(Onze heures seize minutes)
M. Nadeau-Dubois : Bonjour. Merci.
Québec solidaire souhaite d'abord réagir à l'annonce de ce matin du ministre
Lionel Carmant en matière de santé mentale.
Vous le savez, ça fait des semaines que Québec
solidaire mène la bataille ici, à l'Assemblée nationale, pour qu'on améliore l'accessibilité
aux soins de santé mentale. J'ai posé cette question-là personnellement à
plusieurs reprises, dans les dernières semaines, au ministre de la Santé, et,
jusqu'à maintenant, il n'y avait pas de nouvelle, il n'y avait pas de réponse.
Ce matin, on a une première réponse, et c'est une bonne première réponse. Après
des semaines de travail, il y a une victoire aujourd'hui pour les gens qui ont
des problèmes de santé mentale au Québec, particulièrement pour les jeunes, et,
je m'en voudrais de ne pas le souligner, c'est une bonne nouvelle.
Le ministre Carmant aurait pu prendre
plusieurs chemins pour bonifier l'accès aux soins de santé mentale. Il a choisi
de prendre la voie qui lui était proposée par Québec solidaire, c'est-à-dire
rajouter des ressources dans le réseau public. C'est ce qu'on demandait. C'est
ce qu'on proposait, à Québec solidaire, depuis des semaines, et c'est le chemin
que le ministre a décidé d'emprunter. On s'en réjouit. Bon, on pourrait dire
que ça vient tard, mais au moins ça vient. Et donc c'est important pour nous
aujourd'hui de le dire. Il y a une avancée qui est faite en matière d'accès aux
soins de santé mentale. C'est une bonne nouvelle.
Maintenant, il faut qu'on bouge
rapidement. Il faut que cet argent-là soit dépensé rapidement. Il faut que ces
ressources-là soient embauchées dès les prochaines semaines parce qu'il y a, en
ce moment, au moment où on se parle, des jeunes hommes et des jeunes femmes au
Québec qui ont des problèmes de détresse psychologique graves, et il faut qu'on
leur permette d'avoir accès aux services très, très rapidement.
Quelle est la prochaine étape? Parce que,
oui, il y a eu une avancée aujourd'hui, mais le dossier de la santé mentale n'est
pas clos. La crise de santé mentale qui déferle sur le Québec ne sera pas
réglée au complet avec l'annonce d'aujourd'hui, bien sûr, bien sûr. Donc, c'est
quoi, la prochaine étape? Bien, la prochaine étape, et c'est, pour nous, une
condition essentielle à ce que l'annonce d'aujourd'hui donne les résultats
escomptés, la prochaine étape, c'est la bonification des conditions de travail
et de l'autonomie professionnelle des gens qu'on va embaucher dans le réseau
public.
Je veux le rappeler, entre 2008 et 2018, il
y a 450 psychologues qui ont quitté le réseau public. Pourquoi? Parce que
les conditions de travail ne sont pas satisfaisantes et parce que l'autonomie professionnelle
n'est pas au rendez-vous. Alors, si on veut être capables de remplir les 250
postes qu'on annonce aujourd'hui, il va falloir bonifier les conditions de
travail et garantir l'autonomie professionnelle parce que, sinon, c'est des
postes qui vont rester non comblés et qui vont rester vacants. Alors, c'est la
prochaine étape, selon Québec solidaire, et c'est la proposition qu'on fait au ministre
Carmant.
Bravo d'avoir annoncé des postes. Maintenant,
assurez-vous que ces gens-là aient des bonnes conditions de travail et aient l'autonomie
professionnelle pour faire leur métier comme ils et elles savent le faire. On a
perdu trop de gens dans le réseau public à cause des années libérales. Il y a beaucoup
de chemin à faire. Il y a beaucoup de retard à rattraper. Il ne suffit pas
d'embaucher des nouvelles personnes. Il faut être capable de les retenir, et,
pour ça, ça prend des bonnes conditions de travail et de l'autonomie professionnelle.
Mme Côté-Chabot (Claudie) : C'est
suffisant, 25 millions de dollars récurrents?
M. Nadeau-Dubois : Ce n'est
pas suffisant pour régler la crise de santé mentale au Québec, bien sûr que
non. Est-ce que c'est un bon premier pas? Oui. Et je pense qu'il faut souligner
les bons premiers pas quand il y a des bons premiers pas, puis il y en a un aujourd'hui,
c'est important pour moi de le dire. Après avoir agacé le gouvernement pendant
des semaines, on ne boudera pas notre plaisir aujourd'hui de souligner qu'il y
a un pas dans la bonne direction.
