(Treize heures deux minutes)
M. Lacombe : Bonjour, tout le
monde. Je suis content de vous voir dans cette atmosphère qui est un peu
différente d'à l'habitude.
Je veux peut-être commencer en vous disant
que je suis assez préoccupé par le ton de tout ce qui se passe depuis quelques
jours, dans le dossier famille, entre autres les échanges que j'ai avec le
principal syndicat d'éducatrices en milieu familial, la FIPEQ. Vous avez vu des
sorties assez virulentes du syndicat à mon égard. Le syndicat, qui a mal
compris... et c'est correct, mais le syndicat a mal compris une directive du
ministère de la Famille, un calcul, et, pour réparer cette erreur-là, tente de
faire porter le blâme au gouvernement, au ministère de la Famille, ultimement à
moi-même.
Il faut comprendre que dans ce dossier-là
tout le monde avait bien compris, incluant la Fédération de la santé et des
services sociaux, qui est de la CSN, l'AQCPE, le Conseil québécois des services
éducatifs à la petite enfance, les deux associations qui représentent des garderies
privées subventionnées, donc tout le monde avait bien compris, sauf la FIPEQ.
C'est une instruction qui avait aussi été donnée par écrit, deux fois plutôt
qu'une, dans des bulletins qui ont été envoyés à l'ensemble du réseau.
Donc, je suis préoccupé par tout ce qui se
passe. Parce que vous assistez en plus à un moyen de pression de la FIPEQ qui
recommande à ses éducatrices, qui encourage les éducatrices qu'elles
représentent à facturer les parents rétroactivement. Et je suis préoccupé par
ça parce que c'est illégal de faire ça. On a adopté un décret, comme
gouvernement, qui dit que les parents qui n'ont pas le désir de renvoyer leurs
enfants avant la réouverture complète du réseau n'ont pas à payer. Et ça, c'est
écrit noir sur blanc dans notre décret qui date du début du mois de mai, le 6
mai. Donc, en faisant ça... Et on a mis la main, là, sur une lettre qui sera
envoyée aux parents ou qui l'est peut-être déjà, qui indique, là, aux parents
qu'ils devront payer rétroactivement pour ça. Bien, moi, je suis préoccupé.
Donc, aujourd'hui, je dirais, je lance un
appel au calme, en quelque sorte. Je demande à tout le monde de respirer par le
nez, de faire le compte aussi, de réaliser que depuis le début toute l'aide
financière qu'on a donnée aux éducatrices en milieu familial est bien
suffisante pour couvrir quelques contributions parentales qui ne seraient pas
versées par les parents et qu'en bout de ligne les éducatrices sont gagnantes. Et
j'ajouterais même, pour... je m'adresserais même directement aux éducatrices en
leur disant : Actuellement, votre syndicat vous incite à commettre un acte
qui est illégal, mais, si vous vous faites prendre, ce n'est pas le syndicat
qui va payer votre amende qui peut varier de 1 000 $ à
6 000 $, c'est vous.
Donc, moi, je pense qu'on doit respirer
par le nez, on doit se parler et surtout on doit réaliser que tout ce qui a été
versé aux milieux familiaux pour les soutenir depuis le début de la crise a été
plus que généreux.
M. Laforest (Alain) : Sur
votre fil Twitter, lorsque vous avez répondu à la présidente de cette
association-là, est-ce que vous respiriez par le nez?
M. Lacombe : Bien, c'est sûr
que je suis fâché, je suis fâché parce que prendre les parents en otages de
cette façon-là, ce n'est pas correct. Et je suis fâché parce que le syndicat a
fait une erreur. Et je suis bien placé pour savoir que lorsqu'on fait une
erreur, bien, on peut la corriger puis on doit l'assumer. Donc, dans ce cas-ci,
je pense que le syndicat doit faire la même chose et surtout, surtout qu'il ne
doit pas prendre les parents en otages en menaçant de les faire payer alors que
c'est illégal de le faire.
M. Laforest (Alain) : Quelles
sont les sommes engagées par le gouvernement jusqu'à présent?
M. Lacombe : Jusqu'à présent,
seulement, disons, pour le milieu familial, pour compenser les contributions
parentales, très précisément, on a versé près de 27 millions de dollars
depuis le début. Si vous ajoutez à ça les contributions, c'est-à-dire les
subventions qu'on verse habituellement, mais qu'on n'aurait pas été obligés de verser
pendant la fermeture, parce que ce sont des travailleuses autonomes, il faut se
le rappeler — on aurait pu décider que toutes ces éducatrices se
tourneraient vers la PCU, on a décidé, comme gouvernement, de continuer à
verser les subventions — on parle, seulement pour le milieu familial,
de quelque chose comme 115 millions de dollars pour l'ensemble de
l'opération.
