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Version finale

12e législature, 1re session
(2 mars 1909 au 29 mai 1909)

Le mardi 11 mai 1909

Ces débats, reconstitués principalement à partir des comptes rendus des médias de l’époque, ne constituent pas un journal officiel des débats de l’Assemblée législative.

Présidence de l'honorable P. Pelletier

La séance s'ouvre à 11 h 30.

 

Vente et administration des terres publiques et des bois et forêts

L'honorable M. Caron (L'Islet) propose, selon l'ordre du jour et appuyé par le représentant de Montmorency (l'honorable M. Taschereau), que le bill 36 amendant la loi concernant la vente et l'administration des terres publiques et des bois et forêts soit maintenant lu une deuxième fois.

Il signale que le nombre de lots vendus s'est accru, passant de 226 823 acres en 1907 à 292 479 au cours de l'année financière 1908. Cela démontre clairement que tous ceux qui ont obtenu des lots n'étaient pas des colons de bonne foi.

Le but principal de la loi est d'empêcher autant que faire se peut la spéculation et de donner un nouvel essor à la colonisation qui souffre depuis trop longtemps. Pour arriver à ce but, le gouvernement a cru devoir introduire plusieurs amendements qui ne manqueront pas de produire d'excellents résultats. Il explique ensuite les différents amendements proposés.

Par le premier article, une certaine autorité dans la vente de terrains pour fins de colonisation est donnée au ministre des Terres. Par la loi actuelle, le ministre ne peut contrôler ces ventes, ce qui peut favoriser la spéculation et, par conséquent, nuire à la colonisation. Nous proposons donc que l'agent des terres vende les lots propres à la culture aux personnes qui les demanderont, pourvu qu'il n'ait pas reçu des instructions contraires du ministre. Ces instructions que le ministre demande d'avoir le droit de donner aux agents sont pour permettre au gouvernement de pouvoir s'assurer que les terrains seront vendus méthodiquement et qu'on ne permettra pas aux colons de s'établir un peu partout dans les différents cantons ouverts à la colonisation. Nous limitons la quantité de terrains à être vendus à la même personne à 100 acres et, au cas où le lot contiendrait plus de 100 acres, la limite est fixée à 125 acres. Nous faisons revivre le droit, pour le ministre, de désapprouver, dans les trois mois de la date, les ventes faites par les agents des terres, tel que ce droit existait avant 1904, afin que le ministre des Terres, qui a la responsabilité de la vente du domaine public, puisse en avoir le contrôle.

Par le deuxième article, il est édicté qu'une personne qui a obtenu, pour fins de colonisation, la quantité d'acres de terre permise par la loi ne peut en obtenir plus tant qu'elle n'a pas fait émettre des lettres patentes pour les terres qu'elle détient sous billet de location et tant qu'au moins la moitié desdites terres n'ait été mise en culture. Personne ne peut porter à la fois plus d'un billet de location. Cette disposition a pour but d'empêcher l'accaparement, par une même personne, d'un certain nombre de lots de terre qu'elle détiendrait dans un but de spéculation et qui empêcherait par là même l'établissement d'un nombre de famille suffisant dans le même rang pour maintenir une bonne maison d'école dans son arrondissement, etc., etc.

L'article troisième est à l'effet de rendre plus claire la loi déjà existante quant au transport de lots en vertu de la loi actuelle. Enfin, le porteur du billet de location n'a sa patente qu'au bout de cinq ans; son défrichement doit être d'au moins 15 acres.

L'article quatrième prohibe la vente ou l'aliénation, en tout ou en partie, pendant cinq ans à compter de la date du billet de location, des droits obtenus par le concessionnaire d'un lot autrement que par donation ou testament en ligne directe, ou par succession. Il peut arriver qu'un colon soit forcé, pour des raisons imprévues, de transporter son lot; pour être valable, ce transport doit être préalablement autorisé par le ministre, sur preuve à sa satisfaction qu'il est dans l'intérêt de la colonisation. Cet article a pour but d'empêcher la spéculation et aussi de protéger le colon contre lui-même. Il arrive beaucoup trop souvent que les colons, sollicités qu'ils sont par les spéculateurs de tout genre, vendent à ces derniers pour un plat de lentilles le bois qui se trouve en quantité assez considérable sur les lots qui leur sont concédés.

