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Point de presse de M. Gabriel Nadeau-Dubois, leader parlementaire du deuxième groupe d’opposition

Version finale

Le vendredi 21 août 2020, 9 h

Hall principal de l'hôtel du Parlement, hôtel du Parlement

(Neuf heures deux minutes)

M. Nadeau-Dubois : Merci. Bonjour. J'étais censé, ce matin, venir vous parler de Marguerite Blais et du sort des aînés au Québec. Je vais finalement vous parler d'un autre sujet puisque je vais avoir l'occasion de parler avec Mme Blais, dans quelques instants, au salon rouge, dans le cadre de l'étude des crédits.

Je change de sujet parce qu'hier, en commission parlementaire, le ministre Pierre Fitzgibbon a laissé tomber une véritable bombe, et le mot est faible. J'aimerais d'abord vous rappeler les propos qu'a tenus le ministre Fitzgibbon hier en commission parlementaire : «Le jour où on peut se rendre confortables de donner accès à nos données de santé aux compagnies pharmas, qui vont venir dans les hôpitaux universitaires qui sont très performants, puis on a MILA, à côté, qui fait de l'algorithme, ou Imagia, c'est winner.»

Alors, la stratégie du gouvernement, bien, c'est carrément de vouloir attirer les pharmas, quelques pharmas, de venir jouer dans nos platebandes et profiter de çaé Puis je pense qu'on a une chance... Ça, ce n'est pas l'invention d'un internaute un peu délirant, là. C'est les propos du ministre de l'Économie. Il ne dit pas que c'est son opinion personnelle. Il nous dit que c'est — et je cite — la stratégie du gouvernement.

Ces propos-là donnent la chair de poule. C'est un délire de businessman déconnecté. Je ne vois pas comment un ministre de l'Économie, en 2020, peut lancer une telle idée avec autant de désinvolture. En ce moment, il y a des Québécois, Québécoises qui ont peur pour leurs données personnelles, qui se sont fait voler leurs données personnelles parce qu'ils sont clients de Desjardins. Et là ils entendent que le ministre de l'Économie veut donner accès aux données de la RAMQ aux grandes entreprises pharmaceutiques. C'est du délire. Ça donne la chair de poule. Et le pire, c'est que ce n'est pas une élucubration du ministre de l'Économie. Ce n'est pas une idée en l'air. C'est un réel projet qui est déjà en marche.

D'ailleurs, hier, Québec solidaire a retrouvé un mandat de lobbyisme qui est actif depuis le mois d'avril dernier. Une grande multinationale, General Electric, qui a une filière, hein, dans le domaine de la santé puis de l'intelligence artificielle, a embauché 17 lobbyistes pour venir convaincre le gouvernement du Québec de faire exactement ce que veut faire le ministre Fitzgibbon. Je vous lis l'extrait de ce mandat de lobbyisme, un extrait, bien sûr : «Les mesures suggérées incluent également l'utilisation et le partage des données afin d'accélérer l'innovation et le développement d'algorithmes d'intelligence artificielle pour le Québec.» Et, dans les institutions visées par ce mandat, il y a Investissement Québec, le ministère de l'Économie et de l'Innovation et le ministère de la Santé et des Services sociaux.

Alors, de toute évidence, il y a un dossier sur le bureau du ministre. Ce dossier-là, c'est de donner accès aux données de la RAMQ aux grandes multinationales pharmaceutiques.

Au même moment, au moment où Vincent Marissal questionnait le ministre Fitzgibbon sur ses propos absolument délirants, Sol Zanetti posait les mêmes questions au ministre de la Santé, M. Dubé. Et ce qui est intéressant, c'est que la réponse de M. Dubé a été très différente de celle de M. Fitzgibbon. À la même question, c'est-à-dire : Est-ce que le gouvernement du Québec est en réflexion pour transmettre les données de la RAMQ pour attirer des investissements des pharmaceutiques?, à cette même question, le ministre de la Santé, M. Dubé, a dit non.

Donc là, on a deux versions ici, une version du ministre de l'Économie, qui dit que c'est la stratégie du gouvernement, ce sont ses mots, et la version du ministre de la Santé, qui, lui, s'est voulu très rassurant en disant que, non, non, non, ce n'est pas dans les plans.

Dans une situation comme celle-là, je pense que le réflexe normal, c'est de se tourner vers le premier ministre. C'est au premier ministre du Québec à intervenir, à clarifier la situation et à trancher la question. Il doit répondre à cette question très simple. Est-ce que son gouvernement a comme projet de transmettre les données personnelles médicales des Québécois aux entreprises pharmaceutiques, oui ou non? François Legault doit donner des réponses aux Québécois et aux Québécoises. Et il doit surtout demander à Pierre Fitzgibbon de prendre le dossier sur son bureau, qui parle de transmettre les données des Québécois aux «Big Pharma», puis fermer ce dossier-là au plus vite.

