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Point de presse de Mme Véronique Hivon, porte-parole du troisième groupe d’opposition en matière de justice, Mme Christine Labrie, leader parlementaire du deuxième groupe d’opposition, et Mme Isabelle Melançon, porte-parole de l’opposition officielle en matière de condition féminine

Version finale

Le jeudi 4 novembre 2021, 13 h 50

Hall principal de l'hôtel du Parlement, hôtel du Parlement

(Treize heures cinquante-deux minutes)

La Modératrice : Bonjour. Bienvenue à ce point de presse conjoint entre le Parti québécois, Québec solidaire et le Parti libéral du Québec. Prendront la parole Mme Véronique Hivon, porte-parole en matière de condition féminine pour le Parti québécois, Mme Isabelle Melançon, porte-parole du Parti libéral du Québec en matière de condition féminine, et Mme Christine Labrie, leader parlementaire de Québec solidaire. La parole est à vous.

Mme Hivon : Oui. Bonjour, tout le monde. Merci beaucoup d'être là. Merci de votre intérêt. En fait, aujourd'hui, on retrouve l'esprit transpartisan, bien sûr, qui ne nous a pas quittées dans ces travaux-là concernant rebâtir la confiance des victimes de violence sexuelle et conjugale à l'égard du système de justice. Et il nous apparaissait important de venir parler d'une seule voix, pour certaines assises du projet de loi qui ne nous apparaissent pas encore bien claires et bien enlignées, au nom des victimes. Parce que ce qu'on veut, c'est que, si on fait un tribunal spécialisé, bien sûr que ce ne soit pas que pour adopter un projet de loi, mais qu'ensuite il donne vraiment tous les résultats auxquels peuvent s'attendre et doivent s'attendre les victimes, les plaignantes en matière de violence sexuelle et conjugale.

Et on travaille bien, en commission parlementaire, il y a des changements énormes qui ont été apportés par le ministre de la Justice. Les choses avancent bien, à un bon rythme. On a fait des propositions, il y a des propositions qui ont été acceptées, les groupes en ont fait, il y en a qui ont été acceptées, mais il reste quelques sources de grande préoccupation, et c'est l'objectif aujourd'hui  de simplement dire aux victimes qu'on porte leur voix par rapport à ça puis qu'on continue de se battre ensemble, de manière collégiale et rassemblée, là, les oppositions.

Et moi, je veux vous parler d'un élément qui est vraiment central, qui est le fait que vous savez que le ministre veut procéder par projets pilotes. Donc, il y aura un débat sur cet enjeu-là, évidemment. On est très soucieux de ne pas créer deux catégories de victimes et que ces projets pilotes là, si éventuellement ils voient le jour, qu'ils ne s'éternisent pas. Mais ce qu'on a découvert aussi, dans le cadre de l'étude du projet de loi, c'est que, même au terme d'éventuels projets pilotes, le ministre se garde la possibilité de ne pas déployer le tribunal spécialisé sur l'ensemble du territoire du Québec.

Donc, ça, c'est quelque chose qui nous inquiète beaucoup parce qu'on veut voir, dans le projet de loi, une garantie que le tribunal spécialisé, surtout si, en plus, on fonctionne par projet pilote, à terme, parce qu'on nous parle de projets pilotes qui pourraient durer deux à trois ans, qu'on va avoir la garantie qu'ils vont être déployés dans l'ensemble du Québec, mais malheureusement on ne l'a pas. Et on a eu un long débat hier sur cette question-là, et le ministre n'a pas, jusqu'à ce jour, accepté de bouger.

Et, pour nous, c'est vraiment quelque chose qui est fondamental parce qu'on ne peut pas accepter qu'il y ait deux catégories de victimes, et c'est une question aussi de volonté de déploiement des ressources. On ne voit pas comment on pourrait exclure des districts judiciaires, là, comme c'est rédigé dans le projet de loi. Au nom de quoi, on viendrait décider que des districts judiciaires n'offriront pas le tribunal spécialisé aux victimes du Québec alors qu'on sait que c'est une recommandation centrale.

