(Neuf heures douze minutes)
M. Carmant : Bien, bonjour,
mesdames et messieurs. Ce matin, on est là pour parler de santé mentale. On le
sait, la pandémie a et continuera d'avoir sur tout le monde un effet sur la
santé psychologique et la santé mentale, particulièrement pour nos jeunes.
C'est un enjeu qui me préoccupe grandement et qui préoccupe notre gouvernement.
Nous sommes en action pour prendre cet enjeu en main et nous l'avons fait en
déposant le plan d'action pour la santé mentale dans le contexte de pandémie le
6 mai.
Nous sommes tous plongés dans un contexte
inédit depuis plusieurs mois. Mais nous voulons assurer une réponse optimale
aux besoins psychosociaux actuels de la population, et également à la fin de
cette pandémie, car on sait que les effets sur la santé mentale peuvent se
prolonger pendant plusieurs années, d'une crise comme celle qu'on vit.
Cependant, pour obtenir une réponse optimale, il faut maximiser la contribution
de toutes nos ressources en santé mentale. La situation de la pandémie entraîne
surtout une augmentation de l'anxiété et de la détresse psychologique, donc une
hausse des besoins, chez les jeunes, les jeunes adultes et leur famille.
Au cours de la dernière année, on avait
même pris des mesures en amont de la pandémie. En 2019, on avait investi 20 millions
de dollars pour réduire les listes d'attente en santé mentale. Avec cet ajout,
nous avons réussi à diminuer les listes d'attente de 25 % avant même la
pandémie. Au début de la pandémie, avec le plan d'action, on a déposé un... on
a investi un montant additionnel de 31,1 millions de dollars, ce qui nous a
permis de réduire la liste d'un autre 20 %, de façon significative, malgré la
hausse des demandes. Mais ce qu'on remarque, c'est que cette diminution est
nettement asymétrique. En effet, on voit que, chez les adultes, on a une
diminution de 48 % des délais d'attente, tandis que, chez les jeunes, on tourne
autour du 20 %.
Ce matin, j'annonce donc que le
gouvernement octroie un montant supplémentaire récurrent de 25 millions de
dollars pour la santé mentale des jeunes, des jeunes adultes, leur famille et
leurs proches. Ce nouvel investissement vise à renforcer les équipes de santé
mentale et s'occuper autant de la santé émotionnelle des jeunes que des
troubles mentaux, telle la dépression.
Plus spécifiquement, ce financement
permettra de rehausser les équipes avec 250 nouvelles ressources à temps
complet. Les établissements de santé et de services sociaux pourront donc
ajouter des heures de travail professionnel chez des gens qui sont déjà en
place ou engager de nouvelles ressources. Pour former ces équipes
multidisciplinaires, on inclut des travailleurs sociaux, des éducateurs
spécialisés, des psychoéducateurs, des psychologues et des infirmières.
D'autres ressources peuvent également s'ajouter : des infirmières
praticiennes spécialisées en santé mentale, des ergothérapeutes, des
orthophonistes, des nutritionnistes ou des sexologues, selon les besoins de
chaque établissement.
Avec ce 25 millions additionnel, on
vient donc bonifier l'accessibilité aux services pour les jeunes, leur famille
et leurs proches, consolider les équipes déjà existantes, bonifier l'arrimage
entre les différentes équipes et augmenter le soutien aux intervenants oeuvrant
en santé mentale jeunesse.
Je tiens à rappeler à tout le monde que, si
vous ressentez des symptômes liés au stress, l'anxiété ou la déprime ou encore
si l'un de vos proches vit une telle situation, vous pouvez contacter le
service Info-Social 8-1-1 ou Tel-Jeunes. Il ne faut pas oublier que 50 %
des gens avec un problème de santé mentale ne consultent pas. Nous, de notre
côté, on a mis également une application en ligne, Aller mieux à ma façon, pour
aider ces gens-là à consulter ou avoir un premier service. Des ressources sont
disponibles, les listes d'attente baissent. N'hésitez pas, si vous ressentez un
besoin, appelez-nous. Merci.
Mme Prince (Véronique) :
M. Carmant, si je comprends bien, donc c'est principalement pour les
jeunes. Mais il n'y a pas des besoins aussi qui sont très grands pour les gens
de tous les âges, finalement?
M. Carmant : Oui, les besoins
sont très grands. La liste d'attente était à 28 000 en 2019. Elle est
rendue à 16 000, la majorité chez les adultes. Mais on voit que cette
liste d'attente baisse rapidement avec les ressources qu'on a ajoutées, de
320 personnes. Donc, il y avait un besoin aigu, pour les jeunes, qu'on
vient d'ajouter, et c'est un premier pas. On va voir comment les choses vont
aller avec la pandémie. Mais, même si les demandes augmentent, on voit que la
liste d'attente continue à baisser. Donc, on fait un premier pas ciblé vers
ceux qui en ont le plus besoin, les jeunes.