Mais, bien sûr, la crise de santé mentale
que vit le Québec ne se réglera pas avec 25 millions. Il va falloir
ajouter plus d'argent. Il va falloir ajouter plus d'êtres humains et plus de
psychologues dans notre réseau public. Et la proposition de Québec solidaire, à
terme, c'est quoi? Bien, c'est de faire en sorte que la santé mentale soit
considérée sur un pied d'égalité avec la santé physique et que ça fasse
réellement partie du panier de services de l'assurance maladie au Québec. Ça, c'est
le projet de société de Québec solidaire, à terme. Espérons qu'on va s'y rendre
plus tôt que tard. Mais, pour le moment, il y a une mesure qui est annoncée aujourd'hui,
puis on voulait la souligner.
Mme Côté-Chabot (Claudie) :
Mais vous parlez de crise, là. Dans «crise», il y a une situation où ça demande
une réponse urgente. On les trouve où, les ressources, on trouve où le
personnel, parce qu'il y a un besoin criant puis il en manque partout?
M. Nadeau-Dubois : Oui, quand
on fait des sondages, là, auprès des psychologues, ce que les psychologues
disent, c'est qu'ils sont prêts à revenir travailler dans le réseau public, que
plusieurs d'entre eux et elles veulent venir travailler dans le public. La
condition, c'est d'avoir des bonnes conditions de travail puis de l'autonomie professionnelle.
C'est les deux raisons qui expliquent pourquoi il y en a 450 qui ont quitté le
réseau public entre 2008 et 2018. Donc, c'est possible de ramener ces gens-là.
Et il y a une volonté de ces gens-là de travailler dans le réseau public si le gouvernement,
comme employeur, fait sa part en leur donnant des bonnes conditions puis de l'autonomie
pour faire leur métier.
M. Carabin (François) : Votre
discours, à Québec solidaire, depuis le début de la pandémie, c'est qu'il y a
une deuxième pandémie… de santé mentale. Pourtant, M. Carmant a été interrogé
sur s'il y avait ou non une deuxième... une crise de santé mentale, et il a dit
qu'il n'y en avait pas. Comment ça vous fait réagir?
M. Nadeau-Dubois : Oui, c'est
la fausse note dans l'annonce d'aujourd'hui. C'est la fausse note. Je ne sais
pas... Je ne comprends pas comment le ministre Carmant peut en arriver à une
conclusion comme celle-là. À chaque jour, il y a des articles qui révèlent des
statistiques inquiétantes sur l'explosion de la détresse psychologique au Québec.
À Montréal, on parle maintenant d'un jeune adulte sur deux qui a des symptômes
de dépression ou d'anxiété. Ça, c'est les signes avant-coureurs d'un burn-out
collectif. Et là on vient d'annoncer quatre semaines de confinement social de plus.
Ça ne peut pas aller en s'améliorant. Malheureusement, il faut s'attendre à ce
que la situation en santé mentale continue de se dégrader. Malheureusement, je
pense qu'il faut s'attendre à ça. Donc, d'entendre le ministre dire ce matin :
Non, non, non, il n'y a pas de crise, c'est fâchant parce que c'est un déni de
la réalité. C'est un déni de la réalité.
M. Carabin (François) : Pour
ce qui est des demandes des psychologues du réseau public, est-ce que vous
croyez que ça peut se faire rapidement, de leur redonner un peu de... parce
que, là, vous le dites, là, c'est des... de psychologues qui quittent le réseau.
Comment on fait pour les ramener rapidement?
M. Nadeau-Dubois : Bien, en
annonçant, en lançant un message clair à ces gens-là : Vos conditions de
travail vont s'améliorer et vous allez avoir une autonomie de pratique. Et ça,
ce n'est pas une théorie que Québec solidaire invente, là. Quand on demande aux
psychologues, quand on les sonde, c'est ce qu'ils répondent, ces hommes et ces
femmes-là nous disent : Oui, on a le souhait de revenir au public, mais
donnez-nous des conditions de travail qui ont du bon sens puis donnez-nous une
autonomie pour pratiquer notre métier. Puis ça, ce que ça veut dire, grosso
modo, c'est la capacité de choisir l'approche qui est la plus appropriée à
notre pratique. Et ça, le gouvernement ne le fait pas actuellement. Mais ça, il
s'agit juste d'envoyer un signal politique à ces gens-là, de dire :
Écoutez, on le sait, que ça s'est dégradé dans les dernières années, on le sait,
que les conditions de travail n'étaient pas là, on le sait, qu'on vous a
encarcanés, au niveau professionnel, dans certaines approches plutôt que
d'autres, ça va changer, revenez chez nous. Et ce que les psychologues disent par
milliers au Québec, c'est : On est prêts à revenir au public. C'est même
ce que plusieurs d'entre eux et elles souhaitent faire.
