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Point de presse de Mme Véronique Hivon, porte-parole du troisième groupe d’opposition en matière de justice

Version finale

Le mercredi 15 septembre 2021, 12 h 40

Hall principal de l'hôtel du Parlement, hôtel du Parlement

(Douze heures quarante minutes)

Mme Hivon : Oui. Bonjour, tout le monde. Merci d'être là. Évidemment, je voulais réagir au dépôt du projet de loi par le gouvernement sur le tribunal spécialisé.

D'abord, je veux juste souligner que, des fois, on se questionne, en démocratie, sur le rôle de chacun, mais je pense que, quand on voit des avancées comme celle-là, on peut constater que le rôle des oppositions, il est fondamental, il demeure fondamental.

C'est une idée que je porte avec ma formation politique depuis mars 2018. Donc, on a lancé cette idée-là après avoir fait, évidemment, un travail de recherche exhaustif sur comment améliorer le traitement des crimes de violence sexuelle et conjugale dans notre système, de rebâtir la confiance, et ça a mené à, vraiment, de belles avancées.

Ça fait que, pour moi, aujourd'hui, c'est important de dire qu'on est capable de travailler, dans les oppositions, de manière vraiment constructive, productive, de tendre la main au gouvernement, de créer des initiatives qui donnent des résultats, puis je pense qu'aujourd'hui on a vraiment un bel exemple de ça.

Donc, comme je l'ai fait cet été, quand le ministre a annoncé son intention, je me réjouis, bien sûr, de voir que l'idée du tribunal spécialisé va s'incarner, là, dans un projet de loi qui est déposé aujourd'hui. Donc, sur le principe, c'est sûr que l'on continue à se réjouir, et puis on va collaborer, vraiment, pour en faire le meilleur projet de loi possible, mais je vous dirais, pas juste un projet de loi, mais un changement dans le système, le meilleur possible, et c'est là, aujourd'hui, qu'il nous reste beaucoup de questionnements et beaucoup de recherche de détails.

Parce que c'est une chose de créer une enveloppe, je vous dirais, une coquille, un cadre dans un projet de loi, mais c'en est toute une autre de changer une philosophie, de faire atterrir des manières de faire différentes. Et, là-dessus, il y a vraiment beaucoup de choses qui vont devoir être travaillées.

Je vais vous en nommer quelques-uns, des éléments qui auraient pu être dans le projet de loi. Et on est conscient que tout ne peut pas être dans le projet de loi, mais ça m'aurait rassurée d'entendre le ministre et les ministres nous les dire, au moins, et de dire : Il va y avoir des énoncés de principe. Et ce n'est pas ce que j'ai entendu, malheureusement.

 Je vous donne quelques exemples. Dans le projet de loi, on parle de la formation qui va être donnée à tous les juges, mais l'idée d'un tribunal spécialisé, ce n'est pas juste les juges, c'est les corps policiers, dès le début, c'est les procureurs, c'est tout le monde qui va graviter autour de cette instance-là, les intervenants psychosociaux. Tous ces gens-là doivent être formés, et non seulement formés, mais spécialisés. Et là, je ne voudrais pas que le focus ne soit que sur les juges, qui est un élément, mais quand vous parlez à des victimes, elles vont vous parler aussi de l'importance d'être accueillies par des gens formés et spécialisés tout le long du processus. Donc, ça, on reste sur notre appétit, clairement, là-dessus.

L'autre chose aussi, c'est que, nous, on est tout à fait favorables à l'idée de donner une formation générale à tous les juges. Mais l'idée de spécialisation, c'est aussi de s'assurer qu'il va y avoir autant des procureurs, des policiers, mais des juges qui vont être spécialisés. Donc, ça veut dire qu'au-delà de la formation qui est prévue, de base, qu'il va y avoir une formation continue qui va de pair avec l'idée d'être spécialisé, pas juste sur les développements juridiques, mais sur toute la question des traumatismes et de la psychologie des victimes, et de comment tout ça joue quand on a un procès qui met en cause une victime.

