(Neuf heures trente-trois minutes)
M. Barrette : Alors, bonjour,
tout le monde. Alors, nous sommes lundi matin, au début des auditions du projet
de loi n° 61 que tout le monde connaît et que
tout le monde, actuellement, décrie avec raison.
Alors, vous me permettrez de commencer par
réitérer, souligner encore notre déception de voir un projet de loi d'une telle
ampleur être déposé à la dernière minute et avec l'exigence de l'adopter d'ici
le 12 juin. Alors, le projet de loi est sans précédent, je pense que tous
les experts, là, peu importe le domaine que le projet de loi touche, l'ont dit
depuis qu'il a été déposé, c'est un projet de loi d'exception, sans précédent,
qui dépasse essentiellement toutes les bornes démocratiques existantes.
Dans un premier temps, je vais exprimer ma
déception, alors, sur deux points. Nous, au Parti libéral du Québec, dans un
but d'avoir un maximum d'informations pertinentes possibles, avions souhaité la
présence, la possibilité d'entendre M. Jacques Duchesneau et Me Denis
Gallant. La CAQ a refusé. Je pense que ces deux demandes-là étaient, sans aucun
doute, soutenues par nos collègues des autres oppositions.
Mon autre déception, peut-être même que ça
va se régler, mais, en date d'aujourd'hui, ça ne l'est pas, le Barreau, on n'est
pas sûr s'ils vont se présenter. On comprend qu'en premier... dans un premier
temps ils se sont désistés à cause du délai. Maintenant, on comprend qu'il y
aurait des conversations. On souhaite qu'ils soient là. Vous savez, devant le projet
de loi n° 61, qui a une telle ampleur — de
la situation légale, juridique de notre démocratie — ne pas les
entendre, ce serait l'équivalent de ne pas entendre le Collège des médecins
dans le dossier de l'aide médicale à mourir, là. C'est de la même ampleur, là.
Alors, le Barreau, il faut qu'on les entendre, à un moment donné, à un moment
qui leur permettra d'être là, là, mais ils doivent être là.
Alors, quand on met ça ensemble, là, le
Barreau, Jacques Duchesneau, Me Denis Gallant, un projet de loi à la
dernière minute, écoutez, là, à un moment donné, on a l'impression qu'on veut
en passer une petite vite, là. Et ça, c'est l'impression que ça nous donne.
Rajoutez à ça le fait que M. Dubé, dans un point de presse, a clairement
mentionné, en fin de point de presse, qu'il souhaitait, qu'il aimerait bien ça,
sans l'affirmer d'une façon formelle, que ce qui est mis en place actuellement
demeure, bien, là, écoutez, là, là, à un moment donné, quand je dis que ça
dépasse les bornes, là, c'est là que ça dépasse les bornes. Alors, si ce projet
de loi, il pourrait être adopté d'une manière ou d'une autre, bien, qu'il le
soit selon la séquence habituelle qui est prévue dans notre démocratie, à
savoir qu'il y ait des auditions pleines et entières et une étude détaillée
elle aussi pleine et entière.
Alors, au Parti libéral, on n'est pas contre
le projet de loi. On offre notre collaboration. La preuve, c'est qu'on est ici
ce matin. Mais, à la fin, là, ça ne peut pas être un projet de loi qui va être
adopté tel quel. Il y a pour nous déjà... et je n'en ferai pas part ce matin,
ce n'est pas le moment pour moi d'en faire part, il y a des chemins, il y a des
manières de faire en sorte que ce projet de loi là soit plus acceptable. Je
n'irai pas jusqu'à dire totalement acceptable, mais, compte tenu de la situation,
il y a probablement moyen de moyenner.
Je peux vous dire aujourd'hui que la balle
sera dans le camp de la CAQ. Il n'y a aucun doute. Nous arriverons avec des
propositions qui vont dans le sens de l'objectif recherché, qui est celui
d'augmenter l'activité économique du Québec. On arrivera avec des propositions
en ce sens-là, et ça sera à la CAQ de dire non, mais on verra ça en temps et
lieu. Ce matin, ce qui est le plus important, c'est d'entendre les gens qui ont
des choses à dire sur le projet de loi. Je soupçonne que bien des gens auront
des choses moins positives, on va dire, à dire. Alors, on verra à ce moment-là.
Voilà.
M. Lavallée (Hugo) : Vous
dites que vous souhaitez une étude détaillée pleine et entière. Donc, vous
souhaiteriez qu'on prolonge les travaux, disons, la semaine prochaine, qu'on
prenne quelques jours de plus ou vous pensez qu'on peut faire tout ça, là,
d'ici vendredi?
