L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Accueil > Actualités et salle de presse > Conférences et points de presse > Point de presse de Mme Véronique Hivon, porte-parole du troisième groupe d’opposition pour la famille

Recherche avancée dans la section Actualités et salle de presse

La date de début doit précéder la date de fin.

Point de presse de Mme Véronique Hivon, porte-parole du troisième groupe d’opposition pour la famille

Version finale

Le jeudi 28 novembre 2019, 11 h 55

Salle Bernard-Lalonde (1.131), hôtel du Parlement

(Onze heures cinquante-cinq minutes)

Mme Hivon : Bonjour, tout le monde. Alors, c'est une vive déception que sont en train de vivre les parents adoptants, surtout au nom de leurs enfants, des enfants adoptés du Québec, aujourd'hui, avec le dépôt qui revoit le Régime québécois d'assurance parentale.

Vous m'avez entendue, il y a quelques minutes, à la période des questions. Il y a une inéquité très grave, une injustice très grave qui perdure entre les enfants adoptés et les enfants biologiques au Québec, et contre toute attente parce qu'il y avait eu un engagement très clair de la Coalition avenir Québec pendant la campagne électorale. Je l'ai ici, c'est la lettre qui avait été, donc, envoyée à la Fédération des parents adoptants, disant qu'ils s'engageaient à mettre fin à l'inéquité de traitement, et que les parents adoptants auraient donc droit à 55 semaines de congé parental, tout comme les parents biologiques, s'ils étaient élus.

Or, aujourd'hui, force est de constater que le gouvernement fait plein de changements au Régime québécois d'assurance parentale, mais qu'il laisse perdurer cette inéquité-là, contrairement à sa promesse. Donc, c'est une promesse brisée.

Et je veux juste rappeler que... Pourquoi c'est si important de donner l'équité de traitement? C'est parce que les enfants adoptés, ils ont le droit d'avoir une présence aussi constante et pour une période aussi longue que les enfants biologiques. Il n'y a pas de raison d'avoir deux catégories d'enfants au Québec, d'avoir deux catégories de familles au Québec, surtout quand on sait que les enfants adoptés arrivent dans leur famille avec un bagage très imposant, généralement, de défis particuliers : défis d'attachement, défis d'adaptation, défis en santé, défis reliés aux traumatismes qu'ils ont vécus pendant les mois, les années qu'ils ont été, par exemple, en famille d'accueil, en orphelinat, les multiples abandons et ruptures de liens qu'ils ont pu vivre. C'est quelque chose qui est extrêmement documenté, de plus en plus, et c'est pourquoi il y a cette demande, depuis un bon moment, d'avoir finalement l'équité de traitement.

Or, c'est incompréhensible, absolument incompréhensible aujourd'hui que le ministre continue à essayer de justifier l'injustifiable quand il a pris l'engagement en campagne électorale, quand son équipe a pris l'engagement en campagne électorale, et quand on réalise que, vu qu'il y a tellement un petit nombre d'adoptions par année, moins de 400, alors qu'il y a plus de 83 000 naissances biologiques, ça représente au maximum 5 millions pour un régime global qui avoisine les 2 milliards de dépenses.

Alors, aujourd'hui, je trouve ça hallucinant d'entendre le ministre essayer de trouver toutes sortes d'explications, de dire : Oui, mais on ajoute cinq semaines. Oui, ils ajoutent cinq semaines, donc au lieu que la discrimination soit sur quatre mois, elle est sur trois mois. Alors, il y a toutes sortes d'arguties qui sont sorties. On ajoute une autre couche de discrimination parce qu'on va prévoir quelque chose de particulier pour les parents qui vont adopter à l'étranger et qui ne sera pas disponible pour les parents qui vont adopter au Québec, alors qu'on sait qu'il y a des besoins d'adoption tout autant au Québec. Alors, franchement, je suis extrêmement déçue, au nom des enfants adoptés puis des parents adoptants, de voir que non seulement on est face à une promesse brisée, qui avait été clairement prise pendant la campagne électorale, mais on est face à une couche supérieure de discrimination, une qui est maintenue, puis une qui est ajoutée.

