(Huit heures quinze minutes)
M. Nadeau-Dubois :
Bonjour, tout le monde. On est très contents d'être ici ce matin. C'est une
belle journée pour la démocratie québécoise. La démocratie québécoise se
déconfine ce matin. Je pense que ce qu'il est important de rappeler, c'est que
les débats politiques, les débats parlementaires, les échanges d'idées, ça ne
rend pas les gouvernements plus faibles, au contraire, ça les rend plus forts
et plus efficaces. Je pense que tout le Québec va être gagnant qu'à partir d'aujourd'hui
les oppositions puissent contribuer au débat de société, puissent contribuer à
trouver les meilleures solutions pour qu'on sorte tous ensemble de cette crise
grave, de cette pandémie qui fait beaucoup trop de victimes.
Alors, on est très contents de reprendre
les activités aujourd'hui. Il y a une partie du Québec qui reprend
progressivement sa vie normale. Je pense qu'il est souhaitable aussi que notre
démocratie, progressivement, revienne à la normale. Merci.
Mme Massé : Merci,
Gabriel. Alors, effectivement, depuis le début, vous le savez, on a collaboré,
on a fait des propositions, on s'est assurés, dans le fond, que le meilleur
puisse arriver, mais je pense que ce qui fait le meilleur d'un gouvernement, c'est
quand il y a une opposition qui est capable de le questionner, de le talonner,
aider à comprendre. Vous comme moi, dans les dernières semaines, on a eu de la
difficulté à comprendre un certain nombre d'éléments. Le gouvernement, le
premier ministre, lors de ses points de presse, a mis des choses au jeu, et on
ne savait pas trop où est-ce qu'il s'en allait, et tout ça. Et donc ces
annonces successives qui nous ont un peu mélangés, nous ont rappelé l'importance
du rôle des oppositions, et c'est d'ailleurs pourquoi les périodes de
questions, on va les utiliser pour comprendre quel est le plan du premier
ministre de la CAQ pour sortir le Québec de la crise, pas pour déconfiner le
Québec, pour sortir le Québec de la crise, tout le Québec.
Alors, dans ce sens-là, bien, la période
de questions va nous être fort utile, et je suis contente que ça commence ce
matin, notamment pour comprendre, bien, pourquoi, pourquoi on n'a toujours pas
le contrôle dans les CHSLD, pourquoi il y a encore des travailleurs,
travailleuses de la santé qui passent de la zone chaude à la zone froide, et
donc dans des milieux vulnérables avec haut risque de contagion. Pourquoi il y
a encore des gens sur le terrain, des travailleurs, travailleuses qui nous
disent qu'ils n'ont pas le matériel nécessaire pour se protéger? Pourquoi les
gens qui se promènent encore d'un CHSLD à un autre, c'est encore possible
aujourd'hui? Alors, bref, beaucoup de questions. Je n'ai pas parlé des
travailleurs, je n'ai pas parlé... il y a énormément de questions, et je pense
que le déconfinement de la démocratie va nous permettre d'avoir, j'espère, des
réponses à ces questions.
Le Modérateur
: Merci.
Alors, parlant de questions, on va commencer avec Marco Bélair-Cirino du Devoir.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Oui, bonjour, bon retour à l'Assemblée nationale. Au début de la crise, on a
remarqué un certain mouvement populaire derrière le gouvernement, qu'il était
difficile de le critiquer ou de lui poser des questions sans recevoir des
reproches de la population.
Estimez-vous aujourd'hui que vous pouvez
questionner, critiquer l'action gouvernementale sans payer de prix politique?
Mme Massé : Bien, écoutez,
je pense que nous sommes les porte-voix de questions que nous recevons au quotidien.
Les questions que nous allons poser, c'est des questions qu'on a dans nos
boîtes courriel, sur nos répondeurs dans nos bureaux ou sur les réseaux
sociaux.
Bref, je crois que la population du Québec
se pose des questions. Je crois que plusieurs acteurs, qu'ils soient du réseau
de la santé comme travailleurs, travailleuses ou en CHSLD, parce que c'est la
famille, beaucoup de gens se posent des questions, et c'est ça qu'on va se
faire le témoin. Et je réitère ce que Gabriel a dit, qui est fondamental :
Poser des questions, être critique, c'est pour aller chercher le meilleur pour
notre population. Il y a encore des gens qui meurent au quotidien.
