(Douze heures trente-trois minutes)
Mme Massé : Alors, bonjour, tout
le monde. Hier, la CAQ a voté sur notre motion déclarant l'état d'urgence
climatique au Québec. Le gouvernement Legault est maintenu... Je recommence ça.
Je suis un peu nerveuse. Je ne dépose pas souvent de projet de loi. Alors, le
gouvernement Legault est maintenant tenu, et je cite, «d'harmoniser l'ensemble
de ses choix politiques avec la crise climatique et prendre tous les moyens
nécessaires pour réduire rapidement et drastiquement nos émissions de gaz à
effet de serre». En d'autres mots, les bottines doivent suivre les babines.
Le transport routier est responsable de
34 % de nos émissions de gaz à effet de serre. C'est le secteur le plus
polluant au Québec, et la grosse part du gâteau de ces émissions nous vient du
transport des personnes. Aujourd'hui, j'ai déposé un projet de loi, le projet
de loi n° 490, donc, pour éliminer progressivement les voitures à essence
sur les routes québécoises à partir de 2030. Je ne vous mentirai pas, si on
veut vraiment répondre à l'urgence climatique au Québec, il faut qu'il y ait
moins de chars sur nos routes.
Je sais que, pour beaucoup de monde, c'est
difficile à imaginer et, croyez-moi, je les comprends. J'ai pris mon permis de
conduire à l'âge de 18 ans parce que l'autobus, dans ma ville, dans mon village
sur la Rive-Sud, passait aux heures. Et ma première job, bien, je conduisais un
minibus. Donc, j'avais un minibus à essence pour transporter les gens. Je sais
que, de se défaire de sa voiture, de faire en sorte de ne plus être dépendant à
cette voiture-là, ce n'est pas facile, mais en même temps ça se change, hein?
Ce n'est pas figé dans le béton.
Le transport collectif peut devenir un
choix beaucoup plus confortable, plus pratique et moins cher, surtout moins
cher, que l'auto pour la plupart de nos déplacements, peu importe où on habite.
Mais, pour ça, bien sûr, ça prend une offre à la hauteur des besoins de la
population du Québec. On a besoin d'investissements historiques et urgents pour
pouvoir se déplacer à l'intérieur de nos villes, mais aussi entre nos villes et
villages. D'autres pays l'ont fait. On est capables de le faire. Et, si la CAQ
le veut bien, avec mon projet de loi, on va pouvoir prendre des engagements
sérieux, aller au-delà de l'engagement, faire une action concrète. Ça ne veut
pas dire qu'on veut que toutes les voitures disparaissent. Certains détracteurs
s'amusent à dire cela. Tel n'est pas le cas. On est conscients qu'on ne
construira pas un métro à Saint-Stanislas pour répondre aux besoins de la population.
Le projet de loi que je présente vise plutôt à faire disparaître notre
dépendance au pétrole, à l'essence.
Donc, Québec solidaire vous propose
d'éliminer les voitures à essence au Québec en trois étapes. Dès 2030, ça sera
la fin de la vente des voitures à essence neuves. Seules les voitures hybrides
et électriques neuves seront vendues au Québec. Deuxième étape, 2040, fin de la
vente des voitures hybrides parce que, dans une voiture hybride, il y a de
l'essence. Seules les voitures électriques neuves seront vendues au Québec.
Deuxième étape. Troisième étape, eh bien, là, on arrive à la ligne d'arrivée. C'est
la fin de l'immatriculation des voitures à essence et hybrides. Toutes les
voitures qui vont circuler sur nos routes au Québec seront, à partir de 2050,
zéro émission, sans exception.
L'an dernier, quand on a fait cette proposition-là
en campagne électorale, nos adversaires ont sauté ça de haut. Ils trouvaient
tous que c'était bien trop radical, que ça n'avait pas de bon sens. Mais,
entre-temps, et on le voit ici, il y a des nouveaux joueurs qui se sont donné
des cibles, et parfois des cibles plus ambitieuses que les nôtres. D'ailleurs,
la Colombie-Britannique vient d'interdire la vente des voitures à essence en
2040. Vous les voyez ici, là, sur la ligne du temps, que ce soit la Norvège,
l'Irlande, l'Écosse, Israël, les Pays-Bas... vont y arriver bien avant nous, et
ce n'est pas exactement des républiques écosocialistes.
Peut-être que vous n'en êtes pas
conscients, mais le Ford F-150, un pickup bien connu, est attendu électrique
pour 2021. D'ici à 2030, la technologie zéro émission va être la norme chez
tous les constructeurs automobiles. D'ailleurs, le marché de l'automobile
évolue tellement rapidement que Harley-Davidson vient de nous annoncer une moto
électrique il y a quelques jours. Renouveler le parc automobile québécois, ça
prend environ une quinzaine d'années. On est déjà à la remorque de l'électrification
des transports. Ce qu'on propose, c'était nouveau l'an dernier, mais aujourd'hui
c'est juste le gros bon sens.