M. Barrette : Écoutez, que ce
soit de la part du Parti libéral, que ce soit de la part des autres oppositions
que j'entends à date, il m'apparaît évident qu'il y aura des amendements qui
vont être déposés. Nous en aurons. Quand je vous dis que nous aurons des
propositions constructives à faire, qui vont dans le sens de l'objectif
souhaité, manifestement, ces propositions-là sont de l'ordre d'amendements au
pluriel. Alors, quand je dis que la balle va être dans le camp du gouvernement,
c'est ça que je veux dire.
Alors, moi, je sais, par expérience, que
certains amendements, parfois, prennent du temps à être adoptés. Alors, on
comprend qu'ils sont majoritaires, mais vous allez comprendre aussi que nous
allons nous battre, avec les moyens que l'on a, pour faire en sorte que nos
amendements passent. Alors, on ne fera pas d'obstruction ici, là, je vous le
dis tout de suite, là. On n'est pas ici pour faire de l'obstruction. Nous ne
ferons pas d'obstruction parlementaire, on ne fera pas de filibuster, mais on
va se battre pour que les principes sur la base desquels on va déposer des
amendements fassent le chemin approprié. Un amendement, ça se sous-amende, et
ainsi de suite, vous connaissez la mécanique parlementaire, mais on ne sera pas
là, là, puis je vous le dis tout de suite, là, on ne passera pas 19 heures
d'étude détaillée sur la première virgule de la première ligne du premier
alinéa du premier article.
Par contre, on passera le temps qu'il faut
pour débattre d'éléments qui sont extrêmement importants. Je ne vous vends
aucune mèche si je vous dis que l'enjeu des contrats publics est majeur, hein?
Je ne vous vends aucune mèche, là. Tout le monde le dit, là, tout le monde le
dit.
Alors, je n'irai pas plus loin, mais je
vous dis que les sujets qu'on va traiter, en termes d'amendements, on va les
traiter de façon objective, constructive. Et ce n'est pas vrai que ce projet de
loi là va passer tel quel. Ça, là, c'est une fin de non-recevoir. Ce projet de
loi là, pour le Parti libéral du Québec, ne peut être adopté sans changements
significatifs.
Mme Crête (Mylène) :
Ça va ressembler à quoi, le calendrier des travaux, à ce moment-là?
M. Barrette : Écoutez, je vais
vous dire une chose, ce n'est pas la première fois qu'on nous dépose un projet
de loi à la dernière minute, là. Alors là, on est à la dernière minute. Ce
projet de loi là aurait pu être déposé bien avant. Il me semble qu'on sait
qu'on est économiquement ralentis depuis le 13 mars, juste de même. Alors,
on attend à la dernière minute pour nous déposer ça. Là, on est habitués à la
CAQ, là, tout le monde est habitué à la CAQ. La CAQ dépose des choses à la
dernière minute pour les bulldozer. Pas là. Je vous dis : Pas là. Il y a
trop d'enjeux là-dedans, là. Il y en a beaucoup trop, sur le plan démocratique,
pour que ça passe comme lettre à la poste.
Alors, nous, on va arriver avec des
propositions. Alors, est-ce que la CAQ va être, elle, constructive ou est-ce
qu'elle a un objectif caché, qu'on ne connaît pas encore, qu'on va découvrir au
fil des consultations? On verra. Moi, je dis que déposer un projet de loi de
cette ampleur-là, là, la portée de ça, la semaine dernière, et vouloir le faire
passer une semaine après, c'est délirant, là.
M. Bellerose (Patrick) : Vous
avez l'impression qu'on veut s'arroger des pouvoirs...
M. Barrette : Aucun doute.
Écoutez, la tendance parlementaire de ce gouvernement-là, là, elle n'est pas
compliquée, là. C'est depuis le début. Vous savez, ce gouvernement-là, d'une
façon insidieuse, parle de réforme parlementaire constamment, hein,
constamment. Moi, j'ai vécu le projet de loi n° 14
sur les projets d'infrastructures informatiques, et ainsi de suite. Regardez,
là, on by-passe toutes les règles, au moment où on se parle, dans ce
secteur-là. On fait des appels non pas d'intérêts, suivi de qualifications, suivi
d'offres, maintenant, on fait des appels d'intérêts-qualifications ensemble, à
la suite desquels des gens sont qualifiés et avec lesquels il y a des ententes
gré à gré pour des millions de dollars. Je l'ai soulevé. Ça n'a pas fait
vraiment beaucoup la manchette. Et c'est un bel exemple.
