(Quatorze heures)
Mme
St-Pierre
:
Alors, merci beaucoup, merci d'être parmi nous, aujourd'hui. Si nous vous avons
convoqués, aujourd'hui, c'est pour vous parler du rapport de la Commission sur
l'exploitation sexuelle des mineurs. Aujourd'hui, le 3 juin, ça va faire
six mois que le rapport de la Commission spéciale sur l'exploitation
sexuelle des mineurs a été déposé. C'est un rapport qui, je vous le rappelle,
contenait 58 recommandations, il était unanime. Mais nous considérons que
les résultats tardent à venir six mois plus tard.
Tous s'entendent pour dire que la pièce
maîtresse de ce rapport, c'est l'aide aux victimes d'exploitation sexuelle. Et,
à ce chapitre, on a vu peu de résultats de la part du gouvernement de la CAQ,
aucun plan précis. On se rappelle que M. Legault avait confié à la ministre
de la Sécurité publique le mandat, la tâche de mettre en place les
recommandations. Aucun plan précis de sa part.
En fait, il y a eu un seul geste de posé,
sur la question des victimes d'exploitation sexuelle, c'est celui de la réforme
de l'IVAC. Cette réforme était déjà en planification. L'IVAC, c'est la réforme
qui veut que l'on indemnise les victimes d'actes criminels. Dans la réforme qui
a été adoptée, on voit que les victimes d'exploitation sexuelle font partie des
victimes qui peuvent être indemnisées.
Mais le problème, c'est que, pendant la
commission parlementaire, il y a eu le témoignage très émouvant d'une victime
d'exploitation sexuelle qui se nomme Lau Ga, et elle n'est pas la seule, et Lau
Ga voit son cas, finalement, exclu parce qu'il n'y a pas de rétroactivité. Elle
a demandé au ministre Simon Jolin-Barrette d'accorder une rétroactivité
aux victimes d'exploitation sexuelle. Les partis d'opposition, qui étaient
présents lors de l'étude, article par article, ont tenté, en vain, de
convaincre le ministre Simon Jolin-Barrette d'accorder cette
rétroactivité. Lau Ga demandait une rétroactivité qui pouvait remonter jusqu'à
trois ans, elle avait même fixé cette rétroactivité au moment où le
gouvernement Legault entrait en fonction. Le ministre Jolin-Barrette est
demeuré de marbre, donc pas de rétroactivité pour Lau Ga.
Il y a deux semaines, elle a écrit
une lettre très émouvante qui a été… au premier ministre, elle écrivait au
premier ministre, qui a été publiée dans La Presse. Je vous donne
quelques citations de cette lettre, et ça va droit au coeur : «Je souffre d'un trouble de stress post-traumatique. Je peine à sortir
de chez moi. Je ne vois pas encore le jour où je pourrai reprendre un semblant
de vie normale. Je suis épuisée. J'ai peur, puisque je ne me sens ni protégée
ni aidée. J'ai le profond sentiment que votre gouvernement a oublié les
victimes d'exploitation sexuelle, mais vous ne devez pas les oublier.
«Monsieur le premier ministre — je
cite toujours Lau Ga —, je vous en supplie, faites
preuve d'ouverture et n'allez pas à l'encontre des rapports Rebâtir la
confiance ainsi que celui de la Commission spéciale sur l'exploitation
sexuelle des mineurs, qui vous implorent d'aider les victimes d'exploitation
sexuelle.»
Notre proposition est la
suivante. Elle est simple, elle est claire, elle pourrait se faire rapidement. C'est-à-dire, il reste cinq jours de session
parlementaire. Avec le consentement, dans ce Parlement,
tout peut se faire. Donc, nous proposons au gouvernement de demander au
ministre de déposer un projet de loi qui viendrait donner gain de cause à
Lau Ga, projet de loi très court, qui pourrait être adopté très rapidement
et qui accorderait la rétroactivité à Lau Ga et à toutes les victimes qui
sont dans la même situation que Lau Ga. Ça ne coûtera pas une fortune,
mais ça va faire une énorme différence pour l'avenir de cette jeune femme et de
ces victimes qui veulent sortir de l'exploitation sexuelle, non seulement en
sortir, mais se bâtir un avenir et se bâtir peut-être un semblant de vie
normale. Parce que ce n'est pas très facile, selon les témoignages que nous
avons entendus, d'avoir une vie normale après avoir vécu de tels événements.
Alors, je passe la parole à
mes deux collègues pour continuer de tenter d'expliquer et de convaincre le
premier ministre d'agir rapidement d'ici la fin de la session. Merci.
M. Leduc : Merci, Christine.
Moi qui suis la politique depuis, quand même, plusieurs années, il y a un
classique ici, à l'Assemblée nationale, qui traverse à peu près toutes les législatures
depuis au moins une décennie, voire plus, c'est une conférence conjointe des
différents partis d'opposition qui réclament une réforme de l'IVAC. On l'a vu, évidemment,
dans cette législature-ci, on l'a vu dans l'ancienne législature. Et dans les
anciennes législatures, dans le temps où la CAQ était dans l'opposition, elle
participait toujours à ces conférences de presse pour réclamer une réforme de
l'IVAC.
Alors, c'est sans grande surprise qu'une
fois arrivé au pouvoir, bien, on a commencé à entendre des bruits qu'il y
allait avoir réforme de l'IVAC. C'était une bonne nouvelle. Et le projet de
réforme est en effet atterri la même semaine ou à peu près la même semaine du
dépôt du rapport qu'on a écrit conjointement, les collègues, ici. Sauf qu'il y
a une chose qui est claire, la réforme de l'IVAC, là, elle aurait dû être
déposée bien avant. Elle aurait dû être adoptée bien avant.
