(Neuf heures quarante-huit minutes)
Le Modérateur
: Alors,
bonjour et bienvenue à cette mêlée de presse du premier ministre du Québec,
M. François Legault. Il commencera avec une déclaration d'ouverture. Nous
avons très exactement 10 minutes. À vous la parole, M. le premier
ministre.
M. Legault : Oui, bonjour,
tout le monde. Bien, je voudrais rapidement revenir sur la situation des
médecins de famille. Je vous explique rapidement la situation, qui est
problématique depuis plusieurs années.
J'ai été ministre de la Santé
en 2002. À l'époque, j'avais été le premier à lancer l'ouverture des
groupes de médecine familiale. Ça avait été préparé par Rémy Trudel avant moi.
Mais l'idée, c'était que tous les médecins de famille, sauf exception dans
certaines régions éloignées, se regroupent en GMF, soit dans des CLSC publics
soit dans des cliniques privées, puis, avec des collègues et des infirmières,
prennent en charge, en moyenne, au moins 1 000 patients, et, quand on dit
prendre en charge, c'est sept jours sur sept, incluant les soirs de semaine.
La majorité des médecins de famille au
Québec font un excellent travail, ont accepté de se regrouper en GMF, de
prendre en charge à peu près 1 000 patients. Quand je dis à peu près,
c'est qu'il faut tenir compte du fait… Est-ce que ce sont des patients qui sont
en perte d'autonomie? Est-ce que ce sont des jeunes? Est-ce qu'ils font
beaucoup d'heures à l'hôpital? Est-ce qu'ils font moins d'heures à l'hôpital?
Donc, c'est modulé en fonction de ça.
Mais il y a une minorité, quelques
milliers de médecins de famille, qui ne prennent pas en charge suffisamment de
patients. Il y en a même qui n'en prennent pas du tout. Il y en a même qui ont
refusé d'être en GMF. Tous les gouvernements qui se sont succédé depuis 2002,
incluant le gouvernement libéral avec Gaétan Barrette, ont essayé, via le
syndicat, donc la FMOQ, de convaincre le syndicat que ses membres prennent tous
en charge un certain nombre de patients, mais ça a été sans succès. Il y a
encore beaucoup de médecins, une minorité, mais des milliers de médecins, sur
les 10 000, qui ne prennent pas en charge suffisamment de patients.
Puis je vous donne un exemple que je vis,
là. Par exemple, moi, je suis député dans Lanaudière. Quand je rencontre la
présidente du CISSS de Lanaudière, imaginez-vous, la présidente du CISSS de
Lanaudière est responsable de la santé des citoyens de Lanaudière, mais n'a
aucune information sur ce que font les médecins de famille de Lanaudière. Donc,
elle ne sait pas combien ils prennent de patients en charge. Elle ne sait pas
combien d'heures ils font dans les hôpitaux de Lanaudière. Donc, comment
voulez-vous responsabiliser la présidente du CISSS de Lanaudière si elle n'est
pas courant, quand même, d'un groupe important dans son équipe, les médecins de
famille?
Dans le passé, tous les gouvernements, là,
en particulier les gouvernements du Parti libéral puis du Parti québécois, ont
cédé au lobby très puissant de la FMOQ, donc le syndicat des médecins de
famille. Ce qu'on a fait avec Christian Dubé, c'est qu'on a demandé à la RAMQ
de nous donner des informations, donc, sur le travail qui est fait par les 10 000 médecins
de famille. Bon, il faut comprendre, là, l'information qui nous est donnée, c'est
avec chaque numéro de médecin, mais évidemment avec le numéro de médecin on
peut aller voir c'est qui, le médecin.
Ce qu'on souhaiterait, parce qu'on souhaite
décentraliser le réseau, c'est donner ces informations-là aux P.D.G. des CISSS
des différentes régions pour qu'ils puissent rencontrer les médecins de famille
qui prennent moins de patients, puis peut-être qu'ils ont des bonnes raisons,
peut-être que c'est parce qu'ils font plus d'hôpital. Bon, il peut y avoir des
exceptions. On parle ce matin d'une médecin de famille qui a un enfant
handicapé. Donc, je pense qu'il faut faire preuve de compassion. Il peut y
avoir des exceptions.
