(Treize heures vingt-neuf minutes)
Mme
Hivon
:
Bonjour, tout le monde. Alors, j'espère que vous avez passé un bel été. Alors,
depuis la semaine dernière, on voit le ministre de l'Éducation en mode
rattrapage, donc il est très actif sur le mode rattrapage, mais je pense qu'il
a beau patiner très fort, il va falloir qu'il rajoute de l'intensité s'il veut
parcourir toute la distance qui s'impose si on veut ne pas échapper personne
puis faire en sorte que tous les élèves du Québec puissent avoir l'éducation à
laquelle ils ont droit et les services auxquels ils ont droit.
Alors, il y a évidemment quelques aspects
positifs à l'annonce de ce matin. Le premier aspect positif, c'est simplement
qu'il y a eu une annonce ce matin. Alors, comme vous savez, ça fait maintenant
depuis le mois d'avril qu'on demandait avec insistance au ministre de
l'Éducation un plan de match de soutien pédagogique, de rattrapage, pour savoir
comment on allait réussir à combler les écarts, à combler les difficultés qui
vont s'être aggravées et tout ce qui a pu se vivre de difficile, là, chez les
élèves depuis l'arrêt de la fréquentation scolaire pour tous les élèves du
secondaire et une grande part des élèves du primaire. Alors, pour nous, c'est
évidemment inconcevable que ce soit à une semaine de la rentrée qu'on ait
finalement un début de plan de match. Mais mieux vaut tard que jamais. Alors,
c'est pour ça que je dis que le premier élément positif en soit, dans
l'annonce, c'est qu'il y ait eu une annonce.
L'autre chose qui est positive, bien, c'est
de voir que le ministre reconnaît qu'il va y avoir des besoins supplémentaires
et qu'on va essayer de trouver des moyens pour arriver à répondre à ces
besoins-là. Du point de vue positif, de donner de la marge de manoeuvre aux
écoles, de faire en sorte que les équipes-écoles vont avoir de la flexibilité,
vont pouvoir décider de comment adapter les choses le mieux possible à leur
réalité, ça, c'est positif. Puis l'autre chose qui est positive, évidemment,
c'est de revoir, là, les règles administratives pour permettre une entrée, là,
très, très rapide des professionnels dans l'offre de services et non pas, là,
dans les contraintes administratives.
Donc ça, c'est des choses positives. Mais
je dois vous dire que, selon nous, il y a juste, là, la moitié du chemin — et
même — qui a été faite. Parce que 20 millions $, ça paraît
très peu quand on tient compte de tous les besoins qui sont en place.
Évidemment, vous avez entendu qu'en Ontario c'est 300 millions $ qui
a été dégagé pour faciliter la rentrée et s'adapter à la réalité de la COVID,
dont 80 millions $ juste pour des embauches. Alors,
20 millions $, ça semble peu. On se demande comment ils sont arrivés
à ce chiffre-là de 20 millions $, à partir de quels besoins. Quel
tour d'horizon ils ont fait des besoins qui étaient en place, des élèves qui auraient
besoin de rattrapage — ça, c'est à peu près tous les élèves — de
ceux qui auraient des difficultés particulières — c'est un grand
nombre d'élèves — des élèves qui n'en avaient pas avant, mais qui en
ont maintenant compte tenu du fait qu'ils n'ont pas eu de fréquentation
scolaire assidue? Donc, d'où sort ce chiffre de 20 millions $? Est-ce
qu'il sort d'un chapeau ou est-ce qu'il est appuyé sur des besoins réels… qui a
été fait, un tour d'horizon concret? Donc, on aimerait ça savoir sur quelles
données ce chiffre-là s'appuie.
L'autre chose qui nous apparaît très
énigmatique, c'est… On sait qu'il y a déjà une pénurie. On se serait attendus
aujourd'hui que le ministre arrive avec des moyens concrets, pas juste un
chiffre, mais des moyens, de dire par exemple : Comme dans le milieu de la
santé, on va faire un appel du pied pour que des enseignants, des spécialistes
retraités, des gens qui sont dans le privé, des étudiants en enseignement ou
dans les services spécialisés d'orthopédagogie, d'orthophonie soient au
rendez-vous, lèvent la main, quitte à créer des incitatifs financiers pour les
amener.