M. Larin (Vincent) : Ça fait deux fois cette semaine que le ministre Fitzgibbon contredit ou se fait contredire par un autre intervenant sur le même sujet dans une autre étude de crédits. Est-ce que vous considérez que la CAQ a un agenda caché et que M. Fitzgibbon est en train de le dévoiler un peu?

M. Nadeau-Dubois : En fait, c'est exactement le contraire d'un agenda caché ou d'un complot parce que c'est très transparent. M. Fitzgibbon le dit ouvertement, je vais vous le citer : «C'est la stratégie du gouvernement de vouloir attirer les pharmas de venir jouer dans nos platebandes et profiter de ça.» Donc, un complot, c'est caché, un agenda caché, c'est caché. M. Fitzgibbon, il ne se cache pas. Il s'assume. Il pense que donner les données médicales des Québécois aux «Big Pharma», c'est une bonne idée.

M. Larin (Vincent) : Mais les autres intervenants, eux, ne le disent pas?

M. Nadeau-Dubois : Bien, est-ce qu'ils sont même au courant? La question se pose. Moi, hier, j'ai questionné le ministre de la Justice, qui est tout récemment ministre responsable de l'Accès à l'information au gouvernement du Québec, durant les crédits. Vous irez regarder l'échange. J'ai demandé à Simon Jolin-Barrette : Comme ministre responsable de la protection des données personnelles, êtes-vous au courant de cette stratégie du gouvernement? Il a refusé de répondre à ma question, prétextant que son serment au Conseil des ministres l'empêchait de répondre. Moi, l'impression que j'ai eue, c'est qu'il en a entendu parler en même temps que nous.

M. Laforest (Alain) :

M. Nadeau-Dubois : Est-ce que c'est un ballon politique? Est-ce que c'est un dérapage? Moi, je regarde les propos du ministre Fitzgibbon. Je regarde le mandat de lobbyisme. Et je regarde les propos du ministre qui, à deux reprises, hier, dans deux entrevues, aurait eu l'occasion de se corriger et de dire : Non, non, non, ne vous inquiétez pas, ce n'est pas dans notre intention. Le ministre a eu l'occasion de rassurer les gens. Il n'a pas saisi l'occasion. Il s'est assumé et il a dit : On va le faire. Lorsque Vincent Marissal l'a requestionné en après-midi, il a même dit, et je le cite : «On va le faire dans trois ans ou dans trois jours.» C'est les mots du ministre, ça. Donc, ce n'est pas un ballon. Il y a un dossier sur son bureau. Puis ce qu'on demande au premier ministre François Legault, c'est d'ordonner à son ministre de l'Économie de fermer ce dossier-là.

M. Laforest (Alain) : Vous savez très bien comment ça fonctionne. Un ministre dit une chose… Le ministre de la Santé, vous l'avez dit, l'a contredit, a dit non, a même dit : Si ça arrive, c'est le ministère de la Santé qui va contrôler la gestion des données. Là, en faisant de la sorte et en testant vos sorties, en voyant la réaction du premier ministre, on va voir comment l'opinion publique va réagir dans les prochains jours.

M. Nadeau-Dubois : Oui. Bien, c'est sûr que, tu sais, on peut faire plein d'hypothèses, là. On peut faire de la politique-fiction. Mais moi, je vous invite à écouter l'échange entre Pierre Fitzgibbon et Vincent Marissal et à porter attention à l'attitude de M. Fitzgibbon. M. Fitzgibbon était en furie, en furie qu'on ose remettre en question ses plans mégalomanes de données, les données médicales, aux «Big Pharma», là. Il était hors de lui. Moi, j'ai l'impression qu'on a eu un ministre qui pensait que son idée passerait comme lettre à la poste puis qui s'est rendu compte qu'il y avait du monde qui trouvait que ça n'a pas d'allure. Je pense que Pierre Fitzgibbon vit sur sa planète, puis là il s'est rendu compte que l'écrasante majorité des Québécois vivent sur une autre planète.

Mme Gamache (Valérie) : M. Dubé a dit non. M. Jolin-Barrette n'avait pas de l'air au courant. Avez-vous l'impression que, dans ce cas-là, ce n'est pas un ballon, que M. Fitzgibbon fait cavalier seul, fait ses affaires, fait à sa tête?

M. Nadeau-Dubois : Moi, j'ai autant de questions que vous ce matin, là. Puis il y a quand même une limite à là où je vais m'avancer en termes de conjectures puis d'hypothèses. Et c'est pour ça que Québec solidaire se retourne vers le premier ministre. Le patron de Pierre Fitzgibbon et de Christian Dubé, c'est François Legault, alors à François Legault de trancher la question et de dire quelle est l'intention de son gouvernement. Veut-il, oui ou non, donner accès aux «Big Pharma» aux données de la RAMQ? C'est lui qui doit trancher. Puis il doit demander à M Fitzgibbon de fermer ce dossier au plus vite.

Mme Gamache (Valérie) : Pour Québec solidaire, il n'y a aucune façon que transmettre ces données-là soit acceptable?