Mais ce n'est pas normal qu'avec
10 000 patients... 10 000 médecins de famille au Québec, donc,
toutes proportions... plus qu'en Ontario, pour 8,6 millions d'habitants,
ça fait que, si vous faites un petit calcul, c'est un peu moins de
1 000 patients par médecin. Il y a des médecins de famille qui en
prennent 1 500, 2 000 patients en charge. Donc, il faut changer
cette culture-là, il faut que les médecins acceptent de prendre en charge, avec
des collègues, avec des infirmières, sept jours sur sept, des patients, un
nombre suffisant de patients.
Donc, c'est ça qu'on travaille. Ce n'est
pas facile. Puis, comme je l'ai dit, bien, ma patience a atteint sa limite. Je
pense que les Québécois sont en droit, avec 10 000 médecins de famille,
qu'il y ait beaucoup plus de Québécois qui soient pris en charge.
Puis, quand on dit «pris en charge», il
faut... Évidemment, ce n'est pas tout d'avoir un médecin de famille. Il y a une
norme qui a été fixée. Quand quelqu'un est malade, bien, il devrait, à
l'intérieur de 36 heures, être capable de voir son médecin de famille.
Le Modérateur
: Il nous
reste cinq minutes, collègues.
M. Larin (Vincent) : Est-ce
que vous n'avez pas peur, M. Legault, de pousser des médecins très vieux à
la retraite en les obligeant à travailler plus? Parce qu'il y en a le quart qui
ont plus de 60 ans.
M. Legault : Oui. Non,
bien, écoutez, encore là, il peut peut-être y avoir des accommodements. Il peut
peut-être y avoir des exceptions pour des médecins plus âgés qu'on veut garder.
Mais il reste que le problème n'est pas seulement avec les médecins âgés. Les
médecins, beaucoup à Montréal, entre autres, ne prennent pas en charge beaucoup
de patients, aiment mieux faire du sans rendez-vous ou trois jours de clinique,
et, bien, ça ne fonctionne pas. Il y a des Québécois qui ne sont pas pris en
charge, puis on se retrouve dans nos urgences de nos hôpitaux avec 50 %
des patients qui ont des problèmes mineurs, P4 ou P5, qui auraient dû être
traités en première ligne.
M. Lacroix (Louis) : M. Legault,
d'avoir ces renseignements-là nominatifs sur des médecins et de les
transmettre, ces renseignements-là, à une autre instance, est-ce que c'est
légal?
M. Legault : C'est ce qu'on
est en train de regarder. Puis c'est pour ça que Christian Dubé travaille sur…
M. Lacroix (Louis) : …
M. Legault : Bien, ce n'est
pas sûr qu'on peut les transmettre aux P.D.G. des CISSS, et on voudrait les
transmettre aux P.D.G. des CISSS parce que ce n'est pas le ministre de la Santé
qui va commencer à appeler les milliers de médecins qui ne prennent pas
beaucoup en charge de patients. Et, si c'est nécessaire de déposer un projet de
loi pour que ces données soient disponibles pour les P.D.G. des CISSS et des
CIUSSS, bien, on va le faire.
M. Laforest (Alain) : La date
limite, c'est quand, M. Legault?
Mme Richer (Jocelyne) : …de
ramener la loi n° 20, avec les pénalités… de 30 % des médecins qui ne
se conformeront pas à votre demande. Est-ce que c'est ça, le plan de match?
M. Legault : Bon, Gaétan
Barrette, ce qu'il a fait, c'est qu'il a fait confiance au syndicat de la FMOQ.
Il a dit à la FMOQ : Je vous donne deux ans, si vous ne livrez
pas — puis ils n'ont pas livré — bien, il va y avoir des
pénalités de 30 %. Mais moi, je ne voudrais pas pénaliser l'ensemble des
médecins de famille, parce qu'il y a une majorité qui fait un bon travail puis
qui prend en charge les patients. Donc, il faut être capable de le faire
médecin par médecin. M. Barrette, le Dr Barrette a choisi de le faire avec
la FMOQ pour l'ensemble des médecins. Ça n'a pas fonctionné. Il faut vraiment y
aller à la pièce.
Mme Richer (Jocelyne) : C'est
quoi, votre plan de match?
M. Legault : Bien, on n'exclut
pas de déposer un projet de loi qui va aller dans le même sens, mais qui va
aller pour chaque médecin.
Mme Richer (Jocelyne) : Et
les pénalités, ça serait quoi?
M. Legault : Bien, on est en
train de regarder ça.
M. Laforest (Alain) : La date
limite, c'est quand, M. Legault… votre patience a atteint ses limites, là.