J'invite donc la CAQ à être conséquente et
à appeler mon projet de loi. De bonnes intentions, ce sera toujours juste de
bonnes intentions. Si on est pour répondre à l'urgence climatique, tel qu'ils
l'ont appuyé hier dans la motion, bien, ça va nous prendre des gestes forts, et
je pense que le projet de loi n° 490 est un de ces gestes-là. Merci.
La Modératrice
: On va
prendre les questions.
M. Cormier (François) :
Alors, on a droit à plus que deux?
Mme Massé : Je pense que oui.
M. Cormier (François) : Oui, d'accord.
Bonjour, François Cormier, TVA. Est-ce que pousser les gens vers l'hybride, ce
n'est pas pousser les gens vers, entre guillemets, le pire des deux mondes? Parce
qu'on a encore l'essence, et la démonstration des vertus écologiques de la pile
au lithium sont loin d'être démontrées. Pourquoi pousser les gens vers une technologie
qui reste polluante à cause de la pile?
Mme Massé : Oui, bien, écoutez,
nous, on l'a fait dans une perspective de donner de la prévisibilité, comme on
dit. Et l'industrie, elle réagit au jour le jour, comme beaucoup plus vite que
ce qu'on peut s'attendre. Actuellement, vous savez, au Québec, on a de grandes
distances. Une des craintes majeures, c'est de ne pas être en mesure de faire,
je ne le sais pas, moi, Témiscamingue—Sept-Îles sans pouvoir aller jusqu'au
bout de son voyagement. Alors, dans ce sens-là, l'hybride permet cette
assurance-là. C'est ce que je vous dirais.
M. Cormier (François) : On a déjà
eu des questions du public par rapport à votre projet de loi ce matin.
Mme Massé : O.K. Bien oui, on
m'a dit ça, mais on ne m'a pas dit les questions. Alors, faites-vous le
porte-voix.
M. Cormier (François) :
Alors, je vous en pose une.
Mme Massé : Ça me fait
plaisir.
M. Cormier (François) : Les
gens se demandent... parce que vous parlez des véhicules, hein, vous ne parlez
pas juste des voitures. Donc, moto, skidoo, quatre-roues, à des endroits où il
n'y a pas nécessairement d'électricité, qu'est-ce qu'on fait avec ça? Vous en
avez parlé un peu, mais, quand même, qu'est-ce qu'on fait avec ces
véhicules-là?
Mme Massé : Oui, tout à fait.
Alors, il faut se rappeler, hein, le transport routier, c'est 34,4 %
d'émission des GES. C'est un très, très grand émetteur pour le Québec. Mais, de
ce 34,4 % là, si on parle des VTT, tracteurs, etc., c'est 0,3 %. Moi,
mon projet de loi s'attaque aux gros morceaux, c'est-à-dire les voitures, les
VUS, les pickups, ceux qui représentent 63,8 %. Alors, je pense qu'envoyer
ce message-là, c'est de s'attaquer aux gros morceaux.
M. Cormier (François) :
Pouvez-vous me donner des exemples de ce que vous, vous faites dans votre
quotidien pour réduire les GES, vous personnellement? Parce qu'on commence à
avoir tous un sentiment de culpabilité à prendre des voitures à essence.
Pouvez-vous nous donner des exemples de ce que vous, vous faites?
Mme Massé : Oui, bien, c'est
sûr que le premier levier le plus important, c'est le transport collectif. Le
transport actif, le transport collectif, le vélo — vous savez que je
suis une vélocycliste — c'est les éléments qui nous permettent d'agir
directement sur les GES, sur la diminution de GES, je veux dire. Ce que ça veut
dire, c'est : Il faut qu'il y ait de la disponibilité. Et actuellement le
gouvernement du Québec n'a pas cru bon d'inverser les proportions argent
investi dans le transport routier, argent investi dans le transport collectif.
On est encore dans une proportion de 70 % de l'argent du Québec... est
investi dans le transport routier, alors qu'il y a un plus ou moins 30 %
dans le transport collectif. Il faut inverser ça. Mais ça, c'est des décisions
politiques. Le geste individuel compte, mais les choix politiques comptent
encore plus.
M. Cormier (François) :
Est-ce que vous êtes de ceux qui remettent en question aussi l'usage de
l'avion? Est-ce que vous, vous vous privez d'aller en avion, par exemple, à
cause de l'effet sur les gaz à effet de serre?