Donc, on aurait pu penser que oui,
20 millions $, mais qu'on allait s'asseoir pour voir est-ce qu'il y a
des primes qui peuvent être offertes, est-ce qu'on peut payer du temps
supplémentaire. Donc, il n'y a rien de tout ça qui a été annoncé sinon qu'un
chiffre général. Donc, le défi demeure très grand.
Je lisais encore, juste avant de venir
vous voir, que, juste dans la commission scolaire Marie-Victorin, c'est 65 enseignants
qui ont pris leur retraite de manière anticipée, donc pas juste tous les
départs à la retraite, mais 65 qui ont décidé de le faire plus rapidement. Puis
on sait que c'est un phénomène qui va en s'accentuant. Comment on aurait pu
faire pour retenir ces gens-là? Comment on aurait pu faire pour créer plus
d'attractivité? Donc, ça, c'est une question qui demeure très importante.
L'autre élément, pour nous, c'est que le
560 000 heures de plus, on le salue du fait, là, du relâchement des
mesures administratives à la rentrée. Mais, quand on tient compte qu'il y a
plus de 2 300 écoles primaires, secondaires, ça veut dire à peu près
200 heures par école pour des dizaines et des dizaines d'enfants qui vont
avoir des besoins, donc ça semble quand même très peu. On ne peut pas prendre
ça, là, comme... agiter ça comme un hochet puis penser que tout va bien aller.
Alors, on s'attend à ce que le ministre soit en mode réactif et qu'il trouve
des moyens très concrets pour combler et s'assurer que tous les élèves qui ont
des besoins vont avoir des réponses.
Je vous donne un exemple. Plusieurs élèves
qui ont des plans d'intervention, donc des élèves qui ont des diagnostics, qui
ont des difficultés, à l'heure actuelle, déjà, avant la pandémie, n'avaient pas
de soutien pédagogique adéquat, souvent n'avaient pas de ressources
spécialisées qui les accompagnaient. Donc, qu'est-ce qu'on va faire maintenant,
quand les besoins ont explosé, avec ce qui nous a été annoncé aujourd'hui?
Puis un petit mot en terminant sur
l'aspect de l'annonce de ce matin, sur la campagne d'information. Donc, nous,
on est tout à fait pour le fait de sensibiliser tous les acteurs du milieu, les
élèves, leurs parents sur l'importance de l'éducation et la valorisation de
l'éducation, mais je dois vous dire qu'on se questionne sur le sens du message
qui a été envoyé, qui ne s'adresse en fait qu'aux parents. Et je pense que,
quand on veut motiver des jeunes de 16 ans de retourner à l'école, de
retourner à la formation professionnelle, de retourner, les plus vieux, à la
formation aux adultes, ça prend des messages percutants qui vont les rejoindre
eux directement, comme on l'a vu, par exemple, pour le port du masque, quand on
a fait sortir, là, des gens de la jeune génération pour parler aux jeunes. Je
suis surprise qu'on se limite à ce volet-là, qu'on n'ait pas annoncé une
campagne sur les médias sociaux, si c'est ce qu'on veut faire, mais surtout des
démarches ciblées, un à un, en ayant des intervenants qui vont pouvoir appeler
les jeunes puis dire : On a besoin de toi, tu dois revenir, tu étais dans
un bon parcours. Ça, c'est vraiment important, puis de maximiser les
partenariats avec les organismes du terrain pour pouvoir s'assurer qu'on va
contrer le décrochage qui s'annonce, là, un risque réel.
Donc, c'est ce que je voulais vous dire
sur l'annonce de ce matin. On continue à se demander, évidemment, pourquoi
c'est venu si tard, mais on comprend que le ministre a dû faire du rattrapage,
là, en troisième vitesse.
L'autre chose dont je voulais vous parler,
on va avoir la chance d'y revenir à l'étude des crédits qui commence tantôt,
mais, en lien avec le plan qui a été annoncé, là, plus sanitaire, la semaine
dernière... je ne m'attarderai pas à nouveau là-dessus, mais il y a un élément
en lien avec la pédagogie pour l'enseignement à distance, évidemment, toutes
les tablettes et les ordinateurs. Donc, le ministre n'arrête pas de nous
répéter que, finalement, il a vu la lumière et qu'il a commandé les ordinateurs
et les tablettes. Donc, on est très heureux de ça. Mais le hic, c'est qu'il ne
semble pas avoir dégagé de budget pour pouvoir avoir des ressources qui vont
s'assurer que ces ordinateurs-là et ces tablettes-là sont configurés en temps
utile pour les élèves. Donc, on n'a rien vu passer. Et c'est bien beau, mais on
ne voudrait pas qu'il arrive la même chose qu'avec les tableaux blancs
interactifs. On avait des milliers de tableaux blancs interactifs, mais qui
dormaient dans des boîtes faute d'avoir des techniciens puis de la technologie
pour pouvoir activer les choses. Donc, ça, c'est un risque qu'on voit.
