(Treize heures une minute)
M. Lacombe : Bonjour, tout
le monde. Je trouvais important d'être avec vous ici aujourd'hui pour répondre à
vos questions à la suite du dépôt du rapport de la Vérificatrice générale, qui
s'attarde notamment à l'enjeu des services de garde éducatifs à l'enfance.
Donc, je commence directement, droit au
but. Les constats principaux dont je prends acte aujourd'hui sont évidemment
les problèmes d'efficacité générale du ministère de la Famille, mais aussi l'accessibilité
à des services de garde éducatifs subventionnés pour l'ensemble des familles du
Québec, principalement, on le voit dans le rapport de la Vérificatrice
générale, pour les enfants qui sont dans des milieux plus vulnérables.
Honnêtement, je partage les constats de la
Vérificatrice générale. Depuis mon arrivée, il y a un peu moins de deux ans
maintenant, j'ai sensiblement dressé les mêmes constats. Il faut dire qu'il
s'agit du bilan des dernières années, et ce n'est pas de la petite politique de
le dire, c'est un fait, c'est le bilan des dernières années. Ma responsabilité
à moi, maintenant, comme ministre de la Famille, c'est d'amener des solutions.
J'ai déjà posé certains gestes, mais il
faut aller plus loin. On va devoir prendre des décisions qui sont importantes
pour répondre aux recommandations. J'aurai l'occasion de déposer un plan au
cours des prochaines semaines, au cours des prochains mois. Et je peux vous
dire que tout est sur la table, et que ce sont des avenues qu'on devra analyser.
Que ce soit le fonctionnement du ministère de la Famille, que ce soit
l'organisation du réseau, tout est sur la table pour qu'on puisse arriver à de
meilleurs résultats.
Une voix
: …
M. Lacombe : C'est
difficile de s'entendre, hein?
Mme Côté-Chabot (Claudie) : …c'est
un outil qui est inefficace, là, voire peut-être même pas pertinent, là.
Qu'est-ce qu'on fait avec La Place 0-5? Puis qu'est-ce que vous dites aux
parents qui apprennent ça ce matin?
M. Lacombe : Je suis
préoccupé déjà depuis plusieurs mois à ce sujet-là. Et, quand je dis que je
partage les constats de la Vérificatrice générale, c'est qu'en janvier dernier
j'ai déjà posé un geste lorsqu'il y a des cas qui m'ont été soumis pour me dire
qu'il y avait des irrégularités dans le processus d'admission. Donc, j'ai demandé
à une firme de se pencher sur le cas, la firme KPMG, à qui j'ai demandé
d'évaluer les vulnérabilités dans tout le processus d'admission, donc du moment
où le parent inscrit son enfant, en passant par le traitement par La Place 0-5,
jusqu'au moment où il est sélectionné par un service de garde éducatif. Donc,
j'ai demandé d'analyser l'ensemble du processus, voir où on est vulnérables, où
il y a des failles, où il y a des gens qui arrivent à se faufiler, parce qu'il
y a un enjeu de confiance. Et, quand je vous dis que tout est sur la table,
bien, on devra se poser des questions.
Mme Côté-Chabot (Claudie) : Je
comprends, là, que vous faites des études. C'est très bien. Mais elles ne sont
pas obligées de passer par La Place 0-5, les garderies, en ce moment. C'est ça,
la réalité, c'est qu'ils peuvent accepter quelqu'un… Est-ce que vous songez, rapidement,
là, à les obliger à utiliser ce site-là?
M. Lacombe : Bien, je vais
faire une nuance qui est très importante. Les services de garde éducatifs sont
obligés de passer par La Place 0-5, donc par le guichet unique, pour aller
chercher de la clientèle, donc aller prendre les tout-petits, là, contacter les
parents des tout-petits qui souhaitent avoir une place. Ça, c'est leur obligation.
Là, ce qu'on comprend avec le rapport de
la Vérificatrice générale, c'est que certains services de garde ne respectent
pas cette obligation-là, et ça me préoccupe parce que le message qu'on envoie
aux parents, c'est que l'outil n'est pas efficace, c'est que l'outil ne sert à
rien, et qu'ils ne recevront jamais d'appel. Moi, ça me préoccupe parce qu'on
souhaite avoir quelque chose d'efficace.
