(Huit heures trente-deux minutes)
Mme Guilbault :
Oui, merci beaucoup. Bonjour, tout le monde. Donc, bonjour à mon collègue, bien
sûr, qui m'accompagne ce matin, M. Simon Jolin-Barrette, ministre de la
Justice, Procureur général du Québec, qui m'accompagne pour cette troisième
annonce dans le cadre, comme vous le savez, de mon mandat de coordination de
l'action gouvernementale de la lutte contre la violence conjugale, une lutte
qui est complexe, je l'ai dit souvent, là. C'est ma troisième annonce. On a
fait une première annonce sur les maisons d'hébergement, une deuxième sur
l'aide pour homme. Et aujourd'hui on a cette troisième annonce. Et, à chaque
fois, j'explique que la lutte contre la violence conjugale, c'est une lutte qui
est complexe et qui nécessite d'agir sur tous les fronts.
On a déposé, vous vous en souviendrez, le
23 avril dernier, un plan d'action d'urgence, un cadre financier, de près
de 223 millions de dollars, qui contient une série de mesures, je l'ai
dit, d'urgence, donc des mesures qui ont pour objectif d'avoir un effet à très,
très court terme pour lutter contre la violence conjugale, oui, mais aussi, évidemment,
à la suite de cette vague de 10 féminicides, depuis le début de l'année, qui
nous a tous horrifiés et qui a fait en sorte que nous sommes en train de mettre
en place ce plan d'urgence en réponse à cette série horrifiante de féminicides.
Donc, j'avais dit qu'il y aurait une mesure
qui toucherait davantage la répression, qui toucherait davantage la sécurité
publique et la justice. C'est donc le propos de l'annonce d'aujourd'hui.
Mais rappelons d'abord que la toute
première annonce était une annonce très importante, 92 millions pour les
maisons d'hébergement et d'urgence de première étape, une deuxième annonce, de
près de 20 millions de dollars, pour les organismes qui viennent en aide
aux hommes. Donc là, on parle de prévention. Nos deux premières annonces
avaient vraiment une visée 100 % préventive pour essayer d'éviter
justement le pire et s'assurer de fournir l'aide à toutes les victimes et aux
auteurs de violence conjugale, parce que c'est quand même la source du
problème. Ce doit être aussi, en quelque sorte, la source de la solution. Donc,
on doit apporter cette aide-là aux hommes qui commettent cette violence.
Aujourd'hui, on est dans une annonce,
donc, je le disais, qui touche davantage la sécurité publique et la justice. Et
aujourd'hui, ce qu'on vous annonce, c'est 71 millions de dollars qui vont
servir essentiellement à trois choses : d'abord, renforcer encore plus
l'accompagnement des victimes de violence conjugale et des auteurs de violence
conjugale; avoir une surveillance accrue des contrevenants, donc des gens qui
commettent cette violence; et aussi pouvoir appliquer le principe de poursuite
verticale au Québec, et c'est ce dont vous entretiendra, bien sûr, mon
collègue, plus en détail, par la suite.
Mais ce sont les trois grands objectifs de
l'annonce d'aujourd'hui, de 71 millions de dollars. Là-dessus, il y a un
44 millions qui va aller à la partie Justice, dont mon collègue vous
parlera bientôt, et il y a un 27 millions qui va être attribué aux corps
policiers du Québec.
On a, au Québec, 31 corps policiers. En
fait, on en a 53 quand on compte les corps de police autochtones, mais on en a
31 non autochtones. Et, là-dessus, on veut faire en sorte, avec cet argent-là,
ces 27 millions de dollars là, qu'on va être capables d'avoir des ressources
dédiées, exclusivement dédiées à la violence conjugale au sein de nos corps de
police au Québec. C'est donc le concept de l'annonce d'aujourd'hui,
27 millions de dollars pour financer des ressources spécifiquement dédiées
à la violence conjugale au sein de nos corps de police au Québec.
Et, du même souffle, j'annonce qu'on a
déjà trois projets qu'on est en mesure de financer, qu'on finance déjà avec cet
argent-là, cette enveloppe de 27 millions de dollars. Donc, il y aura un
projet à la Sûreté du Québec, qui va créer une sorte de module ou d'escouade de
huit personnes qui vont assurer une coordination nationale de toutes les
personnes, de tous les patrouilleurs, de tous les membres de la Sûreté du
Québec, qui, eux, sont confrontés, au quotidien, ou sont en première ligne, au
quotidien, de ces cas de violence conjugale, donc assurer cette
coordination-là, cette expertise, la formation, des guides, des bonnes
pratiques, etc. Donc, il y aura huit personnes qui ne vont se consacrer
qu'à ça à l'année longue, à la Sûreté du Québec, désormais.
Il y aura aussi un module qui va être mis
en place au SPVM, au Service de police de la ville de Montréal,
huit personnes aussi. Donc, c'est en train de s'organiser au SPVM, et il y
aura huit personnes là aussi qui vont être spécifiquement dédiées à la
lutte conjugale au SPVM. Donc, nos deux plus grands corps de police, la Sûreté
et le SPVM, c'est important, bien sûr, d'avoir des projets dans nos deux — pardon,
je vais fermer ma sonnerie — plus grands corps de police.
On finance aussi un projet au Service de
police de la ville de Terrebonne, très intéressant, la ville de Terrebonne, qui
ont été très proactifs, eux, qui ont, déjà deux policières qui se consacrent
essentiellement à la violence conjugale au sein du corps de police de
Terrebonne. Et donc ce qu'on met en place aujourd'hui va nous permettre de
financer une bonne partie de ces ressources-là à Terrebonne.
Donc, on a ces trois projets-là déjà en
place. Mais évidemment ce ne sont pas les derniers, le concept étant, avec
cette enveloppe-là de 27 millions, de pouvoir en financer plusieurs chez
tous nos six, je dirais, plus grands corps de police. Et, pour les autres corps
de police qui desservent une population de 100 000 habitants et plus,
et pour les plus petits corps de police, il y a aussi une enveloppe qui est
prévue.
Donc, quand un corps de police… à partir
du moment où un corps de police va nous soumettre un projet qui va avoir pour
objectif ce que je vous ai dit tout à l'heure, c'est-à-dire renforcer le
soutien et l'accompagnement aux victimes de violence conjugale, le
référencement systématique des auteurs de violence conjugale, une meilleure
surveillance des contrevenants, une collaboration avec tous les acteurs du
milieu, les partenaires communautaires et autres, le système de justice, ça va
de soi, donc, quand on va nous soumettre un projet qui répond à ces
critères-là, nous serons en mesure de le financer.
Donc, je ne veux pas prendre trop de temps
parce que, bien sûr, je veux en laisser à mon collègue qui va vous parler
notamment de la poursuite verticale, mais simplement vous rappeler à quel point
c'est important, oui, la prévention, mais, à partir du moment où les actes sont
commis, il faut faire en sorte… Moi, je le disais souvent, notre responsabilité,
au gouvernement, c'est d'abord de s'assurer que l'aide est disponible, les
ressources sont disponibles pour les femmes, pour les enfants, pour les hommes
aussi, mais aussi de s'assurer que, quand il y a des actes qui sont commis, ces
actes-là ne sont pas impunis et que les gens, tant les victimes que les
agresseurs, sont convenablement pris en charge par le système policier,
judiciaire. Et c'est très exactement le propos de l'annonce d'aujourd'hui,
71 millions de dollars.