Et finalement, sur un dossier, là, qui a
ressorti ce matin, les frais pour les services sur l'heure du dîner dans les
écoles, qui, finalement, ne seront toujours pas balisés pour la rentrée, je
dois vous dire qu'on est plutôt estomaqués. Alors que le ministre avait promis
que c'était quelque chose qui serait réglé pour l'automne, qu'il y a eu
carrément un règlement qui a été déposé au printemps là-dessus et que, là, on
nous dit simplement, sans autre explication, que ça ne pourra pas être en
vigueur parce qu'il y a d'autres priorités, parce que c'est la COVID, je trouve
que c'est un signal un peu particulier à envoyer. Surtout qu'on a quelque chose
dans notre tête qui nous dit : Est-ce que ces frais-là pourraient même
être augmentés? Parce qu'avec la COVID on sait que ça va être plus difficile.
Il va falloir avoir plus de surveillants, des plus petits groupes sur l'heure
du dîner. Donc, est-ce que ça veut dire que non seulement ils pourraient ne pas
être encadrés et plafonnés, mais ils pourraient même être augmentés, puisque le
ministre nous dit aujourd'hui qu'il n'agira pas sur ce front-là, contrairement
à ce qu'il avait annoncé, d'ici 2021?
Alors, voilà ce que j'avais à vous dire
aujourd'hui.
Mme Gamache (Valérie) :
Quand vous dites : 20 millions, ce n'est pas suffisant, peut-être
regarder ce qui s'est fait en Ontario, selon vous, ça aurait pris combien
d'argent pour vraiment venir en aide aux élèves du Québec?
Mme
Hivon
:
Bien, moi, je ne peux pas vous dire le chiffre. Je ne peux pas vous dire le
chiffre, mais ce que je peux vous dire, c'est qu'on n'a aucune donnée solide
pour nous dire pourquoi c'est 20 millions. Est-ce qu'on a fait des
extrapolations? Est-ce qu'on a dit : On avait tant de besoins, avant; là,
on évalue que ça va être ces besoins-là fois deux? Est-ce que les écoles ont
fait un tour d'horizon? Est-ce qu'on a demandé aux centres de service? On n'a
aucune idée. Donc, c'est 20 millions qui est comme tiré d'un chapeau.
Puis moi, quand je vois que le ministre
nous dit : Bien, c'est 350 ressources professionnelles de plus, c'est
très peu, ça. Parce que l'année dernière, on n'était pas en COVID, puis on en a
eu 700, ressources, puis on était loin du compte. Là, ce qu'il nous
annonce aujourd'hui, c'est qu'il va y en avoir 350. 350, quand il y a plus de
2 000 écoles primaires et secondaires puis que les besoins vont avoir
augmenté, moi, ça me laisse vraiment sur mon appétit.
Mais, ce que j'ai envie de lui dire, c'est,
comme en santé : Est-ce qu'on peut avoir les bases solides, factuelles? Sur
quelle science vous vous appuyez pour dire que 20 millions, ça va être un
chiffre qui va être correct? On dirait plutôt qu'on lui a accordé
20 millions et que lui, il dit : Bon, je vais faire ce que je peux
avec 20 millions. 20 millions, c'est mieux que rien, c'est évident.
Moi, je voudrais savoir qu'est-ce qu'on va être capable de faire avec ce
20 millions-là, à quelle proportion de besoins on va être capable de
répondre. Puis, je n'ai pas vu du tout les bases sur lesquelles on s'est fié
pour arriver à ce chiffre-là.
La Modératrice
: En
anglais.
Mme
Hivon
: Yes. OK.
Mme Fletcher
(Raquel) : Do you want to...
Mme
Hivon
: I can just have a very short opening statement. What we have been
seeing since last week, from the Minister of Education, is a minister that is
running behind and trying to catch up. Because we have seen, you know, all the
criticism, since last spring, because he was not proactive, showing enough
leadership. And we have been asking again and again, since last April, to see
the plan that finally, today, we saw the beginning of. We were asking, you
know, what will be done for children, for students to be able to catch up, and
nothing was ever announced. And, last week, it was all about sanitary measures,
and finally, today, we see something. So, it's a good first move. The good
first good news in what was announced today is in fact that there was an
announcement, finally, after months and months of being asked about it. But to
see this one week before teachers and children are going back to school is
really late, to say the least.