Mme Côté-Chabot (Claudie) :
Sur un autre sujet, M. Nadeau-Dubois, la vice-première ministre a qualifié
les partis d'opposition d'irresponsables ce matin en point de presse, là, parce
que vous ne vous rangez pas totalement derrière le gouvernement. Votre réaction
là-dessus.
M. Nadeau-Dubois : Est-ce que
les journalistes sont irresponsables de poser des questions? Est-ce que les
oppositions sont irresponsables de poser des questions? Est-ce que les citoyens,
citoyennes qui ont des questions sont irresponsables de les poser? Est-ce que
les propriétaires de gyms sont irresponsables de poser des questions? Est-ce
que les propriétaires de restaurants sont irresponsables? Est-ce que les
acteurs du milieu culturel sont irresponsables? À un moment donné, le gouvernement
de la CAQ devrait arrêter de pointer tout le monde du doigt et devrait prendre
ses responsabilités et se demander ce qu'eux, ils peuvent faire pour mieux
communiquer, pour faire preuve de plus de transparence, de plus de cohérence
dans leurs consignes.
M. Carabin (François) :
Croyez-vous que votre discours encourage la désobéissance civile?
M. Nadeau-Dubois : Non. Je
pense que ce qui érode la confiance dans le gouvernement, c'est son manque de
transparence, c'est son manque de cohérence. Si le gouvernement constate, comme
nous et comme tout le monde, qu'il y a tranquillement une perte d'adhésion, la
solution, ce n'est pas de blâmer les gens qui posent des questions, c'est de se
regarder dans le miroir et dire : O.K., qu'est-ce qu'on peut faire de
mieux? Et le gouvernement de la Coalition avenir Québec, François Legault en
tête, semble incapable de faire ça. Et ça, ce n'est pas une bonne nouvelle
parce que la crise de la COVID n'est pas terminée.
La Modératrice
: Une
dernière question en français.
Mme Senay (Cathy) : Bien,
moi, j'en ai une justement par rapport à ça. M. Legault, qui se dit toujours un
homme d'action, pragmatique, qui ne veut pas patauger dans les détails,
avez-vous l'impression qu'éventuellement il peut payer cher le fait que les
avis de Santé publique ne soient pas documentés, que ça ne soit pas écrit de
façon détaillée? Il peut le payer cher pour la génération à venir ou ceux qui
vont se pencher à nouveau sur cet épisode-là qui est si important dans notre
histoire.
M. Nadeau-Dubois : Bien, d'abord,
en ce moment, le manque de transparence du gouvernement, il a déjà un prix. Ce
prix-là, c'est la perte de confiance puis la perte d'adhésion aux consignes de
la Santé publique, qu'on constate tranquillement. Donc, il y a déjà un prix qui
est payé par le gouvernement pour cette opacité-là.
Mais, oui, je pense que c'est raisonnable
de croire qu'il va y avoir un prix à long terme aussi. Ce n'est pas un petit événement
que celui que nous vivons en ce moment. C'est une énorme tragédie collective, et
on est en train de la gérer en ne laissant aucune trace officielle des
décisions qui sont prises. Comment va-t-on faire le bilan de cette
expérience-là si on n'a même pas de notes de réunions, si on n'a même pas
d'avis écrits de la Santé publique? Il y a une différence entre être
pragmatique puis gérer ça sur un coin de table. Il y a une différence entre
être orienté vers l'action puis botcher le travail en faisant ça à la bonne
franquette.
Tu sais, moi, je pense que le gouvernement
du Québec a une responsabilité de documenter ses décisions si on est pour
ensuite vouloir faire le bilan de cette gestion de crise là, parce que des
pandémies comme celle-là, il va y en avoir d'autres, hein? D'ailleurs, beaucoup
de scientifiques disent qu'avec la dégradation progressive des écosystèmes ce
type d'épidémie, qui est lié aux contacts fréquents entre les humains et les
animaux, ce type d'épidémie là est appelé à se produire plus souvent. Alors, si
on veut se préparer pour les prochaines crises, pour les prochaines épidémies,
on a avantage à documenter la manière dont on gère celle qu'on vit
présentement.
