(Onze heures cinquante-six minutes)
M. Jolin-Barrette : Alors,
bonjour à tous. Aujourd'hui, j'ai déposé le projet de loi n° 1196, Loi
visant à faciliter la communication de renseignements médicaux au bénéfice des
personnes adoptées ou issues d'une technique de procréation assistée.
Alors, j'ai déposé ce projet de loi pour
faire en sorte que les personnes qui ont été confiées à l'adoption ou les personnes
qui sont issues de la procréation assistée puissent avoir accès au dossier
médical de leurs parents biologiques. Parce qu'il faut comprendre, ce qui
arrive, c'est, généralement, lorsque vous avez été confié à l'adoption, bien,
vous n'avez pas accès au dossier médical de vos parents biologiques. Ça fait en
sorte que, si jamais il y a eu des maladies héréditaires, si jamais il y a des
cancers chez vos parents biologiques, bien, les personnes confiées à l'adoption
n'ont pas cette information-là.
L'an passé, on a modifié le Code civil du Québec,
dans le cadre du projet de loi n° 113, qui va rentrer en vigueur dans les
prochains jours, et la notion de risque de préjudice est toujours présente. Ça,
ça signifie que le médecin pourrait obtenir des renseignements, mais à un
moment qui serait trop tard dans le stade... dans l'évolution de la maladie, parce
que le risque de préjudice va s'évaluer à partir du moment où la personne
adoptée est dans le cabinet du médecin et souffre d'une pathologie, souffre
d'une maladie.
Alors, nous, ce qu'on souhaite faire, c'est
agir en amont pour que la personne qui a été confiée à l'adoption, son médecin
traitant, lui, ait les informations du dossier médical des parents biologiques
de la personne adoptée, qu'il puisse le consulter en assurant la
confidentialité du dossier, puisque c'est un professionnel qui est régi par le
Code des professions. L'information ne sera pas communiquée à la personne qui a
été confiée à l'adoption, mais, par contre, le médecin pourra prodiguer les
examens, les tests, les scans et les suivis nécessaires aux maladies, aux
pathologies qui se retrouvaient dans la famille biologique de la personne
confiée à l'adoption.
Donc, il reste deux jours à la session. J'invite
la ministre de la Justice à appeler le projet de loi pour faire en sorte que
les personnes confiées à l'adoption puissent connaître les maladies de leur
famille biologique, d'autant plus que les personnes confiées à l'adoption ont,
elles aussi, des familles, et ça découle pour leurs enfants, pour leurs
petits-enfants. Donc c'est vraiment un geste important, un geste qui... on parle
de la vie des gens, et donc c'est vraiment fondamental qu'un tel projet de loi
soit adopté, que le Code civil soit modifié. Il nous reste deux jours à la
session, et je pense que c'est possible de travailler tous ensemble. C'est une situation
qui est humanitaire, et il faut permettre aux gens qui ont été confiés à l'adoption
de pouvoir connaître leurs antécédents médicaux.
Alors, je vais céder la parole à Mme
Caroline Fortin, présidente du Mouvement Retrouvailles.
Mme Fortin (Caroline) :
Alors, bonjour. Bon, au niveau du Mouvement Retrouvailles, en fait, c'est
certain que, pour les antécédents médicaux familiaux, c'est très, très important,
parce qu'en tant que personne adoptée, moi-même, j'ai retrouvé ma famille
biologique et j'ai eu la chance d'avoir accès à mes antécédents médicaux, et
disons que ça a aidé. Mais il y a combien de personnes qui ont été adoptées et
qui ne peuvent pas avoir accès parce que c'est tout à fait confidentiel?
Alors, je crois que ce projet de loi là,
le n° 1196, est un projet de loi qui devrait être mis de l'avant vraiment
rapidement, parce que ça vient combler un besoin puis, je dirais même plus que
ça, un droit.
On a parlé beaucoup du droit à l'identité.
Bien, ça, c'en fait partie, parce que nos antécédents médicaux, c'est une
partie de notre identité. Alors, je remercie M. Simon Jolin-Barrette d'avoir
déposé ce projet de loi là et effectivement j'appelle Mme Vallée et tous les
autres membres de l'Assemblée d'aller de l'avant, si c'est possible, assez
rapidement avec ça. Alors, merci beaucoup.
M. Jolin-Barrette : Alors,
Mme Poitras va vous adresser quelques mots également.
Mme Poitras (Diane) :
J'aimerais vous faire part de mes réflexions sur les questions en santé que les
adoptés se posent.
