(Onze heures dix-neuf minutes)
La Modératrice
: Bon
matin. Bienvenue à ce point de presse de Québec solidaire. Prendra la parole tout
d'abord Gabriel Nadeau-Dubois, porte-parole de Québec solidaire, suivi
d'Émilise Lessard-Therrien, députée de Rouyn-Noranda—Témiscamingue. Merci.
M. Nadeau-Dubois : Merci
beaucoup. Bonjour. Bonne semaine. Il y a un an, le 21 mars 2020, le
gouvernement a suspendu par décret les conventions collectives dans le réseau
de la santé. Sur le terrain, là, tout le monde connaît le fameux arrêté 007. C'était
censé être une mesure temporaire pour répondre à urgence, et puis, un an plus
tard, c'est devenu la norme, une norme qui sert à traiter les soignantes du
Québec comme de la chair à canon.
En maintenant ce décret-là malgré
l'apaisement de la crise, la CAQ crée beaucoup plus de problèmes qu'elle en
règle : ça empire la crise de main-d'oeuvre dans le réseau de la santé;
les conditions autoritaires qui règnent dans nos hôpitaux, dans nos CHSLD,
bien, ça pousse les soignantes à quitter le réseau public en masse; ça alimente
l'explosion des agences de placement privées; bref, ça fragilise encore plus un
réseau qui est déjà tellement fragile.
Imaginez de quoi ça va avoir l'air cet été :
le personnel d'agences, qui n'est pas soumis à l'arrêté 007, va pouvoir prendre
des vacances; nos hôpitaux vont perdre leurs béquilles; c'est encore une fois
les soignantes du public qui vont écoper.
Il faut briser ce cercle vicieux là. Le ministre
de la Santé doit mettre fin au décret 007 qui suspend les droits des
soignantes. Il doit s'asseoir avec elles puis trouver une nouvelle entente pour
leur permettre d'avoir des vacances tellement méritées cet été.
Dans les dernières semaines au Québec, tout
le monde a eu des assouplissements, même les gens de Montréal en zone rouge ont
vu leur quotidien s'améliorer un peu, tout le monde, sauf les femmes qui le
méritent le plus, celles qui sont au front depuis le début de la pandémie pour
nous défendre contre le virus. Je pense que le ministre de la Santé a perdu le
sens des priorités, puis sa priorité en ce moment, ça devrait être de prendre
soin des hommes et des femmes, surtout des femmes, qui se tuent pour nous en
première ligne de la pandémie.
Si ce décret-là est maintenu, là,
l'hémorragie va continuer dans le réseau de la santé, notre réseau va continuer
à s'affaiblir, et les conséquences vont être très graves, surtout, surtout dans
les régions du Québec où le réseau est encore plus fragile. Économiser sur les
conditions de travail des femmes qui travaillent dans le réseau de la santé, ça
nous dessert, collectivement, et ça nous dessert surtout dans les régions du
Québec. Et pour vous parler de ça, je vais laisser la parole à ma collègue
Émilise.
Mme Lessard-Therrien :
Bonjour. En effet, comme Gabriel l'a dit, ne pas investir dans les conditions
de travail de nos soignantes, ça a un coût, puis en Abitibi-Témiscamingue, ça
nous frappe de plein fouet. Les chiffres, ils ne peuvent pas être plus clairs :
37 millions de dollars dépensés en main-d'oeuvre indépendante en 2019-2020;
ça pourrait grimper à 50 millions cette année. Il y a certains
départements qui fonctionnent à 30 % de main-d'oeuvre indépendante, nos
services tiennent à un fil, et le recours aux agences nous coûte,
collectivement, une fortune.
La semaine passée, j'ai déposé une motion
demandant à la CAQ de reconnaître la crise en Abitibi-Témiscamingue, et le
gouvernement l'a battue sans explication. Ça en dit long sur la déconnexion du
gouvernement de ce qui se passe sur le terrain, dans nos régions.
La CAQ nous dit que la situation de
pénurie est partout pareille, mais ce n'est pas vrai. Chaque région a ses
particularités, ses enjeux singuliers qui doivent être adressés, reconnus et
solutionnés. Et le dénominateur commun que tous ont, c'est les conditions de
travail des soignantes, et c'est pour ça qu'il faut y investir massivement. Sinon,
l'hémorragie se poursuit, et nos soignantes migrent vers les agences.