Donc, c'est pour ça que je dis : Quand
vous regardez tout ça, les éducatrices, même en perdant certaines subventions…
ou certaines contributions parentales, plutôt, elles se retrouvent avec au
moins 3 000 $ de plus dans leurs poches que si on avait fermé le
robinet. Donc, je pense qu'il ne faut pas seulement regarder le bout de
l'histoire que le syndicat veut regarder, il faut regarder l'ensemble de
l'opération.
Mme
Sioui (Marie-Michèle) : Êtes-vous préoccupé, M. le ministre, par la
vague de fermetures dans les milieux familiaux? Qu'est-ce que vous allez faire
pour y remédier?
M. Lacombe : C'est quelque
chose qui est déjà sur mon écran radar depuis quelques mois. Vous savez, avant
la crise, on travaillait sur des allègements législatifs réglementaires et
administratifs, notamment pour faire en sorte de garder plus d'éducatrices dans
le réseau et en attirer de nouvelles. Ça visait aussi à donner envie aux
personnes qui offrent de la garde non reconnue de venir offrir cette garde-là
dans notre réseau. Parce que c'est lourd, on va se le dire, c'est lourd être
éducateur ou éducatrice en milieu familial. Il y a beaucoup de règlements, il y
a beaucoup de paperasse. Moi, je pense qu'on peut alléger ça. Il y aura
toujours la question monétaire. Il y a une négociation qui est en cours, et je
ne m'embarquerai pas là-dedans, mais ce que je contrôle, actuellement, c'est la
paperasse qu'on leur impose, puis on a bien l'intention de remédier à ça.
Mme
Sioui (Marie-Michèle) : Puis est-ce qu'à votre avis la crise de la
COVID-19 va avoir été un facteur qui va avoir fait reculer l'égalité entre les
hommes et les femmes?
M. Lacombe : Je pense qu'en
milieu familial il y a beaucoup d'éducatrices qui se posent des questions
actuellement. Je pense que c'est normal parce que ce n'est pas facile. C'est un
travail qui est exigeant en temps normal, puis la crise fait en sorte que c'est
encore plus exigeant parce que ça rajoute beaucoup d'heures de travail. Donc,
je pense qu'il y a des éducatrices qui vont probablement remettre en question
leur choix de carrière.
L'idée, évidemment, c'est de faire en
sorte qu'il y ait toujours plus de places pour nos tout-petits parce que, oui,
quand on offre davantage de places, bien, ça améliore la conciliation
famille-travail puis ça permet à plus de femmes de prendre leur place sur le
marché du travail. On l'a vu, là, je ne referai pas l'histoire, mais avec la
création des CPE en 1997, ça a fait bondir... ça fait exploser le taux
d'emplois chez les femmes. Donc, c'est sûr que, si on recule, ce n'est pas une
bonne nouvelle. L'idée, c'est de continuer d'avancer.
Mme Lajoie (Geneviève) :
...revenir sur ce que vous avez dit sur la FIPEQ. Alors, c'est quand même
important ce que vous avez dit tout à l'heure, vous avez dit qu'ils incitent
des gens à commettre des actes illégaux. C'est bien ça?
M. Lacombe : Ils incitent
leurs membres à facturer les parents pour le service qu'ils n'ont pas reçu. Et
c'est écrit noir sur blanc, dans le décret qu'on a adopté le 6 mai, que
les parents dont les enfants ne fréquentent pas le service jusqu'au retour à la
normale n'ont pas à payer. Donc, pour moi, d'abord, il y a une question de
principe. Avec tout l'argent qu'on a versé aux milieux familiaux, depuis le
début de la crise, ils n'ont pas besoin de cet argent-là pour arriver.
L'ensemble de l'opération fait en sorte qu'à la fin de tout ça elles vont être
gagnantes.
Puis ensuite, il y a l'enjeu légal. Ce n'est
même pas légal de le faire. Donc, c'est sûr que je suis préoccupé de voir un
syndicat qui incite ses membres à commettre un acte illégal. Et je le redis aux
éducatrices : Respectez la loi, n'embarquez pas dans ce jeu du syndicat.
