(Onze heures trente minutes)
M. Jolin-Barrette : Merci.
Mme la ministre Charest, ministre de la Condition féminine. Je suis accompagné
également de Me Patrick-Thierry Grenier, qui est sous-ministre associé au
ministère de la Justice.
Selon les données les plus récentes, près
d'un crime contre la personne sur trois est commis dans un contexte de violence
conjugale. Toujours selon les données les plus récentes, nous estimons que
huit agressions sexuelles sur 10 au Canada ne sont pas déclarées à la police.
Il s'agit d'une réalité intolérable.
Nous ne voulons plus qu'au Québec les
personnes victimes de violence sexuelle ou conjugale hésitent à dénoncer et à
porter plainte. Nous ne voulons plus que le parcours judiciaire soit considéré
comme un obstacle supplémentaire pour les personnes victimes. C'est avec ces
objectifs toujours en tête que nous travaillons.
Au cours des derniers mois, le
gouvernement a mis en place plusieurs mesures pour lutter contre la violence
sexuelle et conjugale et améliorer l'accompagnement des personnes qui en sont,
malheureusement, victimes. Plus de 200 millions de dollars ont été
octroyés pour, notamment, soutenir les maisons d'hébergement et les centres
d'aide pour hommes violents.
Parmi les principaux changements, notons
aussi la réforme de l'IVAC. Après plus de 30 ans d'attente et d'inertie,
nous avons investi plus de 250 millions de dollars sur cinq ans afin de
mieux accompagner les personnes victimes d'infraction criminelle. À travers
cette réforme, nous avons également aboli le délai de prescription pour
demander de l'aide à l'IVAC dans les cas de violence conjugale, sexuelle ou la
violence contre les enfants.
Nous avons aussi instauré le principe de
poursuite verticale pour les dossiers de violence conjugale et consolidé son
application pour les dossiers de violence sexuelle au Directeur des poursuites
criminelles et pénales. Ainsi, les personnes victimes seront accompagnées par
le même procureur du début jusqu'à la fin du processus judiciaire. Cela
représente un investissement supplémentaire de 44 millions de dollars.
Enfin, nous avons, en collaboration avec
le réseau des CAVAC, déployé le Programme enfant témoin partout au Québec et
nous sommes à développer un élargissement du programme pour les personnes
vulnérables, notamment les personnes victimes de violence sexuelle et
conjugale. Notre détermination pour améliorer le système juridique et pour
mieux soutenir les personnes victimes est réelle. Nous devons en faire
davantage.
Au cours des derniers mois, nous avons entendu
plusieurs témoignages. De nombreuses victimes nous disent hésiter à porter
plainte par crainte d'affronter seules le processus judiciaire, et par manque
de confiance envers le système de justice. Comme ministre de la Justice, je ne
peux pas accepter cette situation qui dure depuis trop longtemps.
Le changement de culture est nécessaire
dans le système de justice et doit se produire. Nous continuerons à agir et à
mieux adapter nos pratiques aux besoins spécifiques des personnes victimes.
Nous devons repenser nos façons de faire afin d'assurer un climat de confiance
pour celles et ceux qui se tournent vers le système de justice. Il est
primordial que les personnes qui déposent une plainte et entreprennent des
démarches judiciaires se sentent écoutées, soutenues et surtout en sécurité du
début à la fin du processus.
Dès le lendemain de la réception du
rapport du groupe de travail sur la mise en place d'un tribunal spécialisé, le
19 août dernier, nous annoncions notre intention de déposer un projet de
loi cet automne pour la création d'un tribunal spécialisé. Il n'y a pas de
temps à perdre.
Aujourd'hui, nous sommes très fiers de
répondre à notre engagement.
En effet, ce matin, j'ai déposé, à
l'Assemblée nationale, le projet de loi n° 92 visant la création d'un
tribunal spécialisé en matière de violences sexuelles et de violence conjugale
et portant sur la formation des juges en ces matières. Le tribunal spécialisé
vise à redonner confiance envers le système de justice aux personnes victimes,
à réduire les délais et à mieux répondre aux besoins des personnes victimes
avec des services adaptés et coordonnés.
Comme recommandé par le rapport du groupe
de travail, dans son rapport, nous procéderons d'abord par projets pilotes. Ces
projets pilotes permettront d'élaborer les meilleures pratiques sur le terrain
et de faciliter la transition vers un tribunal permanent à la grandeur du
Québec.
Le parcours des personnes victimes sera
revu à chaque étape afin d'assurer d'offrir des services plus efficaces et
mieux adaptés à leurs besoins. Les personnes victimes doivent être au coeur de
toutes nos interventions, au coeur de tout le processus.
Avec ce projet de loi, le Québec innove.
En effet, nous nous positionnons comme un pionnier en étant la première
juridiction au monde à tester un tribunal spécialisé à la fois en matière de
violences sexuelles et à la fois en matière de violence conjugale.
Plus concrètement, les projets pilotes
prévoient l'amélioration des infrastructures en place dans nos tribunaux afin
que les personnes victimes puissent avoir accès à des mesures d'aide au
témoignage, par exemple un paravent pour éviter de voir l'accusé pendant leur
témoignage, ou encore à une autre salle dotée d'un système de visioconférence,
ou d'avoir des salles adéquates pour accueillir les personnes victimes ou leur
famille.
Nous prévoyons aussi une meilleure
coordination et une meilleure concertation entre les différents intervenants
afin notamment d'éviter aux personnes victimes d'avoir à raconter leur
agression à de multiples reprises. Elles doivent pouvoir compter sur un
accompagnement spécialisé et être soutenues avant, pendant et après le
processus judiciaire.
C'est important de le souligner, il y a
des intervenants spécialisés, dévoués et très impliqués qui travaillent tous
les jours pour accompagner les personnes victimes, que ce soit au sein des
corps policiers, les agents de police, les enquêteurs, au Directeur des
poursuites criminelles et pénales par le biais des procureurs et des
organismes, notamment, comme le CAVAC ou les intervenants sociaux. Nous les
remercions.
L'implantation du tribunal spécialisé vise
aussi à faciliter leur travail.
Un mot pour les personnes victimes également.
Il y a des gens dans le système de justice qui sont là pour vous accompagner, pour
vous soutenir, n'hésitez pas à dénoncer au moment où vous serez prêts à le
faire. Les infractions criminelles en matière de violence sexuelle et de violence
conjugale sont particulières en soi, notamment parce qu'elles sont commises
généralement dans un contexte d'intimité. Les personnes victimes peuvent donc
se retrouver dans une situation de très grande vulnérabilité lorsqu'elles
dénoncent et portent plainte.