Mme Senay
(Cathy) : In English, I would like to hear you
about mental health. Lionel Carmant has announced $25 million, not
punctually, but in the future, every year in the future, recurrent. But, to
target youth 25 years old and lower, is it sufficient for you? Because,
for you, he says that it was a first step, but you talked about a mental health
crisis last week.
M. Nadeau-Dubois :
Well, first of all, you know, I've been challenging the Government on that
issue for at least a month now. So it's important for me today to underline the
fact that progress has been made. It is good news. Is it enough to solve the
mental health crisis that Québec is facing? Of course not. We're going to need more
than that in the short term. We're going to need more access for everyone in
Québec in terms of mental health, not only younger people. But still, still, a
step has been made in the right direction. It has to be underlined today. But
you can trust Québec solidaire to continue to fight, to continue to challenge
the Government on that issue because we're going to need more. And the target
that we need to have is to have mental health considered on the same level as
physical health in Québec, and that means a real public health care system that
takes into account mental health.
Mme Senay (Cathy) : If we go through the press conference, it's not clear to me the
statistics, the data that Mr. Carmant is using to say: We have to act like
this, and it will reduce we don't know how much the waiting list. So were you
lost in the fact that we should have been more documented?
M. Nadeau-Dubois :
I think it is well documented that there is not only a major crisis in mental
health in Québec, but also a specific challenge with young adults and
teenagers. This has been proven. So I think it is reasonable to think that
investment is targeted in an area where there is a specific need. Is it enough
to solve this major crisis? Of course not. But, you know, we've been asking for
concrete things. This is a concrete thing. It's a first step. There needs to be
other steps, and we'll keep challenging Mr. Carmant on that.
Mme Senay (Cathy) : You must hear from young people. Like, what do you hear? Like, even
teenagers or young adults, what do you hear?
M. Nadeau-Dubois :
You know, I think we all see it in our personal life. We see people around us,
in our families, especially young adults, teenagers, students, that have been
probably, with elderly people, the category of the population that is the more isolated by the shutdown measures of the last
months. You know, young people are people who need to socialize, and their
university or their college is not just a place where they go to study. It's
also a place where they have their social life, where they meet other people.
The fact that they have been imprisoned at home by this crisis of COVID has a very specific and hard impact on
those young people. They need a social life in order to grow at that age, and
we've been... That has been hard on them. Also, it's been very hard on elderly
people also, but young people... I see it on an everyday basis, a lot of young
people writing to me, on Instagram, on Facebook, saying : We're going
through a hard time, you know, not only are we not going to school, but we're
not seeing any of our friends. And, at that age, this is very difficult.
Mme Senay (Cathy) : One last thing, two clarifications. It's very hard to get youth to seek for help if... If there are
maybe 50% of adults seeking for help, it gets even more
problematic, like, harder for younger people. So how this can change in such a
very short amount of time, the culture of seeking help for mental health?
M. Nadeau-Dubois :
There is a social challenge to deconstruct the taboo around mental health
problems. But, on my generation, and even younger than me, I'm quite
optimistic. I feel that, for younger people, it is less stigmatized. I think
younger people, today, in Québec, are more open to talk about those issues. The
problem is that it's not only… You know, it's not enough just to be able to
talk about it. You actually need professional help to talk about it, and that
has been the major problem in the last month.
And what I see, on a very
personal basis, on my social media is disturbing. We've received, I don't know,
hundreds, hundreds of young people telling us : We are feeling anxious, we
are feeling depressed, we need help, we don't have any trouble recognizing that
we do need help, but there's just nowhere we can go and we're alone, at home,
in front of our screens, having those problems.
Mme Senay (Cathy) : And the fact that we have to add 250 full-time resources, I mean,
is this realistic we can find this help soon?
M. Nadeau-Dubois : No. During the Liberal years, we've lost 450… How do you say
«psychologues» in English?
Mme
Senay (Cathy) : Psychologists.
M. Nadeau-Dubois : So, during the Liberal years in Québec, we've lost 450 psychologists in the public sector that went to the
private sector. Why? Because the working conditions were not good enough and
because there was not enough professional autonomy for them to do their work as they wished to do it. So
those people, they were in the public sector, and the only thing they want is
to come back as soon as we offer them good working conditions and full professional autonomy. So it is realistic to
get back those people and it's even realistic to go further than that. Each
time there's a poll done, what psychologists are answering in those polls is :
Yes, we want to go work for the public, we used to do it, just as long as the Government treats us with the respect that
we deserve as health care professionals.
La Modératrice
:
Merci beaucoup.
M. Nadeau-Dubois : Merci.
(Fin à 11 h 34)