Vous avez reçu assez de sommes pour vous permettre de couvrir ces contributions
parentales là, et, si vous vous faites prendre, ce n'est pas le syndicat qui va
payer l'amende de 1 000 $ à 6 000 $, c'est vous. Donc, moi,
je pense qu'on doit respirer par le nez puis on doit faire les comptes. C'est
avantageux ce qu'on a fait.
M. Laforest (Alain) :
Avez-vous l'intention de les rencontrer?
M. Lacombe : La FIPEQou les
parents?
M. Laforest (Alain) : La
FIPEQ.
M. Lacombe : Bien, la
Fédération des intervenantes en petite enfance du Québec, le problème, c'est
qu'à chaque fois qu'on leur parle ça sort tout croche après. Donc, vous
comprendrez qu'en ce moment je suis un peu refroidi, disons, par leur sortie. Mais
je suis le ministre de la Famille de tous les Québécois, de toutes les Québécoises,
donc c'est sûr que, s'ils souhaitent me rencontrer, on pourra le faire. Mais je
vous dirais qu'actuellement je suis assez fâché puis, je dirais, assez déçu de
voir qu'ils ne sont pas capables d'assumer leur erreur puis que ça se retourne
contre nous. Ça ne peut pas toujours être la faute du gouvernement. À un moment
donné, quand les gens font des erreurs, ils doivent aussi les assumer,
spécialement quand c'est le seul groupe qui a compris ça tout croche. Tout le
monde a compris, sauf eux, mais ce serait la faute du gouvernement? Ça n'a
aucun bon sens.
M. Bovet (Sébastien) : Est-ce
que je comprends que vous menacez les éducatrices de leur imposer des amendes
de 1 000 $ à 6 000 $?
M. Lacombe : Non. Je ne menace
pas les éducatrices de leur imposer une amende. Ce que je leur dis, c'est :
Votre syndicat vous incite à commettre un geste illégal. N'allons pas là,
respirons par le nez. On ne souhaite pas de conflit. On souhaite que ça se
passe bien, notamment pour les parents. En première ligne, là, c'est le parent
qui est au centre de tout ça, entre son éducatrice, entre le syndicat et le gouvernement.
Moi, je pense, là, qu'on doit respirer par le nez, on doit d'abord respecter la
loi puis faire les comptes. Je reviens avec ça : faisons les comptes. Et,
quand je dis que les parents n'auront pas à payer et que le gouvernement va
dédommager les éducatrices, c'est ce qu'on fait depuis le jour 1. Elles
sont gagnantes. Donc, je pense que, quand on regarde ça, là, ça milite pour se
calmer et puis respecter la loi.
M. Bovet (Sébastien) : Il y a
quand même une gradation, là. Vous dites : On part d'un présumé
malentendu. Après ça, vous sortez en point de presse, vous évoquez des amendes
de 1 000 $ à 6 000 $. Comment ça se fait que, si c'est un
simple malentendu, vous n'êtes pas capables de régler ça en coulisses, que vous
avez besoin de venir en conférence de presse pour, finalement, mettre de la
pression sur les éducatrices et, par ricochet, sur leur syndicat?
M. Lacombe : Je voulais régler
ça en coulisses. Vous savez, ce matin, là, ça ne me fait pas plaisir d'être ici...
cet après-midi, ça ne me fait pas plaisir d'être ici en train de vous déballer
tout ça. Je voulais que ça se règle en privé parce que les parents n'ont pas
besoin de ce stress supplémentaire là. Les parents, ils sont pris au centre de
tout ça, ils n'ont pas besoin de tout ça.
J'ai téléphoné à la présidente de la FIPEQ
pour lui exprimer mon étonnement face à tout ça. Je lui ai dit : Vous
savez, Mme Grenon, c'est écrit dans la communication qui vous a été donnée à
telle date, dans une autre à telle date, tous les autres partenaires, vous
pouvez confirmer avec eux, avaient compris, vous êtes les seuls qui n'avez pas
compris, puis là j'entends que vous voulez menacer de facturer les parents. Et
puis ensuite, bien, ils ont eu leur sortie publique. Donc vous comprenez qu'à
ce moment-là moi, je dois répondre parce que je me fais poser des questions. C'est
bien correct. J'aurais voulu que ça se règle en coulisses, mais le syndicat a
décidé de jouer ça sur la place publique pour me mettre de la pression par le
biais des parents.
Mme Lajoie (Geneviève) :
Est-ce que vous êtes au courant s'il y a des éducatrices qui ont posé ce fameux
geste illégal que...
