(Onze heures vingt-cinq minutes)
Mme Anglade : Bon, alors,
bonjour, bonjour à tous. Nous sommes de retour de la relâche parlementaire, et
je peux vous dire qu'après une semaine de relâche parlementaire on revient ici,
mais on fait les mêmes constats par rapport à la pandémie de la COVID. Et
j'aimerais juste rappeler qu'au début de la deuxième vague, même avant la
deuxième vague de la pandémie, il y avait eu un changement de ministre. La ministre
McCann avait été démise de ses fonctions pour aller au ministère de l'Éducation,
et le premier ministre, à l'époque, avait décidé de mettre un gestionnaire
d'exception, qu'il qualifiait lui-même, pour préparer le réseau à la deuxième
vague. Alors, il a aussi envoyé l'ancienne ministre de la Santé au niveau du ministère
de l'Éducation pour prendre finalement en charge... pour aider le ministre
actuel, M. Roberge, en matière d'Éducation et, pendant ce temps-là, on a
constaté que le mois de juin, le mois de juillet, le mois d'août, on a assisté
à un déconfinement, et surtout on a assisté à une non-préparation de la
deuxième vague, dans laquelle nous somme rentrés il y a déjà quelques semaines.
Et depuis que nous sommes rentrés à l'Assemblée
nationale, au mois de septembre, on constate qu'il y a eu de la confusion, il y
a eu un manque de transparence de la part du gouvernement, et nous avons fait
plusieurs propositions que nous avons mises de l'avant pour essayer de voir
comment est-ce qu'on est capables de trouver des solutions par rapport à la situation
qui nous occupe. On a proposé de séparer le politique des points de presse de la
Santé publique, on a proposé la reprise d'appels hebdomadaires, on a demandé à
ce que les avis écrits soient rendus publics du côté de la Santé publique,
justement, et on a demandé qu'il y ait des registres pour obtenir l'historique
des décisions. On constate qu'on n'a jamais reçu de réponse positive de la part
du gouvernement, et on a l'impression forte que le gouvernement souhaite
d'abord une opposition qui ne soit pas constructive, mais une opposition qui
soit silencieuse et docile.
Alors, nous revenons aujourd'hui à la charge
en demandant, avec la situation dans laquelle on se trouve aujourd'hui, qu'il y
ait une enquête indépendante qui soit conduite sur la gestion de la pandémie,
dans un premier temps, pour comprendre comment on en est arrivés là, puis, dans
un deuxième temps, pour préparer aussi la suite des choses. Et on va revenir,
encore une fois, à la charge là-dessus parce qu'on a besoin d'avoir de la
transparence qui soit faite sur ce qui se passe en matière de pandémie. Voilà.
M. Lacroix (Louis) : Donc,
vous élargissez, pas juste les CHSLD, dans le fond, mais l'ensemble de la
gestion de la pandémie?
Mme Anglade : Absolument, absolument.
C'est l'ensemble des décisions et de la gestion de la pandémie. C'est ça dont
on a besoin pour faire la lumière sur tout ce qui s'est passé lors de la
première vague, évidemment, mais également la deuxième vague. Et on ne peut pas
prédire ce qui va se passer dans les prochains mois, on ne sait pas ce que nous
réserve l'avenir avec la COVID, mais il est important qu'on puisse faire toute
la lumière là-dessus pour être réellement préparés pour la prochaine année.
M. Lacroix (Louis) : …en
fait, que ça risque d'être très difficile étant donné qu'il n'y a aucune trace
des décisions qui sont prises, selon ce qu'a dit M. Legault, entre la
Santé publique, entre le gouvernement, etc. On comprend, là, qu'il n'y a pas de
documentation écrite ou quoi que ce soit. Ça risque d'être…
Mme Anglade : C'est
inimaginable de penser qu'il y ait des décisions aussi importantes qui soient
prises et qui ne soient pas documentées. Donc, nous, ce qu'on en a dit depuis
le départ, c'est que, un, ces décisions-là devraient être documentées, deux, on
devrait avoir des avis de la Santé publique rendus disponibles.
Et, encore une fois, il va falloir qu'on
insiste là-dessus parce que la situation, comme vous pouvez le constater, on n'est
pas dans une meilleure posture que lorsqu'on a quitté l'Assemblée nationale il
y a une dizaine de jours. Il nous faut donc avoir une enquête indépendante sur
l'ensemble de la gestion de la pandémie.
M. Laforest (Alain) : Est-ce
qu'on agit de la sorte pour limiter les critiques? C'est pour ça qu'il n'y a
pas d'avis, c'est pour ça qu'il n'y a pas de «transcript», c'est pour ça qu'il
n'y a pas personne…
Mme Anglade : Bien, en tout
cas, cette manière d'agir suscite la question que vous posez parce que
justement il n'y a pas de transparence. Alors, évidemment, ça rend les gens
sceptiques par rapport aux décisions. Puis on se demande pourquoi il n'y a pas
cette transparence-là. Et ça fait en sorte que les gens questionnent les
décisions qui sont prises par le gouvernement.
