(Treize heures cinquante-deux minutes)
La Modératrice
:
Bonjour. Bienvenue à ce point de presse conjoint entre le Parti québécois, Québec
solidaire et le Parti libéral du Québec. Prendront la parole Mme Véronique
Hivon, porte-parole en matière de condition féminine pour le Parti québécois,
Mme Isabelle Melançon, porte-parole du Parti libéral du Québec en matière de
condition féminine, et Mme Christine Labrie, leader parlementaire de Québec
solidaire. La parole est à vous.
Mme
Hivon
: Oui.
Bonjour, tout le monde. Merci beaucoup d'être là. Merci de votre intérêt. En
fait, aujourd'hui, on retrouve l'esprit transpartisan, bien sûr, qui ne nous a
pas quittées dans ces travaux-là concernant rebâtir la confiance des victimes
de violence sexuelle et conjugale à l'égard du système de justice. Et il nous
apparaissait important de venir parler d'une seule voix, pour certaines assises
du projet de loi qui ne nous apparaissent pas encore bien claires et bien enlignées,
au nom des victimes. Parce que ce qu'on veut, c'est que, si on fait un tribunal
spécialisé, bien sûr que ce ne soit pas que pour adopter un projet de loi, mais
qu'ensuite il donne vraiment tous les résultats auxquels peuvent s'attendre et
doivent s'attendre les victimes, les plaignantes en matière de violence
sexuelle et conjugale.
Et on travaille bien, en commission
parlementaire, il y a des changements énormes qui ont été apportés par le ministre
de la Justice. Les choses avancent bien, à un bon rythme. On a fait des propositions,
il y a des propositions qui ont été acceptées, les groupes en ont fait, il y en
a qui ont été acceptées, mais il reste quelques sources de grande préoccupation,
et c'est l'objectif aujourd'hui de simplement dire aux victimes qu'on porte
leur voix par rapport à ça puis qu'on continue de se battre ensemble, de
manière collégiale et rassemblée, là, les oppositions.
Et moi, je veux vous parler d'un élément
qui est vraiment central, qui est le fait que vous savez que le ministre veut
procéder par projets pilotes. Donc, il y aura un débat sur cet enjeu-là, évidemment.
On est très soucieux de ne pas créer deux catégories de victimes et que ces projets
pilotes là, si éventuellement ils voient le jour, qu'ils ne s'éternisent pas.
Mais ce qu'on a découvert aussi, dans le cadre de l'étude du projet de loi, c'est
que, même au terme d'éventuels projets pilotes, le ministre se garde la possibilité
de ne pas déployer le tribunal spécialisé sur l'ensemble du territoire du Québec.
Donc, ça, c'est quelque chose qui nous
inquiète beaucoup parce qu'on veut voir, dans le projet de loi, une garantie
que le tribunal spécialisé, surtout si, en plus, on fonctionne par projet
pilote, à terme, parce qu'on nous parle de projets pilotes qui pourraient durer
deux à trois ans, qu'on va avoir la garantie qu'ils vont être déployés dans l'ensemble
du Québec, mais malheureusement on ne l'a pas. Et on a eu un long débat hier
sur cette question-là, et le ministre n'a pas, jusqu'à ce jour, accepté de
bouger.
Et, pour nous, c'est vraiment quelque chose
qui est fondamental parce qu'on ne peut pas accepter qu'il y ait deux catégories
de victimes, et c'est une question aussi de volonté de déploiement des ressources.
On ne voit pas comment on pourrait exclure des districts judiciaires, là, comme
c'est rédigé dans le projet de loi. Au nom de quoi, on viendrait décider que
des districts judiciaires n'offriront pas le tribunal spécialisé aux victimes
du Québec alors qu'on sait que c'est une recommandation centrale.
Alors, aujourd'hui, on veut vraiment
parler d'une seule voix pour réitérer au ministre l'importance que ce
déploiement-là se fasse pour l'ensemble des victimes du Québec, et qu'on ne
pourra pas se donner des années, des années et des années pour y arriver et
permettre qu'un éventuel gouvernement, un éventuel ministre, d'autres gouvernements
qui auraient d'autres vues viennent complètement changer les choses en laissant
une porte ouverte qui pourrait faire en sorte que ce tribunal-là va vivre
uniquement dans un, deux, trois districts judiciaires au Québec.
