On va passer à la période de questions, sur le sujet, s'il vous plaît.

M. Dion (Mathieu) : Bonjour. Sur le 66 mois, c'est une façon, j'imagine, pour le gouvernement d'avoir une balise, autrement dit. Quelle balise vous recommandez, si ce n'est pas le 66 mois, pour éviter qu'il y ait des abus?

Mme Larivière (Virginie) : En fait, ça, c'est une mécanique qui appartient au gouvernement. Nous, ce qu'on dit, c'est que, si on reconnaît une contrainte sévère à l'emploi, pourquoi attendre cinq ans et demi avant de permettre la couverture des besoins de base? Le comité d'experts qui était chargé d'étudier la faisabilité d'un revenu minimum garanti au Québec, eux, ce n'était pas très ferme comme position, mais ils mettaient de l'avant l'idée d'une ligne à tracer autour de 24 mois d'attente.

Pour le collectif, ce n'est pas un débat qu'on a envie de mener. Pour nous, c'est, dès le moment où on reconnaît une contrainte sévère à l'emploi, de facto, on devrait permettre l'accès au revenu de base.

M. Dion (Mathieu) : Mais la notion d'abus est importante. Et qu'est-ce qu'on fait pour éviter qu'il y en ait? Tu sais, je sais que vous ne voulez pas aller dans le débat, mais vous, avez-vous une recommandation, si vous aviez à en faire une au gouvernement?

Mme Larivière (Virginie) : Bien, je retournerais à cette situation-là, en fait, parce que, pour le moment, il y a beaucoup d'abus du côté des personnes assistées sociales qui, de contraintes temporaires à contraintes temporaires, passent des mois, voire des années... Il y a à peu près 30 000 personnes qui sont à l'aide sociale avec une contrainte temporaire depuis 10 ans, imaginez.

Alors, qu'est-ce qu'on fait? Il y a clairement un abus à ce niveau-là. Qu'est-ce qu'on fait pour les personnes à qui on refuse l'admission d'une contrainte sévère à l'emploi et qu'on préfère reconduire des contraintes temporaires pendant des années? Alors, ça serait ma réponse.

Mme Massé : Si vous permettez, je vous dirais aussi que... et je pense que Jacques l'a bien exprimé dans son témoignage, et ce n'est pas anecdotique. J'ai travaillé plusieurs années avec les personnes assistées sociales. Pour être reconnu comme ayant des contraintes sévères à l'emploi, tu passes déjà à travers un filtre extrêmement sélectif.

Alors, je comprends que le collectif dise : Bien, écoutez, dans le fond, juste la seule reconnaissance comme quoi une personne a une contrainte sévère à l'emploi devrait être assez pour qu'on lui donne accès au revenu de base. À cause de cette grille extrêmement sélective qui fait en sorte que les abus à l'aide sociale pour avoir une contrainte sévère à l'emploi, là... j'aimerais ça qu'on me les présente.

M. Bélair-Cirino (Marco) : Oui. Mme Massé, vous pouvez demeurer au micro.

Mme Massé : Bien sûr.

M. Bélair-Cirino (Marco) : Bonjour. Est-ce que vous souscrivez à l'ensemble des recommandations du Collectif pour un Québec sans pauvreté?

Mme Massé : Absolument. Absolument, et on va travailler... je sais qu'on va travailler main dans la main, notamment avec Harold, là-dessus. On connaît trop ce que vivent les personnes assistées sociales pour ne pas se battre sur ces quelques éléments de fond. Et comme le collectif, on trouve que c'est un bon pas, mais on peut l'améliorer.

M. Bélair-Cirino (Marco) : Est-ce que vous estimez qu'à l'heure actuelle Emploi-Québec fait un excès de zèle, disons, dans le diagnostic... en fait, le non-diagnostic des personnes qui ont des contraintes sévères à l'emploi, dans la mesure... ou est-ce que vous estimez qu'Emploi-Québec accable les gens qui souhaitent se voir reconnaître une contrainte sévère à l'emploi avec plein de processus? Ils doivent voir les médecins du gouvernement...

Mme Massé : Se font contester, se font demander d'aller voir un autre médecin, sont contestés...

M. Bélair-Cirino (Marco) : Est-ce qu'il y a un excès de zèle?

Mme Massé : Moi, ce que je vous dirais, c'est que notre filet social, là, à travers, bien sûr, la solidarité sociale, mais à travers la CSST, ce qu'on s'est donné comme outils collectifs pour se protéger collectivement, je pense qu'à la longue on a fini par faire des victimes, c'est-à-dire les gens qui sont soit victimes d'un système, ou d'une blessure, ou, à la CSST, d'une blessure de travail, on fait des victimes les gens qui sont les plus surveillés, alors que, dans les faits, si on se faisait confiance, si on faisait confiance à nos médecins... Quand ton médecin écrit, comme dans le cas de Jacques et dans le cas de Yohann, écrit que tu ne peux plus, que tu as une contrainte sévère, que tu ne pourras plus, bon, tu le contestes une fois, c'est une chose, mais quand ça dure quatre ans, c'est un problème.

M. Bélair-Cirino (Marco) : Sauf erreur, le programme Objectif emploi est en vigueur depuis quelques jours. Est-ce qu'on commence déjà à voir les effets de ce programme-là ou pas encore?

M. Petitclerc (Serge) : Non, honnêtement, c'est vraiment trop court. Je pense que c'est avec les mois et les mois à venir qu'on va pouvoir avoir une meilleure idée. Mais, par contre, on a déjà entendu un témoignage d'une personne qui s'est fait mal recevoir par son agente, parce que c'est une personne qui travaillait en forêt, elle fait sa première demande d'aide sociale à vie à cause des problèmes de chômage dans les régions éloignées, et on lui a introduit le programme comme : si tu ne participes pas, tu vas avoir une pénalité financière, tu es obligée de participer.

C'est cet esprit-là... Je comprends que le ministre dit toujours : Notre objectif, c'est d'aider les gens, mais on sait très bien qu'il y a des gens qui vont se retrouver avec des pénalités financières. Ça, ça demeure totalement inacceptable et ça, ça se fait effectivement en même temps qu'on met en place un programme... un projet de loi sur le revenu de base. C'est un peu contradictoire.

Des voix : Merci.

(Fin à 9 h 52)

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