(Neuf heures vingt minutes)
Mme Ghazal : Alors, bonjour.
Bonjour, tout le monde. Bien, ce matin, on apprend que le plan vert de la CAQ,
qu'ils devaient présenter avant la pandémie, rate totalement sa cible de
réduction de gaz à effet de serre. Ça, ça augure très, très mal pour le plan
que le ministre Benoit Charette nous dit qu'il va présenter à l'automne.
Le premier ministre nous dit que
l'année 2020 devait être l'année de l'environnement. Moi, je pense que
c'est raté, c'est-à-dire que le ministre Benoit Charette m'inquiète énormément
par rapport à ses objectifs, par rapport au plan qu'il va déposer à l'automne.
Et je vous le dis, là, j'ai vraiment perdu espoir. Ça fait quelques semaines,
là, qu'on travaille en commission parlementaire, je le vois aller, et ce que je
vois, c'est vraiment un ministre qui s'intéresse peu à l'environnement, même à la
lutte aux changements climatiques, qui manque d'ambition, qui est passif, comme
son gouvernement qui est climatopassif. Et, en plus de ça, on l'apprenait
récemment, c'est un ministre qui est au service des promoteurs. C'est ça son
objectif, c'est ce qu'il a demandé à son sous-ministre de dire à son ministère.
Donc, moi, je trouve ça très, très
inquiétant. Et, en plus, preuve de plus, il n'a pas l'air à s'être vraiment,
vraiment battu ou même intéressé de faire partie du groupe que le gouvernement
a mis en place pour relancer l'économie, parce que, malgré le discours, il nous
dit qu'il ne faut jamais opposer environnement et économie, bien, dans les
actions, ce gouvernement-là fait exactement ça, opposer environnement et
économie, et le fait qu'il ne fasse pas partie de ce groupe-là le prouve.
Le seul grelot, là, qu'on voit dans son
plan, c'est les 1,5 million de voitures électriques qui vont apparaître en
2030. Comment elles vont apparaître? Qu'est-ce qu'il va mettre en place pour
que ça arrive, qu'on arrive à atteindre cette cible-là? Rien. Comme si ça apparaissait,
pouf, comme ça, tout d'un coup, en 2030, il va y avoir 1,5 million, alors qu'il
n'y a rien pour le prouver. Il y a eu même M. Pineau qui disait :
C'est des milliards de dollars. Est-ce que c'est prévu cet argent-là ou pas?
J'ai l'impression que c'est un ministre... en fait, c'est totalement
irréaliste, ce qu'il nous présente, ce qu'il nous dit puis ses objectifs.
Vous savez, on est dans une crise, la
crise de la COVID, qui est extrêmement éprouvante pour les gens, extrêmement
épouvante partout à travers le monde, et, particulièrement au Québec, on y a
vraiment goûté. Mais souvent, les crises, comme si on regarde dans l'Histoire,
ce sont des moments où il y a des opportunités qu'on peut saisir. Et, en ce
moment, quand on regarde tout ce qui se dit à travers le monde, il y a des gens
qui disent qu'il faut résister au «business as usual», il faut résister à une
économie comme avant, il faut résister de reléguer la lutte aux changements
climatiques au second plan.
C'est exactement le contraire qu'il faut
faire en pleine crise, crise de la pandémie, mais aussi crise économique. Il
faut, au contraire, investir dans une relance économique verte, et d'ailleurs
l'Union européenne, c'est ce qu'elle a dit, c'est ce qu'ils ont décidé de
faire, les pays membres. Il y a même des investisseurs, des banquiers, qui
disent aux États : Il faut... c'est le moment d'investir pour une économie
verte parce qu'on ne peut pas se permettre de vivre... d'avoir toutes les
conséquences d'une crise climatique, parce qu'il y a aussi urgence.
Et moi, je trouve que le Québec a tout ce
qu'il faut pour ne pas rater cette opportunité-là. On a une énergie propre, on
a un consensus social, ce qui n'existe pas ailleurs. Les patronats, les
syndicats et les groupes écologistes, ils se sont mis ensemble rapidement pour
dire : Voilà les pans de notre économie où on doit faire des changements
importants, et il faut les faire maintenant, ne pas attendre en 2030.
M. Chouinard (Tommy) : Le
ministre dit qu'il y croit tellement, à cette cible de 37,5 %, qu'il a
décidé de l'inscrire dans son projet de loi. Il dit qu'on va y arriver puis on
va prendre les mesures pour y arriver. Est-ce que vous trouvez... Compte tenu
de ce qu'on dit du plan, trouvez-vous qu'il y a là contradiction?