Alors, aujourd'hui, on veut vraiment parler d'une seule voix pour réitérer au ministre l'importance que ce déploiement-là se fasse pour l'ensemble des victimes du Québec, et qu'on ne pourra pas se donner des années, des années et des années pour y arriver et permettre qu'un éventuel gouvernement, un éventuel ministre, d'autres gouvernements qui auraient d'autres vues viennent complètement changer les choses en laissant une porte ouverte qui pourrait faire en sorte que ce tribunal-là va vivre uniquement dans un, deux, trois districts judiciaires au Québec.

Alors, c'est un point central, dont on voulait vous faire part, et envoyer le message que, pour nous, c'est incontournable, et on va continuer se battre là-dessus. Sur ce, je cède la parole à ma collègue, Isabelle Melançon.

Mme Melançon : Alors, merci. Merci, Véronique. Merci, Christine. On est, toutes trois, donc, rassemblées aujourd'hui, bien sûr, pour porter la voix des victimes, comme le disait Véronique tout à l'heure. Ni dans le projet de loi actuellement, c'est indiqué que ce sera dans tous les districts judiciaires parce qu'on se laisse une porte ouverte pour le déploiement de ce projet de loi du tribunal spécialisé, mais on ne sait pas non plus à quel moment ce sera déployé parce que le ministre, hier, nous a clairement indiqué qu'il est possible que certains districts ne soient tout simplement pas prêts après les projets pilotes. Nous, ce qu'on a toujours compris, et j'ai discuté avec certains groupes, hier, qui appuyaient des projets pilotes, moi, je le dis, en toute transparence, j'avais une réserve, quant aux projets pilotes parce que je me disais qu'ils étaient… on était pour créer des iniquités sur le territoire québécois, selon si tu es une victime de la Côte-Nord où il y a un projet pilote, ou si tu es une victime à Montréal, dans un district judiciaire où il n'y en a pas. On n'aurait pas le même accompagnement pour les victimes. Bien, l'iniquité, hier, ce que le ministre nous a expliqué, c'est qu'en plus de durer… nous, on avait toujours entendu le ministre parler d'un projet pilote de deux ans, hier, il a laissé tomber trois ans. On va l'étudier lorsqu'on sera rendu là, à l'article 11, mais à l'article 3, actuellement, il nous dit : Il est possible qu'après les projets pilotes, le déploiement, non seulement il ne se fera pas partout, comme disait Véronique, mais en plus, ça ne se fera pas en même temps.

Alors, pour nous, on n'a jamais entendu ça, c'est la première fois qu'on l'entendait. Les groupes qui appuyaient les projets pilotes n'ont jamais entendu parler de ça non plus. Il y a une inquiétude. Et moi, je pense aux victimes, aujourd'hui, qui vont entendre les trois porte-parole de l'opposition sur ce projet de loi là dire : Bien, ce n'est pas ce qui était convenu, et ça n'a jamais été dans l'idée de Rebâtir la confiance. Au contraire, nous, ce qu'on voulait, c'est que ça puisse être déployé rapidement sur tout le territoire.

Et j'ajouterais quelque chose : Tout à l'heure, le ministre s'est fermé comme une huître à l'idée d'inscrire, quant aux formations. Vous savez, ce qu'on veut, c'est de la formation, des formations pour des spécialistes en violence sexuelle et en violence conjugale, je pense aux policiers, aux procureurs. Il faut qu'on ait la liste. Qui devra recevoir cette formation-là. Et le ministre, tout à l'heure, a tout simplement fermé la porte à identifier à qui seront obligées lesdites formations en disant : Bien, si on écrit une liste, c'est possible qu'on en laisse de côté ou, dans le temps, le projet de loi, bien, il va peut-être y avoir de nouveaux accompagnateurs pour les victimes.

Mais moi, je pense qu'on doit envoyer un signal clair à savoir qui devra recevoir une formation, pas uniquement les juges. On sait que le ministre de la Justice vise principalement les juges dans son projet de loi, mais il faut qu'on soit beaucoup plus large. Alors, c'est pour ça qu'on est devant vous. Il y a d'autres aspects. Je vais laisser la collègue, Christine Labrie, pour vous parler des autres aspects.