Ce sont des éléments qui doivent être pris
en compte par tous les acteurs du système de justice, d'où l'importance
capitale d'une meilleure formation. Tous les intervenants du système judiciaire
doivent être mieux formés, mieux outillés en matière de violence sexuelle et
conjugale. Il s'agit d'une réalité qui concerne aussi la magistrature. La formation
des juges et des différents intervenants qui sont amenés à travailler auprès
des victimes de violence sexuelle et de violence conjugale est d'ailleurs une recommandation
importante du rapport Rebâtir la confiance. En réponse à cette recommandation,
le projet de loi vise à s'assurer que les personnes qui accèdent à la
magistrature reçoivent des formations sur les réalités et les enjeux propres à
la violence sexuelle et à la violence conjugale.
Aujourd'hui, nous posons un autre geste fort,
ambitieux et concret pour redonner aux personnes victimes un sentiment de
confiance, de sécurité et de justice. Je le réitère, la personne victime doit
être au coeur de toutes nos interventions et de tout le processus judiciaire.
En offrant des services intégrés ainsi qu'un accompagnement spécialisé en amont
et tout au long de leur parcours, nous souhaitons permettre aux personnes
victimes de reprendre le cours de leur vie.
Le gouvernement, votre gouvernement est
déterminé à continuer en ce sens et à instaurer les changements qui sont nécessaires
pour que les personnes victimes de violence sexuelle et de violence conjugale
se sentent en confiance. Comme ministre de la Justice, il s'agit d'un engagement
ferme. Le système de justice doit faire mieux et il va faire mieux. Je vais maintenant
céder la parole à ma collègue la ministre de la Condition féminine.
Mme Charest : Alors, merci,
cher collègue, Simon, hein, on peut s'appeler par notre petit nom,
Me Grenier, bonjour à tous. Vous vous doutez que je suis très, très
heureuse de me retrouver aujourd'hui ici, 10 mois presque jour pour jour après
le dépôt du rapport Rebâtir la confiance.
Donc, suite au dépôt de ce rapport le
16 décembre dernier, mes collègues ministres et moi, nous sommes au travail
pour faire de la vision de ce rapport une réalité. Le travail avance très bien,
et évidemment le dépôt de ce projet de loi le démontre clairement.
Le projet de loi que mon collègue dépose aujourd'hui
est d'une importance capitale pour les personnes victimes de violence sexuelle
et de violence conjugale. L'implantation d'un tribunal spécialisé est discutée
depuis plusieurs années. Donc, avec ce projet de loi, on fait un premier pas
significatif par le biais de projets pilotes.
On le sait, passer à travers le processus
judiciaire est souvent une expérience traumatisante pour les personnes victimes
et les survivantes. C'est d'ailleurs une des raisons qui nous a poussés à
former un comité d'experts. On souhaitait savoir comment améliorer la situation
pour ces femmes, parce que ce sont encore les femmes qui sont les principales
victimes de violences dans notre société.
Le rapport Rebâtir la confiance et
ses 190 recommandations nous donnent des pistes de réflexion très
pertinentes pour continuer le travail en ce sens, et je suis très fière du
travail de notre gouvernement, du travail qui a été accompli dans ce dossier.
Moins d'un an après le dépôt du rapport,
on a déjà investi plusieurs centaines de millions de dollars qui ont permis de
poser des actions très concrètes qui, on l'espère, vont changer, vont faciliter
la vie des femmes victimes de violence sexuelle et de violence conjugale.
Par exemple, on a augmenté le financement
des maisons d'aide et d'hébergement, on a bonifié les sommes accordées aux
organismes qui viennent en aide aux hommes qui ont des comportements violents,
on a lancé un appel de projets pour doter toutes les régions du Québec de
cellules d'intervention rapide, on a aussi mis sur pied des mesures adaptées à
la réalité autochtone.
Donc, maintenant, avec la création d'un
tribunal spécialisé qui représente, on le sait, une mesure forte du rapport Rebâtir
la confiance... Je suis extrêmement fière qu'on se soit mis au travail
rapidement dans le dossier.
Mon collègue le mentionnait plutôt, un
véritable changement de culture est en train de se faire dans la société
québécoise. Les violences sexuelles, les violences conjugales ne sont plus
tolérées ni passées sous silence. Dans les dernières années, elles ont occupé une
place sans précédent dans l'actualité et dans nos discussions.
D'un côté, ça donne le vertige parce qu'on
réalise tout le travail qui reste à faire, mais, d'un autre, ça nous donne
espoir parce que d'en parler, ça permet de mieux comprendre, de prévenir et
surtout d'éviter ces comportements inacceptables. Grâce à cette conversation
qu'on a toutes et tous ensemble depuis quelque temps, notre société est
maintenant prête à adapter le processus judiciaire dans le but de fournir une
aide et un meilleur soutien à la personne victime, et c'est une excellente
nouvelle. Au même titre que la société, le système de justice est en train de
changer, et ça, c'est pour le mieux.
Et vous pouvez continuer à compter sur la
détermination du gouvernement tout entier, en particulier la mienne, pour
apporter les changements nécessaires pour mieux soutenir les personnes
victimes, parce que je leur souhaite de se sentir accompagnées et respectées
dans leur démarche, d'être préparées et outillées lors de leur témoignage en
cour.
Je tiens aussi à remercier le Comité
d'experts sur l'accompagnement des victimes d'agressions sexuelles et de
violence conjugale pour son engagement et pour la qualité de son travail. Je
veux aussi remercier mes collègues qui m'épaulent dans le dossier, pour tout le
travail qu'ils ont fait.
Et, encore une fois, nous allons
certainement continuer d'agir pour faire en sorte que la société québécoise
soit encore plus égalitaire, plus sécuritaire pour toutes et pour tous. Merci.
Le Modérateur
: Merci.
Alors, les ministres sont disposés à répondre à vos questions jusqu'à
12 h 15, aujourd'hui. Si vous voulez poser une question, établir un
contact visuel avec moi. Une question et une sous-question par journaliste. On
commence aujourd'hui avec Jocelyne Richer, LaPresse canadienne.
Mme Richer (Jocelyne) :
Bonjour à tous les trois. M. le ministre, j'aimerais savoir, votre projet de
loi insiste beaucoup sur les juges, la formation des juges. J'aimerais savoir,
si, dans votre esprit, on parle d'une formation initiale, point, ou d'une
formation continue? Et j'aimerais savoir si vous craignez un affrontement ou, à
tout le moins, une résistance de la part des juges à s'impliquer dans tout le
processus du tribunal spécialisé et de la formation que ça implique?
M. Jolin-Barrette : Mais,
pour la mise en place du tribunal spécialisé, ça prend la collaboration de tous
les acteurs du système de justice, incluant la magistrature, et je compte bien
sur leur collaboration pour mener à terme ce projet. Et je pense que c'est
important, le tribunal, parce que c'est de mettre en place : la victime au
centre du processus, la personne victime qui a subi ça.
