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Point de presse de M. Gabriel Nadeau-Dubois, leader parlementaire du deuxième groupe d’opposition

Version finale

Le vendredi 30 octobre 2020, 9 h 15

Hall principal de l'hôtel du Parlement, hôtel du Parlement

(Neuf heures dix-sept minutes)

M. Nadeau-Dubois : Bonjour. Comme vous le savez, ça fait plus d'un mois que Québec solidaire sonne l'alarme en matière de santé mentale. Les cris du coeur viennent de partout. Et ce matin, bien, un autre cri du coeur, cette fois, c'est les jeunes entrepreneurs qui disent qu'ils sont en train de craquer.

Finalement, cette semaine, enfin, le gouvernement a fait un premier geste, et il était temps. Aujourd'hui, par contre, le gouvernement est interpellé sur ce dossier-là, sur le dossier de la santé mentale, et ça tombe bien parce qu'on a beaucoup de questions pour Lionel Carmant.

Où va être investi le fameux 25 millions qu'il nous a annoncé cette semaine? Qui va être embauché exactement avec cet argent-là? Où vont travailler les gens qui vont être embauchés dans des CLSC ou dans un centre d'appels du 8-1-1? Aujourd'hui, Lionel Carmant doit absolument répondre à ces questions-là. Je vais les lui poser. Ce n'est pas normal qu'on nous annonce 25 millions et qu'on ne nous dise pas exactement où cet argent-là va aller, qui on va embaucher et où vont travailler les gens qu'on va embaucher.

Mais aujourd'hui on n'a pas juste des questions, on a aussi des nouvelles demandes pour Lionel Carmant. Il est temps de passer à la prochaine étape. On a annoncé 25 millions cette semaine; là, il faut continuer le travail, parce que 25 millions, c'est bien beau, mais ça ne réglera pas la crise historique de santé mentale qu'on vit actuellement.

Et la prochaine étape, qu'est-ce que c'est, cette prochaine étape? Bien, la prochaine étape, c'est de prendre les moyens pour embaucher des gens dans le secteur public en matière de santé mentale et pour les garder dans le secteur public.

Aujourd'hui, on a deux demandes précises pour Lionel Carmant. D'abord, il faut bonifier les salaires des psychologues et des autres professionnels de la santé mentale dans le réseau public. Juste pour vous donner une idée, les psychologues au public en ce moment font 30 % de moins que leurs collègues du privé. Les psychologues du public sont actuellement en négociations, alors là, c'est le temps d'envoyer un signal, c'est le temps de promettre qu'on va réduire significativement l'écart entre le public et le privé. La balle est dans le camp du gouvernement. Les conventions collectives sont ouvertes, donc les astres sont alignés pour qu'on annonce enfin qu'on va améliorer les salaires des psychologues dans le réseau public.

Deuxième demande. Il faut arrêter de traiter les professionnels de la santé mentale comme des employés d'usine. Il faut leur donner de l'autonomie professionnelle. Concrètement, c'est quoi, ça, de l'autonomie professionnelle? Bien, c'est d'abord mettre fin au système des quotas. Parce que, depuis les réformes libérales, les gens ne le savent peut-être pas, mais dans plusieurs CLSC les psychologues ont des quotas de nombre de patients. Dans certains cas, ils sont même obligés de voir 82 nouveaux patients chaque année. Deuxième exemple. C'est quoi, de l'autonomie professionnelle? Bien, c'est abolir les limites de séances. Dans plusieurs CIUSSS à l'heure actuelle on impose des limites de séances aux psychologues. On leur dit : Après 10 ou après 15 rencontres avec un patient, bien, c'est fini, tu fermes le dossier.

Donc, ce genre de règles là sont ridicules. Ça empêche les psychologues, les professionnels de la santé mentale de faire leur travail et d'aider les gens. Et notre demande pour Lionel Carmant aujourd'hui c'est de mettre fin à ces règles-là, de s'engager à sortir de cette logique managériale, cette logique d'usine où on met la pression sur les professionnels de santé mentale comme s'ils travaillaient sur une chaîne de montage.

Pour régler la crise de santé mentale que vit le Québec, il faut casser cette manière-là de travailler. Prendre soin du monde, ce n'est pas travailler dans une usine. La santé mentale, ce n'est pas une chaîne de montage. Il faut casser cette logique-là, redonner le pouvoir aux gens qui s'occupent des Québécois et des Québécoises. Merci.

La Modératrice : On va prendre vos questions.

Mme Prince (Véronique) : …parce que les solutions que vous proposez, ça prend quand même un certain à mettre en place, là, je veux dire, embaucher des gens, les placer, etc., augmenter les conditions salariales, bon. À très, très court terme, là, vu qu'on a des besoins immédiats et urgents, est-ce qu'il pourrait y avoir la possibilité que le gouvernement crée un genre de passerelle avec le privé en disant : Bien, exceptionnellement, en pandémie, on vous autorise à rembourser les psychologues au privé pour qu'ils viennent aider le public?