Mme Ghazal : Écoutez, moi,
depuis que j'entends le ministre puis que j'étudie le projet de loi n° 44 — puis
oui, il l'a mis, le 37,5 %, en fait, pour le solidifier, c'est-à-dire dire
qu'on ne peut pas aller en bas de ça — il y a énormément
d'incohérences, énormément d'incohérences dans tout ce qu'il propose. Il
dit : Il faut qu'on atteigne cette cible-là, lointaine, en 2030. Très
bien.
Maintenant, on ne peut pas juste avoir une
cible lointaine puis, après ça, faire des actions qui vont exactement à
l'encontre. Il faut, par exemple... un exemple très précis que j'ai amené en
commission, c'est toute la question des cibles sectorielles ou budget carbone.
Pour lui, ça peut être la même chose, c'est-à-dire c'est comme un budget
financier. On ne peut pas dire : D'ici 2030, on va réduire les coûts de
37,5 % puis on ne fera pas de budget, on va essayer d'y arriver en faisant
des actions parcellaires à gauche et à droite. Mais il faut qu'on soit sérieux,
et ce ministre-là n'est pas sérieux quand il parle de l'environnement et de
l'atteinte des cibles.
Même s'il l'a mis, il ne faut pas juste
croire sur parole. J'essaie d'amener... pourquoi on ne met pas... pourquoi il
n'accepte pas l'amendement, et je vais le ramener, d'avoir des cibles
sectorielles, d'avoir un budget carbone, pour que chaque ministère, chaque
organisme public, toutes les actions qui soient faites, bien, qu'ils aient un
plafond d'émissions qu'ils peuvent émettre. Un peu comme des dollars, ils ne peuvent
pas émettre plus que tant d'argent... c'est-à-dire, dépenser tant d'argent, et
d'autres vont en dépenser plus. Au net, il faut arriver à atteindre le
37,5 %, et moi, le 37,5 %, ce n'est même pas suffisant. Je veux dire,
on a tout ce qu'il faut pour avoir des cibles plus ambitieuses, et cette
discussion-là, je continue à... avoir avec le gouvernement.
Un autre amendement que j'ai apporté,
c'est de faire une analyse de risques climatiques, c'est-à-dire que chaque
action, chaque décision, chaque règlement, chaque projet de loi, de l'analyser,
juste de l'analyser, de dire quel impact ça a sur cette cible-là, quel
impact ça a sur la lutte aux changements climatiques, pour s'assurer qu'on
n'annule pas d'une main ce qu'on fait de l'autre main. Il l'a refusé. Ce n'est
pas sérieux, ça manque de cohérence.
Le Modérateur
: D'autres
questions? On a encore quatre minutes.
M. Bergeron (Patrice) : On
vous regarde aller, là, mais c'est parce qu'on dirait que vous n'avancez pas
dans ce projet de loi là, là. Il y a 77 articles plus tous les alinéas,
puis tout le monde utilise son temps de parole au maximum, puis on est rendus à
combien d'articles, là, jusqu'à maintenant? Pour la population, on ne peut pas
dire que les parlementaires sont très efficaces dans l'étude d'un projet de
loi, actuellement, là.
Mme Ghazal : Moi, c'est ma
troisième commission parlementaire, et je vous assure qu'on n'utilise pas tout
notre temps. Il faudrait faire un calcul, c'est arrivé plein de fois qu'on ne
l'utilise pas. Il ne faut pas rentrer dans le discours du ministre. En fait, ce
n'est pas vrai, parce que, quand on amène des amendements... il ne faut pas
regarder à quel article on est rendus puis combien d'heures on a passées.
Chaque amendement que j'apporte n'est pas
superflu. Je suis très contente que vous suiviez la commission, parce que c'est
un projet de loi très important, qui va durer très longtemps dans le temps et
qui va... une, si on veut, des pièces du puzzle pour nous permettre d'atteindre
nos cibles et nos engagements internationaux en matière de lutte aux
changements climatiques. Et vous écouterez ce qu'on amène, il n'y a pas une
seule fois où les discussions qu'on a avec le ministre sont superflues ou
inutiles, et lui-même le reconnaît à plusieurs reprises. Il a dit: C'est vrai
que c'est pertinent, mais je ne l'accepte pas ici, l'analyse d'impact
climatique, le budget carbone. J'ai amené de mettre l'urgence climatique, et il
a accepté de le faire, de... J'ai aussi amené un amendement qu'il a accepté.