Mais, en même temps, le guichet unique La
Place 0-5, c'est le coeur du développement du réseau. C'est là-dessus qu'on se
base, entre autres, pour savoir où on doit développer des nouvelles places.
Donc, faire une opération au coeur, c'est comme dans le réseau de la santé, ça
demande de la préparation, c'est important, puis on veut s'assurer de poser les
bons gestes. Donc, c'est ce qu'on est en train de regarder.
M. Chouinard (Tommy) : La
Vérificatrice générale remarque aussi la relation de dépendance que le
ministère a avec La Place 0-5, qui est géré en partie par une coopérative puis
en bonne partie par une entreprise privée, dans les faits. Donc, est-ce que, là,
vous êtes en train de revoir l'existence même, telle qu'on la connaît, de La Place
0-5?
M. Lacombe : On a besoin d'un
guichet unique d'inscription. Ça, c'est clair, il n'y a aucune nuance
là-dessus. Par contre, on doit se poser des questions. Je vais prendre
connaissance du rapport plus en profondeur, mais j'ai déjà des préoccupations
sur le processus d'admission, qui font en sorte que le travail est commencé. Et,
à la lecture du rapport aujourd'hui, je vous dis : Tout est sur la table.
On aura des décisions importantes à prendre.
M. Chouinard (Tommy) : Est-ce
que la firme vous a donné des conclusions par rapport à l'examen que vous avez
demandé?
M. Lacombe : Pas encore, pas
encore. Donc, c'est quelque chose qu'on attend et qu'on va suivre avec intérêt
parce que, peu importe la décision qu'on va prendre, c'est des informations qui
vont être utiles. Donc, où sont les vulnérabilités, très, très précisément,
dans le processus, ça m'intéresse. Ça m'intéresse de savoir à quel endroit il
faut travailler pour que les parents reprennent confiance en ce système-là qui
fait l'objet de beaucoup de critiques. Et ce n'est pas nécessairement une
critique envers les gens qui travaillent à La Place 0-5 ou envers l'outil lui-même,
mais l'outil fait partie d'un processus. Puis, dans le processus, on comprend
qu'il y a des failles, des failles qui mènent au rapport de la VG d'aujourd'hui.
Mme Crête (Mylène) :
Justement, vous parlez d'outils. Quels sont les outils dont vous disposez pour
faire en sorte que les services de garde éducatifs utilisent La Place 0-5? Vous
dites qu'ils ont une obligation. Donc, avez-vous un bâton à quelque part?
M. Lacombe : Bien, c'est leur
obligation légale. Évidemment que, si on se rend compte qu'il y a des
corporations qui ne respectent pas leurs obligations légales… C'est la même
chose pour tout le monde. Tout le monde doit respecter la loi. Maintenant, ma
préoccupation, c'est de faire en sorte que ça fonctionne. Ma préoccupation, ce
n'est pas de montrer du doigt, là, ceux qui, peut-être, profitent des failles
aujourd'hui, mais c'est de m'assurer qu'il n'y en ait plus. Donc, c'est
là-dessus que je vais mettre toutes mes énergies à partir de demain.
Mme Crête (Mylène) :
À part de montrer du doigt, qu'est-ce que vous pouvez faire pour faire en sorte
qu'elles respectent le guichet unique?
M. Lacombe : Bien, on peut
clairement faire des rappels à l'ordre. Ça, c'est sûr qu'on peut le faire. On
peut leur rappeler leurs obligations légales d'avoir recours au guichet unique,
sans discrimination, pour sélectionner les enfants qui vont pouvoir recevoir la
place subventionnée qu'ils ont de vacante. Ensuite, moi, je pense qu'il y a une
vulnérabilité à ce niveau-là. Je pense, là, qu'il y a une faille dans laquelle,
visiblement, il y a beaucoup de parents qui sont tombés, qu'il va falloir
régler.