Alors, c'est un point central, dont on
voulait vous faire part, et envoyer le message que, pour nous, c'est
incontournable, et on va continuer se battre là-dessus. Sur ce, je cède la
parole à ma collègue, Isabelle Melançon.
Mme Melançon : Alors, merci.
Merci, Véronique. Merci, Christine. On est, toutes trois, donc, rassemblées aujourd'hui,
bien sûr, pour porter la voix des victimes, comme le disait Véronique tout à
l'heure. Ni dans le projet de loi actuellement, c'est indiqué que ce sera dans
tous les districts judiciaires parce qu'on se laisse une porte ouverte pour le
déploiement de ce projet de loi du tribunal spécialisé, mais on ne sait pas non
plus à quel moment ce sera déployé parce que le ministre, hier, nous a clairement
indiqué qu'il est possible que certains districts ne soient tout simplement pas
prêts après les projets pilotes. Nous, ce qu'on a toujours compris, et j'ai
discuté avec certains groupes, hier, qui appuyaient des projets pilotes, moi,
je le dis, en toute transparence, j'avais une réserve, quant aux projets
pilotes parce que je me disais qu'ils étaient… on était pour créer des iniquités
sur le territoire québécois, selon si tu es une victime de la Côte-Nord où il y
a un projet pilote, ou si tu es une victime à Montréal, dans un district
judiciaire où il n'y en a pas. On n'aurait pas le même accompagnement pour les
victimes. Bien, l'iniquité, hier, ce que le ministre nous a expliqué, c'est
qu'en plus de durer… nous, on avait toujours entendu le ministre parler d'un projet
pilote de deux ans, hier, il a laissé tomber trois ans. On va
l'étudier lorsqu'on sera rendu là, à l'article 11, mais à l'article 3, actuellement,
il nous dit : Il est possible qu'après les projets pilotes, le déploiement,
non seulement il ne se fera pas partout, comme disait Véronique, mais en plus,
ça ne se fera pas en même temps.
Alors, pour nous, on n'a jamais entendu
ça, c'est la première fois qu'on l'entendait. Les groupes qui appuyaient les projets
pilotes n'ont jamais entendu parler de ça non plus. Il y a une inquiétude. Et
moi, je pense aux victimes, aujourd'hui, qui vont entendre les trois porte-parole
de l'opposition sur ce projet de loi là dire : Bien, ce n'est pas ce qui
était convenu, et ça n'a jamais été dans l'idée de Rebâtir la confiance.
Au contraire, nous, ce qu'on voulait, c'est que ça puisse être déployé
rapidement sur tout le territoire.
Et j'ajouterais quelque chose : Tout
à l'heure, le ministre s'est fermé comme une huître à l'idée d'inscrire, quant
aux formations. Vous savez, ce qu'on veut, c'est de la formation, des
formations pour des spécialistes en violence sexuelle et en violence conjugale,
je pense aux policiers, aux procureurs. Il faut qu'on ait la liste. Qui devra
recevoir cette formation-là. Et le ministre, tout à l'heure, a tout simplement
fermé la porte à identifier à qui seront obligées lesdites formations en disant :
Bien, si on écrit une liste, c'est possible qu'on en laisse de côté ou, dans le
temps, le projet de loi, bien, il va peut-être y avoir de nouveaux
accompagnateurs pour les victimes.
Mais moi, je pense qu'on doit envoyer un
signal clair à savoir qui devra recevoir une formation, pas uniquement les
juges. On sait que le ministre de la Justice vise principalement les juges dans
son projet de loi, mais il faut qu'on soit beaucoup plus large. Alors, c'est
pour ça qu'on est devant vous. Il y a d'autres aspects. Je vais laisser la collègue,
Christine Labrie, pour vous parler des autres aspects.
Mme Labrie : Merci, Isabelle. Effectivement,
comme vous voyez, on travaille encore en toute collégialité sur ce dossier-là.