L'autre grand absent du projet de loi, c'est toute la question de l'accompagnement des victimes. Le tribunal spécialisé, c'est une instance, c'est une division, et, ça, je salue ça que ce soit noir sur blanc dans le projet de loi, mais c'est une philosophie d'accompagnement dès les premiers pas. Et dans le rapport Rebâtir la confiance il y a vraiment des recommandations très concrètes sur cet accompagnement-là. Comme, par exemple, que la victime puisse avoir du conseil juridique avant même d'aller déposer une plainte, et ça, on aurait pu retrouver ça. On aurait pu retrouver une intention de modifier, par exemple, loi ou réglementation en matière d'aide juridique pour consacrer ce droit-là, cette nouveauté dans l'accompagnement. Ça, ce n'est pas là, puis je n'ai pas entendu le ministre le dire.

D'autres exemples que je vous donne rapidement. C'est suggéré, c'est proposé dans le rapport que toutes les plaintes en matière de violence sexuelle et conjugale se rendent au DPCP. Ce n'est pas, je n'ai pas rien entendu par rapport à ça, je n'ai pas entendu non plus cette idée d'avoir une révision systématique, quand une plainte n'est pas retenue au DPCP, par un deuxième procureur par exemple. Donc, je vous donne des exemples de moyens très concrets qui sont mis de l'avant dans le rapport Rebâtir la confiance, et qui ne semblent pas avoir retenu, là, à ce jour, l'attention du gouvernement.

Puis, en terminant, je veux vraiment insister sur le fait qu'il doit y avoir une philosophie qui découle de ça. Et malheureusement, dans le projet de loi en lui-même, ce n'est pas présent. Donc, il va falloir s'en assurer en améliorant le projet de loi, mais aussi en s'assurant d'engagements de la part du gouvernement, à savoir que les victimes vont être accompagnées de manière juridique, psychosociale par des gens formés tout au long du processus. Et ça, c'est au coeur même de toute la philosophie du rapport et de l'idée d'un tribunal spécialisé qui est comme l'ultime point de la philosophie. Donc, on va vouloir vraiment travailler là-dessus avec le gouvernement.

La Modératrice : On va prendre les questions.

M. Denis (Maxime) : …ils vont suivre les formations, que ce soit les juges ou les autres intervenants? Parce que là, on laisse ça au Conseil de la magistrature, là.

Mme Hivon : Oui. Alors, ça, c'est une question vraiment fondamentale, et puis je pense qu'il va falloir connaître le niveau, je dirais, d'intégration : Projet de loi, ministère de la Justice, Cour du Québec. Donc, il va falloir que, ça, ça fonctionne bien ensemble, que ça collabore bien pour que tout ça puisse atterrir. Parce que c'est une chose de dire : Ah! j'ai donné suite à un engagement phare ou une proposition phare du rapport, mais après, il faut que ça atterrisse comme il faut. Puis, moi, là, je pense que, dans le projet de loi, on n'a pas tout ce qu'il faut pour que ça atterrisse comme il faut. Ça fait que ça, c'est un exemple.

Mais, l'autre chose qui me rend un peu inconfortable, aujourd'hui, c'est que la formation des juges, elle est vraiment importante, mais la formation des autres acteurs, elle est vraiment, vraiment centrale, puis là, je n'ai pas entendu un mot aujourd'hui là-dessus. Donc, comment on va travailler là-dessus? Avec les corps de police, avec le DPCP? Il va falloir qu'il y ait beaucoup de travail qui se fasse aussi, là.

Mme Lajoie (Geneviève) : …le ministre n'a pas été très clair au sujet de... Il veut réduire les délais pour ce genre de causes, mais de quelle façon est-ce que ça peut se faire, là, avec le tribunal spécialisé? On n'a pas bien compris de la façon dont ça peut se réaliser.