L'amendement proposé par l'article 5 est afin de faire concorder le dernier alinéa de l'article 1287 avec les dispositions de l'article 1288, tel qu'amendé par 8 Édouard VII, chapitre 24, article 5. Les articles 1303 et 1306 sont abrogés, parce qu'il est pourvu au code de procédure civile à l'annulation des lettres patentes. L'article 7 porte à 15 pour cent l'exemption des droits de coupe pour le bois coupé dans le défrichement, au lieu de 10 pour cent, d'après la loi actuelle.

Il explique que tous les changements à la loi ont pour but l'intérêt public. Faire durer cinq ans le billet de location, c'est rendre impossible la spéculation. Les spéculateurs veulent toujours avoir les lettres patentes le plus tôt possible. Le colon de bonne foi n'aura pas à s'en plaindre; il n'a aucun besoin immédiat de sa patente. Le gouvernement croit et espère que la loi ainsi amendée lui permettra d'empêcher la spéculation illégale et injuste des terres de la couronne, et limitera aux personnes qui désirent réellement défricher et s'établir sur les terres de la couronne la concession à peu près gratuite des lots de terre. Le temps est arrivé où il nous faut concéder les terres de la couronne avec beaucoup plus de prudence et où il ne faut pas permettre le déboisement complet de certains terrains de notre domaine national, que pour la mise en culture réelle et profitable de ces terrains dont la qualité est absolument propre à la culture, et conserver à perpétuité une quantité assez considérable de terrains en forêt pour assurer la régularité du cours de nos rivières et le maintien de nos pouvoirs d'eau, ce qui n'empêchera pas leur exploitation judicieuse qui nous donnera un revenu assez considérable. La nouvelle loi donne plus de discrétion au ministre et préviendra les abus, évitera la spéculation et mettra fin aux maux dont souffre la colonisation.

M. Prévost (Terrebonne): L'annonce d'une pareille loi n'aurait pas dû être applaudie par les députés de colonisation parce que chacun de leurs applaudissements a enfoncé un clou dans le cercueil de la colonisation et de nos espérances d'expansion nationale.

Il regrette les applaudissements qui ont accueilli le discours du ministre sans portefeuille; car cette loi, dit-il, est l'acte le plus odieux du gouvernement depuis le commencement de cette session. Cette loi est injuste, arbitraire et antipatriotique. Cette loi va faire souffrir la colonisation 10 fois plus. La consultation des ventes est ce qu'il y a de plus odieux. La nouvelle présentée devant la Chambre ramène le régime contre lequel tous les libéraux se sont insurgés, qui a provoqué la démission du premier ministre actuel et la décapitation du cabinet Parent.

Il a été heureux d'entendre le ministre sans portefeuille (l'honorable M. Caron) admettre que la colonisation souffre, lui qui, et il n'y a pas si longtemps, a prétendu le contraire dans cette Chambre. C'est ce qu'il (M. Prévost) a dit à la Chambre pendant toute la session tandis que les organes du gouvernement le qualifiaient de menteur. C'est le temps pour l'honorable ministre de faire taire une certaine presse qui crie depuis le commencement de la session que le député de Terrebonne a tort. Que l'honorable ministre relise les déclarations qu'il a faites en prétendant qu'il se fait de la colonisation dans la province de Québec parce qu'on a donné 3000 acres en un an. La colonisation souffre. Est-ce avec la loi nouvelle que le député de L'Islet (l'honorable M. Caron) va l'empêcher de souffrir? Au contraire, c'est avec une loi comme celle-là que la colonisation souffrira davantage.

L'honorable ministre n'a pas même compris quelle hérésie légale il commettait en disant que le désaveu était rétabli parce qu'il était à peu près impossible de prouver si le colon est de bonne foi ou non. C'est ainsi qu'on donne au ministre le pouvoir d'intervenir dans un simple cas de présomption. Le code est moins large et met plus de soin à définir les cas où les contrats peuvent être brisés. Le colon passe un contrat avec le département des Terres et le code civil prévoit les cas de fraude. Alors, pourquoi entrer cette clause qui permet le désaveu, clause inique contre laquelle l'honorable ministre sans portefeuille s'est déjà prononcé? Laisser le ministre des Terres de la couronne superviser la vente des terres équivaut à autoriser des rapports illicites entre les officiers du département et les agents des terres dans le but de voler le colon avec plus de facilité. Le premier ministre actuel (l'honorable M. Gouin) a abandonné le portefeuille des Terres de la couronne dans le cabinet Parent à cause de cette disposition dans la loi.