Mme Labrie : Merci, Isabelle. Effectivement, comme vous voyez, on travaille encore en toute collégialité sur ce dossier-là. On le fait pour les victimes. On a travaillé ce dossier-là de cette manière-là depuis le début. On le fait avec le ministre également depuis le début de l'étude du projet de loi, il a démontré beaucoup d'ouverture. Mais comme l'ont mentionné mes collègues, il y a encore quelques irritants. La question du déploiement dans l'ensemble des districts judiciaires qui doit se faire rapidement, on a une insécurité à cet égard-là. La question de la liste des intervenants qui vont recevoir une formation, on a encore une insécurité importante par rapport à ça parce que le ministre refuse de l'inscrire.

Puis la troisième que j'ajouterais, c'est que le projet de loi, en ce moment, tel qu'il est conçu, ne semble que viser tout ce qui se déroule après que la poursuite s'entame, donc après qu'il y ait des accusations qui sont déposées par le DPCP, alors que ça a toujours été clair, depuis le dépôt du rapport transpartisan Rebâtir la confiance, qu'il fallait s'assurer d'un accompagnement intégré, de mesures de soutien pour les victimes, bien en amont du dépôt d'accusations et de la poursuite, mais bien, dès le moment où une victime met le pied dans un poste de police.

Et, pour l'instant, c'est quelque chose qui n'est pas clair du tout dans le projet de loi, c'est quelque chose qu'on veut que le ministre ajoute parce que le tribunal spécialisé, ce n'est pas seulement ce qui va se passer à la cour. Le ministre, il le dit oralement, mais ça doit être inscrit dans le projet de loi, ça, c'est très clair.

Donc, c'est des demandes qu'on fait ensemble ici, avec mes collègues, avec Isabelle, avec Véronique, pour que le projet de loi continue de cheminer rondement. Et on le fait ensemble aujourd'hui pour rassurer les victimes que, nous, on est en train de défendre le contenu du rapport sur lequel on a travaillé toutes ensemble. Et on va s'assurer que les recommandations qui sont dans le rapport se retrouvent de manière explicite dans le projet de loi pour que les tribunaux spécialisés donnent ce qu'on attend d'eux au final. Je vous remercie.

La Modératrice : On va prendre les questions. Une question, une sous-question.

Mme Richer (Jocelyne) : J'aimerais vous entendre sur un autre volet, c'est toute la question de l'appellation. On sait que ça a fait une polémique, le tribunal spécialisé. La juge en chef n'en voulait pas. La juge Corte a dit : On pourrait changer ça pour «division». Le ministre, cette semaine, personnellement, je n'ai pas trop compris, là, il parle de : oui, on veut faire une division, mais on garde le mot «tribunal». Est-ce que, pour vous, tout ça est clair? Et pouvez-vous l'expliquer ou s'il règne une espèce de confusion sur l'appellation du tribunal?

Mme Labrie : Je vais reprendre le vocabulaire que le ministre a utilisé lui-même pour l'expliquer. Le tribunal spécialisé, il faut le voir comme une sorte de parapluie au sein duquel il y a une division spécialisée.

Mais une des choses qui nous inquiètent, en ce moment, c'est que le reste, à part la division, ce n'est pas présent tant que ça dans le projet de loi, notamment tout ce qui se passe au niveau de la sécurité publique, des services sociaux. C'est le ministre de la Justice qui dépose ce projet de loi là et ça paraît dans le projet de loi parce que c'est le volet qui est le plus explicité.

Mme Richer (Jocelyne) : C'est ce qui arrive en amont des accusations?

Mme Labrie : Effectivement. Je ne sais pas si mes collègues veulent compléter là-dessus. Mais, au-delà de la division... le fait que la division porte le nom «division», ce n'est pas un enjeu. Ce qui est un enjeu, c'est que le projet de loi n'est pas suffisamment clair sur tout ce qui se passe en dehors de la division. Mais je vous laisse...

M. Carabin (François) : Avez-vous l'impression que ça va répondre aux demandes de la Cour du Québec?

Mme Labrie : Ça, c'est à la Cour du Québec de répondre à cette question-là.