M. Nadeau-Dubois : Oui. Selon nous, ce n'est pas la solution. C'est la proposition libérale, ce que vous évoquez là, puis ce n'est pas la bonne solution. Ce n'est pas la bonne solution parce que ça va consacrer l'existence d'un système à deux vitesses. Et ce n'est pas la solution parce qu'on sait très bien que les cas les plus lourds, là, les gens qui ne vont vraiment pas bien, où ils se retrouvent?, au public. Alors, ce qu'il faut, c'est renforcer le réseau public en matière de santé mentale. Ça, c'est la solution de Québec solidaire. Puis on est contents que le ministre Carmant ait suivi cette voie-là qu'on lui propose depuis maintenant plus d'un mois. Elle est là, la solution.

Mais je suis désolé, les conventions collectives, elles sont ouvertes en ce moment. Donc, ce n'est pas vrai que ça prend... que ça va prendre plusieurs années pour bonifier les conditions de travail. Il y a des psychologues qui très récemment l'ont dit, ils sont en ce moment au privé, ils sont prêts à aller au public. On a même des histoires qui nous sont racontées, des témoignages de psychologues qui ont appliqué durant la première vague à Je contribue, des psychologues du privé qui ont appliqué à Je contribue parce qu'ils veulent aller au public, ils sont prêts à y aller d'un jour à l'autre. La seule chose qu'ils disent, c'est : Bien, on aimerait quand même avoir des conditions de travail raisonnables, des salaires raisonnables puis surtout une autonomie professionnelle.

Ce que les psychologues nous disent sur le terrain, là, puis on reçoit des témoignages à chaque jour, c'est qu'on leur dit : Après 10 séances, tu fermes le dossier, je veux dire, sans égard à l'état du patient. Cette manière-là de traiter les gens qui travaillent dans le public en santé mentale, ça décourage les gens du privé de faire le saut puis d'aller donner de l'aide au public.

Donc, c'est une solution à court terme, parce que les conventions sont ouvertes, de dire : Améliorez les salaires, donnez de l'autonomie aux gens, arrêtez de les presser comme des citrons, et les psychologues, à l'intérieur de quelques semaines, vont retourner au public. Nous, on en est convaincus.

Mme Prince (Véronique) : Est-ce qu'on pourrait aussi demander, par exemple, aux étudiants qui n'ont pas encore nécessairement leur titre, qui ne sont pas encore docteurs, mais qui sont... de venir contribuer, justement, si on a un manque actuellement, même s'ils n'ont pas leur titre? Ça prend une certification, mais est-ce qu'on pourrait enlever cette barrière-là le temps de la pandémie?

M. Nadeau-Dubois : Moi, je trouve que c'est une piste intéressante. C'est une piste intéressante. On a besoin de toute l'aide nécessaire dans le réseau public. Donc, oui, je pense, c'est une avenue qui devrait être explorée. Ça me semble une proposition intéressante, oui.

M. Larin (Vincent) : ...qui dit aux psychologues de fermer les dossiers après 10 rencontres?

M. Nadeau-Dubois : Les gestionnaires du réseau de la santé. C'est des pratiques qui sont communes dans le réseau de la santé à l'heure actuelle. Nous, on a des témoignages qui proviennent de plusieurs CIUSSS. C'est des pratiques documentées et normales, là. Après, parfois 10, parfois 15 séances, les psychologues doivent fermer les dossiers. Parfois, il y a une possibilité de demander à leur coordonnateur d'équipe une prolongation, mais ces prolongations-là sont accordées très, très, très rarement. Il faut que ça soit lourdement justifié.

Alors nous, ce qu'on dit, c'est : Des psychologues, là, c'est des gens qui ont des doctorats, je pense qu'ils sont en mesure de prendre cette décision-là et de savoir : Est-ce que mon patient, il va assez bien pour qu'on arrête la psychothérapie ou est-ce qu'on doit continuer?

La vérité, c'est que cette logique-là, elle vient d'où? Elle vient des libéraux. C'est les réformes libérales des 15 dernières années qui ont instauré ces modes de gestion là dans le réseau de la santé, et en santé mentale, ça donne des absurdités comme ça. C'est vraiment une logique de fast-food de la psychothérapie, c'est-à-dire on donne un nombre de séances et après on demande aux gens de fermer les dossiers.

Donc, cette logique du fast-food de la santé mentale, c'est l'héritage du Parti libéral. Il faut casser cette logique-là. Parce que, si on annonce du nouvel argent, qu'on met du nouveau monde dans les CLSC, mais qu'on ne les laisse pas faire leur travail, qu'est-ce qui va arriver? Il va y avoir un système de portes tournantes, c'est-à-dire les gens vont aller faire 10 séances dans le réseau public, ils n'en sortiront pas vraiment dans un meilleur état, puis ces gens-là vont juste revenir quelques mois plus tard dans le système en disant : Finalement, je ne vais pas mieux.