Sur quoi le ministre se basera pour concéder une vente? Non sur sa science confuse, mais sur les rapports de certains officiers dont la mentalité est bien connue. Pour le ministre, qui a la science infuse, il désavouera une concession dans un simple cas de doute, sur le rapport d'un agent, et on sait ce que ces rapports valent. Mais l'honorable ministre ne se rappelle-t-il pas que nous avons tous voté contre ce régime? Que l'honorable ministre sans portefeuille prenne la peine de lire les opinions des députés qui représentaient en 1904 les comtés de colonisation et qu'il lise sa propre opinion de ce temps et il verra que ces députés et lui se sont prononcés contre cette clause. Qu'il relise le rapport de la commission de colonisation et il retrouvera ses propres déclarations avec celles d'autres députés libéraux qui condamnaient ce que le gouvernement veut faire revivre aujourd'hui. On demandait alors d'enlever aux ministres des Terres ce pouvoir arbitraire de désaveu qui empêchait le colon d'obtenir son lot sans délai. Et c'est une mesure comme celle-là que des députés de colonisation ont eu le courage d'applaudir sans songer que chacun de leurs applaudissements enfonçait un clou dans le cercueil de la colonisation et de la politique libérale inaugurée par Honoré Mercier. Certains changements apportés à la loi seront discutés plus au long en comité général. Nous y reviendrons, et je rappellerai alors des souvenirs cuisants.

On garde la classification qui nous a coûté $50 000. Pourquoi, maintenant que le désaveu va rendre les effets de la classification nuls? Avec la classification adoptée, on manquait de lots; avec la nouvelle loi, il sera impossible d'en avoir. C'est pour la classification effective et contre la loi du désaveu que nous avons tous voté. C'est pour cela que le premier ministre lui-même et deux de ses collègues ont démissionné. Ils le disent dans leur lettre de démission, M. Parent n'allait pas assez vite, c'est pour cela qu'on l'a jeté par-dessus bord. Mais aujourd'hui on revient au vieux régime. On veut forcer encore les colons de faire des centaines de milles pour venir mendier des lots auprès d'employés moelleusement installés dans des fauteuils rouges. Et avant de vendre des lots il faudra que le ministre des Terres juge si le colon est de bonne ou de mauvaise foi. Alors ce ne sera pas l'honorable M. Allard qui décidera, ce seront les mêmes employés dont j'ai montré les manèges à cette Chambre. Et le jeu de bascule recommencera.

Un autre amendement limite à 125 acres la concession au même colon. Voilà une idée qui n'a pas germé dans le cerveau de quelqu'un qui ne connaît pas la colonisation. Personne n'ignore que le désir du colon est d'établir son fils à côté de lui. C'est même ce sentiment qui a inspiré le peu de colonisation que nous avons dans la province de Québec. On est rendu au point que l'amour du bois rétrécit de 100 acres le domaine du colon. Cette loi tue la vraie colonisation, car on empêche le père de famille de devenir propriétaire du lot voisin qu'il a obtenu afin d'y établir son fils. Et, quand on demande où ira le fils du colon, le ministre répond à cet argument, et sérieusement encore, que, lorsque le colon aura défriché la moitié de son lot, on lui en donnera un autre; que les terres colonisables ne sont pas rares dans cette province et qu'il sera toujours facile de lui en donner. C'est renversant! Pourtant, le fils du colon est retenu sur la terre par le fait qu'il peut s'établir à côté des siens. Mais avec ce système le lot voisin se donnera à un étranger.

Parlant du Témiscamingue, il dit que la nouvelle loi a pour résultat principal de dépeupler le Nouveau-Québec au profit du Nouvel-Ontario où les conditions d'établissement sont beaucoup plus favorables, comme il le prouve par une lettre que lui a adressée l'honorable M. Cochrane, ministre des Terres d'Ontario.

Je demande à l'honorable ministre s'il sait que la colonisation dans cette partie du pays tient de près à l'avenir de notre race, s'il sait encore tout ce que le gouvernement d'Ontario fait pour encourager la colonisation. L'honorable ministre semble ignorer qu'en rendant notre loi plus onéreuse que celle de la province d'Ontario il cause un tort irréparable à la colonisation.

L'honorable M. Caron (L'Islet): La loi d'Ontario est plus onéreuse que la nôtre. L'honorable député sait-il que dans Ontario, en face du Témiscamingue, les colons doivent défricher 15 acres et attendre quatre ans pour obtenir leur patente? Sait-il que le droit de couper le bois de pin sur tous les lots...

(Applaudissements)

M. Prévost (Terrebonne) fait remarquer que les députés applaudissent sans même connaître ni la loi en vigueur en Ontario ni celle de la province de Québec.