Pour ce qui est de la formation des juges,
la façon dont le projet de loi est construit, il y a trois volets au niveau de
la formation des juges. Le premier volet, tout candidat qui porte... qui soumet
sa candidature pour être désigné juge à la Cour du Québec ou comme juge de paix
magistrat devra s'engager, au moment du dépôt de sa candidature, à suivre la
formation qui va être développée par le Conseil de la magistrature.
Pour les juges qui sont en exercice
présentement, on confie au Conseil de la magistrature le fait de développer une
formation, et la Cour du Québec devra annuellement produire un rapport, qui me
sera communiqué et que je vais déposer à l'Assemblée nationale, pour indiquer
combien de juges ont suivi une formation sur les réalités en matière de
violence sexuelle et violence conjugale. Et ça sera déposé à l'Assemblée
nationale.
Et troisièmement, le troisième volet,
c'est au niveau des juges suppléants. Les juges à la Cour du Québec et les
juges de paix magistrat doivent prendre leur retraite à 70 ans. Cependant,
à chaque année, je renouvelle l'autorisation de siéger de plusieurs de ces
juges à titre de juges suppléants, donc des juges à la retraite qui reviennent
siéger, et ceux-ci aussi, s'ils veulent continuer à siéger, devront avoir suivi
la formation développée par le Conseil de la magistrature.
Donc, avec le projet de loi, on met
l'encadrement nécessaire pour confier ça au Conseil de la magistrature, en tout
respect de l'indépendance judiciaire.
Mme Richer (Jocelyne) :
Maintenant, en termes d'échéancier, j'aimerais savoir à partir de quand, dans
votre esprit, si on oublie les projets pilotes, là, une fois que le tribunal
spécialisé sera vraiment implanté, à partir de quand, dans votre esprit, les
femmes victimes d'agression vont avoir accès à ce service-là? Et est-ce que
vous prévoyez que ça sera fait en même temps partout au Québec, dans toutes les
régions?
M. Jolin-Barrette : Bien, dans
un premier temps, puis notre souhait, c'est de pouvoir offrir ce service-là le
plus rapidement possible. Mais le rapport du groupe de travail, qui m'a été
communiqué le 18 août, recommande d'y aller dans un premier temps par
projet pilote pour faire en sorte de bien ajuster les choses. Et, également, la
Fédération des maisons d'hébergement, également, recommandait d'y aller par
projet pilote parce que c'est la première fois qu'il y a une expérience comme
celle-ci en matière de violence sexuelle, violence conjugale. Alors, c'est
important de s'assurer que ça fonctionne bien.
Alors, on va cibler les projets pilotes
dans différents districts, en fonction des différentes tailles, en fonction des
différentes populations, des différentes communautés pour avoir une expérience,
et par la suite on va le permanentiser. Vous aurez noté, dans le projet de loi,
que l'assise pour mettre en place un tribunal spécialisé à la grandeur du
Québec est là. Donc, on a tous les outils pour le faire. Mais on va débuter par
les projets pilotes puis, par la suite, on va le permanentiser.
Mme Richer (Jocelyne) :
Mais vous n'avez pas d'échéance.
M. Jolin-Barrette :
Bien, l'échéance dépend de l'adoption du projet de loi, dans un premier temps,
pour débuter avec les projets pilotes, et par la suite, un coup que les projets
pilotes vont être rodés, on va pouvoir l'étendre.
Mme Richer (Jocelyne) :
...vont durer combien de temps, les projets pilotes?
M. Jolin-Barrette : Bien, à
partir du moment où ça fonctionne bien, les projets pilotes, puis qu'on sait qu'est-ce
qui doit être ajusté ou les intervenants que ça prend puis en fonction des
ressources de chaque région aussi, à ce moment-là, il n'y a pas de raison que
ça n'aille pas de l'avant rapidement. Mais je ne peux pas vous donner de date
précise de durée, aujourd'hui, mais notre souhait, c'est le plus rapidement
possible à la grandeur du Québec.
Le Modérateur
:
Marie-Michèle Sioui, Le Devoir.
Mme
Sioui (Marie-Michèle) : Bonjour à tous les trois. Dans un premier temps,
si vous pouviez juste préciser. Là, je comprends que vous ne savez pas encore
où vont être les projets pilotes, juste le confirmer. Puis, dans un deuxième
temps, la juge Rondeau avait été de ceux qui étaient mal à l'aise, hein, avec
l'appellation «tribunal spécialisé». Ils craignaient une impression de
favoriser les victimes. Pourquoi vous avez décidé d'aller de l'avant avec cette
appellation-là?
M. Jolin-Barrette : Bien,
dans un premier temps, dans le cadre du rapport Rebâtir la confiance, c'est ce
qui était souhaité, ce qui était recommandé. Vous savez, ma collègue a
participé aux consultations et aux auditions, au rapport, également. Ils ont
entendu de multiples groupes de femmes, notamment, victimes de violence
sexuelle, de violence conjugale, ils ont eu des experts, ils ont entendu des
experts, et ce qui revenait, dans une des conclusions, puis, Mme la ministre,
vous me corrigerez, mais c'était l'identification, notamment, d'un tribunal
spécialisé. Alors là, on vient créer une division au sein de la chambre
criminelle et pénale, qui va porter ce titre-là. Pour les commentaires de
la Cour du Québec, bien, je vous réfère au rapport du groupe de travail. Mais
la société québécoise souhaite des changements dans le système de justice, et
tous les acteurs doivent participer à ce changement-là, à la modernisation puis
au changement de culture.
Mme
Sioui (Marie-Michèle) : Puis toujours, si possible, si vous pouvez me
confirmer que vous n'avez pas la liste des villes, là. Je veux juste être
certaine, là, que vous n'en avez pas une.
Puis ma sous-question serait :
Pouvez-vous, en fait, m'en dire plus sur l'accompagnement pour les victimes?
Parce que ça n'apparaît pas dans le projet de loi. Puis, d'ici à ce qu'on
atteigne le fameux échéancier, est-ce qu'il y a quelque chose qu'on peut faire,
là, dans l'intervalle?
M. Jolin-Barrette : Oui.
Bien, dans le fond, pour les districts, les palais de justice, on est
présentement à travailler avec les différentes régions, les différents
intervenants pour s'assurer de... est-ce qu'on a une possibilité de le faire à
tel ou tel endroit. Mais ce qu'on cherche à faire, c'est d'avoir différents
districts de différentes grosseurs, également, un volet, également… Dans le
rapport Rebâtir la confiance, il y avait un volet, également,
autochtone, donc on va implanter un projet pilote, également, en lien avec la
réalité des communautés. Alors, ça prend des petits, des moyens et des grands
districts, la réalité autochtone, aussi.