M. Larin (Vincent) : J'aimerais savoir parce que, là, vous appuyez les projets pilotes, mais vous dites : Une fois... Mme Melançon... O.K. Bien, vous n'avez pas toutes la même position là-dessus, mais j'aimerais juste comprendre parce que vous appuyez les projets pilotes, mais, en même temps, vous dites : Une fois qu'ils sont terminés, on doit tout de suite implanter la division. À quoi bon, tu sais, faire des projets pilotes, si c'est pour l'implanter partout, de toute façon, après? Pourquoi ne pas juste l'implanter tout de suite?

Mme Labrie : C'est une excellente question que vous posez. On se la pose nous-mêmes. Et d'ailleurs, les coprésidentes du rapport Rebâtir la confiance l'ont posée elles-mêmes quand elles sont venues en commission parlementaire. Elles ont dit : On ne devrait pas procéder par projet pilote. Puisque vous faites une loi, M. le ministre, on devrait le faire sur l'ensemble du territoire dans tous les districts judiciaires en même temps. On va plaider ça auprès du ministre. Il y a une longue discussion à y avoir sur la question des projets pilotes.

Puis comme mes collègues l'ont expliqué, ce qui nous inquiète beaucoup en ce moment, c'est qu'à la fin du projet pilote il existe encore une possibilité que ça ne puisse pas se déployer partout en même temps parce que ce que le ministre veut faire, ce qui est inscrit actuellement dans l'article auquel référait ma collègue, Véronique Hivon, c'est que le ministre va l'autoriser dans chacun des districts, un à la fois. Et il pourrait même le faire seulement pour le volet violence conjugale, seulement pour le volet violence sexuelle, par exemple, dans certains districts. Puis il se donne cette liberté-là. Et ça nous inquiète. Je ne sais pas, Véronique, si tu veux venir compléter là-dessus.

Mme Hivon : Je comprends votre questionnement. En fait, nous, on a des réserves de l'idée d'y aller par projet pilote. D'ailleurs, le paradoxe dans tout ça, c'est que la Cour du Québec qui a commencé à instaurer la division accès dont elle parle, là, la division des accusations en contexte de violence sexuelle et conjugale, elle, elle vise un déploiement progressif, mais sur l'ensemble du territoire. Donc, ça, c'est une autre des questions qu'on a posées. Si le ministre, lui, il marche par projet pilote, mais que la Cour du Québec continue, évidemment, à déployer cette nouvelle entité là sur l'ensemble du territoire, comment on va rassembler tout ça?

Donc, on a des réserves sur les projets pilotes. Le débat va se faire, mais ce qu'on veut faire ressortir, c'est qu'en plus d'avoir le ministre qui est campé sur sa position de projet pilote, ce qu'on découvre, c'est qu'après même les années des projets pilotes, il ne donne pas de garantie. On comprend, là, que s'il fait des projets pilotes, c'est pour tester des choses puis... Mais il ne donne pas de garantie qu'à terme on va vraiment le déployer partout. Il dit : «C'est mon intention», mais il ne veut pas l'inscrire dans le projet de loi.

Nous, on ne peut pas tolérer ça au nom des victimes, de dire que pendant une très, très longue période, peut-être toujours, puis s'il y a des changements, je veux dire, quand on fait une loi, c'est pour la pérennité, on ne pourra pas garantir aux victimes qu'elles vont avoir un traitement équitable à la grandeur du Québec. Donc, on s'est battues pour cette instance-là. On ne peut pas, après, la voir se déployer comme un fromage gruyère, là.

Mme Richer (Jocelyne) : Parce que là, ça crée des disparités régionales, là.

Mme Hivon : Ça crée des disparités régionales. Comment on va choisir les districts qui vont avoir la division et celles qui ne l'auront pas? Sur quelles bases le ministre fait ça? Est-ce qu'il va collaborer avec la Cour du Québec pour le faire? Et puis quel message on envoie aux victimes? Il y en a qui vont attendre deux ans, cinq ans, 10 ans. Je sais que le ministre peut nous dire qu'il a les meilleures intentions du monde, mais comme je lui ai dit hier, c'est une question de volonté. Si les ressources sont là, il n'y a rien qui peut... Il n'y aura pas un phénomène externe qui va empêcher que ça se déploie.