M. Lacroix (Louis) :
Est-ce que la démocratie a souffert de la pandémie?
Mme Massé : Bien,
c'est-à-dire que l'idée que, quand tout ça est arrivé, qu'on s'est mis tout le
monde ensemble pour dire : Mais comment on réagit là-dedans, qu'est-ce
qu'on peut faire, comment on va le faire, etc? Je pense que c'était nécessaire.
Ceci étant dit, moi, je ne suis pas dans
le secret des dieux, comme vous, là. Alors donc, le premier ministre, le
gouvernement caquiste a fait des choix. Nous, tant et aussi longtemps que ça
demeure enligné sur la santé publique, c'est parfait, on n'a pas de trouble
avec ça. Mais il y a beaucoup de choix qui sont politiques, et, dans ce
sens-là, c'est l'importance qu'on va commencer aujourd'hui à pouvoir
questionner certains choix.
M. Laforest (Alain) :
...elles sont où les erreurs?
Mme Massé : Bien,
écoutez, erreurs, quand on voit, par exemple, le bilan en CHSLD, je pense que c'est
dramatique. Je pense qu'il y a là sujet à poser beaucoup de questions. Alors
que le gouvernement semblait prêt rapidement à déconfiner, qu'il était plus
intéressé à donner des dates de déconfinement que des dates de comment il
allait reprendre le contrôle dans les CHSLD, notamment dans la grande région de
Montréal...
M. Bergeron (Patrice) :
Concernant ce que vous venez de dire tout à l'heure, M. Nadeau-Dubois, sur
la démocratie, vous dites que c'est important que la démocratie revienne à la
normale. Vous voulez dire 125 députés? Et par ailleurs, quel est le défi
pour un parti d'opposition de s'exprimer dans un temps de crise sans risquer,
justement, de subir les foudres de la population?
M. Nadeau-Dubois : Je
pense que personne ne peut nier que l'esprit critique a souffert de la crise.
Je pense que personne ne peut nier que la disparition temporaire du débat
parlementaire a fait en sorte qu'il y a des questions qui n'ont pas été posées.
Puis je ne suis pas sûr qu'on a été gagnants de ça. Ceci étant dit, c'était
normal de suspendre l'Assemblée pendant un certain temps. Moi, je ne le
regrette pas. Par contre, là, il est temps que tout le monde se mette à
contribuer, y compris les oppositions. Et ça, je pense que le Québec est rendu
là. Je pense que les gens aussi, les Québécois et les Québécoises sont rendus
là. Ils comprennent qu'il y a beaucoup de Québécois qui ont voté pour d'autres
partis que la CAQ et que ces Québécois-là ont droit aussi d'avoir une voix dans
le débat public, que leurs idées, que leurs valeurs, que leurs solutions soient
mises de l'avant parce que la vérité, c'est que, dans les dernières semaines,
ça n'a pas été le cas.
Mme Crête (Mylène) :
Est-ce que vous vous attendez à voir diminuer le nombre de décrets, d'arrêtés
ministériels, qui se sont multipliés pendant la...
M. Nadeau-Dubois : Il le
faut. Il le faut. C'est important qu'à partir de maintenant on s'éloigne
progressivement de la gouvernance par décret et qu'on revienne à un style de
gouvernance plus démocratique. On est entrés dans une nouvelle phase de cette
crise-là. La crise n'est pas terminée, comprenez-moi bien, mais on est dans une
nouvelle phase. Il y a des décisions urgentes qui devaient être prises dans l'état
d'urgence, et elles ont été prises, et c'est correct. Là, on est rendus
ailleurs. Je pense qu'on entre dans une nouvelle phase, et que oui, on s'attend
à ce que l'Assemblée nationale, qui n'est pas un accessoire à la démocratie
québécoise, l'Assemblée nationale, c'est le cœur battant de la démocratie
québécoise, bien, il faut que cette institution-là, où siègent les
représentants du peuple, reprenne sa place, progressivement, dans les décisions
que prend l'État québécois.
M. Lacroix (Louis) :
Avez-vous été froissé lorsque M. Legault a dit, il y a quelques semaines,
que ses ministres avaient autre chose à faire que de répondre aux questions des
députés?