Pour ce qui est de l'accompagnement, du
soutien aux victimes, le tribunal spécialisé, en soi, la création, c'est… la
finalité, c'est ce qui chapeaute le tout. Mais, tout le long du parcours,
également, on peut déjà mettre en oeuvre certaines recommandations. Et
l'objectif, c'est, à partir du moment où la personne dépose sa plainte ou va
voir la police, bien, elle a le même procureur. Exemple, la poursuite verticale,
Je l'ai déjà annoncé au mois de mai, juin, donc, désormais, en matière de
violences sexuelles, violence conjugale, vous allez avoir le même procureur du
début à la fin.
On va amener un coordonnateur judiciaire,
également, pour faire le pont entre les intervenants sociaux, entre la
couronne, entre la cour, également. Il y a déjà, également, les tribunaux,
s'ils le souhaitent… mettre en place un rôle dédié, donc, pour ne pas que les
dossiers d'agression sexuelle, supposons, passent à travers… entre deux dossiers
de drogue, supposons, ou de méfait public, aussi, d'avoir des journées de cour
dédiées, avec un horaire dédié puis que les victimes viennent à un certain
moment, aussi.
Dans les palais de justice, on est déjà au
travail, également, pour que les salles réservées aux CAVAC soient des salles
suffisamment grandes, pour que l'environnement soit adéquat, pour ne pas que
les personnes victimes croisent les personnes qui sont accusées des infractions
criminelles rattachées à ça, pour ne pas qu'elles aillent à la même toilette.
Parce que j'ai constaté ça aussi, cet été, lorsque j'ai fait une tournée des
palais de justice, que parfois la salle d'attente est à côté, également, de la
salle de cour puis de la salle d'attente des accusés aussi, puis, lorsque vous
êtes une victime d'agression sexuelle, vous vous retrouvez face à face avec
votre agresseur. Ce n'est pas optimal. Le télétémoignage, la visio, alors il y
a déjà plusieurs mesures qu'on peut travailler, aussi, des mesures d'ordre
administratif qui n'ont pas besoin de se retrouver dans le projet de loi, mais
on est déjà au travail.
Le Modérateur
: Louis
Lacroix, Cogeco Nouvelles.
M. Lacroix (Louis) :
Mme la ministre, M. le ministre, M. le sous-ministre. Ma
première question, c'est... Là, évidemment, on ne peut pas renverser le fardeau
de la preuve, là, hein? Donc, le système de justice va continuer à fonctionner
comme il fonctionne déjà, avec une prépondérance de la preuve pour la personne
qui est accusée. Qu'est-ce que ça va changer... qu'est-ce que ça changerait,
par exemple, ce processus-là, dans des causes qui ont amené toutes les
dénonciations? Parce que, s'il y a eu des dénonciations, au fil du temps, c'est
parce que des victimes trouvaient que le système faisait en sorte que
l'avantage était beaucoup trop aux personnes qui étaient accusées. Alors,
qu'est-ce que ça va changer, concrètement? Dans des cas par exemple très
médiatisés comme Gilbert Rozon, Éric Salvail, etc., qu'est-ce que ça aurait
changé, un tribunal comme celui-là?
M. Jolin-Barrette : O.K. Le
premier élément, sur votre question, c'est au niveau des règles de preuve. Les
règles de preuve ne changent pas parce que ce n'est pas de notre ressort au
gouvernement du Québec. Ça relève du gouvernement du Canada. Ça relève du
Parlement fédéral. La juridiction en matière du Code criminel relativement à la
notion de «hors de tout doute raisonnable», la présomption d'innocence qui est
dans les chartes, également, ça relève de la juridiction fédérale.
Cela étant, nous, notre responsabilité, puis
ça faisait état du rapport Rebâtir la confiance, c'est tout
l'accompagnement et le soutien par rapport à la victime, dans le processus
judiciaire. On doit adapter nos façons de faire à la réalité de la personne
victime. Il y a des raisons pourquoi est-ce que la victime, lorsqu'elle rend un
témoignage, elle agit d'une certaine façon parce que, bien souvent, elle a été
traumatisée.
Donc, c'est sûr que, quand vous allez
aller en salle de cour, déjà de parler en public pour tout le monde dans la
vie, ce n'est pas nécessairement évident. Là, vous allez dans la salle de cour,
vous devez témoigner. C'est important que vous vous sentiez sécurisé,
accompagné, lorsque vous allez au palais de justice. Donc, une approche
beaucoup plus humaine, une approche également centrée sur les besoins de la
personne victime. Puis, le 13 octobre prochain, la réforme de l'IVAC
rentre en vigueur également, et là, désormais, il va y avoir davantage de
soutien psychologique, davantage de soutien financier pour les personnes victimes
puis pour leurs proches aussi.
Alors, ça fait part de tout ce qu'on a
fait depuis une année, le gouvernement du Québec, pour justement mieux
accompagner la personne victime. Alors, les changements que ça va faire, c'est
que les personnes victimes vont être mieux accompagnées, mieux soutenues.
Puis, dans le fond, d'avoir le même
procureur aussi. Vous avez sûrement entendu certaines critiques à l'effet que
les personnes victimes devaient raconter plusieurs fois leur histoire. Mais une
agression sexuelle, c'est tellement intime. La violence conjugale aussi, c'est
dans un contexte d'intimité. C'est difficile de toujours repasser à travers son
histoire, toujours raconter, supposons, à différents intervenants. Alors, le
fait d'avoir un procureur dédié au dossier qui va accompagner, le fait d'avoir
des équipes spécialisées au DPCP également, dans la police aussi, ça fait part
de ça.
Alors, ce sont des éléments qui vont
permettre que l'expérience de la personne, que lorsqu'elle décide d'aller
devant le tribunal ou d'aller dans le processus judiciaire, mais son
expérience... elle ne sera pas traumatisée par son expérience, puis le système
va s'adapter à sa réalité. C'est ça, l'objectif du tribunal spécialisé.
M. Lacroix (Louis) : Sur
la formation des juges, quel est l'élément qui vous amène à dire : C'est
important de mieux former les juges? Parce qu'on a entendu toutes sortes de
commentaires de juges, dans l'histoire des tribunaux au Québec, là, dans des
causes, pas besoin d'en citer, là, je pourrais, mais je ne le ferai pas ici, la
décence nous en empêche. Mais il y a des juges ont fait des commentaires qui
étaient totalement déplacés. Est-ce que c'est ça qui vous amène à dire :
Ça prend une formation, une meilleure sensibilisation pour les juges?
