(Seize heures quarante-trois minutes)
Mme Anglade : Alors,
bonjour, tout le monde. Je suis ici, donc, pour réagir au plan qui a été déposé
par le ministre Simon Jolin-Barrette. D'abord, vous dire, dans un premier
temps, que ce plan, à notre avis, est non seulement illogique, mais il est
également antiéconomique.
Il est antiéconomique pour des raisons
évidentes. Voilà maintenant plusieurs mois, plusieurs années qu'on parle de
pénurie de main-d'œuvre. On a atteint des sommets qu'on n'avait jamais atteints,
au Québec, avec les 117 000 emplois qui sont à pourvoir. Et,
lorsqu'on regarde la proposition qui est faite, on voit que ça va à l'encontre
de combler les besoins en pénurie de main-d'œuvre.
D'autre part, cette décision est illogique
dans la mesure où, lorsqu'on regarde les statistiques des dernières années, on
constate qu'au bout de cinq ans 84 % des immigrants au Québec sont
toujours au Québec, demeurent ici, ce qui est nettement au-dessus de la moyenne
canadienne. Donc, on voit à quel point ça va à l'encontre, finalement, des
intérêts économiques du Québec.
Dans un deuxième temps, vous avez remarqué
qu'il y avait une diminution au niveau francophone, des immigrants
francophones. On passe de 41 % à 44 %... non, c'était 44 %, on
réduit à 41 %.
Troisièmement, lorsque l'on parle
d'intégration, la réunification familiale fait partie d'un modèle d'intégration.
C'est comme ça qu'on arrive à encore mieux intégrer les immigrants, c'est par
la réunification familiale. Or, on vient de toucher directement ce secteur-là,
ce volet-là de l'immigration, qui, encore une fois, nous permet de garder les
immigrants encore plus longtemps ici au Québec.
Il y a également toute la question du côté
temporaire. On nous avait dit, en campagne électorale, que ce serait
temporaire. Temporaire, c'est quoi? C'est un an?, c'est deux ans?, c'est trois
ans? Qu'est-ce que ça veut dire, temporaire? Et, si c'est si temporaire,
pourquoi même prendre toute l'énergie à passer là-dessus maintenant, cette
année, alors qu'on veut peut-être le réaugmenter l'année subséquente?
Donc, il y a encore beaucoup de
clarifications qui doivent être faites, mais, encore une fois, ce qui nous est
présenté ici, illogique, antiéconomique, c'est les deux mots qui qualifieraient
le plan qui a été déposé.
La Modératrice
: On va
passer à la période de questions. Martin Croteau, s'il vous plaît, en français.
M. Croteau (Martin) : En
français, s'il vous plaît. Est-ce que vous pensez que ce plan va être effectivement
réalisé?, puisque vous avez entendu le gouvernement fédéral dire que ce n'était
pas une bonne idée, finalement, qu'il était déçu de ce plan-là et que c'est le gouvernement
fédéral qui contrôle deux des catégories d'immigrants, là, que Québec souhaite
voir baisser.
Mme Anglade : Je pense
que l'enjeu principal pour nous, c'est... D'abord, la question de l'immigration,
c'est une question qui relève essentiellement du Québec, et, pour nous, ce qui
va être important, c'est d'avoir l'articulation de ce que la CAQ propose. On ne
comprend pas pourquoi, même si ça avait été discuté en campagne électorale, ils
arrivent avec ça, étant donné la pénurie de main-d'œuvre. Maintenant, est-ce
que ce plan va être réalisé? On doit partir sur les bases qu'il va être réalisé,
puisqu'ils l'ont déposé aujourd'hui. On verra avec les discussions avec Ottawa,
mais on va partir sur la base qu'il va être réalisé.
M. Croteau (Martin) :
Mais, à partir du moment où Ottawa dit qu'il est déçu, qu'il ne souhaite pas
baisser le nombre d'immigrants que, lui, accueille, bien, qu'est-ce qui arrive?
Mme Anglade : Alors, il
va falloir poser la question à M. Simon Jolin-Barrette. C'est lui qui
devra avoir la réponse à cette question-ci.