Alors, il est surprenant de constater que
les médecins et les spécialistes en santé ne se sont jamais prononcés
publiquement sur les besoins en santé des personnes adoptées qui ignorent complètement
tout de leurs antécédents médicaux familiaux. Quand il y a eu des projets de
loi sur l'adoption au Québec, pas un médecin n'est venu pour revendiquer le
droit des adoptés de connaître leurs antécédents médicaux afin de pouvoir
profiter d'un meilleur suivi médical.
Aujourd'hui, je veux dénoncer que les
enfants adoptés, de 50 à 90 ans et plus, ont été totalement ignorés et complètement
abandonnés par tout le système médical. Et pourtant, à l'époque des années 1920
jusqu'en 1970, il y a eu 300 000 enfants qui ont été laissés dans les
crèches. À cette époque, le clergé, l'État et les médecins étaient très impliqués
dans le système d'adoption.
Aujourd'hui, les médecins ne sont plus là
pour défendre le droit des adoptés de connaître leurs antécédents médicaux. Ils
sont là pour faire tchik-a-tchik avec la carte d'assurance maladie, c'est
payant, mais ils ne sont pas sur les tribunes pour organiser un système
efficace afin que les adoptés puissent connaître leurs antécédents médicaux.
Aussi, les associations médicales, le
Collège des médecins, les associations de lutte contre le cancer et les
maladies cardiaques et autres ne s'occupent pas des besoins des adoptés qui
désirent leurs antécédents médicaux. Personnellement, je ne peux participer à
des études sur certaines maladies parce que je ne connais pas les maladies de
mes parents d'origine. Certains médecins ont pour leur dire qu'ils ont toute la
technologie pour nous soigner en cas de besoin. Et pourtant il arrive bien
souvent que l'on se fait raconter une histoire où une personne est morte de tel
type de cancer ou d'une autre maladie héréditaire et que, si les médecins étaient
intervenus avant pour prodiguer des soins, ils auraient pu guérir la maladie
ou, mieux, la prévenir ou faire gagner 10 ans de vie à une personne.
Combien de parents ont été dévastés
d'apprendre que leur enfant a hérité d'une maladie génétique grave rendant leur
enfant hypothéqué à la vie. S'ils avaient su, l'un d'entre eux ou les deux
parents, qu'ils étaient porteurs de cette maladie, ils auraient plutôt préféré
faire un autre choix et même prendre des décisions en début de grossesse.
Au Québec, des dizaines de milliers de
personnes ne savent pas qu'elles ont été adoptées. Lors des visites médicales,
ces personnes donnent les antécédents médicaux de leurs parents adoptifs ou des
autres personnes de leur famille d'adoption. Donc, leurs antécédents médicaux
sont faux, et ça donne de mauvaises pistes aux médecins. Alors, il arrive que
les adoptés doivent passer plus ou trop de tests pour répondre aux questions du
médecin. Dans bien d'autres cas, les adoptés n'ont pas assez passé de tests qui
auraient pu détecter une maladie grave à temps pour leur sauver la vie.
Je souhaite que tous les besoins en santé
des adoptés deviennent un sujet à l'ordre du jour au ministère de la Santé du
Québec et que des études soient entreprises sur ce sujet. Je tiens à remercier
M. Barrette pour le dépôt de la loi aujourd'hui. Les adoptés sont aussi des personnes
et elles ont des besoins en santé. Et, dans mon cas, j'ai trois enfants, cinq
petits-enfants, et la vérité sur les antécédents médicaux familiaux, c'est très
important. Merci.
M. Jolin-Barrette : Alors,
pour conclure, je pense que Mme Fortin et Mme Poitras ont démontré l'importance
d'adopter un tel projet de loi rapidement. Comme société, il est arrivé que,
dans le passé, on fonctionnait d'une certaine façon, mais, lorsqu'on parle du
droit à la confidentialité de la vie privée versus le droit à la vie, je pense
qu'il est possible de baliser de façon raisonnable le droit à la
confidentialité, tout en s'assurant que le droit à la vie des personnes qui ont
été confiées à l'adoption soit mis de l'avant, parce qu'on se retrouve dans des
situations où le critère prévu au Code civil du Québec ne rend pas service aux personnes
qui ont été confiées à l'adoption.
Alors, nous demandons d'une façon importante
à la ministre de la Justice de faire tout en son pouvoir, d'ici la fin de la
session, qu'on puisse étudier le projet de loi, c'est possible de le faire, et
de faire réaliser aux parlementaires toute l'importance de la réalité des personnes
qui ont été confiées à l'adoption. Alors, je vous remercie et bonne journée.
Merci.
(Fin à 12 h 4)