M. Jolin-Barrette : Tous
les acteurs du système de justice doivent être mieux formés, mieux outillés
dans des situations comme celles-là. Que ça soit le procureur aux poursuites
criminelles et pénales, que ça soit les policiers, que ça soit les
intervenants, que ça 15359 soit les membres
de la magistrature, tout le monde doit être mieux formé, puis la réalité
également de comprendre ce que vivent les personnes victimes. Alors, c'est un
travail qui doit être fait par tout le monde.
Sur le plan administratif, au niveau des employés
de l'État, nous, on peut le faire. Pour la magistrature, c'est différent, et
c'est pour ça que ça se retrouve dans le projet de loi, comme le législateur
fédéral le fait pour les membres de la Cour d'appel ou les membres de la Cour
supérieure ou des tribunaux fédéraux. Ils ont encadré le tout, et nous aussi,
on fait la même chose, on indique clairement au Conseil de la magistrature
qu'il doit y avoir une formation, et que les juges que le gouvernement du
Québec va nommer devront suivre cette formation. Ceux qui veulent être nommés
comme juges suppléants, donc des juges à la retraite qui veulent continuer à
siéger, devront avoir suivi cette formation-là aussi. Et pour les juges en
exercice, il revient à eux de se gouverner en conséquence et de suivre la
formation.
M. Lacroix (Louis) : Est-ce
que ça ne démontre pas que les juges manquent de sensibilité?
M. Jolin-Barrette : Moi,
comme ministre de la Justice, je n'ai pas à répondre à cette question-là, parce
que, vous savez, les juges se prononcent, c'est un travail qui est difficile,
ils évaluent la preuve, la crédibilité des témoins, et tout ça. Mais dans tous
les domaines, quand vous travaillez, vous devez avoir de la formation continue.
Les nouvelles réalités : le Québec
d'aujourd'hui, notamment en matière de violence sexuelle et de violence
conjugale, n'est pas le même Québec qu'il y a 20 ans, ou 30 ans, ou
40 ans. Il y a eu des vagues de dénonciation. On comprend à quel point
c'est difficile pour les personnes victimes, parfois, de témoigner, de livrer
ce qu'elles ont vécu devant la cour.
Alors, plus il y aura de formations par
tous les acteurs, incluant la magistrature, je pense qu'on va être gagnant
comme société. Puis il faut également réfléchir à ce qu'ont vécu les personnes
victimes lors des agressions présumées.
Le Modérateur
: Geneviève
Lajoie, Le Journal de Québec.
Mme Lajoie (Geneviève) :
Bonjour à vous. Des questions un peu techniques, là, mais le projet de loi
prévoit donc que les personnes qui se portent candidates à une fonction de juge
doivent s'engager à suivre ce programme de perfectionnement, si elles sont
nommées, ce qui veut dire qu'elles s'engagent à le faire, mais il n'y a pas
d'échéance. Donc, ça se pourrait qu'un juge qui n'a pas suivi la formation
préside à une cause au tribunal spécialisé.
M. Jolin-Barrette : Bien, en
fait, vous savez, moi, comme ministre de la Justice, là, puis nous, au
gouvernement, comme législateurs et comme membres de l'Exécutif, c'est le plus
loin qu'on peut aller, de déposer un projet de loi — et vous l'avez
vu, il est séquencé en trois volets, là, pour les juges, là — de dire
clairement ce que nous souhaitons, c'est-à-dire que les membres de la
magistrature suivent une formation sur la réalité des violences sexuelles et
conjugales.
Mais dans notre démocratie, il y a le
principe de l'indépendance judiciaire. Donc, en tout respect de l'indépendance
judiciaire, la cour est souveraine dans la conduite de ses formations. Ça
relève de l'indépendance judiciaire. Mais il revient à la Cour du Québec de se gouverner
en conséquence, en fonction de ce que le législateur souhaite, en toute
indépendance.
Mme Lajoie (Geneviève) :
Donc, je comprends que ça pourrait arriver.
M. Jolin-Barrette : Bien, sur
cette question-là, Mme Lajoie, l'assignation des juges également revient à la
direction de la Cour du Québec également.
Mme Lajoie (Geneviève) : Au
sujet, là, du pouvoir que vous vous donnez de déterminer les types de
poursuites qui sont entendues par ce tribunal-là, qu'est-ce que ça veut dire,
concrètement, là?
M. Jolin-Barrette : Le type
d'infraction criminelle, dans le fond, les types de dossiers qui pourraient se
retrouver dans cette salle de cour là.
Le Modérateur
: Hugo
Lavallée, Radio-Canada.
M. Lavallée (Hugo) : Oui.
Bonjour à vous tous. Concernant justement l'attitude des juges, là, je
comprends que c'est difficile pour vous de commenter. Peut-être Mme Charest, à
ce moment-là : Qu'est-ce que vous souhaitez voir changer concrètement dans
la façon dont les juges se comportent?
Mme Charest : Bien, en fait,
je pense que — et mon collègue l'a mentionné — c'est de
s'attacher aux besoins des victimes. Et ça a été nommé à plusieurs reprises.
Et, parmi les recommandations, on parlait beaucoup de la formation. Puis on
parle des juges, mais ce n'est pas juste les juges, c'est à tous les niveaux d'intervenants
où on a besoin d'être plus conscient de la réalité d'une violence sexuelle,
d'une violence conjugale, et de tout ce que ça implique, et de toutes les
ramifications qu'il peut y avoir.
Donc, je pense que la situation a évolué,
la compréhension de la situation a évolué, et il faut que maintenant tous les intervenants,
y compris les juges, soient au fait de cette situation-là, donc seront plus
propices à répondre aux besoins d'une victime.
Alors, je pense que c'est ça, c'est l'objectif,
et c'est l'objectif... en fait, ça a été nommé dans le rapport Rebâtir la
confiance, et c'est aussi l'objectif de ce projet de loi là, de faire en
sorte de vraiment se coller aux besoins d'une victime pour mieux l'accompagner,
pour que le processus soit plus serein, si le processus peut être serein.
M. Lavallée (Hugo) :
Peut-être une précision, là, concernant la façon dont ça va se passer
concrètement, parce que, vous le disiez tout à l'heure, les règles de droit
restent les mêmes. Vous évoquiez peut-être des aménagements physiques
différents dans les lieux où se déroulent ces procès-là. Outre ça, est-ce qu'il
y a des différences, concrètement, là, à l'étape du procès? Je comprends l'accompagnement,
les processus en amont, là, mais qu'est-ce qui va faire que, quand on va entrer
dans une salle de cour où c'est le tribunal spécialisé qui siège, ce sera
différent que d'être dans une autre salle de cour?