N° 23, c'est un
projet de loi qui donne le pouvoir au gouvernement de changer les dénominations
et mandats de ministères quand il veut. Là, il arrive avec ça. Et là, écoutez,
là, c'est l'extrême, là. C'est un projet de loi antiparlementaire parce qu'on
se donne des pouvoirs qui, à la fin, retirent la possibilité aux parlementaires
d'examiner des décisions gouvernementales.
La démocratie est basée sur pouvoir et
contre-pouvoir. Le pouvoir, quand on a un gouvernement majoritaire, est
majoritairement dans les mains de l'État. Le contre-pouvoir est celui qu'on
exerce dans les règles actuelles. On vient d'abolir... on vient proposer
essentiellement d'annuler ce contre-pouvoir-là. Écoutez, là, là...
M. Bellerose (Patrick) :
...ça serait important d'entendre Me Gallant?
M. Barrette : Me Gallant, à ma
connaissance, avec Sonia LeBel peut-être... d'ailleurs, vous n'avez pas
remarqué... vous avez sûrement remarqué le malaise de Mme LeBel lorsqu'on
a eu à se lever là-dessus la semaine dernière. Elle n'était pas parfaitement à
l'aise, là. Les deux personnes qui ont le plus d'expérience, et je dirais aujourd'hui
la personne qui a le plus d'expérience dans le contrôle des contrats publics,
de la conformité, les passe-passe et les magouilles, c'est Me Gallant. Il
l'a fait. C'est dans la catégorie «been there, done that». Il a été à l'AMP, il
a quitté l'AMP. Il a été à Montréal, il a quitté Montréal. Il a été à la commission
Charbonneau. Bon, ça s'est terminé, c'est normal.
Alors, s'il y a une personne qui a une
expertise hors du commun, pratique, pratique, j'insiste là, on n'est pas dans
la théorie, là, on est... je l'ai vu, ça s'est passé parce que les règles n'étaient
pas assez claires, par exemple, bien, s'il y en a un qui est capable de nous
dire ça... de telle intervention découlerait un amendement, c'est sûr. Je l'ai
vu, on n'a pas pu contrôler telle chose parce que la règle ne me le permettait
pas. On s'entend-u que cette phrase-là finit par : O.K., il y aura
l'amendement xyz. Le gars qui peut générer le plus d'amendements constructifs à
ce projet de loi là, bien, la CAQ refuse de l'entendre.
Bon, M. Duchesneau, il joue le même
rôle à Saint-Jérôme. Ça n'a peut-être pas la même ampleur, mais on connaît sa
position, à M. Duchesneau, historique : refus, lui aussi. On ne peut
pas dire que c'est un ennemi de la CAQ, on va dire ça comme ça.
Alors, quand je regarde ça, là, là,
l'anguille qui est sous la roche, elle dépasse, là. Il n'y a même plus besoin
de regarder pour savoir s'il y a une anguille sous la roche. Il y a une
anguille, elle est là. On nous empêche d'entendre les gens qui clairement
feraient des interventions qui mèneraient à des arguments tout à fait adéquats
pour déposer des amendements que manifestement, manifestement, le gouvernement
ne veut pas entendre.
Pourquoi? Quelle est la raison de ne pas
entendre ces deux personnes là? J'en vois juste une : ce qu'ils vont dire
ne fera pas l'affaire du gouvernement. Et ce qui ne fera pas l'affaire du
gouvernement dans le projet de loi ne peut être que des amendements dont ils ne
veulent pas entendre parler. Bien, c'est bien plate, là, mais ils vont en
entendre parler pareil.
M. Lavallée (Hugo) : Vous
aviez soulevé des questions, là, sur le contenu de la liste, les
202 projets. La CAQ s'est défendue en disant : Bien, on a 60 %
des circonscriptions électorales, il y a 60 % des projets dans des
circonscriptions de la CAQ, pas plus, pas moins. Est-ce que vous êtes rassurés
sur cet aspect-là des choses ou vous voulez amender la liste, ajouter d'autres
projets? Ça fait-u parti de la négo?
M. Barrette : Non. Écoutez,
moi, je continue à critiquer avec intensité le fait que ce projet de loi aurait
pu être, pour ce qui est des projets, l'objet d'un débat, quels projets mettre.
Ça aurait pu être le cas. Là, on arrive avec des décisions qui sont totalement arbitraires,
et, vous l'avez dit, qui sont basées sur la répartition des comtés.