Un dernier petit mot. J'allais l'oublier.
Il y a une partie de cet argent-là qui va aller aux services correctionnels
aussi, qui sont des acteurs… quand même, des acteurs clés, là, dans le
continuum de services et dans la chaîne d'intervention autour d'une victime
et/ou d'un contrevenant. Les services correctionnels assurent un rôle très
important. Donc, il y aura une partie de cet argent-là qui va servir… Si vous
vous souvenez, j'avais annoncé en décembre dernier, avec ma collègue ministre de
la Condition féminine, que le service d'évaluation du conjoint au stade de la
mise en liberté provisoire… Donc, en attendant son procès, à savoir est-ce que,
oui ou non, il va être mis en liberté en attendant son procès, il existe un
service d'évaluation qui permet de faire cette évaluation-là et d'éclairer le
juge sur les éventuelles conditions de cette remise en liberté. Donc, ça,
c'était disponible actuellement dans huit régions du Québec. Et, avec l'annonce
d'aujourd'hui, une partie des 71 millions vont servir à embaucher six
personnes de plus aux services correctionnels de manière à ce que ce service-là
soit disponible dans l'entièreté du territoire québécois.
Alors, je m'arrête là-dessus et je cède la
parole à Simon.
M. Jolin-Barrette :
Merci, Mme la vice-première ministre. Bonjour à tous. Nous sommes tous
préoccupés et profondément choqués par la vague de féminicides qui frappe actuellement
le Québec. Nous sommes plus que jamais conscients de l'urgence d'agir. La
violence conjugale n'a pas sa place dans notre société, et le gouvernement du
Québec est mobilisé afin d'y mettre un terme et offrir un meilleur soutien aux
personnes qui en sont victimes.
Nous sommes très sensibles à la façon dont
les personnes victimes vivent leur parcours judiciaire. Dénoncer la violence et
porter plainte demande beaucoup de courage et peut représenter une épreuve pour
les personnes victimes. Le parcours judiciaire ne doit pas être une épreuve
supplémentaire. Ainsi, tous les acteurs du milieu de la justice ont été
mobilisés pour rendre le système de justice plus humain, plus sécuritaire et
mieux adapté aux besoins particuliers des personnes victimes d'infractions
criminelles.
L'annonce d'aujourd'hui s'inscrit dans une
action plus vaste. En effet, plusieurs mesures ont été implantées au cours des
derniers mois afin d'améliorer l'accompagnement des personnes victimes, et les
efforts se poursuivront, à commencer par la réforme de l'IVAC qui était
réclamée depuis plus de 30 ans. Le projet de loi n° 84 permettra d'élargir
l'admissibilité au régime d'indemnisation et d'abolir le délai de prescription
pour faire une demande à l'IVAC dans les cas de violence conjugale, de violence
sexuelle et de violence subie durant l'enfance, ce qui aura un effet bénéfique
pour le rétablissement des personnes victimes.
Nous avons aussi annoncé, le
8 février dernier, la création d'un groupe de travail sur la mise en place
d'un tribunal spécialisé en matière de violence sexuelle et de violence
conjugale. Un premier rapport est attendu ce mois-ci. Celui-ci nous permettra d'identifier
sur quelle base sera fondé le modèle québécois de tribunal spécialisé, mais,
d'ores et déjà, le comité d'experts en a fait une recommandation-phare dans son
rapport Rebâtir la confiance.
Nous croyons qu'il faut aussi aider les
personnes victimes de violence conjugale et de violence sexuelle à se préparer
en vue de leur journée à la cour. Le contre-interrogatoire, les termes
juridiques employés, le protocole en salle de cour, tout ça peut être
intimidant pour les personnes victimes.
En collaboration avec le Centre d'aide aux
victimes d'actes criminels, les CAVAC, nous avons lancé le développement d'un
programme de préparation au témoignage qui permettra aux victimes d'être mieux
outillées pour raconter ce qu'elles ont vécu.
Nous avons aussi adapté nos
infrastructures. En effet, depuis le 31 mars dernier, tous les palais de
justice sont équipés de dispositifs d'aide au témoignage, comme des paravents
et des salles de télétémoignage, afin que les personnes victimes se sentent en
sécurité lors de cette étape cruciale du procès lors de leur témoignage.
Aujourd'hui, nous allons encore plus loin
en annonçant un virage majeur dans le traitement des dossiers de violence
conjugale, notamment. Nous annonçons un investissement de 44 millions de
dollars pour les cinq prochaines années. Grâce à cette somme, le Directeur des
poursuites criminelles et pénales pourra appliquer le principe de la poursuite
verticale dans les dossiers de violence conjugale et consolider l'application
de la poursuite verticale dans les dossiers de violences sexuelles. Ça signifie
que la personne victime sera accompagnée d'un seul et même procureur du début à
la fin des procédures judiciaires. La poursuite verticale assurera une
meilleure prise en charge de la personne victime et un accompagnement plus
adapté. Son parcours judiciaire sera ainsi facilité, puisqu'elle pourra bâtir
un lien de confiance plus solide avec le procureur en charge de son dossier.
Les procureurs tiendront également des
rencontres préparatoires avec les personnes victimes afin de bien les informer
sur leurs droits, les différentes étapes du processus judiciaire et du fonctionnement
à la cour. Les personnes victimes seront ainsi mieux outillées et plus
soutenues dans leurs démarches, ce qui facilitera leur parcours à travers le système
de justice. Elles pourront aussi être dirigées vers les ressources dont elles
ont besoin pour se rétablir.
Surtout, ces sommes permettront d'assurer
un suivi prioritaire des dossiers de violence conjugale par le Directeur des
poursuites criminelles et pénales et favoriseront une meilleure coordination
entre les procureurs et les services d'aide aux victimes. Le gouvernement du
Québec est résolu à offrir un meilleur accompagnement aux personnes victimes
tout au long de leur parcours de guérison, et l'implication des procureurs très
tôt dans le processus leur permettra de trouver leurs repères plus facilement.
Nous souhaitons qu'avec l'aide financière
offerte par l'IVAC, qui sera accessible rapidement, et une prise en charge
efficace par les corps policiers et le DPCP, les personnes victimes sentent
qu'elles peuvent avoir davantage confiance envers le système de justice. Porter
plainte sera toujours un acte courageux, et il ne faut pas minimiser les
difficultés inhérentes au processus judiciaire. La violence conjugale n'est pas
un phénomène nouveau, mais l'État québécois ne doit pas se contenter d'assister
à une prise de conscience sociétale à ce sujet. Il doit donner corps à ce désir
de changement, et c'est ce que nous faisons aujourd'hui. C'est pour cette
raison qu'on en fait une priorité nationale et que nous posons un nouveau
jalon. Nous allons continuer en ce sens. D'autres mesures verront le jour dans
les prochaines semaines.