Mais c'est pour ça que je vous dis :
C'est une opération au coeur. C'est une opération au coeur. Donc, il faut
s'assurer d'avoir les bonnes données pour le faire. Et je n'ai pas attendu le
dépôt du rapport de la Vérificatrice générale. Je n'ai même pas attendu son
constat pour le faire. On est déjà là-dessus depuis quelques mois. Mais la
conclusion à laquelle j'en viens aujourd'hui, parce que c'est additionné à
beaucoup d'autres choses, c'est que, bien, il faudra prendre des décisions
importantes.
M. Chouinard (Tommy) : …versées
pour des places réservées à des enfants à besoins particuliers, je ne me
souviens plus du terme exact...
M. Lacombe : La mesure
exceptionnelle de soutien.
M. Chouinard (Tommy) : …bon,
là, il n'y a pas de reddition de comptes d'associée à ça. On ne sait pas si ça
s'en va au bon endroit. Ce n'est pas la première fois qu'on parle de cet
enjeu-là. Ça n'a été jamais resserré. Qu'est-ce que vous entendez faire?
M. Lacombe : Bien, c'est,
honnêtement, quelque chose qui est souligné par la Vérificatrice générale et
que je vais prendre au sérieux. Je vous ai parlé des constats que j'avais déjà,
moi-même, faits, qui sont probablement les constats les plus importants.
Mais il y a effectivement ce sujet-là dont
j'ai pris connaissance avec beaucoup d'intérêt parce que, vous savez, aider les
enfants qui ont des défis particuliers dans nos CPE, nos services de garde
éducatifs à l'enfance, pour moi, c'est une priorité. C'est une priorité. Quand
on est arrivés, on a augmenté le budget de façon importante. On l'a plus que
doublé. Bien, c'est-à-dire, on l'a augmenté de 70 %, pardon. Et j'ai une
préoccupation, là, de m'assurer qu'effectivement ce soit utilisé à bon escient.
Donc, la Vérificatrice générale nous dit
qu'on devrait porter attention à ça, puis vous pouvez être certain qu'on va le
faire parce qu'on veut que ça se rende vraiment aux bons enfants.
M. Chouinard (Tommy) : Le constat
qu'on a maintes fois fait dans les dernières années, dans une panoplie
d'études, à savoir que l'objectif premier de la création des CPE, c'était
d'aller chercher des enfants de milieux vulnérables, défavorisés, c'est-à-dire,
pour leur donner accès à un service de garde éducatif, et on voit encore que de
nombreux enfants de milieux défavorisés ne fréquentent pas les services de
garde éducatifs, est-ce que vous allez faire quelque chose par rapport à ça?
M. Lacombe : C'est clair, tout
à fait. Et ça, ça fait partie des constats que j'avais faits. Comme je vous
dis, il y a trois grands constats que j'avais faits. Il y avait le guichet
unique, là, pour bien organiser ça. Le guichet unique, on a déjà posé les
gestes dont je vous ai parlé. Ensuite de ça, il y a la lenteur, si vous voulez,
on pourrait y revenir, mais la lenteur avec laquelle les places se développent.
On a posé des gestes. Ça, je l'ai souvent martelé, notamment ici, au salon
bleu.
Mais le troisième élément, c'est effectivement
de faire en sorte que les enfants dans les milieux défavorisés, dans les
milieux qui sont vulnérables, puissent avoir accès aux places qui, à la base,
étaient créées pour eux. Le système, là, c'était pour aider ce type d'enfant là
prioritairement. Puis on le voit à Montréal, à Laval, le ministère de la
Famille a failli à sa tâche. Et ça, je j'ai reconnu dès que je suis arrivé.
Rappelez-vous, là, il y a plusieurs mois déjà, Le Devoir avait
sorti un article suite à une publication de la Santé publique de Montréal, et,
dès cet instant-là, je m'étais engagé à prioriser le développement de places subventionnées
dans les secteurs où on en avait le plus besoin, selon l'indice de défavorisation,
par exemple.