Mme Richer (Jocelyne) : ...d'avoir cette marge de manoeuvre là, est-ce que c'est logistique? Est-ce que c'est financier, est-ce que c'est…

Mme Hivon : On ne comprend pas, honnêtement.

M. Carabin (François) : Est-ce qu'il y a des questions de pénurie de personnel, d'après vous?

Mme Hivon : Non. Le ministre nous dit que les sommes vont être au rendez-vous, que tout va être au rendez-vous. Même, il s'octroie la responsabilité, même de ce qui relève de la Sécurité publique, des services sociaux. Il va être le ministre parapluie, en quelque sorte, de tout ça, d'où notre question de dire : Mais c'est un engagement qu'on doit mettre dans la loi, et, quand on le met, on s'assure après que toutes les ressources vont être déployées par l'État. Sinon, si on nous donne comme argument : Tout d'un coup que les ressources ne sont pas là, mais c'est un argument circulaire. Si le ministre est convaincu puis si le gouvernement est convaincu, elles vont être là, les ressources. Ça fait que c'est ça qui est inquiétant.

Mme Melançon : On l'a dit d'entrée de jeu puis lorsque nous étions en consultations particulières que, nous, on avait quand même… on s'inquiétait de voir des projets pilotes pour une question d'équité, d'équité des victimes, selon où elles sont sur le territoire du Québec. Alors, pour les projets pilotes, pour votre question, la réponse est : Nous n'étions pas à l'aise. Mais encore, je me suis dit : Je dois démontrer de l'ouverture. On voulait démontrer de l'ouverture à dire : Bien, on va voir vers quoi veut tendre le ministre justement pour dire : Bien, une fois qu'on pourra établir partout sur le territoire, bien, le jour… le lendemain du projet pilote, bien, on peut déployer partout. Surprise! Le ministre nous dit : Non, ce ne sera pas comme ça, puis on va voir… Puis il va choisir par règlement quels seront les districts judiciaires où va commencer le déploiement de ces tribunaux spécialisés. Pour nous, ça, ce n'est pas acceptable.

Et vous posiez la question tout à l'heure à savoir : Est-ce que les irritants sont tous disparus avec la juge en chef? Bien, c'est pour ça qu'on voulait entendre la juge en chef. C'est pour ça que j'ai déposé une motion préliminaire pour entendre la juge en chef, pour qu'elle puisse nous dire où sont les irritants. Nous, là, on veut aplanir les irritants parce que vous savez quoi? Ce projet de loi là, là, on le veut, on le veut au plus profond de nous pour les victimes, puis c'est pour ça qu'on a mis du temps, de l'énergie sur le rapport Rebâtir la confiance. Mais il ne faudrait pas qu'il y ait une contestation parce que les contestations, ça veut dire encore du temps pour les victimes, et elles n'en ont plus, de temps, elles ont suffisamment attendu, c'est ce qu'elles nous ont dit et répété, et c'est pour ça qu'on a décidé de travailler ensemble.

Mme Richer (Jocelyne) : Est-ce que vous pouvez nous faire, nous tracer un portrait d'ensemble, là, de l'état d'avancement des travaux? C'est rendu où? Ça progresse bien, de la façon dont vous parliez tout à l'heure. Est-ce que vous prévoyez que le projet de loi sera adopté avant les fêtes? Est-ce que… Le portrait d'ensemble, là, ça ressemble à quoi?

Mme Melançon : Bien, vous savez, on a débuté les travaux mardi, mardi matin. Quoiqu'en dise le ministre parce qu'on le sent impatient que ça aille encore plus vite, nous, on veut faire le travail dans l'ordre. On est déjà rendu à l'article 3. Puis je veux juste vous dire, dans tous les travaux que nous avons faits, là, on a pu faire écrire un préambule, on a pu faire ajouter un article dès le départ, dans lequel on vise les objectifs de ce projet de loi là, ce qui est important. Parce qu'on le répète, c'est une nouvelle culture qu'on va implanter au Québec avec un tribunal spécialisé, c'est une nouvelle culture qu'on va offrir aussi en accompagnement pour les victimes. Alors, on veut que tout soit dans le détail.