La lutte contre la violence faite aux
femmes comporte différents aspects et implique plusieurs intervenants de
différents secteurs. Nous devons tous mettre l'épaule à la roue. Nous
poursuivrons nos efforts, notamment afin de faire en sorte que notre système de
justice regagne la confiance des personnes victimes. Il est primordial qu'elles
s'y sentent en sécurité et qu'elles trouvent le soutien dont elles ont besoin
pour aller au bout de leurs démarches, et c'est ce que nous faisons aujourd'hui.
Merci.
Le Modérateur
: Merci.
Nous allons entreprendre la période des questions des membres de la Tribune de
la presse avec Jocelyne Richer, de LaPresse canadienne.
Mme Richer (Jocelyne) :
Bonjour à vous deux.
M. Jolin-Barrette : Bonjour.
Mme Richer (Jocelyne) : M. le
ministre, bon, vous faites une annonce aujourd'hui. On sait que vous attendez
aussi un rapport incessamment. Pourquoi ne pas dire clairement que vous allez
créer un tribunal spécialisé pour les victimes de violence conjugale?
M. Jolin-Barrette : Mon
souhait et le souhait du gouvernement du Québec, c'est de mettre en place un
tribunal spécialisé. Au mois de février dernier, j'implantais un groupe de
travail avec plusieurs acteurs du système de justice, qui doivent me rendre un
rapport préliminaire dans les prochaines semaines. Alors, je vais prendre acte
du rapport, mais l'intention du gouvernement du Québec est de mettre en place
un tribunal spécialisé sur les violences sexuelles et conjugales.
Mme Richer (Jocelyne) : Une
intention ou c'est un engagement? Est-ce que ce sera fait avant la fin du
mandat?
M. Jolin-Barrette : Bien,
dans un premier temps, on a dit qu'on allait donner suite aux 190 recommandations
du rapport. Ça constitue la plus importante recommandation du rapport, je
crois, c'est la colonne vertébrale du rapport. Alors, oui, nous allons donner
suite aux recommandations du rapport.
Le Modérateur
: Louis
Lacroix, Cogeco Nouvelles.
M. Lacroix (Louis) : Bonjour,
Mme la vice-première ministre, M. Jolin-Barrette. Il y a plusieurs
questions, là. Première des choses, la clé chez les policiers, c'est d'abord et
avant tout la formation. Est-ce qu'il ne devrait pas y avoir une meilleure
formation des policiers dès le début de leur... en fait, de leur formation, que
ce soit au collégial, que ce soit à l'École nationale de police? Est-ce qu'on
ne devrait pas améliorer, par exemple, la formation des policiers en matière de
violence sexuelle et violence conjugale pour mieux les préparer à cette
réalité-là?
Mme Guilbault :
Vous avez raison de dire que c'est la clé. Et d'ailleurs, la formation, ça
revient, quelle que soit la problématique sociale, souvent, dont on parle, ça
revient dans le profilage racial, ça revient dans bien d'autres choses, dans
l'exploitation sexuelle éventuellement, dont je m'occupe aussi comme mandat.
Mais, bref, c'est un enjeu clé et c'est déjà... on est déjà en mode
d'amélioration continue en matière de formation violence conjugale, violence
sexuelle.
La conversation nationale, à laquelle je
réfère souvent, qu'on a sur les violences, la violence conjugale, d'autres
types de violences, d'autres phénomènes qu'on trouve inacceptables, bien, ça
influence aussi, si on pense à l'École nationale de police, notamment, là, le
directeur avec qui je m'entretiens régulièrement. Mais aussi, avant ça, dans les
collèges, les techniques policières qui se donnent, ça influence les gens qui
mettent en place les cursus, ça influence la teneur de la formation.
Ça influence aussi la formation continue
au sein des corps de police parce que la formation initiale, c'est une chose,
mais ensuite de ça, il y a une formation continue qui doit se donner. Et vous
voyez, le 3 février dernier, il y avait une journée encore, une journée
d'actualisation des connaissances en matière de violence conjugale pour les
policiers du Québec. La Semaine de la police qui s'en vient, là, dans quelques
jours, la thématique, c'est la violence conjugale. Il y a énormément de choses
qui se font.
On est en train, nous, au ministère de la
Sécurité publique de mettre à jour notre pratique policière sur la violence
conjugale parce qu'il existe le guide des pratiques policières au MSP qui
oriente, finalement, la façon de travailler des policiers au Québec. Donc, on
est en train de la mettre à jour aussi.
Mais ce que j'ai annoncé tout à l'heure,
entre autres, à la Sûreté du Québec, c'est très exactement ça, le concept,
c'est de dire : On va avoir des gens qui vont être spécifiquement dédiés à
la violence conjugale, pas seulement en termes d'accompagnement des victimes,
surveillance des contrevenants, mais aussi, en termes de coordination, de
s'assurer que les policiers et les policières qui répondent de fait à ces
victimes-là, qui doivent les accompagner et qui doivent traiter avec elles,
sont adéquatement formés, régulièrement formés, sont à jour, comprennent un peu
le… Tu sais, ce n'est pas juste une question policière. Il y a une relation
d'aide là-dedans. Il y a quelque chose de très humain. Donc, de s'assurer qu'il
y a ce souci-là, en permanence, c'est inscrit dans chacun de nos corps de
police pour que la formation, la relation d'aide, l'interaction avec une
victime et avec les agresseurs sont de plus en plus adéquates et répondent de
plus en plus aux besoins des victimes.
M. Lacroix (Louis) : Ma
deuxième question est pour vous, M. Jolin-Barrette, parce que ce qu'on entend
souvent, c'est dire que c'est bien beau d'avoir un tribunal qui soit plus
humain, avoir un meilleur suivi auprès des personnes qui portent plainte, des
victimes d'agression sexuelle et de violence conjugale, mais, en bout de ligne,
quand le tribunal prend une décision, tout ça, même un tribunal spécialisé ne
change pas la jurisprudence. Et donc, souvent, ce qu'on entend, c'est la
déception des gens, des victimes, de dire : Oui, j'ai eu, par exemple,
gain dans ma cause, mais les conséquences pour les personnes qui commettent la
violence conjugale ne sont pas suffisamment sévères ou encore mal appliquées.
Qu'est-ce qu'on peut faire pour essayer de changer ça et faire en sorte que les
décisions des tribunaux soient mieux suivies?
M. Jolin-Barrette : Bien,
dans un premier temps, vous amenez la question de la peine rattachée aux
infractions criminelles. Ça relève du législateur fédéral, parce qu'une
infraction criminelle, c'est prévu au Code criminel puis ça relève de la juridiction
du Parlement du Canada. Alors, si le législateur fédéral veut envoyer un
message, c'est au niveau des peines qu'il doit agir.
Nous, notre rôle, c'est au niveau de
l'administration de la justice et de faire en sorte d'accompagner la personne
victime à travers tout le processus judiciaire, et c'est ce qui ressort du
rapport Rebâtir la confiance. L'accompagnement psychosocial,
l'accompagnement des procureurs de la Couronne, l'accompagnement des corps de
police… La magistrature, aussi, doit faire sa part aussi. La magistrature est
là pour rendre la décision. C'est un arbitre neutre et indépendant… qui rendent
leurs décisions en fonction des règles de droit, en fonction du fardeau de la
preuve également.
