(Onze heures vingt-huit minutes)
La Modératrice : Bonjour.
Bienvenue à ce point de presse commun de Québec solidaire, du Parti québécois
et du Mouvement Démocratie nouvelle. Aujourd'hui prendront la parole M. Gabriel
Nadeau-Dubois, porte-parole de Québec solidaire, M. Paul St-Pierre
Plamondon, chef du Parti québécois, et M. Jean-Pierre Charbonneau,
président de Mouvement Démocratie nouvelle. Ils sont aussi accompagnés de Mme Sylvie
Cantin, V.P. du Mouvement Démocratie nouvelle. La parole est à vous.
M. Nadeau-Dubois : Merci
beaucoup. Bonjour. Il y a quatre ans, jour pour jour, donc le 9 mai 2018,
j'étais ici même, au même endroit, à l'Assemblée nationale, et je signais l'entente
initiée par le Mouvement Démocratie nouvelle, un engagement, donc, de réformer
le mode de scrutin au Québec. Quatre ans, jour pour jour, je suis au même
endroit, et François Legault, lui, n'est plus là. Pourquoi? Parce qu'il a brisé
sa parole, parce qu'il s'était engagé à réformer le mode de scrutin au Québec,
à améliorer la démocratie québécoise, puis, finalement, il ne le fera pas.
En ce moment, la démocratie québécoise
fonctionne d'une manière absurde. Je vous explique ça rapidement. On peut avoir
40 % des votes, ça nous donne à peu près 80 % des députés… ça peut
nous donner 80 % des députés puis 100 % du pouvoir. N'importe qui qui
a une tête sur les épaules sait que ça n'a pas d'allure. Notre système démocratique
est malade, et, dans l'opposition, François Legault était d'accord avec nous.
Maintenant au pouvoir, comme tant de politiciens avant lui, il n'est plus d'accord,
comme tant de politiciens avant lui, il a brisé sa parole.
De notre côté, à Québec solidaire, on est
ici, cet avant-midi, pour réitérer notre engagement : Nous allons réformer
le mode de scrutin au Québec. On va continuer de se battre pour améliorer la
démocratie québécoise parce que chaque vote devrait compter puis parce que les
Québécois le méritent. Merci.
La Modératrice : Le chef du
Parti québécois, M. Paul St-Pierre Plamondon.
M. St-Pierre Plamondon (Paul) :
Bonjour, tout le monde. Donc, à mon tour de réitérer l'engagement du Parti québécois.
Sur la base d'un contrat qui a été signé en bonne et due forme par tous les
chefs, je me sens donc lié par la signature de mon prédécesseur. Et je vois
toujours la pertinence d'une réforme du mode de scrutin, particulièrement après
la période marquée par la pandémie que nous venons de vivre. Je crois que,
particulièrement aujourd'hui, on prend conscience de l'importance de travailler
ensemble plutôt que de laisser tout le pouvoir entre les mains de quelques
personnes, souvent sans qu'il n'y ait un quelconque compte à rendre. Ça a été
un sujet récurrent au cours des deux dernières années.
Donc, à mon tour de réitérer l'engagement
du Parti québécois pour une réforme du mode de scrutin, de réitérer
l'attachement du Parti québécois pour la démocratie, pour le dialogue, pour une
pluralité de voix convenablement représentées à l'Assemblée nationale. Je pense
sincèrement qu'une réforme du mode de scrutin permet de protéger la voix de nos
régions, tout en permettant à plusieurs voix différentes de travailler en
collaboration.
