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Conférence de presse de M. Vincent Marissal, porte-parole du deuxième groupe d’opposition en matière d’économie

Version finale

Le jeudi 12 novembre 2020, 14 h 50

Salle Evelyn-Dumas (1.30), édifice Pamphile-Le May

(Quinze heures trois minutes)

Le Modérateur : Alors, bonjour à toutes et à tous. Bienvenue à ce point de presse de Vincent Marissal, porte-parole du deuxième groupe d'opposition en matière de finances, d'économie et de fiscalité et pour le Conseil du trésor. M. Marissal, la parole est à vous.

M. Marissal : Merci beaucoup. Alors, bon après-midi. Merci d'être là. On s'attendait à une grosse journée aujourd'hui. Une mise à jour économique, c'est toujours un moment important. Ça l'est encore plus ou ça devrait l'être encore plus en une période trouble comme celle que l'on vit. Malheureusement, je dois vous dire que je reste passablement sur ma faim. Il n'y a pas grand-chose de neuf sous le soleil dans cette mise à jour économique, de ce qu'on ne savait pas.

Par ailleurs, le ministre semble avoir fait preuve d'une créativité comptable, ma foi, assez extraordinaire pour se maintenir à 15 milliards de déficit, pour maintenir, comme par hasard, sa réserve de 4 milliards à 4 milliards.

Et on voit par ailleurs que, malgré les besoins criants, sur le terrain, de l'économie au Québec, je parle des régions qui en arrachent davantage, je parle de certains secteurs de l'économie, les très petites entreprises, les PME, le tourisme, la culture aussi qui est en train de s'effondrer, des pans de secteurs aussi de l'économie en restauration, on ajoute, là, pour le moment, 1,5 milliard. Bon, certains diront que c'est quand même un gros montant. Mais, dans la perspective du budget complet du gouvernement du Québec, sachant en plus qu'on a des réserves pour éventualités, donc pour crises, c'est un effort, ma foi, minimaliste et je dirais même assez chiche.

Par ailleurs, le gouvernement... Comme il nous l'avait dit, le ministre des Finances refuse d'envisager de nouvelles sources de revenu. Il nous dit aussi évidemment que la croissance sera moindre que ce qu'on avait prévu, ça, ça va de soi, à cause de la pandémie, et elle a été moindre que prévu. Par contre, il maintient mordicus, là, son objectif de cinq ans pour le retour à l'équilibre budgétaire.

Ça, quand on calcule et qu'on additionne, ça nous donne le résultat de l'austérité patente. Ça nous pend au bout du nez. D'ailleurs, je remarque que, dans ses projections, le ministre s'arrête. Il n'a pas donné les deux dernières années. Et, en principe, dans son plan, l'équilibre budgétaire revient en 2026. Il s'arrête, dans ses projections, à 2023. Alors, il manque, là, comme deux années. Il y a deux années-mystères.

Ce que l'on sait, par contre, en regardant plus attentivement les chiffres, c'est qu'il y aura néanmoins, pour ces deux dernières années là, ou trois dernières années là si vous arrêtez à 2022, 7 milliards de déficit à combler, c'est beaucoup d'argent, avec une croissance économique qui sera évidemment moins forte que prévu. Et il s'engage aussi, par ailleurs, à maintenir les dépenses.

Ça me paraît difficile de concilier tout ça. Je ne suis pas le premier à le dire, des économistes l'ont dit aussi au cours des dernières semaines. C'est un peu la quadrature du cercle dans laquelle le ministre s'est engagé là, aujourd'hui, et visiblement il manque des morceaux, là, dans le casse-tête qu'il vient de nous présenter.

Il n'y a pas grand-chose, sinon rien pour la crise climatique, pour la relance verte, et puis il n'y a rien dans le domaine des investissements sociaux. Et il y a aussi quelque chose qui revient, et c'est, cette fois, plus chiffré, c'est les demandes de plusieurs milliards de dollars de transferts fédéraux en santé, des transferts, donc, accrus, que le ministre demande à cor et à cri, sans condition, évidemment, de la part du fédéral. Mais de toute évidence, son échafaudage budgétaire repose aussi sur un accroissement significatif des transferts fédéraux. Alors, de dire que c'est hasardeux, c'est vraiment le moins que je puisse dire. Je me serais attendu quand même à une réponse un peu plus sérieuse aux pans de l'économie qui en arrachent en ce moment.