Donc, l'appel de projets qu'on va lancer,
là, dans les toutes prochaines semaines, sur la conversion de places, bien, va
principalement cibler Montréal et Laval, entre autres, dans les secteurs les
plus défavorisés, parce que, lorsqu'on convertit une place non subventionnée en
place subventionnée, donc, oui, on se dit… le premier réflexe, c'est que ça
remet de l'argent dans le portefeuille des familles. Mais c'est plus que ça, c'est
donner accès aux enfants à la mesure exceptionnelle de soutien, c'est de donner
accès aux parents à l'exemption de la contribution parentale, par exemple, dans
les milieux qui sont très défavorisés, pour inciter les parents à inscrire
leurs enfants à la garderie même s'ils sont sur l'aide sociale, par exemple,
pour que leurs enfants puissent se développer le mieux possible, quand même.
Donc, c'est déjà quelque chose qui était
sur mon radar. Puis on agit, là, l'annonce est prévue dans trois semaines.
M. Chouinard (Tommy) : ...des
places qui sont déjà là, l'enfant, il est déjà là, c'est le même enfant qui va
y être, en garderie.
M. Lacombe : Bien, ce que la
Vérificatrice générale nous dit... Et là je vous avoue que je n'ai pas eu le
même briefing que vous ce matin. Je vais lire ça attentivement. Mais ce que la
Vérificatrice générale nous dit, c'est qu'il faut donner accès aux enfants dans
les milieux plus vulnérables à des places subventionnées, sensiblement le même
constat que faisait la Santé publique à Montréal il y a quelques mois. Et, à la
suite de ce constat-là, j'ai dit : On va agir. Et il y a déjà un surplus
de places à Montréal. Donc, quelle est la solution? Est-ce que c'est de
construire de nouveaux édifices puis d'en faire fermer, parce que c'est ce qui
va arriver si on fait ça? Non. Pour moi, la solution la plus efficace puis la
meilleure solution pour le développement des tout-petits, c'est de convertir
ces places-là en places subventionnées pour qu'ils aient accès, entre autres,
là, à toutes les mesures qu'on a pour les aider dans leur développement.
Mme Côté-Chabot (Claudie) :
Peut-être une dernière question sur le ratio des éducatrices, là — je
vais le féminiser parce que c'est surtout des filles — qui sont qualifiées,
là, on en a parlé un peu en début de semaine, mais c'est une des préoccupations
de la Vérificatrice générale, là, ce n'est pas... Les ratios ne sont pas
respectés, là. On sait qu'on est en pandémie, que c'est complètement plus bas
que ça, là, ce n'est pas deux sur trois, c'est une sur trois. Est-ce que c'est
inquiétant? Qu'est-ce qu'on fait?
M. Lacombe : Ça me préoccupe.
C'est tout l'enjeu de main-d'oeuvre qui me préoccupe. Et j'ai eu l'occasion
d'en discuter souvent avec les partenaires du réseau. On a établi ensemble un
plan d'action qui a été travaillé avec les partenaires du réseau en suivant
leurs recommandations. Par contre, c'est sûr que la pandémie a aggravé la
situation. Vous avez raison, on a pris une mesure temporaire de l'abaisser à un
sur trois, le ratio, parce qu'on n'avait juste pas le choix dans le contexte de
la crise sanitaire. Ça, c'est temporaire.
Et ensuite, pour revenir à un ratio de
deux sur trois et, idéalement, un jour, peut-être, de trois sur trois parce
qu'on souhaite toujours plus de qualité, bien, il faut recruter plus de
main-d'oeuvre qualifiée. Ça, ça veut dire qu'il faut augmenter les inscriptions
dans les programmes d'éducation à l'enfance. Et je vous dirais que la pandémie,
ça a exacerbé le problème de main-d'oeuvre.
Donc, on est en train de mettre à jour le
plan qu'on avait déjà, qui était sur les rails, pour arriver avec quelque
chose, je dirais, de plus ambitieux. Donc, c'est quelque chose sur lequel on
est en train de travailler actuellement avec les partenaires.
Le Modérateur
: Merci
beaucoup. In English, une en anglais.
M. Pouliot
(Samuel) : ...what will you do next?
M. Lacombe : Je préférerais ne
pas faire de déclaration en anglais, honnêtement, là-dessus parce que c'est
assez précis, là, et je pense que je risquerais trop de commettre une erreur,
et je ne voudrais pas vous induire en erreur. Vous savez, je veux vous donner
les bonnes réponses. Merci.
(Fin à 13 h 14)