Écoutez, moi, je vais vous dire une chose,
là, une affaire bien, bien simple, O.K., bien simple, là : On vit dans ce
qu'on appelle une société de droits où, dans les faits, on est tous égaux
devant la loi, hein? On dit même que nul ne peut ignorer la loi. Bien, il y a
un secteur dans l'État où tout le monde doit être égal devant lui, c'est le
système de santé. On a un système de santé qu'on a voulu universel. Il est
universel, les citoyens doivent être égaux devant le système de santé. C'est
comme ça. Et quand on arrive à distribuer des projets, notamment en santé, ça
devrait être distribué populationnellement et non distribué comme ça a été
fait, sur la base de comtés électoraux.
Moi, je vous dis, là, moi, je suis gêné
devant cette affaire-là. Je suis humainement gêné. Alors, tout le monde est
égal devant le système de santé, là, au Québec, là, on n'opère pas quelqu'un
parce qu'il a des sous, on n'opère pas quelqu'un parce qu'il reste dans telle
région, on opère tout le monde quand ils sont malades avec la même qualité de
service. C'est la même chose qui doit être le cas en santé. Ce n'est pas le cas
actuellement, dans la proposition qui est faite, pour ce qu'ils sont... pour ce
qui traite des projets qui sont en santé.
M. Bellerose (Patrick) : La
vingtaine de projets qui sont dans la liste, qui n'ont pas passé au PQI, est-ce
que c'est grave? Est-ce que c'est inquiétant?
M. Barrette : Bien, écoutez,
deux choses. La première, c'est qu'il y en a 18 qui n'étaient pas au PQI pour
les maisons des aînés, et Christian Dubé a admis lui-même qu'il y en avait 11,
de plus de 20 millions de dollars, qui venaient du ministère des
Transports. Vous savez l'historique que l'asphalte a en politique. C'est joli,
hein? Alors, l'asphalte a un historique en politique, là, et là on a
11 projets qui sont sortis de nulle part, qui sont au-dessus de
20 millions. Alors, que M. Dubé vienne s'expliquer.
Alors, moi, je l'ai dit la semaine
dernière, je le redis aujourd'hui, on fait de la politique actuellement avec ce
projet de loi là, là. C'est de la politique. Les projets choisis, ça leur
appartient. On comprend la politique derrière leurs choix, c'est électoral. Et
la loi n° 61, je l'ai dit en Chambre à une question, ce n'est rien d'autre
qu'un programme électoral. Alors, on va essayer de rectifier la chose.
Mme Senay
(Cathy) : You said many things that you don't
like about Bill 61, but you don't want to block the parliamentary process
with this bill.
M. Barrette : No. I can tell you for sure, as of today, this is not our intention
to filibuster this project. We understand the actual situation, we understand the value of starting or increasing economic
activity in this province. This is not what they say it's all about. It's only
about having more economic activity. We understand that, we agree with that.
The way that they're taking to get to that destination is not the right one, so,
we will not filibuster the project, but we will do whatever we need to make
sure that this project, this bill is amended in the proper way.
Mme Senay (Cathy) : The Auditor General was supposed to participate in the consultation today or tomorrow, like... She
can't. She can't for now. Don't you have the impression that we are starting
this consultation with just
groups from the construction industry that will be supporting that bill and you
don't have a voice saying : Well, no, there are red and yellow flags here?
M. Barrette : Yes. What we see today, as of the schedule, is that there are
people missing. Mr. Denis Gallant should be there. Jacques Duchesneau
should be there, the Auditor General should be there. Le Barreau du Québec should be there. They
should be there. As I said, this project is of such a magnitude that it is
irrealistic to see that the Barreau du Québec will not be there to comment. It is to Bill 61 what the Collège des médecins was to «l'aide médicale à mourir». That's what it is.
They need to be there. The magnitude of this bill is such that we cannot not
hear them. It's the same thing for the Auditor General. So, it doesn't matter
when it will happen, but it has to happen.
Mme Senay (Cathy) : My last question : You said that the major issue for you, it's public contracts.
M. Barrette : No. I gave you an example. I didn't say that it was the number one
issue. Yes, it's a major issue, but it's not a major issue as opposed to other
issues.
Mme Senay (Cathy) : Why, to you, it's a major issue?
M. Barrette : I gave this... an example and I said, and I will say it again in
English : We will not filibuster. We will come with positive proposals to
make sure that this exaggerated bill will be curtained in some way. So, we will
come up with proposals that will do... that will not impede on the objective,
right? We will do that. But what I said is that this bill, on our part, cannot
be adopted as it is today. It cannot be adopted as it is today. So we will not
filibuster, but we will fight for our positions on those positions that are to
be fought for, and one of those positions — one
of those, not the only one — is public contracts. All right?
Le Modérateur
:
Merci beaucoup. Merci à tous, bonne journée.
M. Barrette :
Merci.
(Fin à 9 h 52)