Je ne prends qu'un exemple, 60 millions de dollars en tourisme, franchement, quand on connaît l'importance de ce secteur-là dans l'économie du Québec, quand on connaît les difficultés que ce secteur-là de l'économie connaît en ce moment, quand on sait que pour, vraisemblablement, la prochaine année et peut-être les subséquentes, il y aura beaucoup plus de tourisme intérieur, les Québécois et les Québécoises vont continuer de voyager au Québec... Et le ministre, tout à l'heure, était vraiment tout heureux, tout sourire de nous dire qu'il avait provisionné 60 millions de dollars pour l'industrie au complet du tourisme au Québec.

Alors, c'est vraiment trop peu. Je souhaite seulement que ce ne soit pas trop tard, parce que, de toute évidence, le ministre continue de s'attacher les mains avec son échéancier de retour à l'équilibre budgétaire, mais ce sont les Québécois et les Québécoises qui risquent d'en faire les frais, parce que, de toute évidence, il n'y aura pas assez d'argent pour maintenir les dépenses, et on se retrouvera vraisemblablement devant de nouvelles compressions et une nouvelle ronde d'austérité. Je suis prêt à prendre vos questions.

Le Modérateur : Nous allons commencer avec Valérie Gamache de Radio-Canada.

Mme Gamache (Valérie) : Est-ce que vous avez l'impression que cette mise à jour économique là est beaucoup trop basée, justement, sur les transferts fédéraux, et que c'est là, vraiment, la plus grande faiblesse de ce plan-là? Parce que, si Ottawa dit non, c'est comme si le plan ne tient plus.

M. Marissal : Bien, il y a plusieurs faiblesses, dans ce plan-là, notamment la réponse aux secteurs, avec un «s», de l'économie qui souffrent. Ça, c'est sûr et certain. Je ne sais pas si je dois les calibrer, là, les hiérarchiser, mais l'autre faiblesse, c'est l'objectif de retour à l'équilibre budgétaire en cinq ans. Vraiment, voici un ministre, là, qui s'est automenotté, là. Il ne se donne pas le choix, mais ce n'est pas lui qui va souffrir.

Quant à la demande faite au fédéral, c'est effectivement tout un gros morceau. Et j'ai remarqué tout à l'heure que le ministre n'a pas été capable de répondre à savoir si son plan tenait sans le montant demandé au fédéral. Il a plus ou moins habilement contourné la question, mais il n'a pas eu de réponse à ça. Alors, c'est un immense montant que le Québec, là, tout d'un coup, demande au fédéral. Il va y avoir des négociations, mais ce n'est peut-être pas très habile que d'abattre ses cartes comme ça en disant d'emblée : Moi, j'ai absolument besoin de ce gros morceau d'argent venant d'ailleurs sans condition. Disons que M. Girard a abattu ses cartes un peu vite.

Le Modérateur : Hugo Pilon-Larose, LaPresse.

M. Pilon-Larose (Hugo) : Mais le retour à l'équilibre budgétaire en cinq ans, ce n'est pas dans la loi, ça?

M. Marissal : Oui, oui, mais cette loi a été modifiée à l'occasion. On n'est pas dans une situation où on peut tout simplement s'encarcaner dans une loi si cette loi ne correspond pas aux circonstances, et les circonstances sont totalement exceptionnelles. On n'a jamais connu ça, au Québec, et je souhaite bien qu'on ne la revivra jamais, d'ailleurs, cette pandémie, suivie de la récession, de la crise économique. On peut modifier une loi.

D'ailleurs, le ministre ouvre la porte, dans son exposé économique, aujourd'hui, à une révision, notamment, tu sais, des versements au Fonds des générations. On n'a pas à s'attacher les mains dans un programme de retour à l'équilibre budgétaire sur cinq ans. On peut faire autrement. En fait, il y a deux questions ici, c'est : Est-ce que ça risque de faire souffrir la population? Oui, effectivement. Est-ce que ça risque de retarder encore leurs investissements nécessaires dans nos services publics? La réponse est oui aussi.

Alors, c'est un fou dans une poche, là. On n'est pas obligés, de façon quasi religieuse, dogmatique, de dire : Bien, c'est cinq ans, c'est cinq ans. Et puis, de toute façon c'est le ministre lui-même, là, qui décide quand est-ce qu'on commence à compter les cinq années vers le retour à l'équilibre.