Mais nous, on va travailler partout pour
accompagner la personne victime à travers le processus, et c'est ce qu'on fait
aujourd'hui, lorsqu'on va avoir des rencontres préparatoires avec les personnes
victimes de violence conjugale et sexuelle, et d'avoir un procureur dédié avec
eux du début à la fin pour que la personne, que le procureur de la Couronne qui
est avec elle suive son dossier puis qu'il y ait un lien de confiance, il y ait
un sentiment, aussi, de collaboration entre les deux. Déjà, c'était fait en
matière de violences sexuelles. On vient le consolider. Et là on met en place
la poursuite verticale en matière de violence conjugale.
M. Lacroix (Louis) : Vous
invitez le fédéral à être plus sévère, à donner des peines, à légiférer, en
fait, pour peut-être accentuer la gravité des… en fait, l'importance des peines
qui sont… pour les personnes qui se rendent coupables de ces gestes-là? Est-ce
que vous invitez le fédéral à légiférer là-dessus?
M. Jolin-Barrette : Vous
savez, il y a eu des récentes décisions des tribunaux où certains juges ont dénoté
et ont appliqué des peines plus sévères pour dire... Considérant l'importance
de l'enjeu, il y a certains magistrats qui, dans des récents jugements, ont
indiqué clairement pourquoi est-ce qu'ils imposaient une peine plus sévère.
Je pense que les tribunaux ont le loisir,
à travers les peines qui sont disponibles, de faire des choix conséquents en
fonction de ce qui est demandé par le Directeur des poursuites criminelles et
pénales. Alors, si le législateur veut, dans sa sphère de juridiction, renforcer
les peines, il peut le faire, mais il y a également la cour qui, en toute
indépendance, décide du traitement imposé aux contrevenants, aux personnes qui
sont reconnues coupables. Mais, pour nous, c'est clair qu'on veut faire en
sorte que ce genre de comportement répréhensible là soit banni dans notre
société. Puis l'action du gouvernement du Québec est à l'effet de prendre
toutes les mesures pour accompagner, pour faciliter la dénonciation.
Et, je dois le dire, à la fois dans les
corps de police et dans le système de justice, il y a des centaines, des
milliers de personnes qui travaillent au quotidien pour accompagner les
personnes victimes. Alors, lorsque les personnes victimes sont prêtes à
dénoncer, sachez qu'il y a du support pour elles. On améliore le système, mais
déjà avec l'IVAC aussi, c'est important de le dire, il y a des ressources
financières, des ressources psychologiques pour toutes les victimes de violence
sexuelle et conjugale. Il ne faut pas hésiter à avoir recours à ces
ressources-là.
Le Modérateur
: Patrick
Bellerose, Le Journal de Québec.
M. Bellerose (Patrick) : Oui,
bonjour à tous les deux. Mme Guilbault, j'aimerais vous entendre sur les
équipes spécialisées en violence conjugale, là, autant à la SQ-Terrebonne qu'à
la ville de Montréal. Souvent, le problème, ce qu'on entend, c'est le fait
d'amener la personne à dénoncer, donc, dénoncer l'agresseur, quitter
l'agresseur aussi. En quoi est-ce que ces équipes-là vont aider les victimes
sur le terrain à dénoncer ou à avoir justice?
Mme Guilbault :
Vous amenez un bon point, puis le courage de dénoncer... parce que c'est
difficile de s'imaginer, quand on ne l'a pas vécu, à quel point ça peut être
pénible, ces situations-là. Donc, le courage et l'incitation à dénoncer, je
pense, c'est... Ce n'est pas une responsabilité qui incombe seulement aux corps
de police. Je pense que cette conversation nationale là, le travail que vous
faites, les médias, etc., ça contribue à cet encouragement-là collectif à
dénoncer.
Par la suite, les corps de police,
effectivement, si on prend les projets dont on parle, prenons l'exemple de
Terrebonne, je le disais, il y a deux personnes, là, qui font déjà ce
travail-là, si on veut, et, par exemple, ça consiste en le fait que… Tu sais,
des fois, il y a un… les policiers reçoivent un appel, bon, ils n'assistent pas
toujours à des événements, ce n'est pas toujours clair, justement, des fois, la
victime ne veut pas trop en parler, mais ils peuvent avoir des soupçons, et
tout ça. Donc, ils vont faire des suivis, des relances systématiques après un
certain nombre de jours pour, tu sais, voir avec la victime : Comment ça
va? Qu'en est-il? Comment ça va chez vous? Avez-vous besoin de quelque chose?
C'est un exemple de choses qu'ils ou elles peuvent faire et à partir du moment
où il y a une velléité — appelons ça une velléité — de
peut-être porter plainte puis enclencher une démarche, bien, c'est certain que
le fait d'avoir des gens qui sont dédiés uniquement à ça toute l'année, ça leur
permet de développer une expertise, de s'habituer dans ce genre de situation là
et de devenir de meilleur en meilleur, si vous voulez.
Donc, à partir du moment où ils
accueillent une victime, je pense que ça peut être bon d'avoir des policières,
des policiers qui sont de plus en plus habitués et qui, justement, vont avoir
probablement la capacité ou l'aisance d'instaurer un climat de confiance qui
va, peut-être, lui aussi contribuer à encourager à dénoncer. Le fait d'avoir un
procureur attitré aussi tout au long, d'avoir, finalement, des intervenants
clés autour de la victime qui sont les mêmes tout le long du processus, ça peut
rassurer la victime, dire : Regarde, je sais que ce n'est pas facile,
mais, moi, je vais te suivre, je vais être avec toi tout au long, je vais
t'accompagner dans les diverses étapes, Me Untel ou Unetelle, le procureur
aussi. Il va y avoir des liens aussi avec les CAVAC, avec les cellules
d'urgence pour les régions où il y en a. Ce sera l'objet pour une autre
annonce, d'ailleurs, les cellules intersectorielles.
Donc, d'avoir, je pense, des gens stables
autour de toi, solides, habitués de faire ça, ça ne peut qu'aider, je pense, la
dénonciation.
M. Bellerose (Patrick) :
M. Jolin-Barrette, justement, sur cette aide verticale là, cette justice
verticale, pouvez-vous nous décrire un petit peu la situation actuelle? Est-ce
qu'une victime, en général, doit faire affaire avec plusieurs procureurs?
Qu'est-ce qui fait qu'on veut, justement, amener une personne unique, un
procureur unique qui va la suivre?
M. Jolin-Barrette :
Bien, en fait, généralement, le DPCP essaie le plus possible que ce soient les
mêmes procureurs attitrés au dossier, mais il y a un enjeu de ressources aussi.
Donc, c'est pour ça qu'on ajoute 44 millions, pour engager une quarantaine
de procureurs qui vont pouvoir faire de la poursuite verticale en matière de
violence conjugale.
Il faut dire qu'actuellement, en matière
de violences sexuelles, dans la majorité des districts, c'était déjà le cas.