M. Jolin-Barrette : Bien,
dans un premier temps, prenez le cas actuellement... vous avez certains
dossiers, supposons, en matière d'agression sexuelle, actuellement, qui sont
appelés à travers des dossiers, supposons, de drogue ou des dossiers de
méfaits, où il n'y a pas de rôle dédié notamment. Donc, dans le premier temps,
c'est d'avoir des rôles dédiés pour la violence sexuelle ou violence conjugale.
Également la rapidité avec laquelle les
dossiers sont traités. Ça, c'est un véritable enjeu en matière de violence
conjugale, le nombre de dossiers en matière conjugale où il y a des retraits de
plainte par la victime, pour de multiples raisons. Vous comprendrez, le
contexte conjugal où la personne victime est en danger, elle porte plainte,
mais, suite à des interventions du conjoint, retire sa plainte par la suite.
Mais en raison de la longueur des délais associés à ce genre de dossier là,
bien, ça fait en sorte que peut-être que ça n'encourage pas la poursuite non
plus du dossier par la victime aussi.
Alors, la rapidité, même chose pour un cas
d'agression sexuelle, là. Quand vous vivez une agression sexuelle, puis que
vous devez traîner ça durant des années avant de pouvoir aller témoigner à la
cour, de passer en cour, puis parfois, dans certains dossiers d'agression
sexuelle, vous avez également une enquête préliminaire, tout dépendant du type
d'agression sexuelle... Alors, on veut raccourcir les délais.
On veut aussi que l'accompagnement se
fasse dès le départ, dès l'accompagnement avec l'intervenant du CAVAC, les
intervenants psychosociaux également, la rencontre avec le procureur. Donc,
tout ça, c'est des éléments qui changent, et que la personne soit soutenue tout
au long du processus et qu'elle soit considérée.
Vous savez, notre système de justice, il
est là pour faire en sorte de punir un comportement qui est inacceptable dans
la société québécoise, mais il faut penser également aux personnes victimes qui
vivent ce processus-là, puis ça a des impacts aussi sur la personne victime
mais sur ses proches aussi. Alors, c'est pour ça qu'on a fait la réforme de
l'IVAC aussi puis que la notion de personne victime, maintenant, elle sera
beaucoup plus large à partir du 13 octobre.
Donc, c'est un continuum de services. Bien
entendu, les règles ne changent pas, les règles de preuve. Mais, même si les
règles de preuve ne changent pas, comment est-ce qu'on peut faire comme État
pour que tout soit facilité pour la personne victime relativement, notamment, à
la livraison de son témoignage puis à son accompagnement, puis avec la
confiance que la personne victime a dans le système de justice?
Lorsqu'on entend, là, des personnes qui
ont été agressées sexuellement, qui disent : Je ne veux pas porter plainte
parce que je n'ai pas confiance. Moi, comme ministre de la Justice, ça me
trouble, puis je ne peux pas accepter ça. Il faut que je travaille pour faire
en sorte de redonner confiance à ces personnes-là dans le système de justice
pour dire : Vous savez, il y a des gens dans le système de justice qui
sont là pour vous accompagner, vous soutenir, et n'hésitez pas, au moment où
vous serez prêts, il n'y a pas de délai de prescription, au moment où vous
allez être prêts à dénoncer, l'État québécois sera là pour vous.
Le Modérateur
: Maxime
Denis, Noovo.
M. Denis (Maxime) : Bonjour à
vous trois. M. le ministre, quand Mme Charest disait : Tous les
intervenants, si on part vraiment d'un événement, donc, de violence conjugale,
la police arrive, est-ce qu'on peut parler d'une formation aussi pour ces
intervenants-là? Est-ce qu'on peut aller extrapoler jusque-là où c'est
seulement au juge?
M. Jolin-Barrette : Veux-tu y
aller, Isabelle, ou…
Mme Charest : Oui. Bien, en
fait, la formation des policiers faisait partie aussi des sommes qu'on a
annoncées au printemps, puis là je suis un peu… je ne me souviens plus des mots
exacts, là, mais c'est à toutes les étapes que les intervenants doivent être
formés et comprendre la réalité. Donc, bon, avec… si ce n'est pas ce projet de
loi là qui adresse — puis excusez l'anglicisme, là — cette
notion-là particulière... mais cette notion de formation est transversale dans
toutes les mises en oeuvre des recommandations qu'on a, parce que c'était
vraiment… c'est un morceau très important du rapport Rebâtir la confiance
qui va faire en sorte…
Puis tantôt on parlait, bon, une question
sur qu'est-ce que ça aurait changé sur certains dossiers qu'on a vus
dernièrement. On ne peut pas présumer de quelle sera l'issue d'un jugement. Ce
qu'on sait, par contre, c'est que, si une victime est mieux accompagnée, donc,
le dépôt de sa plainte de la préparation à son témoignage et tout ça, est mieux
fait, bien, ça aura probablement peut-être une incidence sur l'issue,
justement, du jugement. Alors, évidemment, pour outiller les victimes du mieux
qu'on peut, bien, il faut les accompagner dans tout le processus.
M. Denis (Maxime) : On voyait
le 15e féminicide, M. Jolin-Barrette, en fin de semaine. Concrètement, là, dans
l'immédiat, on est encore au même point, là, donc on en a encore pour des mois,
voire des années, là?
M. Jolin-Barrette : Bien, je
vous dirais : non. Parce que, déjà, la réforme de l'IVAC entre en vigueur
le 13 octobre prochain. Ma collègue également avait annoncé le Programme d'aide
financière d'urgence, également. Donc, il y a des ressources présentement. Pour
toute personne victime qui est dans un milieu toxique, il y a des ressources
présentement. Cette personne-là peut quitter son milieu et l'État va être là
pour la soutenir. L'IVAC, également, on l'a réformé, donc maintenant il va
avoir le processus aussi. Auparavant, là, à l'IVAC, là, c'était plus compliqué
d'avoir… Mais ça prenait un certain temps avant d'être autorisé, d'être admis
pour le soutien financier, la reconnaissance. Là, il y a des présomptions
également dans le système qui vont faire en sorte que, dès le départ, elles
pourront… Les gens de la Direction de l'indemnisation des victimes d'actes
criminels vont pouvoir traiter le dossier plus rapidement aussi.
Alors, c'est un changement de mentalité,
c'est un changement de culture aussi. L'objectif, c'est que les gens soient en
sécurité et l'État est là. Puis en investissant 250 millions sur cinq ans,
avec la réforme de l'IVAC, ça fait en sorte, justement, de changer les façons
de faire.
Le Modérateur
: Alain
Laforest, TVA Nouvelles.
