(Dix heures trente-deux minutes)
La Modératrice
: Alors,
bonjour à tous. Bienvenue à ce point de presse du député de Rosemont et
responsable pour Québec solidaire en matière de fiscalité et de services
publics, Vincent Marissal. On va commencer avec une petite déclaration puis on
va prendre les questions ensuite.
M. Marissal : Merci. Bonjour.
Merci d'être là. Certains diront qu'on est en avance dans la saison
prébudgétaire, mais, en fait, on prend de l'avance parce qu'on a des
propositions, et une proposition-phare qui est audacieuse, qui commence à mûrir
dans l'espace public. Je parle évidemment d'un impôt de pandémie, c'est-à-dire
d'aller chercher de l'argent là où il y en a. Et il y en a dans certains
endroits, notamment des entreprises très profitables, de grandes entreprises,
soit d'entreprises québécoises, soit multinationales.
C'est quelque chose qui heurte un peu le
conservatisme fiscal du ministre des Finances, Eric Girard, quelque chose dont
je discute avec lui depuis quelque temps. La première fois que je lui ai
suggéré ce genre de chose, notamment d'imposer les gens les plus riches, les
grandes fortunes, il m'a répondu : Vincent, je ne peux pas faire ça, parce
qu'au Québec, des riches, il n'y en a pas. Je ne suis pas d'accord avec lui. La
dernière fois que je lui ai parlé, il y a une dizaine de jours, dans sa
consultation prébudgétaire, j'ai senti une certaine ouverture au moins à en
discuter. Je salue l'ouverture parce qu'au moins il a posé des questions plutôt
que de se borner à dire : Ça n'existe pas, ce sont des chimères.
Il y a effectivement des contribuables qui
sont très, très riches, mais le point, aujourd'hui, n'est pas ça. Le point,
aujourd'hui, c'est les entreprises, les corporations qui ont très bien tiré
leur épingle du jeu. Et il ne s'agit pas de punir personne, ici, mais de
profiter, si je peux m'exprimer ainsi, de la pandémie pour établir un certain équilibre
fiscal.
Il y a des entreprises, on va se le dire,
des supermarchés, par exemple, Metro, Dollarama, mais aussi des
multinationales, comme Walmart, qui ont fait beaucoup d'argent, qui ont
profité, en quelque sorte, de la conjoncture, ils sont restés ouverts. Les gens
avaient de l'argent des programmes notamment du gouvernement fédéral, les gens
avaient plus de temps pour cuisiner, par exemple, c'est connu, ça a été dit, ça
a été redit. Alors, il s'agit d'aller récupérer une partie de l'argent que ces
entreprises ont pu engranger.
Et puis je dis que je m'y prends tôt, oui,
c'est vrai, parce que j'aimerais que la discussion se poursuive. J'aimerais
qu'on arrive à avoir des discussions sérieuses là-dessus, notamment avec le
ministre des Finances, mais dans l'espace public, pour qu'on soit capables d'en
discuter. Vous avez peut-être vu encore, en fin de semaine notamment,
Radio-Canada avait un très long papier sur une nouvelle taxation chez les
entreprises qui ont fait de l'argent, chez les contribuables très riches, les
grandes fortunes.
Alors, moi, j'aime cette ébullition, là,
intellectuelle autour de la fiscalité, là, ça va nous faire du bien d'avoir des
bonnes conversations là-dessus, et c'est la proposition que l'on fait, d'aller
chercher, donc, de l'argent là où il y en a. Je suis prêt à prendre vos
questions.
Mme Gamache (Valérie) : Je
veux juste bien comprendre, là, votre concept jusqu'au bout. Une fois qu'on est
allé chercher cet argent-là, est-ce qu'on le redonne à des commerces ou
d'autres secteurs d'activité de commerces au détail qui ne vont pas bien ou on
prend cet argent-là puis on l'investit dans le réseau de la santé, par exemple?
M. Marissal : On peut faire
les deux. On a ce qu'on appelle au Québec le fonds consolidé, là, l'argent s'en
va là, de différentes sources, puis il y a un entonnoir qui fait qu'à la fin ça
arrive, là, dans ce qu'on appelle le fonds consolidé, le grand, grand, grand
tiroir, finalement, dont dispose le ministre des Finances. Mais on ne se
cachera pas qu'il y a des priorités, là. Le système de santé, on le sait, on
l'a vu, tombe en ruine. On a aussi des obligations, je crois, morales, envers
les infirmières, envers les enseignantes. On leur a fait des promesses, on est
en train de renier ces promesses-là.
Mais effectivement il y aura aussi des
secteurs de l'économie qui auront besoin d'aide. Je pense, par exemple, puis on
l'a beaucoup dit, puis malheureusement ça ne percole pas beaucoup, mais la
culture, qui est peut-être l'enfant pauvre des enfants pauvres, ces gens-là ont
été abandonnés, et la plupart n'ont même pas le droit de se qualifier à aucun programme.