On le fait pour les victimes. On a travaillé ce dossier-là de cette manière-là
depuis le début. On le fait avec le ministre également depuis le début de
l'étude du projet de loi, il a démontré beaucoup d'ouverture. Mais comme l'ont
mentionné mes collègues, il y a encore quelques irritants. La question du
déploiement dans l'ensemble des districts judiciaires qui doit se faire
rapidement, on a une insécurité à cet égard-là. La question de la liste des
intervenants qui vont recevoir une formation, on a encore une insécurité
importante par rapport à ça parce que le ministre refuse de l'inscrire.
Puis la troisième que j'ajouterais, c'est
que le projet de loi, en ce moment, tel qu'il est conçu, ne semble que viser
tout ce qui se déroule après que la poursuite s'entame, donc après qu'il y ait
des accusations qui sont déposées par le DPCP, alors que ça a toujours été
clair, depuis le dépôt du rapport transpartisan Rebâtir la confiance,
qu'il fallait s'assurer d'un accompagnement intégré, de mesures de soutien pour
les victimes, bien en amont du dépôt d'accusations et de la poursuite, mais
bien, dès le moment où une victime met le pied dans un poste de police.
Et, pour l'instant, c'est quelque chose
qui n'est pas clair du tout dans le projet de loi, c'est quelque chose qu'on
veut que le ministre ajoute parce que le tribunal spécialisé, ce n'est pas seulement
ce qui va se passer à la cour. Le ministre, il le dit oralement, mais ça doit
être inscrit dans le projet de loi, ça, c'est très clair.
Donc, c'est des demandes qu'on fait
ensemble ici, avec mes collègues, avec Isabelle, avec Véronique, pour que le
projet de loi continue de cheminer rondement. Et on le fait ensemble
aujourd'hui pour rassurer les victimes que, nous, on est en train de défendre
le contenu du rapport sur lequel on a travaillé toutes ensemble. Et on va
s'assurer que les recommandations qui sont dans le rapport se retrouvent de
manière explicite dans le projet de loi pour que les tribunaux spécialisés
donnent ce qu'on attend d'eux au final. Je vous remercie.
La Modératrice
: On va
prendre les questions. Une question, une sous-question.
Mme Richer (Jocelyne) :
J'aimerais vous entendre sur un autre volet, c'est toute la question de l'appellation.
On sait que ça a fait une polémique, le tribunal spécialisé. La juge en chef
n'en voulait pas. La juge Corte a dit : On pourrait changer ça pour
«division». Le ministre, cette semaine, personnellement, je n'ai pas trop
compris, là, il parle de : oui, on veut faire une division, mais on garde
le mot «tribunal». Est-ce que, pour vous, tout ça est clair? Et pouvez-vous
l'expliquer ou s'il règne une espèce de confusion sur l'appellation du
tribunal?
Mme Labrie : Je vais reprendre
le vocabulaire que le ministre a utilisé lui-même pour l'expliquer. Le tribunal
spécialisé, il faut le voir comme une sorte de parapluie au sein duquel il y a
une division spécialisée.
Mais une des choses qui nous inquiètent,
en ce moment, c'est que le reste, à part la division, ce n'est pas présent tant
que ça dans le projet de loi, notamment tout ce qui se passe au niveau de la
sécurité publique, des services sociaux. C'est le ministre de la Justice qui
dépose ce projet de loi là et ça paraît dans le projet de loi parce que c'est
le volet qui est le plus explicité.
Mme Richer (Jocelyne) : C'est
ce qui arrive en amont des accusations?
Mme Labrie : Effectivement. Je
ne sais pas si mes collègues veulent compléter là-dessus. Mais, au-delà de la
division... le fait que la division porte le nom «division», ce n'est pas un
enjeu. Ce qui est un enjeu, c'est que le projet de loi n'est pas suffisamment
clair sur tout ce qui se passe en dehors de la division. Mais je vous laisse...
M. Carabin (François) :
Avez-vous l'impression que ça va répondre aux demandes de la Cour du Québec?
Mme Labrie : Ça, c'est à la
Cour du Québec de répondre à cette question-là.