Mme Hivon : Oui. Bien, en fait, il y a un grand flou. C'est un autre, c'est un autre, c'est un autre, je dirais, domaine de flou. C'est tout ce qui va concerner les échéanciers dans le déploiement, puis les résultats concrets qui sont attendus, dont la question de la réduction des délais. C'est un avantage, un tribunal spécialisé, de pouvoir contribuer à réduire les délais. C'est une des raisons pour lesquelles c'est une bonne idée. Pourquoi? Parce qu'en ayant un rôle dédié, donc une chambre dédiée, qui est une division dédiée dans la Chambre, ce qui est noir sur blanc dans le projet de loi, on peut ensuite avoir un rôle dédié. Un rôle, là, ça, ça veut dire que c'est juste les causes qui concernent ces sujets-là qui sont mises de l'avant pour une instance dédiée. Donc, ça, oui, ça peut contribuer, mais effectivement on n'a pas eu beaucoup de détails sur comment ça va s'opérationnaliser.

L'autre grande inconnue, c'est les projets pilotes, c'est-à-dire qu'à partir du moment où le ministre n'est pas capable de répondre à c'est quoi, son échéancier, c'est quoi, son horizon, moi, j'ai une grande crainte qu'on fasse des projets pilotes et qu'ensuite ce soit évaluation sur évaluation pendant des années. Puis je ne veux pas qu'on vive avec deux classes de victimes au Québec, celles qui vont être dans des districts judiciaires où il va y avoir un projet pilote, et tout le reste du Québec, où on n'aura pas ça peut-être pendant des années alors que l'urgence, elle est là. Et ça, vraiment, je suis restée sur mon appétit parce qu'il ne semble pas avoir d'horizon temporel du ministre pour l'implantation de ça.

M. Lavallée (Hugo) : Mais au niveau du projet de loi, parce qu'on comprend qu'il y a beaucoup d'autres aspects qui doivent être réglés, le ministre lui-même le reconnaît, le projet de loi, c'est un élément parmi d'autres. Est-ce que vous estimez qu'à l'intérieur même du projet de loi il faut apporter des changements pour inclure les ajouts que vous spécifiez, ou ça doit se faire à part?

Mme Hivon : Il y a les deux, mais, dans le projet de loi, je pense que ça va prendre absolument quelque chose sur l'accompagnement, c'est-à-dire que, ça, ça fait partie de la philosophie aussi de la réalité du tribunal très concrètement, là, de savoir que, quand elles vont être au tribunal, les victimes, elles vont avoir un accompagnateur, un intervenant psychosocial dédié formé dans ce type de crime là. Ça, ça fait partie… C'est au coeur même de l'idée d'un tribunal spécialisé, c'est qu'on intègre davantage le psychosocial et le judiciaire. Donc, ça, ça va être important.

Donc, tous les mécanismes d'accompagnement, qu'ils soient prévus dans le moindre détail ou que le ministre se donne le pouvoir de vraiment les déployer, pour moi, ça, c'est fondamental. Même chose aussi, je vous dirais, sur tout l'encadrement du tribunal spécialisé, c'est-à-dire les salles dédiées, les moyens de protéger la victime, bon, tout ça, est-ce qu'on ne peut pas aller plus loin dans le projet de loi?

Puis, pour les autres intervenants, toute la question de la formation et de la spécialisation, j'insiste là-dessus, là, parce que c'est une chose, c'est comme si vous dites : Tout le monde fait sa médecine, puis on va donner toute la formation à tout le monde, ça ne fait pas… c'est la base et c'est nécessaire, mais ça ne fait pas qu'après tout le monde peut être spécialisé dans une matière. Donc, ça, c'est un élément qui est, selon nous, manquant aussi. Merci beaucoup.

La Modératrice : Merci beaucoup. Bonne journée!

(Fin à 12 h 51)

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