M. Nadeau-Dubois : Ça
fait longtemps que j'ai arrêté d'être froissé des commentaires du premier
ministre au sujet du Parlement. Parce qu'il en fait beaucoup, dans la dernière
année, de commentaires, quand il disait que c'était un peu de la perte de
temps, ce qu'on faisait ici, à l'Assemblée nationale. Honnêtement, ça m'a
beaucoup plus froissé quand il a fait trois bâillons dans une première moitié
de mandat que quand il a dit qu'en temps de crise ses ministres avaient autre
chose à faire. Ce n'est pas très sympathique, mais, je veux dire, on est en
temps de crise, là, on ne commencera pas à faire, comment dire, des
coquetteries puis à faire de... à s'offusquer de commentaires comme ça.
M. Pilon-Larose (Hugo) :
Dans une gestion de crise des CHSLD... Parce que, Mme Massé, vous avez dit :
Le gouvernement a été empressé de nous donner des dates de déconfinement, mais
pas des dates de reprise de contrôle. Mais, quand... Si ça serait efficace, là,
on reprendrait le contrôle quand dans les CHSLD?
Mme Massé : Bien,
écoutez, nous, on n'est pas des experts, là. Nous, ce qu'on sait, c'est qu'il y
a encore des travailleurs de la santé qui vont en zone chaude qui arrivent d'un
peu partout, qui ne sont pas testés. Moi, je ne suis pas une spécialiste, mais
c'est sûr que ça me pose des questions. Et ce qu'on comprend aussi, c'est, si
on n'a pas de test, l'importance des tests est majeure pour l'analyse des
étapes de déconfinement. Bien, encore à ce jour, on est loin du 10 000, 12 000,
15 000, 16 000 tests qu'on nous parle depuis des semaines.
Alors, moi, je ne suis pas une spécialiste, mais je suis capable de faire un
plus un égale deux.
Le Modérateur
: Rapidement,
une dernière en français, Geneviève Lajoie. Après, il faut passer en anglais, on
n'a plus de temps.
Mme Lajoie (Geneviève) :
Mme Massé, tout à l'heure vous avez dit : Il y a eu des décisions
politiques. Quelles décisions...
Mme Massé : Bien, par
exemple, d'annoncer un calendrier de déconfinement avant de nous dire quels
seront les paramètres qui nous permettront de déconfiner. C'est quoi, les
courbes qui vont nous permettre de dire : Là, c'est le moment. Alors,
actuellement, moi, ce que je vois derrière ça, c'est une décision politique, ce
n'est pas une décision... c'est vraiment de dire nous, ce qu'on souhaite et ce
qu'on va s'acharner à faire dans les prochaines heures, les prochaines
semaines, c'est de faire en sorte que le gouvernement du Québec explique le
plan qu'il a pour gérer cette crise-là, la moitié du Québec, là. On dit la
grande région de Montréal, la grande région de Montréal. Entre nous, là, on va
se le dire, là, ça, c'est la moitié de la population du Québec. Il y a encore
des gens là qui meurent au jour le jour. Et, dans ce sens-là, c'est de ça qu'on
veut entendre parler.
Le Modérateur
: Cathy Senay.
Mme Senay (Cathy) : Good morning. You said that... so, what is the role of opposition
parties in this specific second phase since we haven't seen you a lot in the
last two months because you are an opposition party?
M. Nadeau-Dubois :
Well, we have a role that is, first of all, a constructive role, just like
journalists that ask questions have a constructive role, to challenge the
Government, not be an obstacle for him, but to force him, to encourage him to
be better and to cover all of its angles. That is why democracy is a useful and
efficient system, it is because there is a plurality of people talking about
issues, finding solutions to the challenges of the society. If we have chosen
democracy as a system, it is because of that, because with more people around
the table, we can find better solutions. So, that's our first role, a constructive
role.
But also we are entering
a new face of that crisis now, where the debates about how will we reconstruct
the Québec society, how will we restart Québec's economy, those are political
questions, those are not public health questions and they have to be answered
democratically. That means having a real debate of society on where should our
money go, which businesses should we give money to, to what conditions. Those
issues are not public health issues. They are society issues.
Le Modérateur
: C'est
tout le temps qu'on a, merci beaucoup, tout le monde.
M. Nadeau-Dubois : Merci
beaucoup.
(Fin à 8 h 31)