M. Larin (Vincent) :
J'aimerais savoir parce que, là, vous appuyez les projets pilotes, mais vous dites :
Une fois... Mme Melançon... O.K. Bien, vous n'avez pas toutes la même
position là-dessus, mais j'aimerais juste comprendre parce que vous appuyez les
projets pilotes, mais, en même temps, vous dites : Une fois qu'ils sont
terminés, on doit tout de suite implanter la division. À quoi bon, tu sais,
faire des projets pilotes, si c'est pour l'implanter partout, de toute façon,
après? Pourquoi ne pas juste l'implanter tout de suite?
Mme Labrie : C'est une
excellente question que vous posez. On se la pose nous-mêmes. Et d'ailleurs,
les coprésidentes du rapport Rebâtir la confiance l'ont posée
elles-mêmes quand elles sont venues en commission parlementaire. Elles ont dit :
On ne devrait pas procéder par projet pilote. Puisque vous faites une loi, M.
le ministre, on devrait le faire sur l'ensemble du territoire dans tous les
districts judiciaires en même temps. On va plaider ça auprès du ministre. Il y
a une longue discussion à y avoir sur la question des projets pilotes.
Puis comme mes collègues l'ont expliqué,
ce qui nous inquiète beaucoup en ce moment, c'est qu'à la fin du projet pilote
il existe encore une possibilité que ça ne puisse pas se déployer partout en
même temps parce que ce que le ministre veut faire, ce qui est inscrit
actuellement dans l'article auquel référait ma collègue, Véronique Hivon, c'est
que le ministre va l'autoriser dans chacun des districts, un à la fois. Et il
pourrait même le faire seulement pour le volet violence conjugale, seulement
pour le volet violence sexuelle, par exemple, dans certains districts. Puis il
se donne cette liberté-là. Et ça nous inquiète. Je ne sais pas, Véronique, si
tu veux venir compléter là-dessus.
Mme
Hivon
:
Je comprends votre questionnement. En fait, nous, on a des réserves de l'idée d'y
aller par projet pilote. D'ailleurs, le paradoxe dans tout ça, c'est que la
Cour du Québec qui a commencé à instaurer la division accès dont elle parle,
là, la division des accusations en contexte de violence sexuelle et conjugale,
elle, elle vise un déploiement progressif, mais sur l'ensemble du territoire. Donc,
ça, c'est une autre des questions qu'on a posées. Si le ministre, lui, il
marche par projet pilote, mais que la Cour du Québec continue, évidemment, à
déployer cette nouvelle entité là sur l'ensemble du territoire, comment on va
rassembler tout ça?
Donc, on a des réserves sur les projets
pilotes. Le débat va se faire, mais ce qu'on veut faire ressortir, c'est qu'en
plus d'avoir le ministre qui est campé sur sa position de projet pilote, ce qu'on
découvre, c'est qu'après même les années des projets pilotes, il ne donne pas
de garantie. On comprend, là, que s'il fait des projets pilotes, c'est pour
tester des choses puis... Mais il ne donne pas de garantie qu'à terme on va
vraiment le déployer partout. Il dit : «C'est mon intention», mais il ne
veut pas l'inscrire dans le projet de loi.
Nous, on ne peut pas tolérer ça au nom des
victimes, de dire que pendant une très, très longue période, peut-être
toujours, puis s'il y a des changements, je veux dire, quand on fait une loi, c'est
pour la pérennité, on ne pourra pas garantir aux victimes qu'elles vont avoir
un traitement équitable à la grandeur du Québec. Donc, on s'est battues pour
cette instance-là. On ne peut pas, après, la voir se déployer comme un fromage
gruyère, là.
Mme Richer (Jocelyne) : Parce
que là, ça crée des disparités régionales, là.
Mme
Hivon
:
Ça crée des disparités régionales. Comment on va choisir les districts qui vont
avoir la division et celles qui ne l'auront pas? Sur quelles bases le ministre
fait ça? Est-ce qu'il va collaborer avec la Cour du Québec pour le faire? Et
puis quel message on envoie aux victimes? Il y en a qui vont attendre deux ans,
cinq ans, 10 ans. Je sais que le ministre peut nous dire qu'il a les meilleures
intentions du monde, mais comme je lui ai dit hier, c'est une question de
volonté. Si les ressources sont là, il n'y a rien qui peut... Il n'y aura pas
un phénomène externe qui va empêcher que ça se déploie.