M. Lacombe : Je n'ai pas l'information
pour le moment. Je vous dirais que c'est une autre chose dont je ne vous aurais
pas parlé en temps normal. Par contre, entre l'intention — ça, c'est
quelque chose — puis l'écriture d'une lettre aux parents, sur
laquelle on a mis la main, qui dit : Bien, en raison de la décision du
ministère, on devra vous facturer rétroactivement, il y a une bonne marge.
Donc, c'est sûr que, là, je me sens interpellé puis je me sens une
responsabilité de dire aux parents : Vous n'avez pas à payer pour ça, vous
n'avez pas non plus à vous sentir mal. Et c'est dommage que le syndicat mette
les éducatrices dans cette position-là parce que la relation entre un parent
puis son éducatrice, c'est privilégié, c'est important, puis c'est très dommage
qu'on en arrive là.
M. Bossé (Olivier) : À quel
moment, selon vous, la bonne volonté de la FIPEQ a pris le bord?
M. Lacombe : Je dirais que ça
a toujours été un peu compliqué et difficile avec la FIPEQ. Mais c'est correct.
Je suis ministre de la Famille, je dois conjuguer avec ça. Il faut comprendre
que, pour la FIPEQ, être en conflit avec le gouvernement, présentement, c'est
une bonne affaire parce qu'ils sont en négociation. Vous savez, pour fouetter
les troupes, parfois, pour les motiver, rien de mieux pour un syndicat qu'une
bonne chicane avec le gouvernement. J'ai toujours fait la part des choses, j'ai
toujours mis ça de côté en me disant : C'est le jeu des négociations. Sauf
que là, on est dans un moment où on a une crise.
On a été généreux. Vous savez, les contributions
parentales, on leur a versé 8,35 $ pour chaque enfant chaque jour qu'ils n'étaient
pas présents. On n'était pas obligés de le faire. On l'a même fait davantage
que dans les CPE et les garderies subventionnées, où on a versé seulement 5,75 $
parce qu'on a soustrait le coût des repas, par exemple. En milieu familial, c'était
plus compliqué. On a fait cette concession-là, on a été là, on leur a versé, on
a accédé à presque toutes leurs demandes. Donc, c'est sûr que pour la FIPEQ,
actuellement, bien, c'est un jeu d'entrer en conflit avec le gouvernement. Moi,
je trouve que, quand on prend les parents en otages, ce n'est pas du tout un
jeu.
Le Modérateur
: Une
dernière question.
M. Laforest (Alain) : Ça fait
que la FIPEQ, c'est l'adolescent turbulent du groupe?
M. Lacombe : Bien, je pense
que la FIPEQ a été l'élève distrait pendant le cours, la FIPEQ n'avait pas
compris le calcul, tente maintenant de faire porter le blâme au gouvernement en
se montrant très agressive puis en prenant les parents en otages. Et ça, ce n'est
pas correct parce qu'on leur a versé au total des dizaines de millions de
dollars pour être capables de mener à bien l'opération. Donc, j'appelle tout le
monde à respirer par le nez, à respecter la loi puis à faire les comptes, puis
les éducatrices, leur syndicat en premier lieu va voir qu'à la fin de la
journée elles sont gagnantes.
Mme
Sioui (Marie-Michèle) : Si un parent respecte vos recommandations puis
dit : Bien, moi, je ne paierai pas ce que vous me demandez de payer, puis
il se fait répondre en retour : Vous allez perdre votre place, qu'est-ce
qu'il doit faire, ce parent-là?
M. Lacombe : C'est hypothétique.
Mais, vous savez, je suis d'un naturel optimiste et je pense que, quand les
éducatrices vont comprendre que ce que leur syndicat leur demande, c'est
illégal, elles ne le feront pas. Moi, je pense que la meilleure chose à faire,
c'est de réaliser que le syndicat est en train de faire de la politique sur le
dos des éducatrices en les incitant à commettre un geste qui est illégal. Quand
les éducatrices vont voir ça, moi, je suis persuadé qu'elles vont comprendre le
gros bon sens de la chose, elles vont faire leurs calculs aussi. On pourra les
faire ensemble, les calculs, et on va réaliser que l'opération, elle est
gagnante pour les éducatrices. Donc, je ne pense pas qu'on sera obligés de se
rendre jusqu'à des sanctions. Moi, je pense qu'elles vont comprendre que c'est
le gros bon sens.
Le Modérateur
: Merci
beaucoup. Ceci complète le point de presse.
M. Lacombe : Merci beaucoup.
(Fin à 13 h 16)