(Quinze heures trois minutes)
M. Nadeau-Dubois : Bonjour, tout
le monde. Demain, c'est le 1er mai. Demain, c'est la Journée internationale des
travailleurs et des travailleuses. Ce sera le cinquième 1er mai depuis le début
du présent mandat libéral, et, au moment où on se parle, les probabilités sont
très élevées que le bilan libéral en matière d'amélioration des conditions de
travail soit inexistant. Pourquoi? Bien, parce que, si la tendance se
maintient, le projet de loi libéral sur l'amélioration des normes du travail,
qu'on nous avait annoncé en grande pompe, bien, il ne sera pas adopté à temps,
et ce, malgré les belles intentions que prétend avoir la ministre du Travail.
Si on se fie au calendrier parlementaire
actuel, c'est seulement le 29 mai prochain que vont se terminer les auditions
particulières sur le projet de loi n° 176, ce qui nous laisse donc deux
semaines, jusqu'au 15 juin, jusqu'à la fin des travaux parlementaires, pour
procéder à son adoption. De penser qu'on peut traiter un projet de loi de près
d'une cinquantaine d'articles, dont plusieurs sont controversés, en moins de deux
semaines, c'est de la pensée magique. Et les travailleurs et travailleuses du
Québec n'auront donc pas grand-chose à célébrer demain parce que le
gouvernement, qui est au pouvoir depuis quatre ans à Québec, n'aura, à vrai
dire, rien fait pour améliorer le seuil minimal des conditions de travail, au
Québec, en quatre ans de pouvoir majoritaire. C'est un bilan, donc, qui risque
d'être inexistant. C'est largement insuffisant.
Et il faut rappeler que pendant ce
temps-là les rémunérations à la Caisse de dépôt, à Hydro-Québec ont continué
d'exploser, que pendant ce temps-là, comme on nous le rappelait dans les
journaux ce matin, les rémunérations des dirigeants des grandes entreprises, au
Québec, continuent d'exploser. Je pense que cette situation-là, à elle seule,
montre quelles sont les réelles priorités du gouvernement libéral actuel.
Le Modérateur
: Des
questions?
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Oui. Vous n'êtes pas un peu sévère, dans la mesure où demain sera consacrée la
plus importante hausse du salaire minimum depuis 20 ans? De 11,25 $ à
12 $ de l'heure, c'est quand même...
M. Nadeau-Dubois : C'est mieux
que rien, mais ça maintient quand même les travailleurs et travailleuses au
salaire minimum en dessous du seuil de pauvreté, alors que la fonction
sociale... la raison d'être d'un salaire minimum devrait être d'assurer une vie
digne aux gens qui travaillent à temps plein.
Alors, bien sûr que le 12 $ qu'on va
annoncer demain, c'est, disons, un petit pas dans la bonne direction, c'est
surtout le résultat de la pression importante qui a été faite par les familles,
par les travailleurs et travailleuses, appuyés par Québec solidaire, mais c'est
un pas beaucoup trop timide et, je répète, ça ne permettra pas au salaire
minimum québécois d'être à la hauteur de sa raison d'être, c'est-à-dire
permettre aux gens qui travaillent à temps plein de sortir de la pauvreté.
Pendant ce temps-là, en Ontario, on est déjà
rendu à 14 $. On s'en va vers le 15 $ en Alberta. Plusieurs États
américains aussi qui s'en vont vers le 15 $. Donc, résultat des courses, c'est
mieux que rien, mais ce n'est vraiment pas grand-chose.
M. Bélair-Cirino
(Marco) : Mais vous observez comme tout le monde que c'est la hausse
la plus importante en 20 ans.
M. Nadeau-Dubois :
C'est une hausse importante puis, en effet, ça faisait longtemps qu'il n'y en
avait pas eu une aussi grande. Mais c'est largement insuffisant et c'est
surtout le résultat de la pression que les gens ont faite dans les derniers
mois. Ce n'est pas la bonne volonté des libéraux. Et quand le salaire minimum,
dans une société comme la société québécoise, en 2018, ne permet même pas aux
gens d'être au-dessus du seuil de pauvreté… On l'augmente à 12 $. Ce n'est
pas une mauvaise nouvelle, mais de là à s'en réjouir, il y a une marge que je
ne franchirai pas.