Moi, quand je suis arrivé au début au Parlement,
ici, j'étais responsable entre autres du dossier de la justice, et à la
première étude des crédits auxquels j'ai assisté, donc peu de temps après l'élection
d'octobre 2018, c'était Mme LeBel qui était ministre de la Justice, à
l'époque, et je lui ai posé la question : Qu'en est-il de la réforme de l'IVAC?
Où est-ce qu'on en est? Est-ce que ça s'en vient pour bientôt? Et elle
m'assurait : Oui, oui, oui, on a déjà commencé, c'est déjà en rédaction, ça
s'en vient, ça s'en vient. Là, on devait être, je ne sais pas, moi, en quelque
part au début de 2019, à l'étude des crédits de l'époque, et là il a fallu
attendre très, très longtemps pour que ce projet de loi là soit déposé, soit
étudié, soit amendé, pas autant qu'on le souhaiterait, bien sûr, mais qu'il
soit adopté.
Alors, j'ai de la misère à acheter cet
argument-là de M. Jolin-Barrette qui plaide, finalement, quasiment sa
propre turpitude, là. On ne peut pas faire de la rétroaction parce que, parce
que... Bien, finalement, vous n'avez pas agi assez vite. Vous aviez le mandat
de le faire. C'était dans votre plateforme. Vous avez fait des conférences de
presse, dans les anciennes législatures, pour que ça se fasse, puis que ça se
fasse vite. Bien là, c'est un peu de votre faute. En plus que vous aviez dit, à
l'étude des crédits de 2019, que ça s'en venait rapidement. C'est de votre
faute, là, si vous avez attendu aussi longtemps. Ce n'est pas aux femmes de
payer le prix et aux victimes de payer le prix de cette inaction-là et de cette
turpitude-là.
Donc, je salue l'initiative de cette
conférence-là, de cette demande-là au ministre Jolin-Barrette pour qu'en effet
on puisse rapidement rouvrir ce chapitre-là, avoir une entente, l'intégrer ici.
De consentement, tout est possible. Et en tout cas il peut avoir mon consentement
s'il veut aller de l'avant avec cette proposition. Merci beaucoup.
Mme Perry Mélançon :
Bonjour. En fait, je partage les propos qu'ont tenus mes deux collègues. Et je
tiens effectivement à saluer également Lau Ga qui a pris tout son courage, encore
une fois, pour écrire directement au premier ministre pour demander la
rétroactivité de la réforme de l'IVAC qui vient d'être adoptée.
Et j'aimerais rappeler que, durant la Commission
spéciale sur l'exploitation sexuelle des mineurs, des travaux qui ont pris
entre 18 à 24 mois, en tout cas, 18 mois, ce qui est énorme, on a
travaillé très fort et toujours dans l'objectif d'aider les victimes. On avait
les victimes tatouées sur le coeur et on en a parlé. À toutes les fois, vraiment,
ça a été toujours... nos travaux ont toujours été réalisés en ayant une pensée
pour elles.
Alors, évidemment qu'on partage leur
déception à ce que celles qui ont déjà vécu ce long et douloureux parcours,
parcours teinté de violences, d'abus physiques, psychologiques, sexuels...
Bref, on peut imaginer l'horreur que les victimes ont vécue. Et, bien, justement,
on s'est fait dire et on en a entendu beaucoup, là, effectivement, que le rapport
fait état, là, de l'étape, disons, de réhabilitations, de reconstruction, ça
fait partie d'un des axes les plus importants du rapport. Alors, il faut avoir
un accompagnement qui est aussi ambitieux que ce que les victimes se sont donnée
comme ambition puis comme courage. Ils ont mis énormément d'efforts et de
volonté pour s'en sortir.
Mais malheureusement on a aussi la réalité
que plusieurs ont replongé dans cette tourmente-là, par faute de moyens
financiers pour se relever. Et cette fragilité-là, bien, il faut faire tout en
notre pouvoir, le gouvernement doit faire ce qui est en son pouvoir pour
prendre tous les moyens et aider financièrement les victimes qui ont vécu ça
avant l'adoption de la loi. Alors, c'est vraiment dans cette optique-là qu'on
s'adresse aux médias et aux victimes, qu'on veut saluer, on veut saluer leur
courage. Mais là ça prend du courage politique.
Et ces demandes-là, on les adresse au premier
ministre, à ses collègues, aussi, qui ont siégé sur la commission spéciale. Je
pense que deux des… On est tous des parlementaires qui ont mis beaucoup de
coeur, mais, justement, là, monsieur Lafrenière et madame Lecours ont mis
beaucoup de coeur, et je le sais qu'ils sont très préoccupés, là, par ce qui
concerne ces victimes-là, alors on espère qu'ils auront l'écoute, disons,
maintenant qu'ils sont au Conseil des ministres, pour en discuter et avoir une
loi qui sera réouverte, effectivement, pour y ajouter la notion de rétroactivité.
Alors, c'est vraiment ce qu'on demande aujourd'hui. On espère qu'on aura cette
écoute-là et des gestes concrets, là, d'ici la fin de la session. Merci. S'il y
a des questions, on est là.
La Modératrice
: Merci
beaucoup.
(Fin à 14 h 11)