Mme Prince (Véronique) :
...vous allez prendre ces ressources-là, en fait, parce que c'est bien beau
dire : On veut ajouter 250 ressources, mais il faut quand même les
trouver et que ces gens-là soient disponibles.
M. Carmant : Oui. Il y a des
ressources qui sont présentes déjà sur le terrain, qu'on veut rehausser en
temps plein. On voit que, dans le premier programme, le 31,1 millions, on
continue à pouvoir recruter. On recrute à peu près une trentaine de personnes
par mois. Là, on a des ressources spécifiques aux jeunes. Vous le savez, nos
programmes jeunesse sont très populaires. On les a tous comblés, que ce soit la
DPJ, Agir tôt. Donc, on pense qu'on va être capables de combler les besoins en
santé mentale jeunesse également.
J'ai aussi eu une discussion avec
Mme Grou la semaine dernière pour voir comment on peut travailler avec eux
pour, un, attirer plus de psychologues dans le réseau public et, deux, voir
comment on peut les intégrer également à notre programme, qui est le PQPTM, qu'on
a modifié justement pour avoir cette approche par étapes, qui inclut tous les
professionnels du réseau de la santé mentale.
Mme Prince (Véronique) :
Peut-être juste une dernière question par rapport à ça. En même temps, ce qui
est inquiétant, c'est que les psychologues, il y en a qui sont appelés, dans du
délestage, à contribuer. Alors, vous voulez ajouter des ressources, mais en
même temps on manque tellement de ressources dans la santé publique tout court
qu'on va chercher des psychologues pour aider…
M. Carmant : O.K. Alors, il y
avait un mot d'ordre qu'ils allaient peut-être venir aider pour la vaccination,
là. J'ai fait retirer les psychologues de cette liste de professionnels. J'ai
dit à Mme Grou qu'on avait besoin d'eux pour la santé mentale, point à la
ligne, tu sais, et c'est pour ça qu'ils ont trouvé 7 000 heures, qu'ils
nous ont dit.
Deuxièmement, il y a eu deux situations
qui ont été mal interprétées, là, la semaine dernière, là. La première, c'était
une clinique de traitement de groupe où les ressources en santé mentale ont été
délestées ailleurs. J'ai parlé à tous les P.D.G. pour leur dire que, s'il y a
du délestage, c'est parce que la... C'est sûr qu'à cause de la pandémie on ne
peut pas faire des séances en groupe en présentiel. Il faut que ces
professionnels-là soient délestés vers d'autres programmes en santé mentale.
Ça, c'est une chose.
Le deuxième exemple, c'étaient des
professionnels qui disaient que les médecins avaient été transférés. Mais nous,
c'est ce qu'on veut, on veut que tous les professionnels contribuent aux
services en santé mentale. Au Québec, 70 % des personnes qui ont besoin
de... un problème de santé mentale sont vues par des psychologues et des
psychiatres. Nous, ce qu'on veut,c'est renverser cette tendance-là. C'est pour
ça qu'on a modifié le PQPTM, pour qu'on commence par des ressources en première
ligne.
M. Bergeron (Patrice) : On
sait il y a combien de personnes sur la liste d'attente, mais est-ce qu'on sait
il y a combien de gens qui ont des besoins actuellement parce qu'ils ont des
problèmes psychologiques, parce qu'ils sont en détresse? Est-ce qu'on a une
estimation de ce nombre de personnes là?
M. Carmant : Non, c'est très
difficile de savoir ça. Puis, comme je vous dis, de toute façon, ce sera
sous-estimé parce que seulement 50 % des gens consultent. Tout le monde
sait que... Les psychiatres nous disent ça.
Maintenant, ce qu'il faut savoir, c'est
que, oui, on les encourage, mais ce que les gens nous disent, c'est qu'ils ne
veulent pas tomber sur des portes closes. Donc, c'est pour ça qu'on les
encourage à passer par les services en ligne, qui sont utiles. C'est des
professionnels. Ils savent quoi faire. Ils savent où vous diriger par la suite.
Ils peuvent même avoir des blocs de séances par l'Info-Social 8-1-1. Donc,
vraiment, si vous avez des besoins ou si... Même si vous êtes sur une liste
d'attente et vos besoins changent, rappelez le 8-1-1 Info-Social.
Mme Lévesque (Fanny) : Mais,
pour les jeunes, est-ce que vous avez des indications sur la liste d'attente
pour les jeunes qui sont en attente d'avoir un service?
M. Carmant : C'est ça, elle
est passée de 6 000, à peu près… un peu plus de 6 000 à autour de
5 000. Donc, c'est pour ça qu'on veut accélérer les choses.