Et je termine en disant que j'ose espérer
que la parole donnée et que des contrats signés ont encore une quelconque
valeur aujourd'hui dans notre démocratie québécoise. J'aimerais citer François
Legault en 2018, question de Mathieu Dion, la même journée, là, on parle du 9 mai :
«Mais, une fois au pouvoir, quand vous allez réaliser que c'est ce système-là
qui vous tient en place et qui vous maintiendra en place également, est-ce que
ça va toujours être intéressant d'avoir ce mode de scrutin proportionnel?» La
réponse de François Legault : «Bien, quand je regarde, actuellement, mon
principal adversaire, c'est le cynisme. Et il faut être capable de penser à
moyen, long terme, au-delà des petits gains qu'on peut faire à court terme. Ce
qui est important, au Québec, c'est de retrouver la confiance, de retrouver la
fierté, de recommencer à faire avancer le Québec, puis, pour ça, on a besoin de
plus de personnes possible qui travaillent ensemble. Puis je pense que le mode
de scrutin proportionnel mixte aide justement à ce qu'on travaille davantage
ensemble, que ça soit possible de le faire et qu'il n'y ait pas un gouvernement
qui est élu par une minorité de Québécois qui soit capable de prendre des
décisions pour une majorité. Donc, moi, je pense que ça va dans ce sens-là à
long terme. C'est pour le mieux-être des citoyens québécois.» Quoi dire de plus
quand c'étaient les paroles de François Legault? Puis je sais que ça génère du
cynisme, d'entendre ça.
Je dis aux gens qui pensent qu'on peut
améliorer notre démocratie : Ne perdez pas espoir, ne tombez pas dans le
cynisme. Il y a encore des gens qui sont là pour travailler à cette réforme
qui, un jour, verra le jour, espérons, avant l'indépendance du Québec,
peut-être en même temps que l'indépendance du Québec, mais, un jour, cette
réforme-là aura lieu. Merci.
La Modératrice : M. Jean-Pierre
Charbonneau, président du Mouvement Démocratie nouvelle.
M. Charbonneau
(Jean-Pierre) :Alors, mesdames,
messieurs, bonjour. MM. les chefs des partis qui ont signé l'entente et qui
sont ici, à l'Assemblée nationale, représentés à la suite de cette signature il
y a quatre ans, jour pour jour, ou presque. C'était hier l'anniversaire, si on
peut utiliser cette expression, de cette signature historique. Il n'y a pas
beaucoup de moments, dans l'histoire politique du Québec, où plusieurs partis
signent une entente, signent, devant caméras, ici, à l'Assemblée nationale,
signent un document et s'engagent, dans le fond, à faire un engagement
électoral : le même. Trouvez-moi, dans l'histoire politique du Québec, un
événement où tant de partis ont fait ce geste solennel devant les caméras du
Parlement. Il n'y en a pas.
Et nous, on était confiants et on espérait
qu'à la suite de ça les choses débloqueraient. On l'a fait de bonne foi. Je me
rappelle que j'étais avec mon autre vice-présidente, Françoise David, ici même,
dans le foyer de l'Assemblée nationale, au printemps ou à l'hiver 2019, et
le travail se faisait pour donner suite à l'engagement électoral. Et les
journalistes étaient là, posaient des questions, et on avait clairement répondu
que l'engagement électoral qui avait été pris, et ce l'est dans le texte de
l'entente, ce l'est dans les propos que François Legault a tenus à ce
moment-là, ce n'était pas uniquement de déposer un projet de loi, c'était de
faire adopter une réforme et de faire en sorte que, lors de l'élection qui
vient, celle de l'automne 2022, qui, finalement, serait la
43e législature, bien, les députés qui seraient élus pour cette
43e législature seraient élus avec la réforme qui était proposée dans
l'entente.
Malheureusement, finalement, la parole a
été reniée. Je vous rappelle que le code d'éthique de l'Assemblée nationale
oblige les députés à respecter la parole. Et ce n'est pas parce que la
Commissaire à l'éthique a refusé de se pencher sur ce dossier, disant que
c'était un dossier qui était plus politique, que le code d'éthique, lui,
n'existe pas et que les propos du code d'éthique ne devraient pas être
respectés. Je veux dire, il y a le code d'éthique, il y a l'esprit et il y a la
lettre du code d'éthique. Le code d'éthique n'a pas été respecté.