Alors, le gouvernement doit vite, vite, vite corriger le tir, et vous pouvez être certains qu'on va avoir un amendement en ce sens lors de l'étude détaillée, mais franchement on espère qu'on n'aura pas à se rendre jusque-là. C'est comme si le gouvernement, quand il prend des mauvais engagements comme la maternelle quatre ans, il se bat bec et ongles pour les maintenir contre vents et marées, puis, quand il prend des bons engagements qui ne coûteraient pratiquement rien, qui touchent à ce qu'on a de plus humain, le lien d'attachement, il passe outre son engagement, comme il l'a fait quand il a déposé son budget pour Parents jusqu'au bout! avec les enfants lourdement handicapés. Est-ce que c'est ça, un gouvernement qui a du coeur puis qui est à l'écoute? Je ne pense pas.

Donc, on demande au ministre Boulet d'admettre son erreur, d'admettre la promesse brisée et de tout de suite dire, aujourd'hui, qu'il va amener la modification pour qu'enfin il n'y ait plus cette injustice entre les enfants adoptés et les enfants biologiques au Québec.

Mme Lajoie (Geneviève) : Le ministre, Mme Hivon, dit que ce serait discriminatoire finalement envers les femmes qui ont des enfants de façon biologique, de prévoir l'équité totale, d'avoir 50 semaines pour les deux, donc... 55 semaines, pardon, pour les deux. Qu'est-ce que vous répondez?

Mme Hivon : Ça, je trouve que c'est des arguments traditionnels qui n'ont plus leur place. Oui, la réalité biologique, elle est réelle, il faut en tenir compte. Mais pourquoi il ne tient pas compte du pendant pour la réalité des besoins des enfants adoptés? Parce que toutes les études vont vous le dire, tous les experts vont vous le dire, en fait, les familles adoptives devraient avoir plus de temps avec leurs enfants, compte tenu de tout le bagage très lourd de deuils, de traumatismes, d'abandons, de défis que les enfants adoptés vivent.

Donc, si on voulait prendre cette approche-là, il faudrait même se pencher beaucoup plus en détail sur la réalité des enfants adoptés, de la normalité adoptive et des liens parents-enfants dans une famille adoptive, et probablement qu'on arriverait à la conclusion qu'il faut plus qu'un an, qu'il faut plus que 55 semaines, vous me suivez? Ce n'est pas ça qui est demandé par les parents adoptants, ils disent juste : Écoutez, on ne vous demande même pas de vous pencher sur toute la réalité avec plein d'études. J'en ai plein, d'études, qui vont toutes dans le même sens, qu'il faut favoriser ça pour le bien-être puis l'épanouissement de l'enfant parce qu'il y a des défis énormes. Donc, ce n'est même pas ça qu'ils demandent, ils demandent juste l'équité, ils demandent juste la dignité, un peu d'humanité. Puis de dire : Bien, pouvez-vous au moins nous donner la même chose pour nos enfants qui, il nous semble, méritent le même traitement que les enfants biologiques. Donc, si le ministre veut commencer à faire des distinctions — je comprends qu'il y a des réalités différentes — bien, qu'il se penche sur la réalité des familles adoptives, des enfants adoptés qui ont vécu une succession de traumatismes et de défis, et puis il va voir que probablement que sa conclusion, ça devrait être qu'en ce moment il y a une discrimination parce que les besoins sont plus grands, puis ce n'est pas ça qui est demandé. Donc, je trouve ça un peu... Je suis surprise que le ministre, aujourd'hui, sorte de ça aujourd'hui. Oui?

M. Lacroix (Louis) : Dans le même ordre d'idées, là, il parle d'effets... il dit : Les effets physiques, pour les parents naturels et les mères naturelles, ce n'est pas les mêmes effets que pour les adoptants.