And we are really worried
about once... about, first, why 20 millions. On what basis is this
20 millions decided? When we compared to Ontario, it seems a very, very, very low amount. Second, we are wondering
what is the strategy to be able to attract, you know, new teachers, tutors,
specialists. Are we going to,
you know, knock at the door of retired teachers, of retired specialists? Today,
I was seeing that, just in one service center, there are more than 60 teachers
who are leaving prematurely, not just leaving for the retirement, but
prematurely. So, why weren't we able to keep them, you know, for such an
important year and to give them, you know, incentives to stay? This is what is
really concerning. Where is the plan, you know, to make sure we can have those
people?
Also, we are wondering
about, you know, those... There are good news, like the fact that the
specialists will be able to treat with children right away, in September,
instead of having administrative functions. But, at the same time, it's not
that much time, you know, when
we consider that it's about 200 hours per school, when there are tens and tens
of students who need more help.
And another point is, for
us, that the information campaign which is supposed to attract kids and, you
know, teenagers to go back to school, we are really wondering if it's aimed at
the right target, because it's talking to parents, really, and it's not talking
to students themselves. And what is the plan? Will it be on social medias? But
also is there money to be able to have resources to call them, to bring them
back to school, you know?
So, we are a little
perplex about this decision and we're wondering how much money is put into
this, which we are not sure is aiming at the right target, versus really going
to get those teenagers and bring them back to school.
Mme Fletcher
(Raquel) : ...there is a lawyer, in Montréal, who is going to file a lawsuit
against the Government to give
parents the choice. He says parents should have the choice to send their kids
to school in person, or they should be allowed to do distance learning. Do you
think that that is a choice that parents should have?
Mme
Hivon
: Well, I think that the choice is there for children who have a
health issue or who have close ones who have a health issue. So, I feel that
this needs to be really… it has to be implemented properly. So, I want to make
sure that those children won't be penalized because they stay at home because
of their health risks or because their close ones have health risks. But, as
far as the lawsuit... case, I will let that go.
Mme Fletcher (Raquel) : Do you have concerns about the quality of distance learning for
the…
Mme
Hivon
: Yes, I do. I do. It's always the same thing. We hear the Minister
saying, you know: It's going to be perfect, and we have those objectives, and
it's going to work, you know, perfectly. We saw that with health also, you know?
It was supposed to be so wonderful, but then, on the field, it wasn't going
really well. And we don't feel that we have the level of details and
involvement of the Minister to make sure that it will work.
Just the example I was
giving, in French, about the computers and the iPads. You know, it's really
good to have them, but when will they be ready? Is there money to make sure
that technology… technicians will be able to look at that?
So, it's difficult to see.
And also the human resources is still a real issue too, to hire new people but
also to make sure that there will be enough teachers to teach children who are
at home. This is why we don't understand why they are not appealing, asking
retired teachers to come back and give them incentives to do so, because, you
know, we will need those people to do this online teaching.
Mme Senay
(Cathy) : Égide Royer, when I asked him the question: Do you know what's the impact of
children not being able to go to school for months, what type of effect does
that create?, he doesn't know. We don't know the phenomenon yet. So, that's the
key to know what we are facing. So, would you see the resources, the measures,
today, as a first step, and we have to revaluate what it is afterwards?
Mme
Hivon
: Well, it's a first step for sure, and we will welcome every step
that the Minister can do, because
he was, you know, on neutral for so many months, that, you know... He's
starting to cycle again, so it's good. But, this is where my «inconfort» comes
from. 20 million. O.K., 20
million based on what needs, you know? What assessment has been done? Will
there be needs for every child? Because every student didn't have what they're
used to have. This would be... but I'm not an expert, this would be what I
believe. You know, if you have all your secondary level students not go to
school from March to September, there must be, you know, some catching up to
do.
And the irony is that the
Minister keeps saying how important it is to go back,
physically, to school. And I agree with that. Well, if it's so important to go
back, physically, to school, it means that not going to school for many months
has consequences. So, what are they? It's a very good question you're asking.
We don't hear about that. How come we're not able to measure the needs and how
we're going to go about them? Merci.
La Modératrice
: Merci
beaucoup.
(Fin à 13 h 47)