Chez nous, parce que j'aime bien revenir à
l'Abitibi-Témiscamingue, c'est ma région, le CISSS, il est tellement dans
l'urgence qu'il est obligé d'accepter toutes les conditions des agences
privées. Ça coûte un bras puis une jambe, et ça, c'est de l'argent qu'on
pourrait donner pour les meilleures conditions de travail dans la santé... pour
notre personnel en santé.
La pandémie va finir par passer, mais la
crise en Abitibi-Témiscamingue, elle, va continuer de s'amplifier si on n'agit
pas sur les conditions de travail pour attirer, retenir les nouvelles
professionnelles et donner des solutions structurantes, spécifiques à
l'Abitibi-Témiscamingue. On a vécu des ruptures de service dans les dernières
années, notamment dans les unités de mère-enfant, et, si la CAQ ne reconnaît
pas le problème, on va en vivre d'autres. Ça ne serait jamais toléré à Québec
ou à Montréal. Pour un gouvernement qui fait semblant d'être le gouvernement
des régions, c'est inacceptable.
La Modératrice
: On va
prendre vos questions. Une question, une sous-question, s'il vous plaît.
M. Laforest (Alain) :
J'aimerais ça, vous entendre, M. Nadeau-Dubois, concernant le dossier Thouin. Qu'est-ce
que vous en pensez? Qu'est-ce que le premier ministre devrait faire?
M. Nadeau-Dubois : Il y a beaucoup
de gens qui ont voté pour la CAQ en 2018 parce qu'ils voulaient se débarrasser
des magouilles libérales. Ces gens-là doivent être de plus en plus déçus parce
que, chaque jour qui passe, le parti pour lequel ils ont voté ressemble de plus
en plus au Parti libéral dont ils voulaient tant se débarrasser. C'est le cas
de M. Thouin, c'est l'affaire Fitzgibbon, c'est le bris de la promesse sur le
salaire des députés. Chaque jour qui passe, la CAQ ressemble de plus en plus
aux libéraux.
M. Robillard (Alexandre) :
Est-ce que monsieur… Parce que les libéraux demandent le retrait de M. Thouin
du caucus puis aussi, évidemment, qu'on lui retire ses fonctions d'adjoint
parlementaire. Qu'est-ce que vous pensez de cette demande-là?
M. Nadeau-Dubois : Je pense
que l'éthique, ce n'est pas le dossier sur lequel les libéraux ont le plus de
crédibilité. Je prends note de leur proposition, mais je pense que les
Québécois savent de quel bois ce parti-là se chauffe sur le plan de
l'intégrité.
M. Robillard (Alexandre) : Et
donc cette réponse-là, ça dit quoi sur ce que Québec solidaire pense de la
situation que le gouvernement doit gérer dans le cas de M. Thouin?
M. Nadeau-Dubois : Bien, je
pense que c'est un test éthique pour François Legault, qui a fait son pain, son
beurre et sa confiture, dans l'opposition, en étant le chevalier des moeurs
politiques, en promettant de tourner la page sur les années sombres du Parti
libéral. Dans la dernière année, il a protégé le seul ministre de l'histoire du
Québec — ce n'est pas rien — à avoir été blâmé deux fois
et, là, avoir une quatrième enquête sur lui. Ça, c'était déjà un test, puis ce
premier test là a été lamentablement échoué par François Legault. Là, c'est un
deuxième test. J'ai bien hâte de voir ce qu'il va faire dans cette affaire-là.
M. Robillard (Alexandre) :
Et vous, vous demandez… Qu'est-ce que ce serait, le seuil de réussite du test
de la CAQ dans le cas de M. Thouin?
M. Nadeau-Dubois : Bien, j'ai
pris connaissance de la proposition du Parti québécois, qui proposait de lui
retirer les fonctions d'adjoint parlementaire. Ça me semble être le strict
minimum. La balle est dans le camp de François Legault, à voir ce qu'il va
faire avec un député qui, de toute évidence, ne s'enfarge pas beaucoup dans les
principes éthiques.
M. Robillard (Alexandre) : Et
est-ce que la CAQ aurait dû voir ça, quand ils ont choisi M. Thouin comme
candidat?