Mme Hivon : C'est sûr, il n'y a pas d'accouchement. Je pense que tout le monde est conscient de ça. Dans un contexte d'adoption, il n'y a pas d'accouchement. Mais je pense que... C'est juste que ça traduit, puis je trouve ça dommage, parce que le ministre Boulet, c'est quelqu'un que je respecte, mais je pense que ça traduit un biais pour la parentalité biologique au détriment de la parentalité adoptive, et je pense qu'il y a encore beaucoup de méconnaissance. C'est compréhensible, hein? C'est un petit nombre de famille qui sont des familles adoptives, mais c'est pour ça qu'il faut être à l'écoute, puis c'est pour ça qu'il faut entendre la voix de ces gens-là, pour qu'ils fassent part de leur réalité, qui est très différente. C'est vrai qu'il n'y a d'accouchement, mais, par ailleurs, il y a des défis énormes de devoir sécuriser l'enfant, s'occuper de la santé de l'enfant. Souvent, les enfants, de plus en plus, ils sont ici, ils ont des besoins particuliers, ils ont vécu une succession d'abandons, des traumatismes, de la négligence, des problèmes de santé. Donc, pourquoi parler juste de la réalité biologique de la mère qui accouche, qui est bien réelle, et ne pas parler de la réalité affective, médicale, sociale des enfants adoptés et de ces défis-là?

Mme Plante (Caroline) : Est-ce qu'il a assez consulté, le ministre Boulet? On nous dit que...

Mme Hivon : Bien, je suis vraiment surprise parce que je sais que la Fédération des parents adoptants a été en lien beaucoup avec son cabinet. Ils leur ont exposé c'est quoi, la réalité, ils ont donné des études, notamment l'étude que j'ai déposée en Chambre de trois professeurs de droit qui disent qu'il y a une réelle discrimination. Ils ont fait part de tous les effets sur les enfants, des défis d'attachement, et tout ça. Puis, je veux dire... je trouve juste que ça dépasse l'entendement. Pourquoi le gouvernement s'entête? C'est comme s'il disait : Il faut — pour un principe que je ne sais pas d'où il sortirait, ce principe-là — donner plus aux familles biologiques. Mais, je veux dire, O.K., il y a conception traditionnelle de la famille biologique, parce qu'il y a l'accouchement, mais pourquoi vous ne prenez pas compte de tout le reste des défis des familles adoptives? Donc, il me semble que le gros bon sens, c'était de s'en tenir à leur engagement, c'était de dire : On a pris un engagement en ce sens-là, on a même adopté une résolution en 2017 dans un de nos conseils généraux. La CAQ a fait ça. Nous, ça fait longtemps qu'on avait adopté ça, c'est dans notre programme, on en a fait un engagement en campagne, et les libéraux avaient aussi pris une résolution dans un congrès parce que tout le monde se disait : Ah! bien peut-être que la meilleure manière d'y arriver, c'est de donner l'équité. Pourquoi on continuerait à justifier ça, alors qu'on essaie de...

M. Lacroix (Louis) : Pour le reste du projet de loi, là, est-ce que vous êtes satisfaite?

Mme Hivon : Oui, pour le reste, je trouve qu'il y a des éléments qui sont intéressants, qui ne vont pas aussi loin en termes de flexibilité que ce qu'on aurait souhaité. La question du congé pour le père, ça, c'est un élément qui est intéressant parce qu'évidemment ça va favoriser l'engagement encore plus important des pères. Je pense qu'au Québec on fait très bonne figure à cet égard-là. C'est une manière d'encore plus pousser pour l'équité du partage dès la petite enfance, dès les premiers mois de vie parce que c'est prouvé qu'un père qui s'implique tôt va rester toujours impliqué. Ça, c'est quelque chose qui est intéressant, la question de la flexibilité aussi pour le retour au travail. Mais on aurait aimé ça que ça aille plus loin, donc que ça puisse être sur une plus longue période puis qu'il y ait une partie de congés mobiles que nous, on a revendiqués, qui était dans le précédent projet de loi du ministre Blais, pour faire en sorte que dans les premières années de vie de votre enfant, quand il y a toutes sortes de problèmes de santé, que vous n'ayez pas à stresser à chaque fois que vous devez manquer une journée ou une semaine parce qu'il y a un gros problème puis vous devez rester à la maison.