J'ai une lettre du ministre des Terres d'Ontario, M. Cochrane, en date du 19 février 1909, qui dit ce qui suit: "Pendant l'année dernière nous avons ouvert 17 townships aux colons. Ce que nous essayons de faire, cependant, c'est de coloniser plus étroitement, là où c'est possible, les townships qui sont ouverts et de s'assurer que les townships ouverts à la colonisation à l'avenir sont propres à la colonisation agricole et n'ont pas de valeur particulière au point de vue minier ou ne sont pas spécialement propres à la culture forestière. Nous exigeons des colons qu'ils habitent leur lot dans les six mois qui suivent la date de location. Ils doivent avoir les bâtiments et le défrichement nécessaires et mettre en culture au moins deux acres de terre avant de pouvoir disposer du bois. Au moins deux acres doivent être défrichés chaque année, mais au bout de trois ans, si le colon a 10% de son lot défriché et mis en culture et s'il s'est conformé à la règle de résidence, il a droit à sa patente."

L'honorable M. Caron (L'Islet): J'ai la loi d'Ontario.

M. Prévost (Terrebonne): L'honorable ministre ne connaît pas plus la loi d'Ontario que le Témiscamingue. J'aime mieux une loi qui réserve le pin, mais laisse le reste. Mais, en défrichant 15 acres, est-ce que le colon défriche plus de 10%? Que le ministre cite la loi d'Ontario. Notre loi devient plus sévère que celle d'Ontario. On exige de défricher maintenant 15 acres au lieu de 10 et le colon doit attendre cinq ans au lieu de trois pour recevoir sa patente.

L'honorable M. Caron (L'Islet): C'est la loi du "homestead".

M. Prévost (Terrebonne): Pas ça.

M. Kelly (Bonaventure) cite un article de la loi d'Ontario que le député de Terrebonne prétend ne pas s'appliquer aux cas de colonisation semblables à ceux de la province de Québec.

M. Prévost (Terrebonne): J'ai lu la lettre de M. Cochrane qui explique bien la situation.

M. Kelly (Bonaventure): Vous ne comprenez pas ce que vous lisez.

M. Prévost (Terrebonne): Je remercie l'honorable député de cette marque de politesse. Je faisais de la colonisation quand il n'était pas capable de prononcer ce mot-là. Quand on les pique un peu fort, les députés de la droite se servent d'un langage qui n'est pas parlementaire; d'ailleurs, je sais fort bien que le député de Bonaventure a oublié le français et qu'il ne comprend pas ce que je lis. Il a oublié la politesse en oubliant son français. Mais je continue.

Il reprend l'argument que la nouvelle loi va chasser les colons canadiens-français du côté d'Ontario dont on va augmenter la représentation à Ottawa.

Je laisse à d'autres le soin de discuter d'autres détails du bill. Il y a à biffer de cette loi cinq points principaux contre lesquels, nous les députés libéraux, nous avons tous voté en 1904, d'après le rapport de la commission de colonisation. Avant la loi actuelle, le ministre pouvait, d'un trait de plume, enrayer la colonisation et révoquer toutes les concessions faites dans l'espace de deux mois. Devant la commission de colonisation tout le monde a protesté contre ce régime, et c'est le même régime que l'on veut rétablir aujourd'hui, au lendemain d'une élection où l'on s'est bien gardé de consulter le peuple sur cette question, comme si l'on avait voulu inaugurer plus sûrement l'année de la grande noirceur. La réintroduction du droit de désaveu, droit odieux, autrefois retiré, dénoncé par tous, nous rejette dans l'arbitraire. C'est le pouvoir discrétionnaire pour favoriser le marchand de bois contre les colons. Un argument invoqué par l'honorable ministre sans portefeuille, c'est qu'autrefois il n'y avait pas de plaintes de la part des colons. Comme question de fait, il y en a depuis la domination française. Le premier ministre lui-même l'a prouvé dans un discours resté fameux.

Au fond, la loi qu'on propose n'a pas d'autre but que de légaliser toutes les irrégularités commises par les agents, à la demande du département, contre lesquelles nous protestons. Je le répète, cette loi équivaut à brûler la ruche pour brûler les quelques frelons qui s'y trouvent mêlés aux abeilles. Pour chasser les spéculateurs on augmente le fardeau déjà trop lourd imposé au colon. Bien plus, je prédis que le gouvernement sera forcé de retirer cette loi avant longtemps, tant elle sera désastreuse et tant elle soulèvera de protestations des colons dans toutes les parties de la province. Elle ne résistera pas devant la réprobation universelle qui l'attend dans la province.

Il dit quelques mots du nouveau billet de location, qu'il compte discuter plus au long en comité général.