Mais il y a d'autres priorités aussi : le logement social, les places en
CPE. Vous avez vu, la semaine dernière, le ministre de la Famille a admis qu'il
y avait un problème avec le développement des places en garderie. C'est un
vaste programme, je suis conscient, mais c'est pour ça qu'on propose d'aller
chercher des sous et d'y aller en priorité avec les entreprises qui sont en
bonne situation financière.
M. Laforest (Alain) : Demain,
le premier ministre va annoncer possiblement des mesures plus contraignantes,
là, pour les semaines de relâche. Quelles sont vos appréhensions, vos craintes par
rapport à ces nouvelles-là qui pourraient tomber demain?
M. Marissal : Bien, mes
craintes et mes appréhensions sont celles, je vous dirais, dans ma réponse, là,
d'instinct, celles d'un père de famille. Ça commence à être rude sur tout le
monde, là, la pandémie. Je le vois, moi, avec la famille, avec les
grands-parents, par exemple. On va devoir faire des efforts immenses pour
continuer de garder le contact avec ces gens-là qui sont isolés, qui sont
souvent même un peu montrés du doigt parce que plus de 70 ans, ils sont à
risque de développer la maladie.
Moi, ce que je crains beaucoup, c'est une
espèce de repli chez des gens qui étaient déjà très seuls. Par exemple, dans ma
circonscription, il y a une proportion alarmante de gens qui vivent seuls. Et
je peux même aller plus loin, des gens qui vivent seuls, la majorité sont des
femmes, la majorité sont des femmes qui ne sont pas riches. Et il y a, dans
cette majorité, une bonne proportion de femmes pauvres et malades. Ces gens-là
étaient déjà isolés avant. Moi, je m'inquiète beaucoup de ça.
Pour le reste, je pense que ce n'est pas
le temps de baisser la garde. Aussi dur que ça puisse être, on a besoin encore,
je pense, de donner un effort. Ce n'est pas le temps de se faire des partys. Il
y a eu une tergiversation épouvantable notamment sur les gens, là, qui
voyageaient, qui reviennent de vacances. Alors, effectivement, je pense qu'on
va devoir encore se discipliner pendant quelques semaines, peut-être quelques
mois.
Mme Gamache (Valérie) : Il y a
toute la notion des barrages aussi, dont le gouvernement n'a pas l'air chaud.
Est-ce que, selon vous, ce serait quelque chose avec lequel on devrait aller de
l'avant pour, justement, en prévision des semaines de relâche, éviter, là, que
ça se promène un petit peu partout?
M. Marissal : Si la
démonstration est faite effectivement qu'il y a un problème et que des gens, en
toute impunité, loueraient, par exemple, des chalets en gang. Mais, à ce jour,
il semblerait que la discipline est quand même assez bonne, et les locateurs de
chalet n'ont pas tellement intérêt non plus à jouer avec ça, ils posent
beaucoup de questions. Bon, après, des tricheurs, malheureusement, il y en aura
toujours, c'est plate de même, c'est la nature humaine qui fait ça. Mais, moi,
j'ai tendance à faire confiance à la population. Évidemment, d'une région à
l'autre, là, quand ça tient à une ligne fictive entre une ville et une autre,
il faudrait effectivement s'organiser pour que la zone rouge ne débarque pas
dans tous les restaurants de la zone orange. Mais, là encore, moi, j'ai
tendance à faire confiance.
M. Laforest (Alain) : Vous
avez probablement lu l'histoire du bureau d'enquête, ce matin, concernant le
bar ouvert de la première vague. Comment vous trouvez ça qu'au gouvernement, entre
autres, on ne sait pas où est allé l'argent puis à qui?
M. Marissal : Bien, on le dit
depuis, en ce qui me concerne, depuis l'été dernier, quand on a vu passer les
premiers décrets de contrats de gré à gré, certains contrats de gré à gré sur
des périodes de 10 ans. 10 ans, c'est quand même totalement hors norme. On
a sonné l'alarme tout de suite en disant : Un instant, là, la pandémie,
là, ce n'est pas justement un bar ouvert puis ce n'est pas un chèque en blanc
pour donner des contrats de gré à gré, là, à toutes sortes d'entreprises qui,
certaines, ne semblent pas tout à fait d'ailleurs se qualifier, selon ce que
j'ai lu ce matin.
Mais il va falloir faire la lumière
là-dessus, il va falloir remettre les compteurs à zéro, là, regarder, dans
chaque contrat, pourquoi on a donné ces contrats-là. Est-ce que, d'abord, on en
a eu pour notre argent? Est-ce que la marchandise qui a été livrée était la
bonne? Quand on donne un contrat de gré à gré, ça doit être l'exception, pas la
règle. Je comprends qu'il y a une pandémie puis qu'à un moment donné il fallait
des masques…
M. Laforest (Alain) : Est-ce
que la pandémie justifie tout?
