(Onze heures huit minutes)
M. Nadeau-Dubois :
Bonjour. Québec solidaire souhaite réagir, ce matin, à la nouvelle du jour,
hein, ce qu'on a appris dans les journaux, que Bombardier allait mettre à pied,
allait abolir 2 500 emplois au Québec, des bons emplois.
Je ne sais pas trop par où commencer. J'ai
envie de dire : C'est la suite du désastre libéral, hein? Le désastre
libéral, dans le cas de Bombardier, se poursuit. Nouveau chapitre de cette
triste histoire. Et le pire, c'est que cette fois-ci on a un nouveau
gouvernement au pouvoir mais un nouveau gouvernement qui partage la même vision
de l'économie et qui donc ne pourra rien faire, puisqu'il a, pas plus tard
qu'hier, applaudi le gouvernement libéral dans sa gestion de l'affaire
Bombardier.
La vérité, c'est que le gouvernement de la
CAQ, ce n'est pas un gouvernement de l'économie, c'est un gouvernement des
actionnaires. Et le ministre de l'Économie actuel, on l'a vu hier dans ses
commentaires, ce n'est pas un ministre de l'Économie, c'est le ministre des
actionnaires. C'est la même vision de l'économie à la CAQ et chez les libéraux.
C'est la même vision du développement économique. M. Couillard avait
habitude de parler de sa vision de l'économie comme de l'économie des
dirigeants. Dans le cas de la CAQ,
c'est l'économie des actionnaires, mais le
résultat, c'est le même. Le résultat, c'est le même, c'est des travailleurs,
travailleuses abandonnés par une entreprise qui s'est engraissée largement avec
des fonds publics dans les dernières années.
Je vous rappelle qu'en 2017 les cinq plus
hauts dirigeants de Bombardier se sont octroyé ensemble 40 millions de
dollars en salaires. 40 millions de dollars pour cinq hommes à la tête de
Bombardier, ça, c'est une augmentation de 12 % par rapport à l'année
précédente. On annonce aujourd'hui qu'on va couper 2 500 emplois et
qu'on va économiser comme ça 250 millions de dollars. Bref, juste les
augmentations de salaire des cinq personnes à la tête de Bombardier, c'est
20 % des économies... ou à peu près 20 % des économies qu'on prétend
faire aujourd'hui en coupant 2 500 emplois. De toute évidence, la
direction de Bombardier, ça ne les dérange pas de s'en mettre plein les poches
en s'abreuvant avec des fonds publics, pendant que, de l'autre main, ils
mettent à pied des milliers de Québécois et Québécoises, à la veille de Noël en
plus.
Ce dont on a besoin, au Québec, pour que
des situations comme ça cessent de se produire, ce n'est pas juste d'un
changement de gouvernement, c'est un changement de modèle économique, c'est un
changement de vision économique. Aujourd'hui, c'est Bombardier; plus tôt cette
semaine, c'était RONA. On apprend aujourd'hui que le milliardaire Guy Laliberté
a eu des subventions publiques pour développer son nouveau projet. Dans tous
ces cas-là, c'est la même situation, c'est la même logique qui est à l'oeuvre, là,
puis cette logique-là, c'est celle où des gens extrêmement riches vont chercher
des fonds publics pour développer leurs projets et ensuite abandonnent les
travailleurs et travailleuses en s'en mettant plein les poches.
Les gens se font avoir, à la fois les
travailleurs, travailleuses puis les contribuables, et c'est ce modèle
économique là qu'il faut remettre en question. Il ne suffit pas de changer de
gouvernement ou de changer de ministre. Il faut changer le modèle, il faut
changer de vision, il faut changer de culture économique. Garrocher des fonds
publics pour soi-disant aider les fleurons québécois, là, regardons où ça nous
mène, là, ça nous mène à des pertes d'emploi, ça nous mène à une économie
fragilisée. Et c'est ce modèle-là qu'il faut revoir. Au lieu de changer de
gouvernement, il faut changer de modèle puis changer de culture économique au
Québec.
M. Dion (Mathieu) : Si on
ne veut pas avoir de... garrocher de l'argent encore, comment on vient sauver
les emplois, dans le fond, qui sont perdus aujourd'hui?
M. Nadeau-Dubois : Bien,
c'est-à-dire, la question qu'on doit se poser aujourd'hui... Je pense qu'il y
en a deux. D'abord, c'est : Que peut-on faire pour aider, ici et
maintenant, là, les employés qui vont perdre leurs emplois? Et ça, c'est la
responsabilité du gouvernement Legault, qui doit faire quelque chose pour venir
en aide aux travailleurs, travailleuses. La deuxième question, c'est :
Qu'est-ce qu'on fait pour que ça arrête de se reproduire? Et, à cette
question-là...