M. Laforest (Alain) : Bonjour
à vous, M. le ministre. Je vais vous demander, comme vous portez plusieurs
chapeaux, de changer d'hémisphère dans votre cerveau. Il y a un sondage qui a
été publié ce matin, là, qui dit que près d'un Canadien sur deux trouve que
votre loi sur la réforme de la loi 101 est discriminatoire. Comment vous allez
faire pour ramener le Canada anglais vers le Québec et éviter cette
dissension-là, ces deux solitudes?
M. Jolin-Barrette : Vous
savez, le projet de loi n° 96 qu'on a déposé, c'est un projet de loi qui
est consensuel au Québec. Lorsqu'on a fait le dépôt, tout le monde reconnaît la
fragilité de la langue française. Alors, c'est nécessaire de la protéger, de la
valoriser et tous les outils sont là, dans le projet de loi n° 96, pour le
faire. Et je l'ai dit au moment du dépôt, le projet de loi préserve les droits
de la communauté anglophone et de ses institutions, le droit des communautés
autochtones aussi, alors… Et même, on rajoute certains droits justement aux
ayants droit anglophones, notamment l'accès au cégep en anglais d'une façon
prioritaire. Alors, c'est un projet de loi qui est modéré, mais qui est
nécessaire pour protéger la langue française.
Et puis, vous savez, à l'époque de
l'adoption de la loi 101, il y avait des critiques, également, mais tout
le monde reconnaît l'importance de la loi 101 aujourd'hui, et là, on est
rendu à une nouvelle étape où il faut s'assurer de bonifier la loi 101
pour répondre à la réalité d'aujourd'hui. Le français est en déclin et il faut
freiner ce déclin.
M. Laforest (Alain) :
Permettez-moi d'émettre des réserves parce que vous dites tout le monde est
d'accord avec votre projet de loi, ce n'est pas le cas de la communauté
anglophone, là. Si on regarde ce qui se passe avec le Community Group Network,
il y a des propos qui sont quand même assez virulents, là, à l'endroit de votre
projet de loi. Il y a même des gens qui disent qu'il va y avoir érosion des
services aux anglophones et des pertes de vie.
M. Jolin-Barrette : Écoutez,
c'est déplorable comme propos, ce n'est pas le cas, et j'ai toujours garanti
que les services à la communauté anglophone allaient être préservés et
conservés, et même chose pour les communautés autochtones. Alors, ce sont des
propos radicaux, si je peux dire.
Mais écoutez, à partir de la semaine prochaine,
on tient des consultations, trois semaines de consultations. C'est les
plus longues consultations de la législature. On va entendre le QCGN,
notamment, aussi. Je vais écouter tout le monde. S'il y a des bonifications à
apporter au projet de loi, je vais le faire.
Mais il y a une chose qui est sûre, c'est
que la langue française est en déclin. On va agir et le projet de loi n° 96
est là pour être adopté.
M. Pilon-Larose (Hugo) : Je
vais me permettre des questions avant de passer en anglais. Hugo Pilon-Larose,
de LaPresse. Justement, les démographes que vous avez
invités en commission parlementaire vous disent que ce qui est présenté dans le
projet de loi n° 96 est insuffisant pour inverser le déclin du français.
Est-ce que vous manquez l'opportunité d'avoir cette fenêtre historique de
toucher à la loi 101 pour y arriver?
M. Jolin-Barrette : Écoutez,
je vais écouter leurs témoignages avec intérêt la semaine prochaine. Chose
certaine, le projet de loi n° 96, c'est le projet de loi le plus ambitieux
depuis la loi 101, en 77. Durant 40 ans, il n'y a pas de
bonifications substantielles qui ont été faites par rapport à la Charte de la
langue française. Nous, on le fait, nous, on agit. Alors, il y a nécessité
d'agir et on le fait.
On va écouter les démographes. Mais chose
certaine, les gouvernements successifs ont laissé aller la protection de la
langue française à une situation qui est critique aujourd'hui, et
particulièrement dans la grande région de Montréal, et le projet de loi n° 96
corrige cette situation-là.
M. Pilon-Larose (Hugo) : Et
une question de définition, peut-être, pour le leader du gouvernement.
Qu'est-ce que ça veut dire, être «woke»?
M. Jolin-Barrette : Bien en
fait, ce que j'ai perçu à la période des questions aujourd'hui,
M. Nadeau-Dubois a dit que, lui, ça ne lui dérangeait pas de ne pas
défendre les compétences du Québec. Il a dit : Nous, ce qui nous
intéresse, c'est la souveraineté, puis je n'irai pas défendre les compétences
du Québec. C'est vraiment problématique parce que lorsqu'on aspire à être
premier ministre du Québec, un des rôles importants et fondamentaux et un des
rôles historiques du premier ministre du Québec, peu importe le parti, c'est de
défendre les compétences du Québec. Vous savez, pour agir comme État national,
comme on est, on doit avoir les leviers pour le faire. Actuellement, il y a un
partage des compétences, et on se retrouve avec M. Nadeau-Dubois qui dit :
Ça ne m'intéresse pas, je ne travaillerai pas dans ce sens-là pour respecter les
champs de compétence. Et lorsqu'on parle de champs de compétence, on parle des
services qui sont donnés à la population du Québec, alors c'est super
important.
Puis de l'autre côté, vous avez le leader
de l'opposition officielle, André Fortin, qui conseille le premier ministre du Canada
pour les débats, alors que le Parti libéral du Canada, c'est un des partis les
plus centralisateurs qui existe. Alors, il y a des questions à se poser, à la
fois au Parti libéral du Québec, à la fois à Québec solidaire. Le rôle d'un gouvernement
du Québec, c'est de défendre ses compétences et de défendre l'exercice de ses
prérogatives.
M. Laforest (Alain) : Donc,
les «wokes» sont Canadiens.
M. Jolin-Barrette : Écoutez,
je ne commenterai pas là-dessus. Ce que je peux vous dire...
M. Laforest (Alain) : Bien,
c'est ça vous venez de dire. Vous avez dit : Ils ne défendent pas. Donc,
les «wokes» sont Canadiens, selon votre définition.
M. Jolin-Barrette : Ce que je
peux vous dire, c'est que M. Nadeau-Dubois, en disant : Je ne
défendrai pas les compétences du Québec, c'est problématique. Écoutez, à tous
les jours, on doit...
M. Laforest (Alain) :
...M. Nadeau-Dubois, là, moi, je vous parle des «wokes».
Le Modérateur
: ...en
anglais, parce qu'il reste peu de temps. Cathy Senay.
M. Laforest (Alain) : Vous
avez dit : Les «wokes». Les «wokes» sont Canadiens pour vous?
M. Jolin-Barrette : Moi, ce
que vous dis, c'est que tous les parlementaires dans cette Assemblée devraient
avoir comme principale priorité de défendre les intérêts du Québec parce que
lorsqu'on défend les intérêts du Québec, les champs de compétence du Québec,
c'est nos citoyens qui viennent à tous les jours dans nos bureaux de comté, qui
ont besoin de l'État québécois.