On a, encore une fois, besoin de séparer
la Santé publique des décisions du gouvernement, dans un premier temps, puis, dans
un second temps, de rendre l'information disponible. Ce n'est pas normal,
encore une fois, qu'on se retrouve avec, encore aujourd'hui, des problèmes au
niveau des données.
M. Laforest (Alain) : Mais ma
question, ce n'est pas ça, là, c'est : Pourquoi on agit comme ça, selon
vous? Bon, vous l'avez été, au gouvernement, là. Toutes les discussions que
vous avez eues avec vos sous-ministres, c'est écrit, là. Pourquoi, là, ça ne
l'est pas, selon vous?
Mme Anglade : Bien, il faut
poser la question au gouvernement. Pourquoi est-ce que le gouvernement refuse
d'être transparent? Qu'est-ce qu'il y a qu'il n'est pas capable de partager
avec la population? Puis c'est ça, la question fondamentale.
M. Bergeron (Patrice) : Mais
est-ce que ce n'est pas parce qu'on ne veut pas laisser de traces? Comme ça,
bien, on évite de se faire blâmer par la suite, là.
Mme Anglade : Ce serait
vraiment déplorable que ce soit le cas, si c'était le cas. Est-ce que c'est
parce qu'on n'est pas suffisamment rigoureux? Est-ce que c'est parce qu'on
n'est pas...
On est en train de vivre une crise qui va
avoir des incidences, là, sur les prochaines années, peut-être même la
prochaine décennie et une crise historique. Il faut que ce soit documenté quelque
part. Et s'ils n'ont pas commencé à documenter les choses jusqu'à présent,
j'espère qu'aujourd'hui il y a quelqu'un qui a un papier puis un crayon, puis
qui prend des notes, puis qui écrit maintenant les décisions qui sont prises
pour garder un «log» de tout ça pour qu'on puisse y faire référence. C'est
impensable, à mon avis, qu'on ne soit pas capable d'avoir accès à cette
information-là et que cette information-là n'existe pas.
Mme Gamache (Valérie) :
...ça rend les gens sceptiques. Est-ce que vous avez peur que, justement, ça
crée un climat qui fasse en sorte qu'à un moment donné les gens ne les suivront
tout simplement plus, ces règles-là?
Mme Anglade : Bien, on
voit déjà la situation qui est très tendue, puis des gens qui remettent en question
les décisions qui sont prises par la Santé publique. Encore une fois, je veux
répéter qu'il faut suivre les mesures qui sont prônées par le gouvernement, c'est
vraiment important de garder cette cohésion. Mais le gouvernement a une grande
responsabilité là-dedans. Et le fait qu'il n'y ait pas cette transparence
voulue et nécessaire empêche aux gens de comprendre la situation dans laquelle
on se trouve.
Et les choses ne vont pas s'améliorer dans
la mesure où, s'il n'y a pas cette transparence-là, les gens vont continuer à
remettre en question les décisions. Je vous épargne le nombre de discussions
que j'ai eues avec des entrepreneurs, des gens qui sont dans le domaine de la
santé qui ne comprennent pas la manière dont les décisions sont prises aujourd'hui.
M. Lacroix (Louis) : Sur
la question de la censure, dans quel contexte, selon vous... Et d'abord est-ce
qu'on a le droit d'utiliser le fameux mot qui est banni, le mot «nègre», et
dans quel contexte? À votre vision à vous.
Mme Anglade : Oui. Le mot
«nègre» est un mot qui est chargé. Il est chargé émotivement parce qu'il fait
référence à toute une histoire, l'histoire de l'esclavage, l'histoire de la
colonisation, et c'est un mot qui rend bien des personnes extrêmement mal à
l'aise par rapport à tout ça.
Mais il faut qu'on ait des contextes, il
faut que ça soit contextualisé. Donc, il faut qu'on ait des environnements où
on puisse avoir des échanges puis discuter de ça. Et quel meilleur endroit que
nos universités pour pouvoir justement avoir cette forme d'échange là, que les
gens puissent dire : Bien, voici ce qui s'est passé, voici ce que ce mot a
signifié par le passé. Tout le mouvement de la négritude et de la
réappropriation de ce terme par des intellectuels francophones antillais, africains,
je pense qu'on doit pouvoir en parler, de tout ça, à l'intérieur de nos universités,
sans que ça crée ce sentiment où personne n'a le droit de prononcer le mot.
Moi, je pense que, dans les contextes, on a le droit de le prononcer.
Puis je vous dirais que la liberté
d'expression, non seulement elle est fondamentale, la liberté de débattre également,
mais il faut qu'on soit capable... on le fait, mais on doit le faire également
dans le respect des autres. Et ça peut se faire. Et ça doit se faire à l'intérieur
de nos universités.
M. Bergeron (Patrice) : Est-ce
qu'on vous a déjà insultée de cette façon-là, Mme Anglade?