Alors, aujourd'hui, c'est triste, mais, en
même temps, tout n'est pas perdu. La preuve, deux des partis signataires
réitèrent leur engagement aujourd'hui. Nous voulons demander aux autres partis
politiques, aujourd'hui, et en particulier à la CAQ, qui aura son congrès dans
quelques jours, à la fin du mois de mai, de réitérer l'engagement électoral et
politique qu'ils ont pris. Les raisons fortes qui avaient amené Benoit Charette,
qui était le critique du dossier, à proposer au gouvernement Couillard de
reprendre les discussions qui avaient été abandonnées par les libéraux de Jean
Charest en 2008 sont toujours là. Les raisons fortes qui avaient amené à
plusieurs reprises François Legault à se commettre, et à signer cette entente,
et à faire les déclarations qu'il a faites… Et les journalistes, vous avez une
pochette de presse, vous pouvez les lire, les déclarations, vous allez voir que
c'est clair et limpide, comme le chef du Parti québécois en a mentionné une
tantôt. Alors, ces raisons fortes là existent toujours.
Le premier ministre a dit, il y a, quoi,
une semaine ou deux : Oui, mais les gens ne se bousculent pas dans les
autobus. Est-ce que les gens se bousculent dans les autobus pour la plupart des
dossiers d'intérêt public, des grandes réformes? Est-ce qu'ils se bousculaient
dans les autobus quand, en 2015-2016, la CAQ a relancé les libéraux et les
autres partis pour qu'il y ait une entente... pour un dialogue? Il n'y a
personne qui se bousculait dans les autobus, même quand on a signé cette
entente-là. C'est-à-dire qu'il y a une responsabilité politique qui revient aux
leaders politiques, à ceux qui ont la responsabilité d'organiser le bien
commun, de s'attaquer aux principaux problèmes de la société.
Et un des problèmes fondamentaux de notre
société et de beaucoup de sociétés actuellement, on l'a vu en France, on le
voit dans d'autres domaines, on le voit aux États-Unis, c'est la qualité de la
démocratie représentative. Quand une partie importante des citoyens ont
l'impression que leurs votes ne comptent pas, quand les gens qui votent n'ont
pas l'impression d'être représentés, quand leurs préoccupations, leurs besoins
ne sont pas vraiment pris en compte par un Parlement où ils ont l'impression
qu'ils ne comptent pas, il y a un problème dans une société démocratique. On ne
peut pas se dire une démocratie représentative si le mot «représentative» ne
signifie rien.
L'exemple qui était donné tantôt, quand un
parti a 37 % des votes et 60 % des députés, la prochaine fois, ça
sera peut-être 40 %, 42 % et 80 % et plus de députés. Quand
McKenna, au Nouveau-Brunswick, a eu 100 % des députés, quand Robert
Bourassa, à une époque, a eu 102 des 110 députés, est-ce que c'était
vraiment un Parlement représentatif? Non, il n'était pas représentatif. Et
actuellement notre Assemblée nationale n'est pas représentative comme elle
aurait dû l'être à la suite des dernières élections puis comme elle le sera
sans doute à la suite des élections du mois d'octobre prochain.
Donc, on demande au premier ministre de
revenir sur sa décision. Il est trop tard pour adopter le projet de loi
n° 39, mais il n'est pas trop tard pour que l'engagement qui avait été
pris... Parce que la CAQ avait décidé que la réforme ne se ferait pas pour
2022, mais pour 2026, on avait intercalé un référendum entre les deux. 2026, il
n'est pas trop tard, il reste quatre ans et demi, amplement le temps pour
l'Assemblée nationale et pour les partis de faire en sorte que l'élection de
2026 ait lieu avec un nouveau mode de scrutin. Et, s'il faut faire un
référendum pour ça, bien, en bout de piste, nous, on est d'accord, parce qu'un
référendum, c'est au moins la parole aux citoyens, et c'est eux qui devront
décider. Un système électoral n'appartient pas aux élus, n'appartient pas à des
partis politiques, n'appartient pas à ceux qui ont été élus puis qui voudraient
conserver le même système parce qu'ils ont été élus avec ce système-là, ils
appartiennent aux citoyens. Alors, s'il faut faire le référendum que
M. Legault voulait faire, nous, très bien.
D'ailleurs, les sondages internes du
gouvernement et les nôtres montraient que, s'il y avait eu un référendum, tel
que promis, on l'aurait gagné. En Colombie-Britannique, la première fois, le
référendum a été gagné avec 57,7 % des votes. Ce n'est pas parce que le
Parlement, à l'époque, ou le gouvernement de l'endroit avait décidé que, tout à
coup, la règle, c'était 60 % pour que la décision soit exécutoire.