M. Pilon-Larose (Hugo) : Bien, je pense que la loi le prévoit aussi, là, quand qu'on commence à compter, là, plutôt que le ministre. Mais qu'est-ce qui serait responsable pour un gouvernement qui, quand même, gère les finances de tous les Québécois, là, les finances publiques, quel serait un retour à l'équilibre budgétaire responsable? Vous, si vous étiez au gouvernement... Vous dites : Cinq ans, c'est trop tôt, ça va faire souffrir du monde parce que ça va nous forcer à aller dans l'austérité. Alors, qu'est-ce que vous proposeriez?

M. Marissal : Je n'ai pas le chiffre magique : Est-ce que c'est sept ans, est-ce que c'est huit ans, est-ce que c'est 10 ans? Mais, prenons-le à l'envers, tant qu'on n'aura pas réinvesti massivement dans les services publics, tant qu'on n'aura pas remis nos services publics à niveau, ça, ça veut dire engager le monde, là — parce que le ministre lui-même puis le gouvernement n'arrêtent pas de dire qu'on manque de monde en santé, et c'est vrai, on manque de monde dans le milieu de l'enseignement aussi, et c'est vrai — alors, minimalement, tant qu'on n'aura pas rétabli cet équilibre nécessaire dans nos services publics, tant qu'on ne sera pas revenus à l'équilibre avec nos services publics... On contrôle évidemment le déficit, il ne s'agit pas de creuser, et de creuser, et de creuser, mais de se borner dans un horizon si court, c'est nécessairement se condamner à couper.

Alors, où est-ce qu'on va couper? Est-ce qu'on va devoir, par exemple, faire des choix douloureux dans d'autres missions de l'État? Est-ce que certains engagements envers les enseignantes ne seront pas respectés ou pas pleinement respectés? Est-ce que ça annonce des moments difficiles pour la fonction publique, pour les services publics? Vous savez, ce n'est pas de la magie, là, le gouvernement reçoit tant de revenus, dépense tant. S'il décide que c'est absolument incontournable de mettre tant sur le déficit en tant d'années, bien, il y en a moins ailleurs. Ce pourquoi le ministre répondait tout à l'heure : Bien, c'est sûr que, s'il y en a moins du fédéral, il va falloir qu'on ajuste ailleurs. Oui, ça va de soi. Mais on est quand même maître de nos choix ici.

Mme Gamache (Valérie) : Oui. Est-ce qu'on n'est pas en train, justement, de dire à l'avance qu'on va devoir peut-être éventuellement, justement, faire des coupures ou augmenter les impôts, en disant : Ce n'est pas de notre faute, c'est la faute du fédéral? Est-ce qu'on ne met pas la table à ça, finalement, à faire porter le...

M. Marissal : Ce que je vois, c'est que, dans le plan que le ministre nous présente aujourd'hui, il manque d'argent puis il manque de l'argent notamment pour les dernières années de son plan de retour à l'équilibre. Si on veut faire porter ça sur le dos du fédéral, ça serait d'un cynisme consommé. Le fait est que le gouvernement du Québec est maître de ses choix, puis ce n'est pas personne d'autre que lui-même qui s'oblige à rembourser puis à revenir à l'équilibre en si peu de temps.

En ce moment, évidemment, les revenus ne sont pas au rendez-vous. C'est malheureux, c'est l'effet premier. Économiquement, là, en tout cas, c'est l'effet premier d'une pandémie, puis suivi d'une récession, puis d'une crise économique. Évidemment, la question ne se posait pas il y a un an, mais là on est devant ça. Cela dit, le ministre des Finances est encore maître de ses décisions et il n'a pas à se peinturer dans le coin absolument en disant : Bien, il faut, tu sais, qu'on règle...

Là, on va se retrouver, là, dans une situation assez farfelue où on va emprunter pour faire des versements au Fonds des générations. Et je ne suis pas le premier à le noter, il y a des économistes qui l'ont noté. Quand même, on se retrouve dans une situation pour le moins particulière, là, pour ne pas dire plus.

M. Bélair-Cirino (Marco) : Mais si on emprunte à un taux inférieur à celui qu'on peut penser obtenir par nos placements, ce n'est pas un choix avisé?