Mme Lévesque (Fanny) : Donc,
la liste était à 6 000 en 2019. C'est ça?
M. Carmant : Je dirais, oui,
c'est ça, quand on a commencé le premier investissement de 20 millions,
puis on a diminué à peu près de 1 000 seulement.
M. Bélair-Cirino (Marco) : ...des
besoins chez les jeunes. Le nombre de personnes qui requièrent des services
aujourd'hui en raison de la pandémie, c'est quoi, votre...
M. Carmant : Oui. Alors, ça a
beaucoup augmenté. Moi, l'indicateur que je suis, c'est, de façon hebdomadaire,
le 8-1-1 Info-Social. D'habitude, on reçoit à peu près 7 000 appels par
semaine. Le pic qu'on a eu, c'est aux mois de mars et avril, qui était monté à
13 000 par semaine. C'est pour ça qu'on a ajouté d'autres ressources avec
le 31,1 millions, et là on tourne autour de 9 000, 10 000 appels
par semaine. Donc, il y a encore de la marge. C'est pour ça que je dis que, si
vous avez un problème, si vous ne vous sentez pas bien, appelez. Les gens sont
là pour vous répondre, pour vous aider et pour vous accompagner.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Les délais d'attente, présentement, là, sur la ligne Info-Social, c'est
convenable, selon vous?
M. Carmant : Trois minutes.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
O.K.
M. Bellerose (Patrick) :
Simplement de rembourser les consultations privées, comme le Parti libéral
demande, ça semble plus rapide dans le sens où on n'a pas à mettre en place...
aller chercher de nouvelles ressources.
M. Carmant : Oui. Alors, eux,
ils avaient mis en place le PQPTM, 2018-2019, avec cette vision-là de
psychothérapie universelle qu'ils mentionnent. Mais là, actuellement, ils nous
disent que c'est un projet de 300 millions… que nous, on pense, est sous
estimé, en plus. Mais eux, ils avaient investi seulement 35 millions à
l'époque, donc une goutte dans l'océan, là, si on veut offrir 15 séances de
psychothérapie à tous les Québécois. Et c'est sûr que tout le monde va
s'aligner pour ça. Nous, ce qu'on veut, c'est vraiment le bon soin par le bon professionnel
au bon moment. Donc, on veut que les psychologues participent. La
psychothérapie fera partie du programme public, mais à travers le PQPTM, à
travers cette étape que… si ça ne marche pas, les autosoins, si ça ne marche
pas, les thérapies de groupe, bien là vous allez avoir de la psychothérapie
d'offerte.
M. Carabin (François) : Les psychologues
du réseau public, on connaît leurs demandes, M. Carmant, notamment des augmentations
de salaire, mais aussi une meilleure autonomie professionnelle. Est-ce que c'est
quelque chose que vous êtes prêt à leur donner ou à leur céder?
M. Carmant : Oui, moi, j'ai
parlé à Mme Grou, comme je vous disais, puis, dans mon ancienne carrière de
neurologue, j'ai géré des équipes multidisciplinaires, et je suis tout à fait d'accord.
Il faut que les professionnels, quels qu'ils soient, mais incluant les psychologues,
puissent utiliser leur jugement clinique, quand est-ce que que le service doit
être prolongé, quand est-ce qu'il est adéquat ou pas adéquat, puis moi, je
voyais les deux. Des fois, les psychologues de mon équipe me disaient : Mais
ça, Lionel, ce n'est pas pour moi. Donc, je le passais à un autre
professionnel. Sinon, s'ils avaient besoin de plus de séances pour régler le
problème, il faut leur accorder parce que sinon le patient revient, puis c'est...
Un des gros problèmes en santé mentale, c'est les portes tournantes.
Mme Lévesque (Fanny) : Vous
parlez des jeunes, là, vous parlez de quelle tranche d'âge? Est-ce que ça
touche aussi les jeunes de quatrième, cinquième secondaire, par exemple?
M. Carmant : Oui, oui, c'est zéro
à 25 ans. Vous savez, on est en train de changer le modèle en santé mentale
avec le programme Aire ouverte, où on a étendu jusqu'à 25 ans à cause de cette
problématique où souvent les jeunes, jeunes adultes tombaient entre deux
chaises. Donc, on a prolongé le programme à 0-25 ans.
M. Bellerose (Patrick) : Vous
avez précisé, avec le 25 millions, de combien on va réduire la liste… et pourquoi
ne pas tout simplement combler tous les besoins, investir 75 millions,
si....
M. Carmant : Comme je vous
dis, c'est un premier pas, un pas ciblé. Les listes d'attente sont en train de
baisser, actuellement, pendant qu'on se parle. Si on a de la difficulté à
imaginer combler 25 millions de postes, imaginez 75 millions. Mais,
nous, ce qu'on veut, c'est de travailler avec les psychologues pour voir
comment on peut les inclure dans notre programme PQPTM parce qu'on sait
qu'elles veulent aider puis on veut qu'elles aident en santé mentale.