M. Marissal : Non, absolument
pas, c'est ce que je dis, la pandémie a le dos très large. Et la pandémie, à ce
que je sache, fait beaucoup de dégâts, mais elle ne devrait pas avoir altéré le
bon jugement et la responsabilité du gouvernement en matière de finances
publiques. On a vu les contrats, comme je vous dis, dans le domaine de la
santé, sur 10 ans. 10 ans, c'est tout un bail, là. C'est long, 10 ans,
dans un contrat de gré à gré. C'est du jamais vu. Alors, pourquoi, 10 ans...
dans la précipitation, est-ce qu'on a mis 10 ans? Un an aurait été
suffisant, quitte à le renouveler, là. C'est pour ça que je dis qu'il faut faire
attention à ce genre de choses.
La Modératrice
: On va
passer aux questions en anglais.
Mme Fletcher (Raquel) :Yes, just to start, can you tell us what… summarize your recommendations for the budget in English?
M. Marissal : Sure. Of course, as always, we have many, many, many demands and
many priorities, but we are focussing on one of these, which is pandemic taxes
that we should put in place to get back some money to the rich corporations
that have made money during the pandemic in order to reinstate a kind of fiscal
balance. You did good during the pandemic, good for you, but it's a matter of
justice, of fiscal justice to give back a bit of this money to the community. And
we need this money badly.
Mme Fletcher (Raquel) : The coroner's inquest into what happened at the residence Herron
began this morning. Can you tell us what your expectations are, what your
feeling was this morning when you saw that get on the way?
M. Marissal : Well, I happen to trust the coroner and the Office of the coroner.
I think that they have to do this. I think they have to do this in an
independent way. I understand that there might be a problem with the police
investigation and the follow-up on this. I mean, if it is a real problem, we
can hold the public inquiry with the coroner for a few weeks. I don't see that
it's such a big problem. The most important thing here is to make sure that we
go all the way in this investigation, and we make sure that we understand, at
the end of the day, what exactly happened and the responsibility of everybody
involved, including the public services and the health services.
Mme Senay (Cathy) : M. Marissal, I would like to hear you about what the group of
Luc Godbout proposed, just a few days ago, that they believe that we should not
increase… well, we should increase the consumption taxes, the percentage, for example, the TVQ, instead of increasing
«les impôts», the income tax. What do you think about that, since young people,
younger generations, young x, y are dealing with the aging of the population,
but also the huge impacts of the recession because of the pandemic? What should
be fair now that we're facing that recession?
M. Marissal : Well, the problem I see with the sale tax in Québec is it's already at 10%. The problem
is, when Stephen Harper cut the federal tax from 7% to 5%, that was a big
mistake. And we're still living with this mistake. And no government in Ottawa will have the courage,
especially a minority government, to go back on this and to put this tax back to 7% or 8%. So, for
Québec, I mean, the tax is already at 10%, and people are paying for this tax
every time you buy something taxable. So, I do prefer to go to the rich
corporations with a pandemic tax, temporary pandemic tax to get some money
right here, right now, with the corporations that have made money, instead of
increasing a tax that is already at 10% in Québec.
Mme Senay (Cathy) : Because how do you perceive the impact of... you have the aging population, but then the recession, the
pandemic on young generations? How do you see this, the cleavage, like, the
fact that they'll have to deal with this huge debt on the federal and the provincial
scenes, they'll have to deal with deficit for generations? So, how do you see
this? How Mr. Girard has to tackle that problem as soon as possible?
M. Marissal : Well, the simple question... the easiest answer, I mean, for your question, is : We need money and we need it right now. We are in a
deficit about $15 billions to $18 billions just for this year. So,
somehow, we need to find new sources of money. I am more than ready to have
this debate with Mr. Girard and others after the pandemic, about a new balance
and a new deal, a new fiscal deal, but at some point, you know, people who have
money should pay more. And that's the way our system works. Because we are
talking here about equity between generations, but I don't feel that the oldest
generation has been respected. The way we treated them in CHSLDs and with the healthcare
system, I think they have been abandoned, mostly. So, there's a debate...
Mme Senay (Cathy) : ...young generations, trying to find jobs and stay at their
homeplace, not going back to their parents.
M. Marissal : And they will eventually need healthcare, and a pension plan, and
so on. That's why I'm saying I am more than willing to have this debate. But
let's face it, right now, we have a real and urgent problem with the pandemic,
and we have to find solutions for the short term, and then we can have this
debate.
Mme Senay (Cathy) : Thank you.
Merci.
La Modératrice
: Merci.
(Fin à 10 h 48)