M. Nadeau-Dubois : Ce n'est pas comme si on avait sous les yeux quelque chose comme un projet concret et étayé, là. On a les mots d'un ministre, réitérés, réitérés, réréréitérés, toute une journée durant, qui se contente de dire : Bien, voyons donc, c'est évident qu'il faut faire ça. Vous écouterez l'échange. M Fitzgibbon dit : Bien, voyons donc, c'est sûr qu'il faut le faire, c'est le gros bon sens, on va guérir le cancer. Ce n'est pas la première fois que des multinationales nous font des promesses de sauver le monde si jamais on leur donne accès à des données personnelles. Il me semble qu'on devrait avoir appris la leçon. Il me semble qu'on ne devrait plus se faire avoir par ce genre de promesse en l'air là.

M. Bergeron (Patrice) : Mais est-ce que c'est non, jamais, ou est-ce que, oui, sous certaines conditions strictes, comme pour l'application, comme pour, de toute façon, tout ce que votre téléphone récolte déjà, là? Est-ce qu'il n'y a pas des conditions de balisage qui seraient permises ou possibles pour que ça se fasse? Ça doit se faire dans d'autres États, je ne peux pas croire, dans le monde, là.

M. Nadeau-Dubois : Bien, c'est-à-dire, il y a déjà eu des cas. Au Québec, le mois dernier, l'Ordre des pharmaciens a mis… bien, en fait, a porté plainte contre 76 pharmaciens qui avaient vendu à des compagnies pharmaceutiques les dossiers de leurs clients. Alors, ce n'est pas comme si c'est une tentation qui n'était pas déjà présente dans le milieu médical. Et c'est vrai qu'il y a des gouvernements qui ont déjà lancé cette idée-là. Mais justement, à l'époque, ils ont lancé l'idée. Ce que M. Fitzgibbon a fait, hier, ce n'est pas lancer l'idée. Il a dit : C'est la stratégie du gouvernement, on va le faire dans trois ans ou dans trois jours.

Pour répondre plus spécifiquement à votre question, là, est-ce que c'est un non total ou à des conditions, bien, j'aimerais prendre comme exemple ce qui s'est passé la semaine dernière à la Commission des institutions au sujet de l'application de traçage. La semaine dernière, Québec solidaire s'est présenté en commission en disant : Bon, on a énormément de questions, on a énormément d'inquiétudes, mais on réserve notre jugement. On va commencer par entendre les experts puis, à la fin de la semaine, on prendra notre décision. C'est ce qu'on a fait. On a entendu les experts toute la semaine puis, à la fin de la semaine, on a dit : Oui, le jeu n'en vaut pas la chandelle, on est contre.

Là, là, ce n'est pas ça qui s'est passé hier. Il n'y a pas eu d'expertise qui a été présentée aux parlementaires. Il y a un ministre qui a dit : C'est la stratégie du gouvernement, on va le faire. Et il a dit que M. Marissal faisait des affirmations incendiaires puis injustifiées, ne serait-ce qu'en posant des questions.

M. Laforest (Alain) : Juste en terminant, est-ce que vous considérez que la ministre responsable des Aînés a failli à sa tâche?

M. Nadeau-Dubois : J'ai beaucoup de questions pour elle ce matin. Et une de celles-là, c'est : Comment ça se fait qu'après trois mandats comme ministre responsable des Aînés elle ne prend aucune responsabilité sur le sort des aînés du Québec?

M. Bergeron (Patrice) : Comment vous expliquez que ça demeure une ministre qui est intouchable, justement? Vous l'avez dit, trois mandats, puis là tout ce qui s'est passé dans les CHSLD, puis, malgré tout, elle a encore probablement une bonne cote de popularité parce qu'on la garde. Donc, elle est intouchable?

M. Nadeau-Dubois : Je pense qu'elle est intouchable peut-être aux yeux de François Legault, peut-être aux yeux de Philippe Couillard. Mais je pense que, pour beaucoup de Québécois puis de Québécoises, son étoile commence à pâlir sérieusement. À un moment donné, c'est beau faire des photo op puis des belles petites scènes devant les médias, quand les résultats ne sont pas là, les gens tirent des conclusions.

Mme Gamache (Valérie) : Son rôle pendant cette crise-là, est-ce que ça a été un rôle, selon vous, simplement, je veux dire, de figuration? Est-ce que c'est ce que ça vous donne comme…

M. Nadeau-Dubois : Moi, j'ai beaucoup entendu… Comment dire? Le rôle d'une ministre, là, ce n'est pas de faire preuve de compassion, c'est de faire preuve de compassion et de poser des gestes concrets. Ce que la ministre Blais fait depuis plusieurs années maintenant, c'est multiplier les démonstrations publiques de sentiments sans jamais poser de gestes concrets puis sans jamais être capable de changer les choses. Moi, c'est sur ce bilan-là que je vais la questionner ce matin.

Merci beaucoup.

(Fin à 9 h 16)


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