M. Croteau (Martin) : ...selon
vous, qu'est-ce qui va arriver?
Mme Anglade : Pour nous,
ce qu'il est important de noter, c'est que ce plan-là, encore une fois, ne
reflète en aucun cas les besoins du Québec.
La Modératrice
: Alain
Laforest.
M. Laforest (Alain) :
Bonjour, Mme Anglade. Il y a deux mois, vous étiez ministre de l'Économie.
Cette pénurie de main-d'oeuvre était prévisible, et, malgré tous les efforts
faits par les multiples gouvernements, ça a toujours été un problème. Pour
vous, essayer autre chose... non?
Mme Anglade : Attention,
il y a eu beaucoup de choses qui ont été faites pour régler les problèmes de
pénurie de main-d'oeuvre, et, si ces éléments-là n'avaient pas été mis en
place, on serait probablement dans une situation encore plus critique
aujourd'hui. Et, quand je parle des mesures qui ont été mises en place, on
parle, par exemple, de toute l'initiative en matière de manufacturiers
innovants, de toute la transformation du secteur manufacturier, qui a été mise
de l'avant, des mesures qui ont été mises en matière de... l'accueil régional,
des sommes additionnelles qui ont été mises dans les différentes régions du
Québec.
Hier, il y avait une mise à jour. Pas un
sou de plus en matière d'immigration, d'intégration et de francisation, pas un
sou de plus qui a été présenté hier. Alors que nous, lorsqu'on était au
gouvernement, on avait mis des sommes additionnelles, notamment dans les deux
dernières années. Donc, encore une fois, je pense que ça va dans la mauvaise
direction, et il ne faut pas aggraver le problème. Je comprends ce que vous me
dites, M. Laforest, il y a un enjeu. Mais ne pas régler l'enjeu, c'est une
chose. Aller aggraver la situation, c'en est une autre.
La Modératrice
: Cathy
Senay.
Mme Lévesque (Catherine) :
...juste une dernière en français. Bonjour. Si le plan de la CAQ va de l'avant
tel que prévu, quel scénario entrevoyez-vous?
Mme Anglade : Bien,
premièrement, on sous-estime grandement l'impact que ça a dans l'imaginaire. Le
message qui est envoyé aux entreprises, c'est : On a déjà moins de
main-d'œuvre et on risque d'avoir d'autres problèmes. Je vais citer ici le
président de l'UMQ, qui disait, pas plus tard que cette semaine, il disait :
Il y a une entreprise qui voulait s'installer au Québec, ils voulaient s'installer
à Drummondville; quand j'ai vu que finalement ils partaient pour l'Ontario,
j'ai presque poussé un soupir de soulagement parce que je sais que je n'ai pas
le monde pour combler. Combien d'entreprises vont vivre ce scénario-là? Combien
d'entreprises vont vouloir venir au Québec, ne pas trouver la main-d'oeuvre et
aller ailleurs? Alors, on sous-estime grandement l'impact que ça a sur la
capacité d'attraction des investissements étrangers, et c'est la raison pour
laquelle c'est une mesure antiéconomique.
Mme Lévesque (Catherine) :
M. Jolin-Barrette a dit que son document était signé à l'encre du courage.
De quel courage parle-t-il, selon vous?
Mme Anglade : Le courage
de ne pas régler la pénurie de main-d'oeuvre.
Mme Senay (Cathy) : I will follow on Catherine's question regarding this power of
attraction. You say that, in reducing the number of immigrants coming to Québec
annually, that will send the wrong message to companies to come here?
Mme Anglade :
Most definitely. Most definitely. By reducing the number... You had companies
that were in France, this week, and companies were saying : I don't even
know if I'm going to recruit because I don't know how long these people are
going to be able to stay and how attractive I'm going to be as a company. So it
does have an impact. There are three reasons why companies decide to invest
somewhere, it's because of the cost, it's because of the access to market and
the third one is talent. And talent is the key. If you don't have the talent,
people decide not to come. Absolutely.