Donc, les sommes qui vont être utilisées aussi vont permettre de consolider
puis venir ajouter des ressources également sur la poursuite verticale en
matière de violences sexuelles également. Alors, à terme, l'objectif est de
faire en sorte que lorsqu'une personne victime se présente, fait sa dénonciation
et qu'il y a des accusations qui sont portées, de A à Z, là, tout le dossier,
le même procureur soit avec elle pour les différentes étapes parce que vous
savez, des fois, il y a des enquêtes préliminaires, ensuite il y a le procès,
il y a les représentations sur la peine.
Alors, je pense que c'est important, le
plus possible, d'avoir toujours le même procureur pour l'accompagner dans toute
cette démarche-là aussi, puis surtout pour faire en sorte de… lorsqu'on raconte
son histoire une fois, lorsque le procureur connaît le dossier, on veut éviter
que la personne victime ait à apporter des éléments supplémentaires ou refaire
l'histoire avec un nouveau procureur à diverses reprises. Puis, vous savez, ça
va demander une flexibilité aussi de la part des tribunaux pour faire en sorte
d'avoir de la souplesse au niveau de la fixation des dates. Parce que, vous
savez, bon, les procureurs de la couronne, ils ont beaucoup de dossiers, et
donc il faut s'assurer qu'il y ait une souplesse pour fixer les dates avec le
même procureur. Donc, quand je disais que c'est tous les acteurs du système de
justice qui sont concernés pour avoir un système plus humain, adapté en
fonction de la réalité des personnes victimes, ça en fait part.
Journaliste
: Merci.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Là-dessus, Marco Bélair-Cirino du Devoir, vous dites qu'il faut être
flexible, mais est-ce que ça peut avoir un impact sur les délais?
M. Jolin-Barrette : Bien non,
je ne le crois pas. Vous savez, il y a déjà les règles qui sont en vigueur
depuis l'arrêt Jordan relativement aux règles pour avoir son procès, donc 18 ou
30 mois, dépendamment du type d'infraction. Donc, le tout doit rentrer à
l'intérieur des délais.
Autre chose qui est importante aussi,
c'est de réduire les délais entre le moment où la personne dénonce la situation
et où il y a le procès. Donc, on veut rapprocher le temps aussi entre le procès
et le moment où la personne fait la dénonciation en matière de violence
conjugale.
Le Modérateur
: Très
bien. On poursuit avec Hugo Lavallée, Radio-Canada.
M. Lavallée (Hugo) : Oui,
bonjour à vous deux. La question est pour Mme Guilbault. Hier, il y avait un
reportage à Radio-Canada sur le phénomène du désengagement policier, des
policiers qui, de plus en plus, hésitent à intervenir parce qu'ils savent que
leurs interventions sont scrutées à la loupe, qu'on les filme. Certains se
sentent accablés, là, par les accusations de racisme qu'on entend dans la
société. Est-ce que c'est un phénomène qui vous inquiète? Quelle ampleur
a-t-il, selon vous?
Mme Guilbault :
Bien, encore une fois, j'ai souvent cette réponse-là, il ne faut pas
nécessairement faire de parallèle ou de comparaison avec ce qui se passe
ailleurs, je pense qu'il y a peut-être des endroits où c'est quelque chose de plus
marqué ou de plus marquant. Ce n'est pas nécessairement le cas ici. Par contre,
il faut être lucide, tu sais, il faut être lucide et être capable d'aborder les
choses de front. Donc, moi, je pense que c'est sain que notre école de police…
Parce qu'il y a une consultation qui a été organisée par l'École de police. On
en parlait tout à l'heure, tu sais, l'École nationale de police doit être en
phase avec tous les phénomènes de la société qui se passent et qui peuvent
toucher de près ou de loin la formation policière. Donc, de se questionner ou
de chercher à documenter la chose, moi, je pense que c'est sain d'un point de
vue de la connaissance, et tout ça.
Et il ne faut pas oublier aussi qu'il y a
le livre vert qui s'en vient, mon Comité consultatif sur la réalité policière
qui, lui aussi, vise à avoir une espèce de vision, et d'appréciation lucide et
actuelle de la réalité policière, et de la façon dont on pourrait mieux
outiller ou mieux organiser nos forces policières au Québec pour pouvoir
répondre aux besoins de nos citoyens avec une police du futur de 2025, de 2030,
de 2040. Donc, voilà, c'est ce que j'aurais à dire là-dessus.
M. Lavallée (Hugo) : Puis
comment on fait pour trouver l'équilibre? Parce qu'évidemment on veut lutter
contre le profilage, contre les interventions policières abusives. En même
temps, on ne veut pas que les policiers se sentent paralysés puis incapables
d'agir quand ils ont besoin de le faire. Il y a un équilibre difficile à
trouver, là.
Mme Guilbault :
Bien, effectivement, vous avez, je pense, le bon mot, c'est l'équilibre, et ça
doit faire partie d'un ensemble de choses qu'on regarde. C'est pour ça qu'avec
la réflexion qui est déjà en cours sur la réalité policière, c'est un des
éléments qui... vous me parlez du profilage racial, c'est forcément un des
éléments qu'on va retrouver dans le futur rapport, et d'autres problématiques
aussi qui touchent de près ou de loin la réalité policière. Mais tout ça
s'imbrique, effectivement, une problématique peut en amener une autre, et vice
versa, mais il faut trouver l'équilibre, puis d'où l'importance aussi, je le
disais, d'aborder ces choses-à de manière transparente, de manière lucide, de
les aborder ouvertement, de les aborder en collaboration aussi avec nos
policiers, nos policières. Tu sais, nous, on parle de choses théoriques comme
ça, mais ce ne sont pas nous qui sommes les policiers et les policières, ça
fait que c'est important de les inclure dans la réflexion, d'inclure les
gestionnaires de corps de police dans les réflexions, les policiers du terrain,
les représentants syndicaux, là, les grands syndicats qui représentent les
policiers, on en a trois au Québec.
Donc, c'est important d'avoir, encore là,
une conversation, mais là peut-être pas aussi nationale que ce dont on parlait
tout à l'heure, mais d'avoir cette conversation-là avec tous ceux qui composent
la communauté policière au Québec, incluant les gens qui font la formation de
ces policiers-là, pour savoir comment est-ce qu'on peut mieux outiller et
organiser nos forces policières pour trouver cet équilibre-là et surtout,
ultimement, répondre aux besoins de nos citoyens parce que, l'objectif, c'est
toujours d'assurer des bons services à nos citoyens, en l'occurrence leur
sécurité.
M. Lavallée (Hugo) : Merci.
Le Modérateur
:
Maxime Denis, Noovo.
M. Denis (Maxime) :
M. Jolin-Barrette, Mme Guilbault, bonjour. M. Jolin-Barrette,
pour avoir couvert des procès, quand une victime vient témoigner, elle a beau
avoir un paravent, une salle de témoignage, quand elle entend la défense, les
arguments pour la détruire, là, humainement, qu'est-ce qu'on peut faire de plus
pour l'accompagner et surtout l'inviter à dénoncer et à avoir confiance dans le
processus? Parce que, justement, plusieurs peuvent se dire : Bien, non, je
ne veux pas me faire détruire encore plus, je n'irai pas dénoncer.