M. Nadeau-Dubois : Je ne
connais pas le processus de sélection des députés à la CAQ. Il paraît qu'il
est… Il paraît, c'est la rumeur qui court, qu'il est assez centralisé autour de
François Legault et de sa garde rapprochée. Donc, j'aimerais bien que ces
gens-là nous disent s'ils étaient au courant et si ça a pesé dans la balance de
sélectionner M. Thouin comme candidat.
Nous, à Québec solidaire, on a des
investitures. On est un parti démocratique. Donc, les candidats doivent
répondre aux questions des membres quand ils souhaitent porter les couleurs de
Québec solidaire.
À la CAQ, ça fonctionne plus comme une
entreprise, hein, dont le P.D.G. est M. Legault. Il sélectionne lui-même, à la
main, les candidats, les candidates. Je me demande s'il savait quel genre de
candidat il sélectionnait en sélectionnant M. Thouin.
M. Laforest (Alain) :
Alexandre Cloutier est en conférence de presse actuellement, là, concernant
l'éthique académique avec l'histoire de l'Université d'Ottawa. C'est quoi, vos
conclusions? Vous vous attendez à quoi de ce rapport-là, de ce comité-là?
M. Nadeau-Dubois : Bien, c'est
ça, la conférence de presse, vous mentionnez, est en cours, là, donc, je ne
sais pas ce qui est en train d'être présenté, mais, sur le plan des attentes,
vous posez une bonne question. Moi, je m'attends à ce qu'on prenne au sérieux
la question de la liberté académique et qu'on l'aborde avec toute la profondeur
que cet enjeu-là mérite. Ce qui implique notamment les menaces à la liberté
académique qui proviennent de la présence grandissante du secteur privé dans
les universités puis ce qui implique également l'enjeu de l'accessibilité aux
études. Parce que la liberté académique, si nos universités ne sont pas
accessibles à tous les Québécois et Québécoises, c'est une liberté très
restreinte. Pour que ce soit réel, la liberté académique, il faut que nos
universités soient démocratisées puis que tout le monde puisse aller à
l'université. Parce que, si c'est seulement une minorité de jeunes qui peuvent
aspirer à entrer à l'université, c'est une liberté qui est bien factice.
Mme Prince (Véronique) :
Concernant l'autonomie, justement, des universités puis la liberté
d'expression, je comprends que la ligne est mince… pas la franchir, mais est-ce
que quand même la ministre de l'Enseignement supérieur, ou ce comité-là, a une
responsabilité d'envoyer un message, ou des balises, ou un cadre par rapport à
ça?
M. Nadeau-Dubois : Le milieu
universitaire, je le connais bien, puis il y a un consensus très fort dans le
milieu universitaire sur l'importance de la liberté académique puis de
l'autonomie des universités. C'est un consensus historique qui unit les administrations,
les professeurs, les chargés de cours, les étudiants, les étudiantes, le
personnel de soutien. Tout le monde défend cet idéal d'une université qui peut
faire avancer la science, qui peut faire avancer la pensée critique sans
ingérence politique, sans ingérence économique. Ça, c'est un projet qui est
dans l'ADN des universités au Québec.
Donc, moi, je pense que le milieu
universitaire a un consensus sur cette question-là. Ce qu'il faut, c'est
aborder cet enjeu-là avec tout le sérieux qu'il mérite, toute la profondeur
qu'il mérite. Et il ne faut pas que ce soit des controverses médiatiques
passagères qui dictent l'ordre du jour de ce comité-là, ce doit être les enjeux
de fond.
M. Larin (Vincent) : Est-ce
qu'on devrait mettre de l'argent public dans la construction d'un stade de
baseball à Montréal?
M. Nadeau-Dubois : Moi, je
suis un fan de sports, je suis un fan de hockey, je suis un fan de baseball.
J'aime le baseball, j'aimerais que le baseball revienne à Montréal, mais je
pense que, dans une situation où les finances publiques sont aussi serrées,
s'il faut mettre de l'argent en sports et loisirs au Québec, il faut le mettre
pour encourager les petits gars puis les petites filles à pouvoir pratiquer le
sport qui les passionne, pas à investir dans des infrastructures pour des
ligues qui sont milliardaires.