Mme Richer (Jocelyne) : ...d'avoir
cette marge de manoeuvre là, est-ce que c'est logistique? Est-ce que c'est
financier, est-ce que c'est…
Mme
Hivon
: On
ne comprend pas, honnêtement.
M. Carabin (François) : Est-ce
qu'il y a des questions de pénurie de personnel, d'après vous?
Mme
Hivon
: Non.
Le ministre nous dit que les sommes vont être au rendez-vous, que tout va être
au rendez-vous. Même, il s'octroie la responsabilité, même de ce qui relève de
la Sécurité publique, des services sociaux. Il va être le ministre parapluie, en
quelque sorte, de tout ça, d'où notre question de dire : Mais c'est un engagement
qu'on doit mettre dans la loi, et, quand on le met, on s'assure après que
toutes les ressources vont être déployées par l'État. Sinon, si on nous donne
comme argument : Tout d'un coup que les ressources ne sont pas là, mais
c'est un argument circulaire. Si le ministre est convaincu puis si le
gouvernement est convaincu, elles vont être là, les ressources. Ça fait que
c'est ça qui est inquiétant.
Mme Melançon : On l'a dit
d'entrée de jeu puis lorsque nous étions en consultations particulières que,
nous, on avait quand même… on s'inquiétait de voir des projets pilotes pour une
question d'équité, d'équité des victimes, selon où elles sont sur le territoire
du Québec. Alors, pour les projets pilotes, pour votre question, la réponse est :
Nous n'étions pas à l'aise. Mais encore, je me suis dit : Je dois
démontrer de l'ouverture. On voulait démontrer de l'ouverture à dire :
Bien, on va voir vers quoi veut tendre le ministre justement pour dire :
Bien, une fois qu'on pourra établir partout sur le territoire, bien, le jour…
le lendemain du projet pilote, bien, on peut déployer partout. Surprise! Le
ministre nous dit : Non, ce ne sera pas comme ça, puis on va voir… Puis il
va choisir par règlement quels seront les districts judiciaires où va commencer
le déploiement de ces tribunaux spécialisés. Pour nous, ça, ce n'est pas
acceptable.
Et vous posiez la question tout à l'heure
à savoir : Est-ce que les irritants sont tous disparus avec la juge en
chef? Bien, c'est pour ça qu'on voulait entendre la juge en chef. C'est pour ça
que j'ai déposé une motion préliminaire pour entendre la juge en chef, pour
qu'elle puisse nous dire où sont les irritants. Nous, là, on veut aplanir les
irritants parce que vous savez quoi? Ce projet de loi là, là, on le veut, on le
veut au plus profond de nous pour les victimes, puis c'est pour ça qu'on a mis
du temps, de l'énergie sur le rapport Rebâtir la confiance. Mais il ne
faudrait pas qu'il y ait une contestation parce que les contestations, ça veut
dire encore du temps pour les victimes, et elles n'en ont plus, de temps, elles
ont suffisamment attendu, c'est ce qu'elles nous ont dit et répété, et c'est
pour ça qu'on a décidé de travailler ensemble.
Mme Richer (Jocelyne) : Est-ce
que vous pouvez nous faire, nous tracer un portrait d'ensemble, là, de l'état
d'avancement des travaux? C'est rendu où? Ça progresse bien, de la façon dont
vous parliez tout à l'heure. Est-ce que vous prévoyez que le projet de loi sera
adopté avant les fêtes? Est-ce que… Le portrait d'ensemble, là, ça ressemble à
quoi?
Mme Melançon : Bien, vous
savez, on a débuté les travaux mardi, mardi matin. Quoiqu'en dise le ministre parce
qu'on le sent impatient que ça aille encore plus vite, nous, on veut faire le
travail dans l'ordre. On est déjà rendu à l'article 3. Puis je veux juste vous
dire, dans tous les travaux que nous avons faits, là, on a pu faire écrire un
préambule, on a pu faire ajouter un article dès le départ, dans lequel on vise
les objectifs de ce projet de loi là, ce qui est important. Parce qu'on le
répète, c'est une nouvelle culture qu'on va implanter au Québec avec un
tribunal spécialisé, c'est une nouvelle culture qu'on va offrir aussi en accompagnement
pour les victimes. Alors, on veut que tout soit dans le détail.