M. Jolin-Barrette :
Bien, ça fait partie du rapport Rebâtir la confiance, c'est vraiment au
niveau de l'accompagnement. Donc, voyez-vous, avec l'IVAC, on a développé
davantage de ressources pour les personnes victimes, donc à la fois pour la
personne victime elle-même, mais également pour les proches. Puis ça, c'était
une des grandes critiques du système de l'IVAC auparavant, où est-ce qu'il y
avait juste la victime directe ou pas du tout. Maintenant, dans le fond, c'est
tout l'ensemble de la famille qui va recevoir du soutien, donc, conjoint, les
enfants, parfois les parents également dans certaines circonstances, notamment
les enfants mineurs. Alors, on change la façon dont on accompagne les personnes
victimes. On a vraiment beaucoup plus de ressources, dès le départ, au niveau
de la... lorsqu'il y a une infraction criminelle qui est commise.
Pour ce qui est du système judiciaire, et
ça, on va mettre ça en place, et ça fait part notamment du tribunal spécialisé.
Ce n'est pas uniquement, le tribunal spécialisé, d'avoir un tribunal qui est
une institution. Il y a ça, mais il y a aussi tout le parcours qui amène les
gens au tribunal spécialisé. Donc, ça veut dire des intervenants psychosociaux.
Ça veut dire des procureurs de la couronne davantage formés. Ça veut dire des
policiers davantage formés. Donc, maintenant, c'est pris globalement, puis
la personne victime, elle doit être au coeur du processus. Donc, il y aura
toujours les règles de droit, les règles de contre-interrogatoire, mais il faut
également préparer la victime à tout ça, c'est pour ça qu'on a lancé, avec les
CAVAC, le développement d'un programme pour la préparation au témoignage. On a
permanentisé le Programme enfant témoin, qui a été développé avec le CAVAC de
l'Outaouais. Ça, il est prêt et il est disponible à la grandeur du Québec
maintenant.
Et on veut faire sensiblement la même
chose avec les victimes de violence conjugale, violence sexuelle. Et c'est une
formation d'environ 25, 30 heures, donnée par les CAVAC, pour faire en
sorte d'aller à la salle de cour préalablement, expliquer quel type de questions,
pour vraiment donner un sentiment de confiance à la victime et lui expliquer
aussi le type de questions, comment ça se déroule au témoignage. Donc, c'est en
outillant les personnes victimes qu'on va leur donner confiance dans le système
de justice.
Puis l'idée aussi, c'est de dédramatiser
le processus judiciaire, qu'elle soit à l'aise aussi. Donc, vraiment, on va
mettre tous les efforts pour faire en sorte d'adapter le système de justice à
la réalité des personnes victimes.
Mais, je le réitère, c'est vraiment un
geste courageux de le faire. Et je veux dire aux personnes victimes qu'il y a
vraiment beaucoup de personnes dans le système de justice qui travaillent en
collaboration, qui sont disponibles, là, pour vous accompagner dans le
processus. Donc, il ne faut vraiment pas hésiter à dénoncer.
Et, pour l'IVAC aussi, ça, c'est fort
important, ce n'est pas nécessaire de dénoncer une infraction criminelle pour
bénéficier des aides et du soutien de l'IVAC. Donc, n'hésitez surtout pas à
faire appel à l'IVAC pour obtenir du soutien.
M. Denis (Maxime) :
Mme Guilbault, votre chapeau de ministre responsable de la
Capitale-Nationale, avec le départ de Régis Labeaume, votre réaction?
Mme Guilbault :
Bien, j'ai suivi sa conférence de presse à 15 heures hier puis j'ai trouvé
ça émotif. Parce que, tu sais, moi, ça fait deux ans et demi que je suis
ministre responsable de la Capitale-Nationale, donc je transige avec lui de
politicien à politicien, si on veut, mais bien avant ça, moi, je suis une fille
de Québec. Ça fait que donc ça fait 13 ans que je vis avec le maire Labeaume,
notre maire de Québec, qui est un personnage, un maire qui aura été un maire
très fort, très vigoureux, très déterminé.
Puis ma première réaction, j'ai fait un
gazouillis puis je disais : Personne ne peut remettre en question
l'intensité puis l'authenticité de son attachement pour notre ville et de son
investissement personnel, professionnel. Puis je trouve que ça résume bien, là.
Tu sais, je veux dire, quoi qu'on pense de lui, de certains projets, puis tout
ça, c'est quelqu'un qui était complètement dévoué à la ville de Québec, qui
connaît la ville de Québec de fond en comble, qui a mené des grands, des gros
dossiers. Évidemment, on pense tous au tramway quand on m'écoute parler, puis
là on se dit : Bon, le tramway… Mais, même avant le tramway, tu sais, il a
fait des grandes choses. Le 400e, c'est lui qui était là, le Centre Vidéotron.
Bon, il n'aura peut-être pas vécu l'éventuel retour des Nordiques comme maire,
mais il va le vivre comme citoyen peut-être un jour. Et donc tout ça pour dire
que, c'est ça, j'ai trouvé ça émotif, puis ça aura été un grand maire pour la
ville de Québec.
M. Lacroix (Louis) : Est-ce
que vous allez vous ennuyer de lui?
Mme Guilbault :
Bien, c'est-à-dire que moi, je travaille avec qui que ce soit… les élus en
place. Donc, je veux dire, ça n'enlèvera rien à son successeur ou à sa
successeure, mais, oui, je pense, c'est… Tu sais, les élus comme ça, colorés,
particuliers, avec un caractère bien à eux, je trouve que c'est attachant, tu
sais. Qu'on soit pour ou contre leurs idées, qu'on ne soit pas toujours
d'accord, peu importe, là, tu sais, j'aime bien les gens affirmés, et c'était
son cas.
Le Modérateur
: Hugo
Pilon-Larose, LaPresse.
M. Pilon-Larose (Hugo) :
…précision en suivi à cette question-là avant de poser mes questions sur le
sujet du jour. Qu'est-ce que vous souhaitez comme prochain maire ou mairesse de
la ville de Québec? Est-ce que vous espérez un maire qui va défendre avec
autant de ténacité le projet du tramway?
Mme Guilbault :
Bien, c'est toujours embêtant, des questions comme ça, un peu hypothétiques.
Puis, tu sais, je me dis, on va laisser les candidats, les candidates se
manifester. Là, il y a M. Marchand qui s'est manifesté. Et donc, c'est ça,
on va voir les idées, mais c'est sûr que, de façon générale, moi, je m'attends
à un maire ou une mairesse qui va défendre les intérêts de sa ville, qui,
idéalement, va avoir aussi cette ouverture. C'est sûr que le maire de Québec,
sa ville, c'est Québec. C'est normal qu'il défende Québec puis qu'il n'ait pas
nécessairement la même vision ou le… Il n'a pas le même rôle qu'un
gouvernement. Mais moi, j'ai toujours dit : J'ai cette vision très
élargie. Je suis ministre de la Capitale-Nationale au complet, de Portneuf à
Charlevoix. On a toujours un grand souci de la Rive-Sud aussi. Le
développement, on le voit d'une manière très intégrée, très inclusive, très
élargie. On le voit dans les projets de transport qui ne sont pas encore
annoncés, mais qui le seront incessamment.