M. Dion
(Mathieu) : Sur le projet de loi, il en va aussi de la bonne volonté
des partis d'opposition pour que ce projet de loi là soit adopté. Vous, est-ce
que vous allez faire preuve de bonne volonté, parce que vous semblez dire que c'est
important qu'il soit adopté.
M. Nadeau-Dubois :
Bien, le projet de loi, il est insuffisant. Il est beaucoup trop timide, il est
beige, il est tellement décevant. Néanmoins, si le gouvernement est sérieux
dans sa volonté de le faire adopter, on va collaborer. On ne va pas bloquer un
projet de loi qui, même s'il est terriblement décevant, porte quand même quelques
petites améliorations.
Ceci
étant dit, le problème, c'est que, même si on arrivait à l'adopter, on va l'adopter
en catastrophe. On va l'adopter à la va-vite et on va court-circuiter des
débats importants. Je vous en nomme un, le débat sur les clauses de disparité
de traitement, qui est un débat qui traîne depuis des années au Québec. Ça fait
même des décennies que les jeunes du Québec mènent le débat sur les clauses de
disparité de traitement. Et au moment où il y a un projet de loi qui pourrait
permettre en partie de régler le problème, on va nous demander de l'adopter à
la va-vite. On va nous mettre la pression aux oppositions pour que ça soit fait
d'ici les prochaines élections.
Je
pense que ça témoigne du niveau de bonne volonté de la ministre. Si elle
voulait réellement que le débat se fasse, si elle voulait réellement qu'on
adopte son projet de loi, elle se serait prise à l'avance. Je veux dire, ça
fait des années que ces demandes-là sont faites, ça fait des années que le
débat court, ça fait des années qu'il y a des recommandations sur la table pour
régler le problème des clauses de disparité de traitement, et on nous présente
ça à la fin d'une session préélectorale. Je pense qu'on est en mesure de juger
des intentions de la ministre. De toute évidence, son intension n'est pas de
faire adopter le projet de loi.
M. Moreau
(Jean-Frédéric) : Pensez-vous que c'est stratégique? Vous pensez, en
fait, que c'est stratégique.
M. Nadeau-Dubois :
Bien, je pense qu'on a voulu faire un show de boucane préélectoral en proposant
un projet de loi dont on sait très bien qu'il a très peu de chance d'être
adopté. C'est évident. Quand on regarde le timing, là, je vous répète,
29 mai, fin des consultations particulières. Là, c'est des gens qui vont
venir proposer des amendements, des améliorations au projet de loi. Et on veut
nous faire croire qu'en moins de deux semaines on va intégrer les propositions
des gens qu'on a entendus, débattre avec les oppositions de la cinquantaine
d'articles que composent les projets de loi et qu'à la fin on va adopter ça à
l'Assemblée nationale.
Ça
ne fait pas très longtemps que je siège à l'Assemblée nationale, mais généralement
ça nous prend plus de temps que ça, surtout sur un sujet aussi sensible et
controversé que celui-là. Vous y êtes aussi depuis quelques années, vous savez
que ce n'est pas réaliste de penser que ça va être adopté avant le 15 juin.
M. Dion (Mathieu) : Les personnes
âgées, ce matin, elles sont sorties pour représenter 700 000 aînés, tous
ensemble, d'un front commun. Vous les avez entendues?
M. Nadeau-Dubois : Oui. Bien, ils
ont rencontré mon collègue Amir Khadir.
M. Dion (Mathieu) : Bon, quel
est le... Est-ce que vous pouvez leur promettre, vous, à Québec solidaire,
d'avoir un plan qui se tient, qui correspond à leurs attentes?
M. Nadeau-Dubois : J'ai eu le
temps de parcourir le document, ils nous avaient présenté leurs revendications
quand on les a rencontrés. Il y a énormément de choses là-dedans qui sont de la
musique à nos oreilles, là. Je veux dire, à Québec solidaire, ça fait des
années qu'on mène des combats pour améliorer la qualité de vie des aînés.
Je vous donne un seul exemple, et c'est vraiment
un seul, c'est l'adoption du projet de loi sur la protection des locataires
aînés par ma prédécesseure Françoise David. C'est quand même une contribution,
ça, concrète de Québec solidaire au bien-être des aînés.