M. Marissal : On parle quand même de plusieurs milliards de dollars ici et puis on ne connaît pas la suite de cette pandémie. Certains spécialistes commencent déjà à parler d'une troisième vague. J'espère que nous en serons épargnés, là, vraiment.

Mais est-ce que le taux, par exemple, de croissance économique de 5 % pour l'an prochain sera au rendez-vous? Comprenez-moi bien, là, évidemment, je le souhaite, là, puis, si ça dépasse 5 %, tant mieux, tout le monde sera bien servi. Mais, en ce moment, on n'est pas dans une situation où on peut lancer les dés puis se dire : Bon, ça va très, très bien aller, c'est extraordinaire, puis il va y avoir assez de sous pour faire tout ce qu'il y a dans ce programme-là, c'est-à-dire l'équilibre, en fait, le retour à l'équilibre budgétaire dans cinq ans.

M. Bélair-Cirino (Marco) : Dans la mesure où le Canada avait le ratio de la dette nette au produit intérieur brut le plus faible des pays du G7 avant le début de la pandémie... Bon, le Québec, c'est un peu différent, mais quand même, là, la dette n'est pas celle de, toutes proportions gardées, par exemple, d'économies européennes.

Est-ce qu'on ne devrait pas prendre l'approche Morneau, donc dépenser puis se préoccuper de la dette par la suite?

M. Marissal : Le ministre a dit quelque chose tout à l'heure, puis là je vais être d'accord avec lui : La priorité des priorités, là, c'est la santé puis c'est la crise sanitaire. Alors, moi, je constate depuis le début, là — ça fait quand même neuf mois, là, depuis le mois de mars, là — que le gouvernement est plutôt chiche dans ses mesures d'aide, notamment aux PME ici.

On a l'impression qu'on est dans une espèce de darwinisme économique où on attend qu'il y en ait un paquet qui meurent de mort naturelle à cause de la crise puis on n'aura pas à les aider. C'est malheureux, parce que ces gens-là travaillent fort, puis il y a des gens qui travaillent pour ces gens-là, tous les gens qui travaillaient dans le secteur de la restauration, par exemple. Vous savez comme moi qu'en ce moment il y a 5 % de l'économie qui est à l'arrêt, mais ça représente 10 % de la main-d'oeuvre au Québec. Ces gens-là ne travaillent pas, puis c'est très malheureux.

J'ai l'impression qu'on se dit : Bon, bien, regarde, c'est la sélection naturelle, il y en a qui ne feront pas... qui ne passeront pas à travers. Alors, c'est quand même un choix étonnant. Et, à partir du moment où on a déconfiné, on a fait des choix, le gouvernement nous dit : On accélère pour relancer le Québec, mais ils ont le pied sur le brake en même temps parce que 1,5 milliard, je le répète, là, à l'échelle du Québec et du budget du Québec, considérant les besoins, c'est vraiment... On est en deçà du strict minimum qu'on pouvait faire pour l'économie du Québec.

M. Bergeron (Patrice) : O.K. Donc, ils doivent mettre le pied à fond sur l'accélérateur?

M. Marissal : Ils doivent lâcher le brake, en tout cas, ça, c'est sûr.

Le Modérateur : O.K. Y a-t-il d'autres questions en français? Non. Alors, une question transmise par Cathy Senay, de CBC. Is the Finance Minister realistic in his plan to go back to a balanced budget in five years, and without cutting services and raising taxes?

M. Marissal : Well, the short answer to that is no. It is not realistic, and especially because the Finance Minister is waiting on Ottawa to transfer something like $6 billion next year on health transfers from Ottawa. So, no, it is not realistic to think that you will keep on the spending of the province without new revenues and with the perspective that is quite unsure, to say the least, at this time.

Le Modérateur : Is it dangerous to be too optimistic and uncertain in exceptional times?

M. Marissal : Well, I mean, the first duty of the Minister is to make sure that we have all the resources and the money to face this pandemic. And, right now, he seems to be more obsessed by the zero-deficit program than with the public services that we need, and they need to be fixed in order to be able to restart the economy of Québec and to be able to get over this pandemic.

Le Modérateur : C'est ce qui met fin au point de presse. Merci beaucoup.

M. Marissal : Merci.

(Fin à 15 h 20)

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