Il propose, appuyé par le représentant de Saint-Hyacinthe (M. Bourassa), que ce débat soit ajourné.

Adopté.

La séance est levée à 1 heure.

 

Deuxième séance du 11 mai 1909

Présidence de l'honorable P. Pelletier

La séance est ouverte à 3 h 20.

 

Vente et administration des terres publiques et des bois et forêts

Conformément à l'ordre du jour, la Chambre reprend le débat ajourné aujourd'hui, lors de la motion pour deuxième lecture du bill 36 amendant la loi concernant la vente et l'administration des terres publiques et des bois et forêts.

M. Prévost (Terrebonne) lit une lettre expédiée au député de Beauharnois (M. Plante) par l'honorable M. Cochrane, ministre des Terres, des Forêts et des Mines dans le gouvernement d'Ontario. Puis, il cite la loi des terres d'Ontario, cette partie du moins qui est semblable à celle de la province de Québec et qui s'applique dans l'espèce. Il contraste la politique du gouvernement d'Ontario qui facilite autant que possible l'accès des terres aux colons avec celle du gouvernement de la province de Québec qui s'étudie à rendre cet accès de plus en plus difficile.

Ce matin, le député de L'Islet (l'honorable M. Caron) a laissé entendre que, selon la loi d'Ontario, le colon devait résider sur son lot pendant cinq ans avant que les lettres patentes lui soient accordées. Mais cette disposition ne s'applique que pour les terres gratuites et les "homesteads". Dans Ontario, quand on exige du colon qu'il défriche cinq pour cent de son lot et qu'il l'habite pendant cinq ans, c'est parce qu'on lui a donné pour rien son lot et tout ce qu'il peut contenir, bois et minerais. Pour les autres établissements, les conditions sont beaucoup moins onéreuses que dans la province de Québec. Quant aux terres de la couronne qui sont vendues aux colons, cette lettre de l'honorable Frank Cochrane démontre que la période de résidence exigée sur le lot est de trois ans, et non de cinq ans, comme l'a déclaré le député de L'Islet.

Poursuivant la comparaison entre les lois d'Ontario et de Québec, il fait remarquer que la loi de Québec réserve tout le bois de pin qui se trouve sur le lot d'un colon tandis qu'en Ontario le lieutenant-gouverneur en conseil fixe le prix des terres et possède le pouvoir de permettre à chaque colon de couper et de vendre le bois de pin qui se trouve sur son lot lorsqu'il s'agit de terres propres à la culture; et c'est d'ailleurs ce qu'il fait. Les honorables députés de L'Islet (l'honorable M. Caron) et de Bonaventure (M. Kelly) n'ont pas cité la bonne loi. C'est un petit piège dans lequel il n'est pas tombé.

En Ontario, le colon a droit à tout le bois qui se trouve sur son lot, continue-t-il, et il se trouve donc dans une bien meilleure position que le colon de la province de Québec qui, lui, est sérieusement défavorisé par le fait que le bois de pin est réservé et qu'il ne peut pas le couper. Où le gouvernement d'Ontario a-t-il établi ses districts? Près du Nouveau-Québec, là où il a établi la terre libre au colon libre. Au lieu de rendre plus onéreuses les conditions imposées au colon, il les allège. C'est par là qu'il va nous enlever nos colons. Et c'est quand je disais qu'Ontario était plus favorable à la colonisation que l'honorable ministre sans portefeuille répondait que le colon y était traité sévèrement.

En 1905, on a adopté une loi réglementant les dates où les colons pourraient brûler leurs défrichements. Ainsi, de par la loi actuelle, la disposition qui spécifie la date où le bois peut être brûlé sur le lot empêche le colon de brûler son bois en même temps qu'il ensemence son lot, et l'ensemencement n'est possible qu'un an après que le bois ait été brûlé. Mais aujourd'hui, avec la nouvelle loi, le colon sera incapable soit de brûler son bois soit d'ensemencer son lot à temps pour empêcher la résiliation de son permis. Voilà le résultat de cette législation où on ne veut voir que le spéculateur et pas le colon. L'obligation de semer deux arpents sur un lot la première année est ridicule, parce que c'est une condition impossible. Il faut ou changer les conditions du billet de location ou changer la loi concernant les feux des abattis prohibés jusqu'au milieu de juin.