Donc, ça, c'est des éléments qu'on est déçu de ne pas retrouver. Mais c'est sûr que toute bonification est bienvenue. Puis c'est pour ça qu'on trouve ça fou, là. Il y a pour 100 millions de bonifications puis on aurait ajouté quelques millions puis on aurait eu l'équité, puis on aurait mis fin à l'injustice décriée depuis tellement longtemps entre familles adoptives et familles biologiques.

Mme Plante (Caroline) : Il y a le fond, mais aussi la forme. Qu'est-ce que vous pensez du ministre Boulet qui prend son projet de loi, qui s'en va l'annoncer dans son comté?

Mme Hivon : Je pense que je suis aussi choquée que les journalistes et puis je trouve que c'est un manque de respect et d'égards pour les parlementaires des oppositions, les parlementaires tout court, pour les journalistes de la tribune parlementaire, pour la population en général parce que, quand on dépose un projet de loi, c'est parce que c'est un geste législatif qui est posé à l'Assemblée nationale et duquel on doit répondre à l'Assemblée nationale. Ce n'est pas banal. On se lève en Chambre. On le dépose en Chambre. Ce n'est pas pour dire : Ah! je vais aller faire de la politique dans mon comté, avec le nouveau projet de loi, sur des enjeux nationaux qui ne sont pas spécifiques à Trois-Rivières, aux dernières nouvelles. Donc, ce n'est pas comme ça que ça devrait fonctionner. Puis pour les groupes d'intérêt aussi parce que, là, quand ça se fait ici, bien, on peut avoir le verbatim, on peut savoir ce qui a été dit, on entend les questions, on entend les réponses, on est capable de décortiquer les choses. Vous savez tout aussi bien que moi que ce n'est pas le cas quand on fait ça ailleurs que dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Mme Plante (Caroline) : Est-ce que vous considérez que c'est un geste partisan qu'il pose? C'est partisan, de faire ça?

Mme Hivon : Je considère que c'est un geste partisan, oui. Puis ce n'est pas la première fois qu'on voit...

M. Lacroix (Louis) : C'est l'instrumentalisation politique d'une pièce législative, dans le fond.

Mme Hivon : C'est un geste partisan. C'est un geste qui n'a pas sa place. C'est assez spectaculaire. C'est peut-être déjà arrivé. Moi, je n'ai pas d'exemple en tête. Je sais que, depuis l'arrivée de la CAQ, on voit souvent qu'ils présentent leurs pièces législatives, le détail, dans l'édifice H ou dans des salles. Pour les maternelles quatre ans, on n'a pas eu le droit non plus à pouvoir suivre l'entièreté de la conférence de presse. Ils sortent de l'enceinte de l'Assemblée, ce qui fait en sorte que ce n'est pas diffusé, ce qui fait en sorte que ce n'est pas enregistré au complet. Alors, de pousser ça jusqu'à dire : Je vais aller présenter ça dans ma circonscription... Je comprends que tous les députés veulent faire le maximum pour leur circonscription, mais quand il s'agit d'un projet de loi avec des enjeux nationaux, je pense que ça n'a clairement pas sa place. Heureusement, il s'est amendé, il l'a fait ici, mais je ne pense pas que c'était dans des circonstances optimales parce que normalement, je ne sais pas, les journalistes auraient dû être rencontrés, connaître le détail de ce projet de loi là, qui est quand même assez technique, là. Donc, voilà. Merci beaucoup.

(Fin à 12 h 8)

Participants


Document(s) associé(s)