Mme Anglade : J'ai déjà
vécu des moments... des commentaires désobligeants, racistes, etc., oui. La
réalité, c'est oui. Mais, au-delà de ça, ce n'est pas... Ici, ça va... Ce n'est
pas de ça dont il s'agit, pour moi. Pour moi, ce dont il s'agit ici, c'est de
notre capacité à débattre, de notre capacité à échanger, de notre capacité à
avoir des institutions où nous sommes suffisamment à l'aise de pouvoir avoir
ces échanges-là, tout en prenant en considération que l'atmosphère est
extrêmement chargée émotivement, encore une fois.
M. Lacroix (Louis) : Est-ce
que c'est une dérive de pouvoir… de vouloir écarter complètement ce mot-là?
Mme Anglade : Oui. Moi, je
crois que c'est une dérive que de vouloir l'écarter complètement parce qu'il y
a des gens qui se sont réapproprié ce mot. Césaire qui disait : Nègre
j'étais et nègre je resterai... Il faut être capable d'avoir... de raconter
cette histoire-là également à nos enfants, puis il faut être capable de
reconnaître aussi qu'il y a eu des événements déplorables, racistes sur nos
campus universitaires, et qu'on soit capable de les qualifier, qu'on soit
capable aussi de dire les choses quand on parle de racisme systémique. C'est de
ça aussi dont il s'agit, qu'on soit capable de dire les mots. Mais si tout le
monde est capable de s'exprimer à ce sujet-là puis de parler franc-jeu, je
pense, comme société, on va sortir gagnants.
La Modératrice
: Merci.
On va passer en anglais maintenant pour les questions.
Mme Senay
(Cathy) : I would follow up on this topic. It
must be… How did you react personally when you saw this whole controversy at
Ottawa U and the fact that some professors are supporting this professor that
was suspended, but students are just fighting back to get her out, and they say
it's a mistake, and the head of the university said it's a mistake?
Mme Anglade : I believe universities should be a place where people can express
themselves in a way that is obviously respectful of others. In this particular
situation, we have to be able to be in an environment where people can talk
about a word, can say the word «nègre» and explain what it means, explain the
history behind it. And I think we need to protect this in our institutions.
At the same time, I do
understand the reaction of people saying that there's been systemic racism,
there are issues, and people need to be sensitized to that, and they want to
have safe spaces where they can have those conversations. I totally support
that. But it cannot happen… it cannot prevent people from having those
conversations. I think we have to do the two things at the same time, and
that's why I don't agree with the situation that is going on right now in the
University of Ottawa
Mme Senay (Cathy) : Shutting down the use of the n-word, for example, is going to…
Mme Anglade : It won't fix the problem, and the best way to realize this is when
you look at the comments that were made. The comments are extremally violent,
not all of them, I mean, that's why we have to put nuances, because I think
some of the comments were extremally violent, but when you don't have a
conversation, when you're not able to say the word «nègre», when you're not
able to have those conversations, it also creates a situation where all parties are really stuck in their ways and don't want to
have this conversation. We need to have those conversations and we need to recognize
both sides. We need to recognize that not mentioning the word is not going to
fix the issue. It's not going to fix the issue. Not recognizing that we have
issues around systemic racism is not going to fix the issue either. We have to
work together.
Mme Senay (Cathy) : On COVID-19. There
is a press conference at 1 :00 o'clock. There is this October 28th
challenge. It's October 20th, we're just eight days apart. Does the Government need to be transparent about a
possible extension with Quebeckers right from the top and right for now?
Mme Anglade : Well, I think it was an arbitrary number date that was taken by the Government. They will have to explain
what they're expecting. I doubt that the October 28th is going to be the
end of some kind of situation.
I really doubt that.
What we need at this
point is for the Government to
be transparent. We need the Government to document the decisions they are making. We need the Government to separate health care…
sorry, Public Health from the decisions that are being made right now, that are
political decisions. This needs
to be a lot clearer. That line needs to be much more defined.
Mme Senay (Cathy) : You're asking a public independent commission on the whole
management of the first wave and the second.
Mme Anglade :Absolutely. That's
exactly right.
Mme Senay (Cathy) : Why are your coming up with this inquiry at this point?
Mme Anglade : Because we spent four weeks at the National
Assembly and, when we came at the National Assembly for the second wave, we
thought the Government would be
prepared. The Government was
not prepared. The situation is
not really improving. We realize that there is a lot information
that is missing. We're realizing that there is a lack of transparency. And for
all those reasons and the lack of answers that we got from the Government,
we're saying, the minimum that needs to happen is to have an independent
«enquête» commission, independent commission to analyze the whole management of
the pandemic.
Mme Senay (Cathy) : …from this commission is to have witnesses, have ministers, the
Premier explaining why the Public Health advisories are not somewhere to…
Mme Anglade :
Well, that's one of the things that would come out of that. But, even from a
historical perspective, when all this is said and done, we need to go back at
the decisions that were made, why they were made, learn from that. We don't
know what the future is going to bring, so we need to be very proactive. We're
making really… Decisions are impacting a lot of Quebeckers today, a lot of
Quebeckers, so I do not understand how those decisions would not be documented.
La Modératrice
:
Merci beaucoup.
Mme Anglade : Merci beaucoup.
(Fin à 11 h 39)