Moi-même, mes collègues, on... pour vrai,
vous comparez aux autres, on avance dans les discussions, dans les éléments
qu'on apporte. Il n'y a pas d'obstruction. Ce n'est pas un calcul mathématique,
combien d'heures, combien de temps on est rendu. Et le ministre, il faut qu'il
ait une ouverture. Quand il a une ouverture, parce que c'est un petit peu
changeant, ah, on peut avancer. Il y a des discussions qu'on a, et c'est
très, très profitable pour les gens qui écoutent et qui suivent la commission.
Mais, des fois, il y a une fermeture complète, totale, puis nous, on essaie de
naviguer là-dedans. Mais il n'y a pas une seule fois...
L'objectif, ce n'est pas de faire
l'obstruction. Si vous suivez, vous verrez qu'on fait avancer les discussions,
on fait avancer les éléments qu'on essaie d'amener. Moi, je l'ai étudié, ce...
Je suis ici, c'est l'été, et je suis ici, et je prends très au sérieux le
travail que je fais. Et j'ai encore espoir de sauver Transition énergétique
Québec. J'ai encore espoir, même si je vous ai dit tout à l'heure que j'ai
perdu espoir. Mais on n'a pas le choix, il faut qu'on continue à travailler. Et
ce discours-là mensonger du ministre, de dire qu'on fait de l'obstruction, ce
n'est pas vrai. Les faits... si on regarde, tout est enregistré, ce n'est pas
vrai.
M. Bergeron (Patrice) :
Est-ce que vous êtes prêts à siéger tout l'été, justement, pour le faire
avancer, ce projet de loi là?
Mme Ghazal : Moi, mon
objectif, comme je vous le dis, ce n'est pas de gérer un calendrier, de savoir
quand est-ce qu'on... à quel article on est rendus. Moi, mon objectif, quand le
gouvernement nous appelle, c'est d'être ici puis de travailler sur ce projet de
loi pour le faire avancer, pour... c'est-à-dire pour le changer surtout. C'est
surtout ça. Ce n'est pas juste pour le faire adopter, faire adopter n'importe
quoi. Donc, le ministre nous a appelés cette semaine, j'ai répondu présente.
Le Modérateur
: Une
dernière pour Tommy.
M. Chouinard (Tommy) :
Quelles mesures concrètes supplémentaires... Donnez-moi des exemples de mesures
concrètes supplémentaires que le plan vert du gouvernement devrait comprendre
aussi.
Mme Ghazal : Bien, par
exemple, quand on parle de l'électrification des transports, ça, c'est un pan,
mais il y a aussi toute la question du transport actif, du transport en commun,
les investissements. Il faut faire... On a un retard, il y a un rattrapage à
faire, donc des investissements en transport en commun massifs. Il ne faut pas
qu'il y ait aucun... c'est-à-dire qu'il faudrait que, dans le plan, on dise:
Les énergies fossiles, c'est fini. On ne peut pas dire : On va électrifier
d'un côté et continuer à utiliser du gaz et du pétrole comme, par exemple, le
projet GNL Québec. Plus aucune énergie fossile, plus aucun hydrocarbure. Juste
ça, juste dire ça, comme d'autres pays ont décidé de le faire, c'est déjà un
pas que le gouvernement ne veut même pas avancer là-dedans.
Il y a aussi toute la question des
circuits courts en agriculture. On parle beaucoup de l'alimentation, de la
sécurité alimentaire, de vraiment encourager les petits producteurs, c'est-à-dire
agricoles, les petits agriculteurs qui nourrissent les Québécois. Quand on
parle d'achat local, il ne faut pas que ça soit juste un site, là, qu'on lance
comme ça pour faire des communications. Bien, il faut se donner aussi les
moyens de cet achat local. Il faut que le gouvernement commence par donner l'exemple
en achetant lui-même localement, en ayant toute sa flotte de véhicules qui soit
électrique, le transport des marchandises, les bâtiments, faire des rénovations
des bâtiments, par exemple, des logements sociaux et écoénergétiques. Ça aussi,
ça crée de l'emploi, ça aussi, c'est des investissements et, ça aussi, règle un
problème de logement.
Donc, des exemples, il y en a plein. Il y
a eu le groupe des 15, qui sont sortis très, très rapidement au moment de la crise
et qui ont dressé une liste. Il y a le pacte, il y a beaucoup, beaucoup,
beaucoup de matériel. Il faut que le gouvernement s'en serve, et qu'il ne reste
pas uniquement dans les discours, et qu'il reste avec un plan qui va nous
amener à rater notre cible, tout simplement, de faire comme l'ancien gouvernement.
Le Modérateur
: Merci beaucoup.
(Fin à 9 h 32)