Mme Massé : Oui, j'avoue que
j'y réfléchis. Lorsque le train nous le permet, pourquoi pas? Méthode
intéressante. Lorsqu'on a une voiture hybride, pourquoi pas? Mais c'est évident
que traverser l'océan n'est pas... Ça fait que, non, moi, je ne me prive pas, mais,
oui, je réfléchis. Est-ce que ce voyage-là est nécessaire? Et, si je le fais
par obligation, est-ce qu'on peut compenser? Ceci étant dit, à quand il y aura
de réelles actions pour faire en sorte que le kérosène, que le diesel... on
aille vers le renouvelable? La planète nous exige d'arriver là rapidement.
M. Cormier (François) : En
terminant, vous avez parlé des grandes distances. Il y a vraiment des gens pour
qui c'est un gros problème, là, parce qu'aller au Saguenay ou, encore, aller à
Matane en voiture, même hybride, c'est difficile, et c'est cher, ces
voitures-là. Qu'est-ce qu'on peut faire pour rendre ça plus abordable?
Mme Massé : Oui, bien, je
dirais deux choses. Premièrement, il y a une étude, dernièrement, qui a été
faite par Bloomberg New Energy Finance, qui est arrivée à la conclusion qu'à
partir de 2024 les prix des voitures à essence et ceux des voitures électriques
vont être similaires. Et leur perspective, c'est qu'à partir de 2025 l'auto
électrique va être de plus en plus abordable. Donc, dans la mesure où il y a effectivement
des règles claires, où on dit à l'industrie : Ça ne sera plus accepté... Et
on n'est pas seuls. Et, je vous dis, je reviens ici l'année prochaine et j'ai
hâte de voir combien d'autres pays vont être colorés. C'est que, donc, à partir
de 2024, 2025, si les prix s'équivalent, bien, je pense que les gens, en toute
conscience, vont faire le choix de l'auto électrique.
M. Cormier (François) : En
terminant, sur une échelle de zéro à 10, votre taux d'espoir que la CAQ appelle
votre projet de loi?
Mme Massé : Écoutez, j'entends...
Mon taux d'espoir? Je pense que, lorsqu'hier... Non, je réfléchissais pour une
réponse sincère, bien, comme toujours, là, mais, hier, quand le gouvernement de
la CAQ a décidé d'appuyer la motion d'urgence climatique, j'espère qu'il ne l'a
pas fait pour le principe, pour l'image, parce que c'était clair, et je vous
l'ai lu d'entrée de jeu, que cette motion disait qu'il fallait joindre les
bottines aux babines, hein, mieux dit, mais ça revenait à dire ça.
Alors, j'ose encore espérer parce que
rappelez-vous que Québec solidaire a clairement dit que, si le gouvernement ne
voulait pas prendre les gestes nécessaires pour lutter contre les changements
climatiques, le 1er octobre 2020, il va nous trouver sur son passage. On a
lancé un ultimatum politique. Et je pense qu'il doit entendre que ce genre de
projet là, c'est le genre de projet... Quand je dis qu'on veut être collaborateur,
qu'on veut suggérer, qu'on veut faire en sorte que ça arrive... Moi, je ne veux
pas arriver à cette étape-là. Ce que je veux, c'est que les gestes soient posés
pour protéger l'environnement.
La Modératrice
: On va
passer en anglais.
M. Authier (Philip)
:
Non, je vais aller en français, ça va.
Mme Massé : Ah! merci, Philip.
M. Authier (Philip)
: Ça
va. Juste sur un autre sujet, Mme Massé, la semaine prochaine, ça va être le
premier anniversaire de l'élection de la CAQ. Vous faites quel bilan de la CAQ,
leur performance, les hauts, les bas? Comment vous trouvez ce gouvernement?
Mme Massé : Bien, écoutez, on
va se réserver la semaine prochaine pour faire le bilan. Le 1er octobre, on va
tous être là.
Mais ce que je peux vous dire,
c'est : En matière environnementale, on attend toujours. Toute cette
année-là, quasiment à chaque semaine, on a posé une question, on a fait des
propositions, des fois des propositions qui ne coûtaient pas une cent, puis ça
a été une fin de non-recevoir. Alors, je pense que les jeunes demain vont être
plusieurs à dire que ce n'est pas acceptable. C'est leur avenir qui est en jeu.
Et l'autre élément, vous vous en douterez
bien, c'est la question du mode de scrutin. Je pense qu'hier, là, le gouvernement
a viré son capot de bord.
J'en aurais plusieurs autres à vous dire,
mais je réserverai ça pour la semaine prochaine.
M. Authier (Philip)
:
Donc, pas satisfaits?
Mme Massé : Je viens d'énoncer
deux éléments plutôt insatisfaisants. Je suis d'accord.
La Modératrice
: Merci
beaucoup.
Mme Massé : Bonne fin de
journée.
(Fin à 12 h 48)