Imaginez-vous, si on appliquait cette règle-là, au Québec, tous les partis à
l'Assemblée nationale, même les plus fédéralistes, considèrent que 50 %
plus un, c'est assez pour faire un pays, puis il faudrait appliquer la règle de
la Colombie-Britannique pour avoir 60 %? Non. Avec 50 % plus un, je
mets au défi n'importe quel parti politique de penser qu'un référendum serait perdant,
au Québec, sur un nouveau mode de scrutin.
Et, quand on dit que les gens ne se
bousculent pas dans les autobus, les sondages qu'on a faits, nous, puis que le
gouvernement a faits montrent deux choses : Un, que les citoyens voulaient
que le gouvernement respecte son engagement, deux, les gens veulent un mode de
scrutin plus juste, plus équitable, plus représentatif de leurs choix
principaux. C'est ça que les citoyens veulent et c'est ce qu'on demande, que le
gouvernement revienne sur sa décision d'abandonner définitivement la réforme.
On demande aux libéraux aussi de reconsidérer leur décision.
J'étais intéressé de voir, la semaine
dernière, un ancien ministre libéral, François Blais, professeur de sciences
politiques à l'Université Laval, prendre fait et cause publiquement en faveur
de la réforme. L'ancien président de l'Assemblée nationale, Jacques Chagnon, a
écrit un texte, et je lui ai parlé en fin de semaine, son texte a été publié
dans un certain réseau. Mais il m'a rappelé qu'il avait fait des déclarations
publiques, c'était lui qui était responsable du dossier après l'élection de
2003. Alors, il y a beaucoup de gens.
Est-ce que les autres partis, le Parti
vert, le Parti conservateur, le NPD Québec et tous les autres, sont prêts à se
rallier à cette entente puis à l'engagement que les deux partis qui siègent
ici, à l'Assemblée nationale, réitèrent ce matin? On espère que oui. Et là la
campagne électorale va commencer dans peu de temps, elle est peut-être, dans
les faits, déjà commencée, alors qu'on demande aux différents partis de s'engager.
La démocratie, la qualité de la démocratie
représentative au Québec doit être un enjeu majeur au-delà du nombre de gens
dans les autobus qui ont des pancartes puis qui la réclament. Je veux dire, à
un moment donné, il y a une lecture qui s'impose des problèmes d'une société,
et c'est la responsabilité des partis et des dirigeants politiques d'assumer
cette lecture-là puis de proposer des voies d'avenir pour régler ce type de
problème là.
Alors, je voudrais remercier les chefs qui
sont, ce matin, ici, de Québec solidaire et du Parti québécois, d'avoir
organisé cette conférence de presse avec nous. On était là la dernière fois.
Nous avions initié, à la suite de la CAQ... on avait repris la proposition d'inviter
tout le monde, mais là on n'était pas des adversaires. Même les libéraux
avaient accepté, en 2016, de participer à cet exercice-là. Et la première
signature dont on… était intervenue en décembre 2016, la deuxième, avec les
chefs, il y a quatre ans exactement.
Alors, nous, aujourd'hui, ce qu'on dit, c'est :
Continuons l'exercice, continuons le travail et terminons-le pour que les
élections de 2026 soient faites avec un mode de scrutin qui ferait en sorte que
le Québec serait au XXIe siècle par rapport à sa démocratie. Merci beaucoup.
La Modératrice : Merci
beaucoup. Bonne fin de journée.
(Fin à 11 h 43)