Et lorsqu'on a reçu le projet de loi, au départ, il n'était question que des juges. Formation des juges. Là, on a été capables de faire intégrer à l'intérieur du projet de loi qu'il faut parler de la formation de tous les intervenants. Et, malheureusement, je reviens à une de nos… un de nos questionnements, du moins, à savoir pourquoi le ministre ne veut pas intégrer qui sont les intervenants qui seront justement visés par cette formation-là, par les formations qui devront être et/ou générales et/ou spécialisées parce qu'on parle beaucoup de la spécialisation aussi. Alors c'est là où on travaille.

Mais on travaille… puis je ne veux pas mettre des mots dans la bouche à tout le monde, mais je pense qu'on travaille, tout le monde, dans un esprit d'ouverture. On veut le meilleur projet de loi possible. Puis je veux juste vous rappeler, là, il y a eu deux ans de travaux. Même si on prend quelques jours pour étudier un projet de loi, il faut bien faire les choses, et on est là pour le rendre meilleur, on est là pour pouvoir faire aussi sentir qu'est-ce qu'il y avait dans ce rapport-là. Parce qu'on a travaillé avec les experts, on sait exactement où se retrouve, dans le chapitre 6, la 32e recommandation, on le connaît presque par coeur. Donc, nous, on veut que ça puisse être visible et bien retenu dans le projet de loi qui est déposé.

M. Carabin (François) : …travaillé sur justement, là, le rapport Rebâtir la confiance, vous sembliez dire, là, que pendant l'étude détaillée, il y a comme eu une surprise après l'autre. Est-ce que le ministre dénature le rapport, son contenu, c'est-à-dire?

Mme Labrie : Non, je ne dirais pas que le ministre dénature le rapport. Mais le ministre, son projet de loi, il l'a préparé tout seul, il ne l'a pas préparé en collaboration. Donc là, ce qu'on essaie de faire, en ce moment, c'est de l'améliorer ensemble.

Sur la question de l'avancement des travaux, moi, je trouve que ça avance très bien, ça avance rondement. Il y avait 14 articles, au départ, je crois, dans le projet de loi, il y en aura quelques-uns de plus, on en a déjà ajouté, il va falloir en ajouter d'autres pour répondre aux préoccupations qu'on vous a nommées. Mais, à mon avis, on va arriver à adopter ce projet de loi là avant Noël, à moins que le ministre change ses priorités pour l'horaire des commissions parlementaires. Il y a de l'ouverture du ministre, mais les éléments sur lesquels on a attiré votre attention dans ce point de presse là, ce sont des choses pour lesquelles le ministre n'a pas démontré d'ouverture à les inclure dans le projet de loi, et ça nous apparaît problématique.

M. Larin (Vincent) : Vous étiez toutes avec le ministre — bien, avec la ministre Charest, je pense, pour le rapport Rebâtir la confiance — hier, à la sortie du conseil, elle nous a appris qu'elle n'avait pas pris connaissance des amendements qui étaient apportés par le ministre. Comment vous trouvez ça, est-ce que vous avez l'impression que Mme Charest a été écartée du dossier? Est-ce qu'elle devrait contribuer davantage en tant que ministre responsable de la Condition féminine?

Mme Labrie : Effectivement, moi, c'est un constat que je fais que ce n'est pas elle qui est en train de chapeauter la mise en oeuvre des recommandations du rapport, ce sont ses collègues. De toute façon, tellement de ministres étaient concernés par des recommandations du rapport que tous les ministres doivent y travailler ensemble. Là, le projet de loi sur les tribunaux spécialisés, c'est le ministre de la Justice qui s'en occupe. Il aurait eu avantage, je pense, à travailler davantage avec ses collègues parce que tous les volets qui concernent la sécurité publique, les services sociaux ne sont pas présents dans le projet de loi. Peut-être que si la ministre Isabelle Charest s'en était mêlée davantage, ils auraient pu voir ça en amont, puis on aurait gagné du temps en commission parlementaire.