M. Legault : Bien, écoutez, le
plus vite possible, mais je…
M. Laforest (Alain) : Ce
n'est rien, ça, le plus vite possible. C'est un mois, c'est
deux mois, c'est Noël?
M. Legault : Non, mais je
souhaite… Écoutez, là, je pense qu'actuellement, là, les médecins de famille
commencent à réaliser — vous voyez les réactions sur
Twitter — qu'on est en train d'identifier plus précisément le
problème. Je ne le sais pas, est-ce que Gaétan Barrette avait regardé les
médecins un par un ou s'il s'est juste fié à la FMOQ? Ça, je ne le sais pas.
Bon, mais là on commence à les identifier. Il y a une forte réaction chez les
médecins de famille. C'est pour ça que je veux rassurer la majorité des médecins
de famille. Il n'y a pas de problème avec la majorité des médecins de famille,
mais il y a une minorité où il y a un problème. J'aimerais mieux une entente
négociée. Mais, si c'est nécessaire, on va faire un projet de loi.
Mme Gamache (Valérie) : Mais
est-ce qu'une chasse aux sorcières, M. Legault, c'est la façon de ramener
les… de faire travailler les médecins? Est-ce que d'entamer une chasse aux
sorcières comme ça, c'est vraiment la façon, la menace qui va les ramener, qui
va faire qu'on va prendre des patients?
M. Legault : Bien, écoutez,
Gaétan Barrette a essayé pendant quatre ans. Nous, on a essayé pendant
trois ans en jasant avec le syndicat, la FMOQ, puis on n'est pas arrivés à
une solution. Donc, je pense qu'à un moment donné on a le droit… Les Québécois
ont le droit puis ils s'attendent à ce que tous les médecins de famille, sauf
exception, prennent en charge un certain nombre de patients, puis ce n'est pas
le cas actuellement.
M. Larin (Vincent) :
M. Legault, il y a des jeunes médecins qui témoignent qu'ils vont
délaisser la médecine familiale parce qu'ils voient que le climat qui n'est pas
sain. Est-ce que vous n'avez pas peur justement de limiter la relève à cause de
ça?
M. Legault : Écoutez, je vais
vous donner deux exemples. Puis c'est toujours difficile de comparer, là, mais
quelqu'un qui veut être enseignant au primaire, est-ce que cette personne-là
peut dire : Moi, je voudrais être enseignant au primaire, mais je voudrais
enseigner juste deux jours par semaine? Je vous donne un autre exemple :
les pompiers. Est-ce que quelqu'un pourrait être pompier puis dire : Moi,
je veux juste éteindre des feux deux jours par semaine, la fin de semaine, je
ne veux pas travailler? Tu sais, c'est qu'il y a des gens qui sont malades le
soir, la fin de semaine. Il faut que les gens qui choisissent cette
profession-là comprennent qu'il y a des gens qui sont malades sept jours
sur sept.
Le Modérateur
: On
passe à l'anglais.
Mme Senay (Cathy) : Mr. Legault, the list that you have of family doctors…
M. Legault :Sorry?
Mme Senay (Cathy) : The list that you have of family doctors, is it your exit strategy
to say to Quebeckers : I'm
not going to fulfill this promise, I'm sorry?
M. Legault : That's not what I want. I want to fulfill this promise like all the
other ones. But, right now, it's not easy to negotiate with the union, the
FMOQ, but I will resist. It's a very strong lobby, and the PQ Government, the
Liberal Government, they didn't resist to this strong lobby. I will resist.
M. Authier (Philip)
: We know this doctors' lobby is very powerful, and, as you've just
mentioned, many, many other governments have failed. You are saying today you
are ready to go to war with them?
M. Legault : What I say is that I would prefer to have a solution that we both
agree on. I think that GPs, family doctors, they have to understand that Quebeckers need to be taken in charge. And,
right now, there's a minority… And I can tell you that I'm receiving messages
from some GPs, doing the job correctly, that are unhappy about this minority of
family doctors not taking in charge patients.
So I think that it's
about time we solve this problem. Dr Barrette wasn't able, for four years,
to solve the problem. We tried, for the first three years, to negotiate. We
weren't successful. Of course, there was the pandemic that didn't help. But
it's about time we find a solution, which is very important for all the health
care system, because, if you don't have a strong first line, it's all the
system that has a problem. It's clear in all the reports, including the Clair
Report. You have to work on the first line first.
Le Modérateur
:
C'est ce qui met fin à cette mêlée de presse. Merci.
M. Legault : Merci, tout le
monde.
(Fin à 10 heures)