Journaliste
: ...
M. Nadeau-Dubois : Bien,
la solution, c'est demander des garanties quand on met de l'argent public. On
ne peut pas donner toujours plus, toujours plus de fonds publics à des
entreprises comme Bombardier, sans
rien demander en retour. Je veux dire, quand on
finance des groupes communautaires, là, on leur donne des subventions de 500
piastres puis on leur demande 10 pages de reddition de comptes. Puis on
investit des centaines de millions de dollars, année après année, dans une
multinationale, puis ça, c'est «no strings attached». Je veux dire, c'est
incohérent, c'est irrespectueux des contribuables dont c'est l'argent qu'on
investit, et ça ne fonctionne pas, même sur le plan du développement économique
puis de la sauvegarde des emplois. Donc, ce qu'il faut faire, c'est demander
des garanties.
M. Chouinard (Tommy) :
...qu'il aurait dû y avoir, pour Bombardier...
M. Nadeau-Dubois : Bien,
je vous donne un exemple, il y en a beaucoup, là. Il y a des garanties de
maintien d'emplois, il y a des garanties de ne pas délocaliser certaines
activités. Mais, à Québec solidaire, lors de la dernière campagne électorale,
on a fait une proposition aussi sur la question de la rémunération des
dirigeants. Quand on investit des centaines de millions de dollars et, dans le
cas de Bombardier, des milliards de dollars dans une entreprise privée, on est
en droit, collectivement, de demander à ce que les dirigeants de ces
entreprises-là se donnent des rémunérations respectueuses de la population. Et
40 millions de dollars pour cinq gars à la tête de Bombardier, en 2017, ce
n'est pas respectueux de la population quand on fait des affaires sur le dos
des fonds publics.
M. Chouinard (Tommy) :
Dans le cas de la CSeries, il y avait une garantie de maintien d'emploi, en
tout cas, jusqu'en 2041, des 2 500 emplois, je pense à Mirabel. Ça
fait que, donc, ça, c'était une garantie qu'il y avait dans ça. Donc là, à ce
moment-là, quand on a, bon, garroché des fonds publics, trouvez-vous qu'on
avait une bonne garantie?
M. Nadeau-Dubois : Moi,
ce que je sais, c'est que, depuis, on a donné le projet de la CSeries à une
multinationale étrangère, et que ces avions-là vont en grande partie être
construits en Alabama. Donc, non, ce n'était pas suffisant. Ce n'est pas non
plus suffisant sur le plan de la rémunération des dirigeants. C'est ce
modèle-là qu'il faut remettre en compte, le modèle sur lequel des soi-disant
fleurons du Québec inc. se présentent devant les gouvernements, montrent leurs
muscles et disent : Donnez-nous de l'argent sinon on s'en va. On leur
donne de l'argent, puis ils s'en vont pareil.
M. Laforest (Alain) : Est-ce
que tu n'as pas une responsabilité dans ces cas-là?
M. Nadeau-Dubois : Dans
le cas de Bombardier, il y a un débat largement à faire, au Québec, parce que c'est
des gouvernements québécois qui ont beaucoup investi. Puis, oui, le gouvernement
libéral a aussi un rôle, mais le dernier chapitre du scandale, là, puis du
désastre, là, il s'est écrit au Québec.
M. Laforest (Alain) : Mais,
l'industrie aéronautique, il doit y avoir un développement à se faire. Le gouvernement
du Québec a investi dans la CSeries, la ministre de… l'ex-ministre Dominique
Anglade défend l'investissement, ce matin, en disant : Jusqu'en 2041,
l'investissement dans la CSeries, il est protégé, les emplois sont protégés, on
coupe ailleurs. Elle, elle dit : On coupe ailleurs, on ne coupe pas dans
la CSeries. Ottawa doit faire quoi, et le gouvernement Legault doit faire quoi
pour garder ces emplois-là?
M. Nadeau-Dubois : Je le
disais, là, ce matin, il y a deux questions qui se posent. D'abord : Ici
et maintenant, qu'est-ce qu'on fait pour accompagner les travailleurs,
travailleuses qui ont perdu leurs emplois? Le gouvernement a un rôle à jouer
pour accompagner ces gens-là. C'est 2 500 emplois, là, c'est énorme.
Et il y a une question à moyen-long terme : Comment on fait pour éviter
que ça se reproduise? Parce que, faire des programmes d'urgence, il faut le
faire, là, mais c'est une solution à court terme. La logique globale du
système, elle continue, là. Pas plus tôt, cette semaine, c'était RONA. Puis il
va y en avoir un autre, la semaine prochaine, là, puis un autre la semaine
d'après, si on ne change pas ce modèle où il y a des soi-disant fleurons du
Québec inc. qui viennent faire du chantage devant les gouvernements, puis on
leur donne de l'argent à peu près sans compter, on demande peu ou pas de
garanties et après on s'étonne qu'on se soit fait avoir.