Donc, non, je pense que des subventions
publiques à des entreprises profitables, comme des équipes de sport
professionnel, je ne pense pas que c'est la bonne décision. Il faut investir en
sports puis en loisirs, mais il faut investir sur le terrain pour que nos
jeunes puissent pratiquer le sport qui les passionne, pas donner des cadeaux à
des entreprises qui font des profits.
Des voix
: …
Journaliste
: C'est à
toi. Vas-y.
M. Larin (Vincent) : Mais
qu'est-ce que ça dit, la démarche de M. Bronfman, le timing qu'il a choisi
pour s'inscrire au Registre des lobbyistes pour entamer ces démarches-là?
M. Nadeau-Dubois : Bien,
monsieur... Qu'est-ce que ça dit de sa démarche à lui?
M. Larin (Vincent) : Oui.
Est-ce que vous trouvez ça un peu à la foire? Est-ce que vous trouvez ça broche
à foin? Est-ce que vous pensez vraiment que ça peut se rendre...
M. Nadeau-Dubois : D'abord,
là, c'est devenu un modus operandi pour les promoteurs dans le domaine du sport
professionnel de demander aux fonds publics de contribuer. Ça a donné lieu à
des scandales épouvantables aux États-Unis, où des municipalités et des États
se sont saignés à blanc pour dérouler le tapis rouge pour des équipes de sport
professionnel.
Donc, moi, je ne suis pas surpris, bien honnêtement,
que M. Bronfman fasse la démarche. C'est rendu dans le mode... C'est rendu
dans le mode d'emploi des promoteurs en sport professionnel que de demander de
l'argent public. Moi, ce que je demande au gouvernement du Québec, c'est de se
tenir droit, de dire à M. Bronfman : On en pleine crise économique,
en pleine crise des finances publiques. Chaque dollar de fonds publics est
précieux. Il faut faire des choix.
M. Laforest (Alain) :
Mais on l'a fait pour le Centre Vidéotron.
M. Nadeau-Dubois : Et ce
fut une grave erreur.
Mme Crête (Mylène) :
Les procureurs demandent au gouvernement...
M. Nadeau-Dubois : Bien,
en fait, parlons-en du Centre Vidéotron, parce que c'est un dossier que j'aime
bien. On a investi combien de centaines de millions dans le Centre Vidéotron
dans l'espoir d'attirer les Nordiques de Québec? On attend toujours la mise au
jeu du premier match des Nordiques.
Mme Crête (Mylène) :
Les procureurs disent que c'est urgent de nommer un nouveau Directeur des
poursuites criminelles et pénales. Êtes-vous d'accord avec ça?
M. Nadeau-Dubois : Oui,
on pense que c'est une... c'est important de procéder rapidement.
Mme Crête (Mylène) :Pourquoi c'est aussi long?
M. Nadeau-Dubois :
Pardon?
Mme Crête (Mylène) :Pourquoi c'est aussi long?
M. Nadeau-Dubois : Je n'ai
pas de réponse à cette question-là. Je ne le sais pas, pourquoi les délais sont
aussi long que ceux-là. Malheureusement, je n'ai pas...
M. Laforest (Alain) : La
hausse des variants, là, entre autres, là, ce qu'on voit en Outaouais, Saguenay—Lac-Saint-Jean,
où il y a un risque que ça repasse au rouge, le Bas-Saint-Laurent aussi, là, c'est
inquiétant. Est-ce qu'on a déconfiné trop vite?
M. Nadeau-Dubois : Dès le
lendemain du déconfinement, à Québec solidaire, on l'a dit clairement, là, il y
a un pari. Le gouvernement du Québec fait un pari. Ce pari-là, c'est que la
vaccination va progresser plus rapidement que les variants. Moi, je souhaite
qu'on le réussisse, ce pari-là, mais il est risqué, il est certainement
audacieux. Et c'est très inquiétant de voir, dans ces régions-là, les variants
gagner du terrain. Ça m'inquiète beaucoup. Moi, j'invite le gouvernement à être
très attentif puis à ne pas hésiter à prendre des décisions difficiles, si jamais
on se rend compte que, dans certaines régions, cette course-là, on est en train
de la perdre.
La Modératrice
: Une
dernière question en français? Merci. Y a-tu des questions en anglais? Bonne
journée.
M. Nadeau-Dubois : Bonne
journée.
(Fin à 11 h 34)