Et alors, c'est pour ça qu'on dit : Mettez du nouvel argent, c'est bien, embauchez du nouveau monde, c'est bien; maintenant, comment on fait pour que ce monde-là fasse bien leur travail? Parce que sinon, là, on va juste consacrer la logique actuelle qui est la logique libérale où on a un réseau public qui fait de la santé mentale, mais dans des conditions tellement pitoyables qu'on n'est pas capables d'aider les gens. Puis les statistiques, elles ne s'amélioreront pas si on ne casse pas cette logique-là.

M. Larin (Vincent) : Est-ce que vous avez chiffré, à Québec solidaire, le coût des mesures que vous proposez en santé mentale? Je sais que les Libéraux, leur plan, c'est 300 millions. C'est clair, c'est précis.

M. Nadeau-Dubois : Bien, c'est-à-dire, nous, ce qu'on dit, c'est : En ce moment, il y a un écart de 30 % en moyenne entre le salaire des psychologues au public puis le salaire au privé. On n'est pas à la table des négociations, ce n'est pas à nous de dire : Les psychologues devraient faire tant de l'heure. Ce qu'on demande, c'est de réduire cet écart-là. Oui, ça représente des dépenses supplémentaires, mais, je veux dire, on a un déficit de 15 milliards en ce moment, là, je pense qu'on peut dépenser quelques dizaines de millions pour bonifier les conditions de travail des gens qui s'occupent de la santé mentale des Québécois, Québécoises. Honnêtement, ça me semble davantage un investissement qu'une dépense.

M. Larin (Vincent) : ...quelques dizaines de millions?

M. Nadeau-Dubois : Bien, c'est parce que pour chiffrer la proposition il faudrait qu'on détermine le salaire. Moi, ce matin en point de presse, je ne représente pas les psychologues, ce n'est pas à moi de dire : On propose qu'ils fassent tant par année. Mais ce n'est pas des coûts faramineux que de réduire un peu cet écart-là.

M. Larin (Vincent) : O.K.

La Modératrice : Une dernière question?

M. Nadeau-Dubois : Peut-être sur la question des limites de séances, là, il faut savoir qu'il n'y a pas de pratique uniforme partout dans le réseau de la santé et des services sociaux, hein? Il y a des limites dans certains CIUSSS : parfois, il y en a moins, parfois, elles sont plus basses, parfois, elles sont plus élevées. Nous, on a des témoignages de beaucoup de psychologues, dans certains CIUSSS, qui nous disent : Chez nous, c'est 10 séances, d'autres qui nous disent : Chez nous, c'est 15 séances, puis il faut demander la permission à un coordonnateur, qui n'est souvent pas formé en santé mentale, d'ailleurs, de continuer à voir nos patients. Puis ça, c'est l'héritage des réformes libérales en santé mentale, puis aux dernières nouvelles le ministre Lionel Carmant veut les prolonger puis continuer de les appliquer partout au Québec.

Donc, nous, l'appel qu'on lance ce matin, c'est : Vous avez mis l'argent, c'est très bien; maintenant, changez le modèle parce que sinon on va continuer à avoir des citoyens puis des citoyennes qui tournent dans le système et qui reviennent sans cesse parce qu'on n'a pas pris soin d'eux. Puis d'ailleurs je pense que c'est les cas les plus lourds qui se retrouvent dans cette situation-là, puis ces cas-là n'iront pas au privé, le privé n'en veut pas. C'est pour ça qu'il faut miser sur le public.

Mme Prince (Véronique) : …la réforme Barrette?

M. Nadeau-Dubois : Il y a eu plusieurs réformes dans le réseau de la santé dans les 15 dernières années, là, mais les réformes managériales de ce type-là, c'est dans les 15 dernières années qu'elles ont eu lieu. Comme je vous dis, ce n'est pas uniforme partout dans le réseau, mais dans plusieurs CIUSSS, oui, c'est 10 séances, dans d'autres, c'est 15 séances.

Et, dans le cadre du programme lancé par les libéraux, que M. Carmant veut prolonger, le fameux PQPTM, là, ce programme-là est l'incarnation parfaite de la logique en question. Ça, ça a été un programme annoncé par les libéraux juste avant la dernière campagne électorale. C'était censé être une très bonne nouvelle. Dans les faits, sur le terrain, c'est exactement cette logique-là qui continue, c'est-à-dire un système qui est vraiment un système de fast-food, là, où on minute les séances, où on limite le nombre de séances.

C'est dans le cadre de ce programme-là qu'il y a la fameuse absurdité des autosoins, là, donc on dit aux psychologues : Commencez par voir les gens, mais les deux ou trois premières séances, là, ça va être des autosoins, ça fait que vous donnez un petit guide à la personne puis vous lui dites comment prendre soin d'elle. Ça, c'est la logique libérale. Puis, aux dernières nouvelles, Lionel Carmant veut déployer ce programme-là partout au Québec. Merci.

(Fin à 9 h 29)

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