Donc, tout ça pour dire que, tu sais… puis
travailler avec le maire de Lévis, donc avoir vraiment cette harmonie
suprarégionale qui va nous permettre de faire de belles grandes choses pour
notre Capitale-Nationale puis de mener des projets ensemble. Vous voyez, moi,
je travaille sur les Mosaïcultures pour l'an prochain. M. Labeaume travaille
avec moi, d'ailleurs, tout comme le fédéral. Donc, ça, ça va être un bel
événement. Donc, de faire des belles choses, à Québec, comme on est si bien
capables de le faire… Québec, c'est une ville hyperactive et vivifiante, et ça
doit rester comme ça.
M. Pilon-Larose (Hugo) : Sur
l'annonce d'aujourd'hui, concernant les ressources dédiées dans les corps
policiers, peut-être que vous l'avez précisé, mais ça m'a échappé, quelle sera
la composition de ces ressources-là? Est-ce que c'est exclusivement des
policiers ou on y trouvera également, entre autres, des intervenants
communautaires, des psychologues?
Mme Guilbault :
Ça peut être des civils, effectivement. Bonne question, je ne l'avais pas
précisé. Nous, en fait, le concept, c'est : on met de l'argent sur la
table et avec un certain nombre de critères qu'on s'attend... auxquels on
s'attend qu'ils soient remplis par les projets que nous proposent les corps
policiers. Donc, un corps policier nous arrive avec tel projet, disons :
Moi, je vais mettre trois ressources chez nous, deux policiers, un travailleur
social, et on va faire, là, justement, comme je disais, meilleure prise en charge,
référencement, suivi, et tout ça, surveillance des contrevenants et les liens
avec les autres intervenants. Et, si le projet satisfait les critères qu'on a
mis en place, on va être en mesure de donner du financement.
La façon dont le financement va fonctionner,
c'est qu'on paie, nous, 90 % des dépenses, et le corps de police
10 %. Donc, il y a comme une petite franchise, si on veut, mais quand
même, 90 %, c'est un fort incitatif pour se mettre en place un projet.
Puis je pense qu'il y a aussi beaucoup d'intérêt. Tu sais, on parle beaucoup,
nous, avec nos corps policiers, je pense qu'il y a un grand intérêt. Vous le
voyez, la Sûreté, SPVM, Terrebonne le font déjà. On peut s'attendre... tu sais,
je disais tout à l'heure, nous, on s'attend à ce qu'au moins nos six plus
grands corps de police, donc Sûreté, SPVM, Québec, Gatineau, Longueuil, Laval,
fort probablement vont proposer quelque chose aussi, alors il y aura de
l'argent pour eux.
M. Pilon-Larose (Hugo) :
M. Jolin-Barrette, concernant la... voyons, le mot m'échappe, là, mais
concernant ce que vous avez annoncé par rapport au fait qu'il y aurait un seul
procureur qui...
M. Jolin-Barrette : La
poursuite verticale.
M. Pilon-Larose (Hugo) : ...la
poursuite verticale, exactement, ça nécessiterait combien d'investissements
pour tendre vers cet idéal-là, mais pour l'ensemble des victimes d'actes
criminels au Québec? Parce que j'imagine que pour une victime d'actes criminels
qui... ça doit être difficile de devoir répéter son témoignage, peu importe qu'est-ce
qu'on a subi, quand que le procureur change. Si on souhaitait, justement, le
plus possible toujours avoir ce principe-là dans nos palais de justice, il vous
manquerait combien de procureurs?
M. Jolin-Barrette : Bien, écoutez,
on ne l'a pas chiffré parce que ça représenterait des sommes fort importantes,
puis également, au niveau des ressources, ça serait énormément, là. On essaie,
en matière de crime contre la personne, puis notamment, c'est ce qu'on a déjà
comme directive en matière de violence sexuelle, là, on va venir le consolider
pour encore rajouter des ressources supplémentaires. Voyez-vous, pour la
violence conjugale, on parle environ d'une quarantaine de procureurs.
Mais, vous savez, je pense qu'il y a plus
de... on me corrigera, là, mais plus de 100 000 infractions
criminelles au Québec par année qui sont poursuivies. Donc, ça devient
difficile aussi parce qu'il y a différentes réalités, mais on pourra vous
spécifier le chiffre, là, exact, de nombre de poursuites d'infractions
criminelles par année. Mais ça serait difficile, dans tous les types
d'infraction criminelle, d'avoir des procureurs dédiés. Puis je pense que, dans
les infractions criminelles qu'on a ciblées en matière de violence sexuelle et
de violence conjugale, c'est les infractions criminelles les plus intimes, les
plus invasives, alors c'est pour ça qu'on veut donner un accompagnement
particulier avec des procureurs dédiés, un procureur du début à la fin. Donc,
c'est vraiment un engagement du gouvernement du Québec, qui fait suite au
rapport Rebâtir la confiance. Donc, on a pris acte du rapport et on
agit.
Le Modérateur
: Très
bien. On va accélérer un peu la cadence, s'il vous plaît. François Carabin,
Métro.
M. Carabin (François) : Mme
Guilbault, vous étendez le service d'évaluation des personnes, des
contrevenants à l'ensemble du territoire québécois. Or, on a déjà dit que ce programme-là
était peu efficace, utilisé une cinquantaine de fois en trois ans. Donc,
qu'est-ce que ça va changer, au final, de l'étendre au territoire?
Mme Guilbault :
Non, bien, en fait… bien, deux choses, là, on va l'étendre, oui, parce que
c'est important que ce service-là soit disponible partout, là, ça peut être
très déterminant, là, quand on parle d'une évaluation qui permet d'éclairer le
juge et qui pourrait l'influencer éventuellement, entre guillemets, les juges
sont totalement indépendants, on le sait, mais sur, oui ou non, la remise en
liberté. Puis c'est important de préciser que ce service-là peut être utilisé
quand la couronne s'oppose à la remise en liberté. Donc, il y a, des fois, où tout
le monde est d'accord pour la remise en liberté, donc ça ne s'applique pas,
alors il faut relativiser. Puis, vous voyez, ça a été mis en place, ça, en 2018,
mais les ressources au complet ont fini d'être embauchées en 2019, là, ce
nouveau programme là, 2019. 2019, on a eu 14 évaluations seulement très peu
connues, 2020, 38 et, cette année, on serait à 78 pour les quatre premiers
mois.
Donc, vous me direz, ce n'est pas des si
gros chiffres, peut-être pas dans l'absolu, mais dans le relatif, quand on
regarde la croissance, c'est très encourageant. Et tantôt j'ai dit qu'il y a un
petit montant qui va aux services correctionnels pour être capable de l'offrir
dans toutes les régions. Il y aura aussi une espèce de campagne de pub, là,
mais pas pub grand public, là, mais je veux dire, une action de communication
qui va être faite, ciblée auprès des partenaires, notamment la justice, pour,
justement, encourager le recours à cette mesure-là.