Et lorsqu'on a reçu le projet de loi, au
départ, il n'était question que des juges. Formation des juges. Là, on a été
capables de faire intégrer à l'intérieur du projet de loi qu'il faut parler de
la formation de tous les intervenants. Et, malheureusement, je reviens à une de
nos… un de nos questionnements, du moins, à savoir pourquoi le ministre ne veut
pas intégrer qui sont les intervenants qui seront justement visés par cette
formation-là, par les formations qui devront être et/ou générales et/ou
spécialisées parce qu'on parle beaucoup de la spécialisation aussi. Alors c'est
là où on travaille.
Mais on travaille… puis je ne veux pas
mettre des mots dans la bouche à tout le monde, mais je pense qu'on travaille, tout
le monde, dans un esprit d'ouverture. On veut le meilleur projet de loi
possible. Puis je veux juste vous rappeler, là, il y a eu deux ans de travaux.
Même si on prend quelques jours pour étudier un projet de loi, il faut bien
faire les choses, et on est là pour le rendre meilleur, on est là pour pouvoir
faire aussi sentir qu'est-ce qu'il y avait dans ce rapport-là. Parce qu'on a
travaillé avec les experts, on sait exactement où se retrouve, dans le chapitre
6, la 32e recommandation, on le connaît presque par coeur. Donc, nous, on veut
que ça puisse être visible et bien retenu dans le projet de loi qui est déposé.
M. Carabin (François) :
…travaillé sur justement, là, le rapport Rebâtir la confiance, vous
sembliez dire, là, que pendant l'étude détaillée, il y a comme eu une surprise
après l'autre. Est-ce que le ministre dénature le rapport, son contenu,
c'est-à-dire?
Mme Labrie : Non, je ne dirais
pas que le ministre dénature le rapport. Mais le ministre, son projet de loi,
il l'a préparé tout seul, il ne l'a pas préparé en collaboration. Donc là, ce
qu'on essaie de faire, en ce moment, c'est de l'améliorer ensemble.
Sur la question de l'avancement des
travaux, moi, je trouve que ça avance très bien, ça avance rondement. Il y
avait 14 articles, au départ, je crois, dans le projet de loi, il y en aura
quelques-uns de plus, on en a déjà ajouté, il va falloir en ajouter d'autres pour
répondre aux préoccupations qu'on vous a nommées. Mais, à mon avis, on va
arriver à adopter ce projet de loi là avant Noël, à moins que le ministre
change ses priorités pour l'horaire des commissions parlementaires. Il y a de
l'ouverture du ministre, mais les éléments sur lesquels on a attiré votre
attention dans ce point de presse là, ce sont des choses pour lesquelles le ministre
n'a pas démontré d'ouverture à les inclure dans le projet de loi, et ça nous
apparaît problématique.
M. Larin (Vincent) : Vous
étiez toutes avec le ministre — bien, avec la ministre Charest, je
pense, pour le rapport Rebâtir la confiance — hier, à la
sortie du conseil, elle nous a appris qu'elle n'avait pas pris connaissance des
amendements qui étaient apportés par le ministre. Comment vous trouvez ça,
est-ce que vous avez l'impression que Mme Charest a été écartée du dossier?
Est-ce qu'elle devrait contribuer davantage en tant que ministre responsable de
la Condition féminine?
Mme Labrie : Effectivement,
moi, c'est un constat que je fais que ce n'est pas elle qui est en train de
chapeauter la mise en oeuvre des recommandations du rapport, ce sont ses
collègues. De toute façon, tellement de ministres étaient concernés par des recommandations
du rapport que tous les ministres doivent y travailler ensemble. Là, le projet
de loi sur les tribunaux spécialisés, c'est le ministre de la Justice qui s'en
occupe. Il aurait eu avantage, je pense, à travailler davantage avec ses
collègues parce que tous les volets qui concernent la sécurité publique, les services
sociaux ne sont pas présents dans le projet de loi. Peut-être que si la ministre
Isabelle Charest s'en était mêlée davantage, ils auraient pu voir ça en amont,
puis on aurait gagné du temps en commission parlementaire.