M. Bellerose (Patrick) :
Donc, 25 millions, ça fait réduire de combien la liste?
M. Carmant : Ah! je ne peux
pas vous prédire de combien elle va être réduite, ça évolue de façon
progressive. Si la demande augmente, il va falloir injecter probablement plus
d'argent, vous comprenez bien.
La Modératrice
: On va
passer en anglais, s'il vous plaît.
Mme Senay
(Cathy) : Mr. Carmant, good morning. I just
would like to understand. You said that this is a first step for young people,
so zero to 25 years old. Why was it urgent to target this group first after eight months in the pandemic?
M. Carmant : Well, because the data shows that we have not been able to cut into
the waiting list for youth, for these younger individuals, while we cut
significantly in the adult waiting list. So, as demand is increasing, we want
to target youth to make sure that we're able to reduce the waiting list.
Mme Senay (Cathy) : Your indicator to say that the demand is increasing is the line 8-1-1,
but youth are not calling. Who is calling 8-1-1 that tells you that youth,
young people are struggling, suffering right now?
M. Carmant : Well, they're calling Tel-Jeunes, which also we get the information from. And, as well, we see the
waiting list which is now centralized. So we know that the waiting list is not
decreasing as far as the «guichet d'accès santé mentale» for youth.
Mme Senay (Cathy) : How come it's not decreasing?
M. Carmant : Because we lack professionals. As I said, most individuals are seen
by psychologists or psychiatrists. We need to have more professionals
surrounding them, working with them, so patients have faster access to mental
health care.
Mme Greig (Kelly) : Is the pandemic affecting young people differently than older
people…
M. Carmant : Well, I think we're all affected by the pandemic. Obviously, when
you're making your social network and you have to be confined, it's more
difficult. University attendants, CEGEP attendants which have not been to class
are probably, as well, more
affected, but it's different than elderly, for example, who are confined at
home with only one visitor. So everybody is affected, but it is different from
one generation to the other. The problem here is the waiting list, which we
need to make a dent into.
Mme Greig (Kelly) : …for instance, as the school sports have been… right now, there are
fewer kinds of ways that young people… that maybe don't have the same access to
technology, they don't have their own cell phones, or things like that, and
their school is their main source of social activity. Is that kind of playing
into why young people are being affected as well as older people? There are
some different parameters, like older people tend to have a bit more flexibility…
M. Carmant : Yes. But again I think it's difficult for every generation right
now, and youth are significantly affected. As you said, they don't have their
sports, but our Government
needs to make all the efforts to reduce the number of contacts. And the two
things that we prioritize is work and school.
M. Authier (Philip)
: You're a doctor. Are you able to outline some of the common mental
health issues that are coming up for youth in the pandemic, things that you're
hearing?
M. Carmant : Yes, well, anxiety, psychological distress and, obviously,
depression are the three major things, and this is what we need to address as soon as possible.
M. Authier (Philip)
: Are youths more apt to seek help than adults or less?
M. Carmant : I think that, given the possibility, they both can, but, obviously,
it's something more difficult for youth. And this is why, a couple of weeks
ago, we launched a program with «le ministre de
l'Éducation» to address mental health in schools. This
is something we've been working on for the past two years so children know
about their emotions, how to recognize the six basic emotions, how to work out
with peers about their emotions and also how to differentiate a transient
problem like breaking up with your girlfriend and a more permanent problem like
the distress you feel after the loss of a parent. So this is a key part, in the
long run, for efforts to improve all Quebeckers' mental health.
Mme Senay (Cathy) :
It's knowing, if you have those feelings, that you
have to ask for help. The question I'm wondering, though, is that the waiting lists are not reduced
because of your lack in resources. So how could you react when you saw, on the
list of professions,
psychologists… to give a flu shot? You must have been saying : What are
they thinking?
M. Carmant : Yes, we directly asked to remove them from the list. It didn't make
sense to me.
Mme Fletcher
(Raquel) : And the opposition party, the Liberals, just said that we are already in a mental
health crisis and that that crisis is only going to get worse in time. Do you
agree with that? Are we facing a mental health crisis right now in Québec?
M. Carmant : Well, we're not in a crisis right now. Actually, the waiting list
is decreasing. But we have to prepare that this problem will stay on past the
pandemic and we don't even know when the pandemic's going to be over. So this
has to be... We need to have a robust improvement in our mental health system,
which, by the way, didn't help
with the past... with the cuts that we've seen in their last four years of government.
Mme Fletcher (Raquel) : My next question is:
Is what you're announcing today enough?
M. Carmant : It's a first step. Thank you.
(Fin à 9 h 30)