Puis c'est comme si M. Nadeau-Dubois
s'en lavait les mains, des compétences du Québec. Ce n'est pas acceptable, puis
c'est même un terrain qui est glissant de dire : J'envoie tout à Ottawa.
Comment on va offrir des services à la population de qualité si on n'assume pas
nos propres compétences?
Le Modérateur
: Cathy
Senay, CBC News.
Mme Senay
(Cathy) : Mr. Jolin-Barrette or Mrs. Charest,
with the creation of this court specialized in domestic and sexual violence,
you don't have the control, even with this bill, when this bill will become
law, you don't have the control on the delays at court, you don't have the
control about how a judge will perceive or understand the case, even though
there is a training.
So, how confident are you
that what you are proposing will foster trust among victims, and they will come
forward and stay the whole course?
M. Jolin-Barrette : Yes. That's a good question, because our job together is to be sure that people can trust the
justice system. As Justice Minister, I have a part of
my job to put all in place to be sure that the sexual
and domestic victims will be well accompanied all during the judicial process. The
court has its role also to do about the delays. What we want is to short the
delays, because, you know, when you are sexually abused, you don't want to live
with that during two, three, four, five years before going to court. So, we
want to have dedicated days about sexual and domestic violence to have shorter
delays, to be sure that the victims will be heard sooner.
And as you say, also,
Justice Minister is not in the courtroom, in the courthouse, so the judges have
their work to do also, and we tabled that bill and we create a new tribunal
inside the Court of the Québec.
So we did all that we can to be sure that the victims about our juridiction, we will… doing 100 % on
what we can do. After that, there's a part of the different actors of the
justice system that have to collaborate, and we invite them to collaborate for
the victims, so, how it will be for the victims in the process.
Mme Senay (Cathy) : Regarding Bill 96, last week, EMSB had this comment declaration
about the notion of nation, that Québec was not necessarily a nation. I'm
paraphrasing. And then you have the consultations of Québec Community Groups
Network, and you have lawyer Goldwater who made this comparison, with nuances,
but she made the comparison with the Gestapo and Bill 96. Tensions are high.
How confident are you that consultations on Bill 96 will go well?
M. Jolin-Barrette : Well, I'm going to start the consultation next tuesday with an open
mind, you know? We will have a consultation toward people. And as I said
before, if I can add things in the bill, if I can add things, I will do it,
always to promote French and to protect French. But as I said before, when I
tabled that bill, there's nothing in the bill that takes off nothing about the
English community. Instead, we give more rights to the English speaking
community to go to CEGEP in their own language. Because Christopher Skeete
tells me : You know, there's some people who study at elementary school,
at…
Mme Senay (Cathy) : High school?
M. Jolin-Barrette : …high school, thank you, at high school in English, and they don't
have the grade to go in college, in CEGEP in their own language. So, we
change that, and we give priority. So, I think we are able to
debate. And I'm able toward some people who say : I'm not agree with your
bill and why. But we are able to talk respectfully each other and to ear the
point of view of each. So, next week and for the next three weeks, that's what
I will do, and I hope that we will have a good debate but in respect and not a
radical debate. I think we are in Québec, we are able to talk together and toward each other, and that's
what we will do.
Le Modérateur
:
Raquel Fletcher, Global News.
Mme Fletcher
(Raquel) : Sam can go first...
Le Modérateur
: Well, then, Sam Pouliot, CTV News.
M. Pouliot (Samuel) : Can you just explain why did you present the motion against the
declaration of the English Montréal School Board as they retracted this week?
M. Jolin-Barrette : Yes. That's important to send the message because that's not
acceptable that kind of thing that was said with that resolution. Instead if
they backtracked on that, as National Assembly, we have to say, «We don't accept that kind of resolution about the
negation of the nation and about what it was said in that». So, all the
parties, including the Liberal Party of Québec, approved that resolution, that motion this morning. So, I think
that's a unanimous voice to say we want a debate that it will be a good debate,
but respectful.
M. Pouliot (Samuel) : Don't you think it can also increase the tensions between your government and the Anglophones of Québec?
M. Jolin-Barrette : Not at all because that's all the members of the National Assembly that say, «It is not
acceptable that kind of discussion». And, you know, we are able to talk together. But, you
know, French is in decline in Québec, and we have to protect more French, and the bill does nothing
about the rights of the English-speaking community in Québec. All the rights are protected. All the precedent governments protected the rights of the
English-speaking community in Québec, and it will still be that for now and for the future. And that's
what I said when I tabled that bill, and we will still continue on that.
Le Modérateur
:
Très rapidement, en terminant, Raquel Fletcher.
Mme Fletcher
(Raquel) : Earlier in French, you said that
talking about loss of life because of Bill 96 are radical comments. The
woman who said that, her name is Nakuset, she is a community advocate that's
held in very high esteem in Montréal, and she was referring to things like
calling 9-1-1 and not being able to speak to an operator in English, going to
the hospital, and she mentioned Joyce Echaquan. And, you know, aboriginal
people in the province are afraid to go to the hospital, especially if they
speak English, they're not sure if they're going to get services in a language
that they understand. So, is it really that radical of a comment to say that
she's concerned?
M. Jolin-Barrette : Well, I can assure... she may be concerned, but that's not the
reality. The bill changes nothing. You were giving the example that she gave
about calling 9-1-1. Nothing's changed. Somebody who is in distress will be able
to call 9-1-1 in English, nothing changes about the services in the health
system, nothing changes about la Loi sur la santé et les services sociaux. Each person will be able to be… to receive… to be
«soignée»… to be take of her in English, as it's going on right now. There's
nothing in the Bill 96 that changes about that, I want to be very clear. And I
will have the possibility, the opportunity to explain that next week, when we
talk.
I know that a linguistic
bill like Bill 96 can be stressful for some people, but I want to reassure
them, there's nothing that's changed about the rights of the English-speaking
community or about aboriginal people. Nothing's changed about that, we
guarantee their rights with the bill. That's really important to say, because
we hear a lot of things right now, but nothing's changed, and that bill is
about promoting and protecting French.
Le Modérateur
:
Merci beaucoup, c'est ce qui met fin au point de presse.
Mme Lajoie (Geneviève) : ...à
l'Assemblée nationale, M. Jolin-Barrette, est-ce que ça va s'appliquer,
finalement, ou pas?
M. Jolin-Barrette : Comme
leader parlementaire, je ne suis pas mêlé aux discussions, c'est le whip qui
est mêlé à ces discussions-là, donc je vous réfère au whip.
Le Modérateur
: Merci beaucoup.
(Fin de la séance à 12 h 21)