On l'a répété également dans les dernières
années à quel point les aînés font partie des catégories de la population qui
ont été le plus touchées par les mesures d'austérité : coupures dans les
soins à domicile, augmentation des listes d'attente dans les CHSLD — tout
ça, c'est des choses qu'on a dénoncées dans les dernières années — délocalisation
de beaucoup de services à la population dans le cadre des réformes Barrette,
hein? Quand on centralise les services de santé et qu'on retire des services de
proximité, qui sont les premières personnes à faire les frais? C'est les gens
qui ont le moins de mobilité et c'est beaucoup les aînés. Ça, moi, je le vois
dans mon comté tous les jours. À Québec solidaire, ça fait des années qu'on le
répète.
Donc, je ne vous surprendrai pas en vous
disant que ce document-là, pour nous, c'était de la musique à nos oreilles. Un
élément en particulier que j'ai retenu, c'est la question des soins dentaires.
On le sait, au Québec, le bilan en matière de santé buccodentaire, il est
catastrophique. C'est un des pires au Canada, hein? C'est 40 % des aînés
au Québec qui sont édentés, à qui on a arraché les dents. Pourquoi? Parce que
notre réseau de santé public ne prend pas en charge les soins dentaires. Il y a
un seul parti au Québec qui propose de mettre sur pied une assurance dentaire
publique et universelle, c'est Québec solidaire. Alors, moi, je m'attends à ce
qu'une proposition comme celle-là rejoigne beaucoup de gens du troisième âge.
M. Dion (Mathieu) : Est-ce
qu'ils ont autant d'influence qu'ils le prétendent?
M. Nadeau-Dubois : Ils en ont.
C'est des gens qui ont un bon taux de participation électorale, c'est une bonne
chose, des gens qui se font entendre lors des élections. Donc, oui, ils ont un
pouvoir, ils ont une influence, et moi, je trouve que ça tombe bien, parce qu'à
Québec solidaire, on en a, des propositions pour les aînés. Je parlais de soins
à domicile, retour de services de proximité dans les CLSC, heures d'ouverture
prolongées des CLSC, assurance publique universelle en matière de soins
dentaires. Ça, c'est toutes des choses concrètes qui aident, qui améliorent la
vie quotidienne des aînés.
M. Moreau (Jean-Frédéric) :
Est-ce que QS s'engage à tenir des états généraux comme plusieurs le souhaitent
de leur côté?
M. Nadeau-Dubois : Je n'ai pas
pris... comme je vous dis, là, le document, je l'ai survolé, les groupes ont
rencontré mon collègue Amir. Donc, on va peut-être regarder avec lui pour ce
genre de proposition spécifique.
M. Moreau (Jean-Frédéric) :
Juste revenir sur le n° 176, si vous le permettez. À prendre ou à laisser,
qu'est-ce qu'on fait? Est-ce qu'on le laisse mourir au feuilleton ou on
l'adopte à toute vapeur, malgré ses défauts?
M. Nadeau-Dubois : C'est mieux
une amélioration minimaliste des normes du travail que pas d'amélioration du
tout. Ça, je l'ai dit le jour du dépôt du projet de loi, je vous le redis aujourd'hui.
On va faire tout ce qui est en notre pouvoir pour qu'il soit adopté, on va
aussi tenter d'amener des propositions, de bonifier le projet de loi sur la question
des clauses orphelines, sur la question du droit à la déconnexion.
Mais un instant, là, remettons les choses
en perspective. Si le 15 juin ce projet de loi n'est pas adopté, ce ne sera pas
à cause des oppositions. Ça va être à cause d'un gouvernement qui s'est traîné
les pieds en matière de condition de travail depuis la première journée de son
mandat.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Sur l'état de santé de Mme Massé, est-ce qu'aujourd'hui vous pouvez dire
qu'elle sera de retour avant la fin de la session?
M. Nadeau-Dubois : Il va y
avoir une mise à jour de faite par Québec solidaire au courant de la journée.
On a rencontré Manon, ses médecins, hier soir, donc une annonce d'ici la fin de
la journée qui va être faite sur son état de santé et la longueur de sa
convalescence, mais ne vous attendez pas à la voir cette semaine, bien sûr.
(Fin à 15 h 13)