M. Carabin (François) : M.
Jolin-Barrette, vous avez dit, la semaine dernière, que le rapport Rebâtir
la confiance devenait votre priorité numéro un. À ce moment-ci, on est à
combien de pourcentage de complétion déjà de ce rapport, les 190 recommandations?
M. Jolin-Barrette : Bien, on
est présentement en train d'y travailler, là, on pourrait vous revenir avec le
chiffre parce qu'il y a plusieurs ministères qui sont impliqués, notamment la
Justice, la Sécurité publique, Santé et Services sociaux également, mais notre
objectif, c'est donner suite aux 190 recommandations. Il faut savoir qu'il y a
beaucoup de recommandations dans le rapport, qui étaient déjà en place, qui
étaient déjà effectuées. Donc, c'est des recommandations, mais qui étaient déjà
des bonnes pratiques du système de justice où le rapport est venu dire :
Vous devriez faire ça, mais on le faisait déjà. Alors, ça, c'est déjà un
élément, donc il y a plusieurs recommandations.
Dans le projet de loi sur l'IVAC, il y a
également plusieurs recommandations sur lesquelles on a donné suite, et même on
est allé plus loin avec l'abolition de la prescription en matière de violence
sexuelle, violence conjugale aussi. Alors, on va continuer à travailler en
collaboration, l'ensemble du gouvernement, pour donner suite aux 190
recommandations. Et, au fur et à mesure, on avance et puis j'ai bon espoir
qu'on va réussir à atteindre les 190 recommandations.
M. Carabin (François) :
Peut-être une petite fourchette…
M. Jolin-Barrette : Bien,
vous savez, ça demande plusieurs intervenants. La collaboration, ça ne relève
pas juste du gouvernement du Québec, parfois ça relève de la magistrature
aussi. Donc, il y a beaucoup de discussions qui sont en cours. Mais notre
objectif, c'est de donner suite à l'intégralité du rapport.
Le Modérateur
: On
poursuit avec les questions en anglais. Stéphane Giroux, CTV.
M. Jolin-Barrette : Bonjour.
M. Giroux
(Stéphane) : Good morning, Mr Jolin-Barrette.
Regarding the specialized tribunal, do you think that changing the structures
of the courts to have one dedicated to domestic violence would require an
intervention from the federal… given they have jurisdiction over the Criminal
Code?
M.
Jolin-Barrette : No, not at all. Not at all,
because, you know, here, in Québec, the justice administration is one of our
competencies here, at the National Assembly, in Québec. So we don't need the
federal Government or the federal legislator to act on that. We have
here, in Québec, la Loi sur les tribunaux judiciaires. So, in
that law, you have all the tribunals of Québec, so we have all the tools to act
on that.
M. Giroux
(Stéphane) : And, on the vertical
intervention, I guess it's the best way to translate it, will that require more
prosecutors? I cover courts. I know that all the prosecutors, at least in
Montréal, Laval, Longueuil, are usually overwhelmed, overburdened with cases, which
means they have less time to dedicate to each and every victim out there. Will
this vertical intervention approach allow prosecutors to have more time to
spend with victims?
M.
Jolin-Barrette : Yes, of course, because what
we announce today, it's $44 million on five years to hire some prosecutors. So
we are talking about 40 more prosecutors… that they will have the time to do
only that, on the vertical prosecution principle and domestic violence. So,
from the beginning to the end of the judicial process, it will be the same
prosecutor. And, before that, also, he will take time with the victim to
explain to her what will be the next month or the next year, about that.
M. Giroux
(Stéphane) : Mme Guilbault, on the same
subject, you were talking about pilot projects, involving the SQ, the SPVM and
the Terrebonne police, where you will have dedicated teams of police officers.
I just want to make sure I understand their role. It will be not to
specifically answer calls but to supervise those who answer calls of domestic
violence?
Mme Guilbault : It depends on the police force. The Sûreté
du Québec is such a big police force that they will
have this squad of eight people coordinating all other policemen and
policewomen all over the province, the nation of Québec, to make sure that they
have proper formation, that they develop their expertise, and that they are
better and better in accompanying the victims, supporting the victims,
surveillance of the offenders, the link between other intervenients… people,
intervenients from justice, from organisms. So this is the purpose of the
project at the Sûreté du Québec.
SPVM might be something else. But the main goals of those projects are to be
able to have better support for the victims, to have an increased surveillance
for offenders, and to implement this vertical prosecution.
M.
Giroux (Stéphane) : Merci.
Le Modérateur
: Merci.
Une dernière question, Raquel Fletcher, Global.
Mme Fletcher
(Raquel) : Yes, good morning. My first
question is for Minister Jolin-Barrette. You said that there will be
40 more prosecutors who will be hired to accompany the victims. Often, we
hear from victims that they are sort of left… that they're neglected within the
process. You explained it rather well in French how exactly this process will
take place to accompany each victim. Can you just explain that again for our
viewers in English, what it will look like from the victims' perspective?
M.
Jolin-Barrette : Yes. For the victims, it's
really an accompaniment that will help them to go through the judicial process.
Because, you know, for a victim, it's not easy to make a denunciation. And what
we want, it's really to give her a good accompaniment and to help her through
the process. And I think it was one of the recommendations of the report Rebâtir
la confiance. So that's really important to have a lot of people in the
justice system to make sure that, in each step, she will be able to have some
prosecutor, or social intervenient, or some police officer that are there for
her and to explain each step of the justice system.
Mme Fletcher
(Raquel) : Thank you. And, Mme Guilbault, will these specialized teams, the group of eight
people that you mentioned, is there any work that they will be doing in terms
of prevention? And if so, can you speak to, also, how… what is the priority of
your Government? Is it more about addressing the justice system or is your
priority more on prevention? Can you just balance those two for us, please?
Mme Guilbault :
Yes. Well, our priorities is to fight against violence. So, we have to make
more in prevention, and we have to make more in repression. The first two
announcements that I made with… since I have been mandated by the Prime
Minister, to coordinate this government action, is where to give more money to
shelters for women and to organisms who help men who commit this violence. So,
those were two purely prevention announcements.
Today, we are making an
announcement that is kind of both. So, yes, those projects with the police
forces, as I said earlier, the main goals are to make sure that we have
specialized staff in our police forces that only do cases of domestic violence
to support the victim, to accompany them throughout the process with the
justice system, and that we have an increased surveillance of offenders because
this is important, also, to make sure that victims feel secure. And, also, to
implement this vertical prosecution, like I said, police forces are an
important part of it. So, this is kind of both. We have a part that is
prevention because… an example of something that dedicated resources can make
is to make follow up when they have a call from a victim. They are not a
100 % sure that this is domestic violence, but they can have suspicions
and they can call the person back in a few days to make sure that she is okay,
does she need anything, does she need information, does she need to go, to flee
her home, does she have children involved and things like that. So, this is an
example of something that is more prevention than repression.
Le Modérateur
:
Merci à vous tous et toutes. Bonne journée.
(Fin à 9 h 24)