La proposition visant à accorder au ministre des Terres de la couronne le pouvoir de contrôler la vente des lots et d'annuler toute vente dans un délai de trois mois après la date de cette même vente est une injustice criante. Cette loi est injuste, arbitraire, inique, odieuse, antipatriotique et tyrannique, pour ne pas dire plus. Elle accorde au ministre un pouvoir qui est non seulement arbitraire et autocratique, mais aussi entièrement injuste et indéfendable. Dans le passé, on a malheureusement abusé de ce pouvoir, et on en abusera encore. Qu'on se rappelle les petites lettres du 18 avril et du 18 mai 1903 défendant toute nouvelle vente ou cancellant les ventes faites pendant les deux mois précédents. Cette année-là, le sous-ministre des Terres de la couronne, M. Taché, ordonna de ne plus vendre de terres de la couronne jusqu'à nouvel ordre de la part du ministre des Terres de la couronne. De vives protestations se firent entendre de tous côtés. Et puis, je n'ai pas été seul à protester. Si je ne me trompe pas, le député de L'Islet et tous les autres ministres se sont élevés contre cet ordre. À la suite de leurs protestations, la commission des terres de la couronne fit des recommandations qui eurent plus tard comme conséquence d'enlever au ministre des Terres de la couronne ce même pouvoir. Et aujourd'hui, les mêmes libéraux qui autrefois condamnèrent ce pouvoir proposent de l'accorder encore une fois au ministre des Terres de la couronne. Si le ministre obtient encore de tels pouvoirs arbitraires, cela fera de lui un potentat tout-puissant, une sorte de tsar de Russie, de grand-duc, de sultan de Turquie, d'Abdul Hamid ou de Mahomet V de la province.

En 1903, tous les députés des comtés intéressés à la colonisation votèrent contre ce pouvoir que l'on voulait accorder au ministre. Et aujourd'hui, ils applaudissent pour un bill qui propose de le redonner au ministre. Mais pourquoi proposent-ils aujourd'hui de redonner ce pouvoir au ministre? Je présume que le ministre se servira immanquablement de ce pouvoir pour favoriser les intérêts des marchands de bois au détriment des colons.

Mais où donc les colons trouveront-ils un ami? Ils en auraient un dans le ministre de la Colonisation s'il pouvait faire quelque chose. Il ne peut rien, même s'il pouvait compter sur l'amitié du ministre des Terres. J'aime mieux une loi qui est souvent fragile. Cependant, il est grand le bien que l'on pourrait faire avec de la bonne volonté. J'ai vu comment la colonisation s'était faite dans le comté de Dorchester et je peux même vous dire ce que le député actuel de ce comté (M. Morisset) a déclaré à ce sujet au grand congrès de colonisation tenu à Saint-Jérôme. Il a déclaré que ce n'étaient pas les colons qui venaient d'ailleurs qui avaient contribué à la colonisation de Dorchester, mais bien ceux qui constituaient un surplus de population dans les vieilles paroisses. Il y a une paroisse qui compte 220 familles et une autre qui en compte 100, et toutes ont de bonnes terres pour lesquelles on demande maintenant de bons prix. Nouvelle preuve qu'il faut encourager les colons à se grouper par familles.

L'article qui défend de vendre plus de 100 acres à un colon empêchera la colonisation parce qu'il est bien connu que la préoccupation du colon est d'établir ses enfants autour de lui. Ainsi, un père de famille ayant deux garçons de 14 et 16 ans, à la veille d'être obligé de les établir, ne pourra avoir des lots nécessaires pour cet établissement. Cette coutume sera rompue à jamais si cette nouvelle loi est adoptée, car le père sera incapable d'obtenir un lot voisin pour son fils tant qu'il n'aura pas fini le sien. Même si des travaux importants sont entamés, le pouvoir d'annulation à volonté que l'on propose d'accorder au ministre des Terres de la couronne aura un effet dissuasif, car il pourra s'appliquer à tout moment et ruiner tous les travaux déjà accomplis.

Le ministre prétend qu'il cherche à agrandir la province, mais il s'y prend de la mauvaise façon. Cette nouvelle loi divisera les familles et détruira cet esprit qui, jusqu'à maintenant, faisait qu'un jeune homme restait sur la terre. Dorénavant, il ne pourra plus défricher son propre lot tout en travaillant sur le lot de son père. Au lieu de cela, il ira s'installer en ville. À la vérité, cette loi anéantira complètement la colonisation intensive, laquelle est la seule vraie colonisation qui se fasse à l'heure actuelle. Car il ne faut pas oublier qu'après tout les meilleurs colons sont les fils de colons qui ont entendu dire par leurs pères: Quand tu seras grand, tu auras tel ou tel lot. Et la seule colonisation qui se fasse actuellement dans la province sera donc restreinte autant que possible par le gouvernement.