M. Larin (Vincent) : Elle
devrait être impliquée dans le fait qu'elle a siégé sur Rebâtir la confiance?
Mme Labrie : Oui. Elle porte
encore théoriquement le mandat de mettre en oeuvre ces recommandations-là.
Mme Melançon : Mais je veux simplement
vous rappeler une chose, nous avions, nous avions, un comité transpartisan. Ce
comité-là, de façon unilatérale, a été, je ne sais pas comment dire, je ne sais
pas si on doit dire détruit ou en tout cas, on y a mis fin de façon abrupte, et
je trouve ça déplorable parce que savez-vous quoi? Ce comité-là aurait pu tellement
faciliter plein de choses, on aurait pu aplanir certaines difficultés, on
aurait pu continuer à contribuer, mais ça a été fait de façon unilatérale, et, malheureusement,
mais je crois aussi que la ministre devrait continuer à suivre ces travaux-là
avec beaucoup, beaucoup d'attention.
La Modératrice
:
Dernière question.
M. Carabin (François) : Vous
avez… sur la Cour du Québec, vous avez une réponse quand même, mais j'étais
curieux de savoir, qu'est-ce que vous vous attendez à voir de la juge? Parce
que même si le projet de loi est adopté, est-ce qu'il n'y a pas un risque que
la Cour du Québec bloque l'application du projet de loi?
Mme
Hivon
: Mais
c'est une épée de Damoclès qui plane au-dessus de nos têtes et, vraiment, on
est toutes habitées d'une volonté que ça fonctionne, hein? Donc, c'est beau, on
pourra adopter le meilleur des projets de loi possible, s'il y a des irritants
majeurs qui font que la cour qui est responsable d'une grande part de l'application
de tout ça garde des réticences puis envisage une contestation, les victimes ne
seront pas plus avancées. Ça fait que ça, c'est une source d'inquiétude qui est
nommée souvent.
Et c'est pour ça que ce qui est extrêmement
difficile, bien qu'il y a des choses formidables, moi, je dois vous dire que
j'ai beaucoup de plaisir à siéger sur cette commission-là parce qu'on a
vraiment le sentiment d'être partis d'un processus et de le mener à bon port
puis on tellement travaillé là-dessus, et il y a cette ouverture-là, quand
même, qu'on ne remet pas en cause, elle est là, mais c'est qu'on n'est pas
capables d'avoir le retour à savoir, quand il y a des nouveaux amendements qui
nous sont déposés, nous, on se dit : Oh! ça n'a pas l'air de correspondre.
Moi, j'ai fait un amendement, par exemple, le ministre a décidé de garde le
tribunal spécialisé comme notion parapluie puis d'amener une division
spécialisée. Je lui ai dit : Pourquoi alors on ne donne pas le nom que la
juge a déjà à sa division spécialisée? Puis pourquoi on ne montre pas cette
ouverture-là? Parce que, dans le fond, on aurait… Bon, le ministre a refusé.
Mais est-ce que la juge, elle, elle est à l'aise avec le nouveau nom qui est
donné, qui n'est pas son nom? Comment elle réagit à ça? On n'est pas capables
de le savoir, puis malheureusement le ministre a refusé qu'on l'entende.
Puis je comprends que c'est exceptionnel,
ça s'est déjà fait, en 96, d'entendre le juge en chef de l'époque. Donc, nous,
on pense que c'était vraiment un exemple où on aurait dû le faire. Ça
éclairerait tout le monde puis on minimiserait les risques après de dérive dans
l'application des choses.
La Modératrice
:
C'était la dernière question. Je suis vraiment désolée. Il faut qu'ils
retournent en commission.
Une voix
: …
Mme
Hivon
:
C'est une très bonne question. En fait, elle est déjà en train de se déployer,
donc ça, on n'a pas la réponse détaillée. C'est ça qu'il faut savoir, si on
part en projet pilote, mais que, déjà, il y a ça, il y a une question là,
fondamentale qui se pose.
La Modératrice
: Merci
beaucoup. Bonne journée.
(Fin à 14 h 17)