Mme Senay (Cathy) : It will be too hard. And how frustrating it is, for you, as the Official
Opposition, to not have the chance to have a proper debate on this change, with
numbers, and then this reform of immigration in Québec, because Mr.
Jolin-Barrette wants to present his plan based on competencies, regions? So how
frustrating it is not to take part of a debate on these specific questions on
immigration that are crucial right now in Québec?
Mme Anglade :
Yes. Well, I think we are taking part in the debate. I think this whole...
Mme Senay (Cathy) : ...
Mme Anglade :
So, at the National Assembly, it is frustrating. And I'll go back to the
question that François Legault raised two years ago, in 2016, when he was
saying : It would require two-thirds of the National Assembly Members to
decide on the level of immigration that we would like to have. And now, if you
look at the consistency, now it's no longer the case, and we haven't heard that
they will require two-thirds of the National Assembly Members to vote for their
change. So, I think it's inconsistent, but it's not the first time that we see
inconsistencies with the CAQ.
La Modératrice
:
Raquel.
Mme Fletcher (Raquel) : Good afternoon. Just for the sake of argument, if we could take
away the labor shortage issue for a second, let's say, for the sake of
argument, we invest heavily in robots, and poof! there is no labor shortage
anymore. And then we just look at immigration for immigration's sake. There's
obviously other values to having immigrants come to our province. There seems
to be a logic that has been accepted by some Quebeckers, that refrain that we hear, «prends moins, mais prends
soin», that seems to ring true for some Quebeckers. Is there a logic that, if
we take in fewer immigrants, we'll somehow be able to integrate them better
into our society?
Mme Anglade :
I don't agree with that statement at all. And the best proof of that is, over
the years, we've been able to welcome, give or take, the same number of
immigrants, and we've seen the progress over time, to the point that today 84%
of the people that are immigrating to Québec are staying in Québec after five
years. So, this a proof that the measures that we're putting in place are
working, especially compared to other provinces. If you look at Manitoba or
Saskatchewan, even la Colombie-Britannique... British Columbia, if you
compare those numbers, we're much better than the Prairies and comparable to
British Columbia. So, I think there has been a lot of progress. If you
look at the results in 2017, in terms of the immigrants working, there has been
a significant shift. So we've been able, with the same amount of people coming
in every year, to do a better job. So I don't think that this is logic.
Mme Fletcher (Raquel) : So why do you think this idea of lowering the number of immigrants
has, you know...
Mme Anglade :
Appeal?
Mme Fletcher (Raquel) : Yes.
Mme Anglade :
I think it's a very easy thing to say by underestimating what immigration
really is, and I think we're playing with numbers, thinking that we'll have
some kind of impact. But it's never based on any facts. And that's the issue
that we're seeing. That's why I was saying it's not logical, earlier, it's not
based on any facts.
La Modératrice
:
Mr. Authier.
M. Authier (Philip)
:
And on that subject, in... Good day.
Mme Anglade :
Good day.
M. Authier (Philip)
:
In the House, you said it was an arbitrary number based on an ideology. Could
you explain that? What ideology are you referring to?
Mme Anglade :
When you make a decision that is based on no fact and you pursue on this
direction, why are you making that decision? Because you believe that, by
reducing the number, you're going to improve the economic situation of Québec?
I mean, what is it based on? And, if it is not based on facts, what else is it
based on, if not ideology?
M. Authier (Philip)
:
And, last question. We asked the minister, there are no hearings...
Mme Anglade :
There are what?
M. Authier (Philip)
:
...there are no hearings, no parliamentary commission on this?
Mme Anglade :
They don't want to have any.
M. Authier (Philip)
:
OK. Well, there's been a lot of controversy, lots of people that are opposed will
not be allowed to speak. Are you going to ask for... In the House, normally,
when something is tabled, you ask for hearings. Are you going to ask for
hearings into this, or a parliamentary commission into this?
Mme Anglade :
Well, this is a good question. Last week, I was asking for the plan to be presented
today, as opposed to the end of the week. That's what they did. Right now, we
will look at the different options that are possible. All right?
La Modératrice
:
Merci.
Mme Anglade :
Thank you.
(Fin à 16 h 54)