Et nous voici, dans la province de Québec, en train de passer une telle loi, tandis que la province d'Ontario accorde des terres gratuites et enlève progressivement tous les obstacles qui se trouvent sur le chemin du colon et qui pourraient nuire à son épanouissement.

Il qualifie ainsi les clauses de la nouvelle loi des terres: autant de chinoiseries néfastes, la clause qui oblige le colon à défricher 15 acres en cinq ans! Néfaste, le pouvoir discrétionnaire donné au ministre! Néfaste, la concession de 100 acres au maximum faite au colon! Néfastes toutes les autres clauses. Le colon aura devant lui deux alternatives: être chassé de son lot ou y mourir de faim. Voilà la politique néfaste que l'on veut imposer à notre province quand la province d'Ontario n'épargne rien pour encourager la colonisation chez elle. C'est de ce côté que se dirigent les regards des colonisateurs, des vrais colonisateurs, tandis que nos colonisateurs de parade s'amusent à passer des petites lois vexatoires et font de la colonisation sur des cartes géographiques. Comme conséquence, les jeunes hommes de la province de Québec, au lieu de s'établir ici, traverseront la frontière et s'installeront en Ontario. Ils se préparent déjà à le faire, et c'est le conseil que leur donnent les pionniers de la colonisation qui cherchent à obtenir des terres gratuites; conseil que le gouvernement aurait dû suivre au lieu de celui de ses propres officiers. Et ce résultat, qui aura inévitablement un effet désastreux sur notre province, ne sera imputable qu'au gouvernement et à personne d'autre. Les citoyens de la province de Québec n'oublieront jamais qui est responsable du fait que notre province soit languissante et non développée tandis que la province voisine, l'Ontario, progresse comme jamais.

Il termine en disant que le bill actuellement devant la Chambre va tuer toute colonisation dans la province.

L'honorable M. Devlin (Nicolet) dit qu'il est bien d'accord avec le député de Terrebonne quand il qualifie la mesure de très importante. Le sujet est sans aucun doute d'importance provinciale mais, à entendre le député de Terrebonne, on pourrait croire que le sujet que l'on discute est d'importance internationale. Il a amené dans la discussion des personnages aussi célèbres que le grand-duc, le tsar de Russie et le sultan de Turquie. Qu'est-ce qu'ils ont à faire dans le débat, personne ne le sait. Même si le bill est très important, il est aussi très simple. Il n'a pas l'intention d'entrer dans le fond du débat.

Je n'aurais pas répondu à l'invitation du député de Terrebonne s'il n'avait pas insinué qu'il y avait friction entre le ministre des Terres de la couronne (l'honorable M. Allard1) et moi. Je puis l'assurer que les meilleures relations existent entre les deux ministres tout aussi bien qu'avec le distingué représentant de L'Islet (l'honorable M. Caron2) que je félicite pour la manière dont il a défendu le département des Terres de la couronne à la Chambre durant la session. Ses relations avec ses autres collègues sont de même excellentes. Le député de Terrebonne parle à tort et à travers. Le gouvernement n'a qu'un but en présentant cette loi: voir à exécuter tout ce qui est requis dans ce département.

Il cherche à répondre aux besoins imposés par les conditions actuelles - conditions qui malheureusement règnent dans la province - et à remédier aux maux dont le député de Terrebonne lui-même s'est plaint. Le député de Terrebonne a caricaturé les membres du gouvernement. Il lui reproche de soulever des querelles d'Allemands. S'il était resté dans le cabinet, il se demande s'il aurait prononcé ce discours. Quand le député de Terrebonne a commencé son discours ce matin, il a déclaré le bill des plus odieux jamais présentés à la législature.

M. Prévost (Terrebonne): Pardon! J'ai dit: des plus infâmes.

L'honorable M. Devlin (Nicolet): Mais, au fur et à mesure qu'il progressait dans l'étude du bill et qu'il parvenait à la fin de son discours, il ne voyait plus ce bill comme étant si terrible; il ne le qualifiait plus que d'injuste. S'il avait parlé une heure de plus, il l'aurait trouvé passable. Qui sait, même, s'il n'eût pas fini par l'approuver?