M. Larin (Vincent) : Elle devrait être impliquée dans le fait qu'elle a siégé sur Rebâtir la confiance?

Mme Labrie : Oui. Elle porte encore théoriquement le mandat de mettre en oeuvre ces recommandations-là.

Mme Melançon : Mais je veux simplement vous rappeler une chose, nous avions, nous avions, un comité transpartisan. Ce comité-là, de façon unilatérale, a été, je ne sais pas comment dire, je ne sais pas si on doit dire détruit ou en tout cas, on y a mis fin de façon abrupte, et je trouve ça déplorable parce que savez-vous quoi? Ce comité-là aurait pu tellement faciliter plein de choses, on aurait pu aplanir certaines difficultés, on aurait pu continuer à contribuer, mais ça a été fait de façon unilatérale, et, malheureusement, mais je crois aussi que la ministre devrait continuer à suivre ces travaux-là avec beaucoup, beaucoup d'attention.

La Modératrice : Dernière question.

M. Carabin (François) : Vous avez… sur la Cour du Québec, vous avez une réponse quand même, mais j'étais curieux de savoir, qu'est-ce que vous vous attendez à voir de la juge? Parce que même si le projet de loi est adopté, est-ce qu'il n'y a pas un risque que la Cour du Québec bloque l'application du projet de loi?

Mme Hivon : Mais c'est une épée de Damoclès qui plane au-dessus de nos têtes et, vraiment, on est toutes habitées d'une volonté que ça fonctionne, hein? Donc, c'est beau, on pourra adopter le meilleur des projets de loi possible, s'il y a des irritants majeurs qui font que la cour qui est responsable d'une grande part de l'application de tout ça garde des réticences puis envisage une contestation, les victimes ne seront pas plus avancées. Ça fait que ça, c'est une source d'inquiétude qui est nommée souvent.

Et c'est pour ça que ce qui est extrêmement difficile, bien qu'il y a des choses formidables, moi, je dois vous dire que j'ai beaucoup de plaisir à siéger sur cette commission-là parce qu'on a vraiment le sentiment d'être partis d'un processus et de le mener à bon port puis on tellement travaillé là-dessus, et il y a cette ouverture-là, quand même, qu'on ne remet pas en cause, elle est là, mais c'est qu'on n'est pas capables d'avoir le retour à savoir, quand il y a des nouveaux amendements qui nous sont déposés, nous, on se dit : Oh! ça n'a pas l'air de correspondre. Moi, j'ai fait un amendement, par exemple, le ministre a décidé de garde le tribunal spécialisé comme notion parapluie puis d'amener une division spécialisée. Je lui ai dit : Pourquoi alors on ne donne pas le nom que la juge a déjà à sa division spécialisée? Puis pourquoi on ne montre pas cette ouverture-là? Parce que, dans le fond, on aurait… Bon, le ministre a refusé. Mais est-ce que la juge, elle, elle est à l'aise avec le nouveau nom qui est donné, qui n'est pas son nom? Comment elle réagit à ça? On n'est pas capables de le savoir, puis malheureusement le ministre a refusé qu'on l'entende.

Puis je comprends que c'est exceptionnel, ça s'est déjà fait, en 96, d'entendre le juge en chef de l'époque. Donc, nous, on pense que c'était vraiment un exemple où on aurait dû le faire. Ça éclairerait tout le monde puis on minimiserait les risques après de dérive dans l'application des choses.

La Modératrice : C'était la dernière question. Je suis vraiment désolée. Il faut qu'ils retournent en commission.

Une voix :

Mme Hivon : C'est une très bonne question. En fait, elle est déjà en train de se déployer, donc ça, on n'a pas la réponse détaillée. C'est ça qu'il faut savoir, si on part en projet pilote, mais que, déjà, il y a ça, il y a une question là, fondamentale qui se pose.

La Modératrice : Merci beaucoup. Bonne journée.

(Fin à 14 h 17)