M. Bergeron (Patrice) :
Qu'est-ce que le gouvernement du Québec devrait faire, donc, pour les
2 500 licenciés? Est-ce qu'il devrait y avoir des programmes d'aide
qui devraient être mis sur pied? Est-ce qu'il ne devrait pas y avoir... Des
fois, le gouvernement met en place une cellule de crise. Qu'est-ce que vous
voyez comme plan qui pourrait convenir pour aider ces gens-là?
M. Nadeau-Dubois : Il
faut accompagner ces gens-là. Il faut penser à des programmes de recyclage,
également, ou de formation pour que ces gens-là se trouvent des emplois.
Peut-être que ça se passera bien, puis on le souhaite que ça se passe bien pour
ces gens-là. Mais, s'il y a des gens qui ont plus de difficultés à se retrouver
des emplois, le gouvernement a une responsabilité. Pourquoi? Parce que, si on
avait demandé des participations, là, à chaque fois qu'on investit dans
Bombardier, là, le gouvernement du Québec, aujourd'hui, serait actionnaire
majoritaire ou à peu près de cette entreprise-là. Donc, oui, on a des
responsabilités comme gouvernement d'accompagner ces gens-là qui se retrouvent
sur le trottoir.
M. Dugas Bourdon (Pascal) :
Est-ce qu'on doit donner ou non de l'argent à des entreprises comme...
M. Nadeau-Dubois : Il
faut, mais bien sûr. Le gouvernement du Québec a un rôle à jouer dans le
développement économique. C'est vrai pour la Caisse de dépôt et placement,
c'est vrai pour Investissement Québec. L'État a un rôle à jouer dans la
planification puis l'orientation du développement économique. Donc, oui, et ça
veut dire notamment donner de l'argent ou prêter de l'argent à certaines
entreprises. Il faut le faire intelligemment, en demandant des garanties. Et
Bombardier, c'est l'exemple parfait où, par volonté de bien paraître devant la
crème de la crème du Québec inc., on donne, on donne, on donne et on ne demande
rien en retour.
Je le répète, là, quand on donne des
subventions de 2 000 $ à un groupe communautaire, là, c'est des
pages, et des pages, et des pages de reddition de comptes pour savoir combien
de crayons à la mine on a achetés, pour être sûr que les fonds publics soient
bien dépensés. Quand il est le temps d'être sur le dos des organismes
communautaires, des fonctionnaires ou des organismes publics, là, la CAQ et les
libéraux, c'est les champions de la reddition de comptes. Quand c'est le temps
de donner à des multinationales, c'est des cadeaux «no strings attached», puis
après on s'étonne qu'on se fait avoir.
M. Dugas Bourdon (Pascal) :
Le problème, c'est que Bombardier est peut-être trop grosse. Est-ce que ce ne
serait pas mieux d'avoir, au Québec, plusieurs petits joueurs?
M. Nadeau-Dubois : Vous
lancez, disons, une réflexion plus large, mais elle est pertinente, cette
question-là. Le modèle de développement économique des dernières années, selon
la CAQ et les libéraux, il est très simple. On donne énormément d'argent à très
peu d'entreprises, sous prétexte que ce sont des grands fleurons qui vont
démarquer le Québec. Pendant ce temps-là, il y a toutes sortes de formes
d'entrepreneuriat, plus local, plus démocratique, qu'on n'aide pas ou qu'on
aide peu. Alors, oui, et c'est exactement ce que je veux dire, quand je dis
qu'il faut revoir le modèle de développement économique, hein, la culture de
développement économique.
Est-ce que ce qu'on veut, c'est donner énormément
d'argent à peu d'entreprises sous prétexte que c'est des fleurons? Ou est-ce
qu'on veut aider les entrepreneurs, souvent des jeunes entrepreneurs, partout
au Québec, qui ont plein de projets de développement plus régional, plus local,
avec des emplois de qualité, souvent dans des perspectives de développement
durable? Il faut choisir. Et je pense que, oui, cette réflexion-là, elle est
pertinente. Et, quand on voit ce qui arrive avec RONA, Bombardier, puis Guy
Laliberté ce matin, c'est tous des exemples qu'il faut changer de vision. Et il
n'y a personne qui va nous faire croire que les caquistes portent une vision
différente de l'économie de celle des libéraux.
Une voix
: Merci.
M. Nadeau-Dubois : Merci
à vous autres.
(Fin à 11 h 19)