Cela ne nous surprend pas. L'honorable député est venu dans cette Chambre au début de la session avec la seule détermination de nous attaquer, de battre le gouvernement en brèche; et il s'en acquitte en conscience. Dans son comté, il a prononcé un discours dans lequel il n'a pas manqué de nous attaquer. De toute évidence, il garde la même ligne de conduite ici. Sa seule façon de critiquer une mesure gouvernementale est de la déclarer des plus odieuses et conçues afin de paralyser la colonisation. Mais la question qu'il se pose - et qu'ont dû se poser au moins une douzaine de fois tous ceux qui ont écouté le discours du député de Terrebonne - c'est: De quelle façon, par quel procédé ou par quels moyens l'oeuvre destructrice prophétisée par le député de Terrebonne sera-t-elle accomplie? Comment ce bill qu'il trouve odieux va-t-il paralyser la colonisation? Il parle de cela depuis l'ouverture de la session. Le député de Montmagny (M. Lavergne) lui-même a déclaré qu'il n'y avait pas de colonisation parce que toutes les terres de la couronne étaient livrées exclusivement aux spéculateurs.

Je n'admets aucunement que toutes les terres soient livrées aux spéculateurs, mais si c'était le cas, ne devrait-on pas faire quelque chose afin d'empêcher qu'elles le soient? Eh bien, c'est justement le principe qui sert de base au bill si férocement dénoncé aujourd'hui. Tout comme je crois en l'astre du jour, je crois aussi que le bill que nous présentons empêchera une foule d'abus, la spéculation et la destruction massive du domaine appartenant à la province. Mes honorables amis savent très bien que quelque chose doit être fait pour empêcher la spoliation. Alors, savez-vous ce que l'on dit? Nos adversaires demandaient une loi à grands cris et quand nous la leur donnons cette hybride opposition crie que nous allons paralyser la province, que la loi va tuer la colonisation. Pourtant, il faut faire quelque chose. Ils demandent une loi pour contenir le spéculateur et, encore, quand une loi telle que celle présentée actuellement est proposée, le député de Terrebonne parle de loi des plus odieuses.

Il est entendu que le gouvernement a toujours tort. C'est en vain qu'il arrête la spéculation, donne au colon la terre cultivable, il a tort toujours. Que ces messieurs de l'opposition établissent une politique, une politique commune, et qu'ils nous disent ensuite ce à quoi ils s'opposent. Nous ne pouvons tout de même pas être coupables de tous les péchés et nous ne pouvons pas non plus avoir toujours tort. Nous devons sûrement à l'occasion accomplir de bonnes choses qui ne vont pas directement contre les intérêts de la province.

J'ai la ferme conviction que ce bill répond aux meilleurs intérêts de notre province et je maintiens que non seulement il satisfera aux besoins du colon, mais il empêchera la spoliation et repoussera le faux colon. Nous ne pouvons pas rester indifférents devant la destruction de nos forêts qui sont une des plus grandes sources de richesse de la province. Et nous ne sommes pas les seuls qui soient visés par ce bill. Il vise toutes les générations, et notre seul devoir est de protéger nos ressources. Récemment, à Washington, des autorités de tous les coins du continent se sont rassemblées lors d'une conférence pour étudier la question forestière et pour discuter de la préservation des richesses forestières. Ceux qui ont visité les autres pays comprennent que le devoir du gouvernement est de protéger nos ressources naturelles. Le bill que nous venons de déposer sur la table correspond en partie à la politique qui fut élaborée à cette conférence. Son premier objectif est de préserver nos forêts. Et c'est pourquoi le député de Terrebonne trouve que c'est une mesure odieuse. Et cet honorable député dit encore: Regardez l'Ontario! Peu importe ce que peut faire un gouvernement libéral à Québec, ce monsieur dit tout de suite: Regardez l'Ontario! Voyez ce qui s'y fait, les lois grandioses.

Ici, nous n'avons personne qui vaille quoi que ce soit. Nous ne sommes personne. Nous sommes des vauriens. Tout ce qui est bon est en Ontario. Mais je préfère regarder du côté de Québec, où nous avons des hommes aussi brillants qu'en Ontario et que je respecte autant que je respecte la province de Québec. De plus, les choses sont aussi bien administrées ici qu'elles le sont en Ontario. Parce qu'un homme est né dans la province de Québec, est-il moins intelligent, moins grand, moins honnête ou moins patriotique qu'un homme qui naît en Ontario? Mais, de toute façon, qu'est-ce qu'il y a de si mauvais dans ce bill?

Le député de Terrebonne est un homme qui possède des talents d'orateur remarquables et puissants...

L'honorable M. Weir (Argenteuil): Très bien! Très bien!

L'honorable M. Devlin (Nicolet): ... mais doit-il utiliser ces talents pour s'efforcer de ramener la province 100 ans en arrière?

Et le crime dans cette loi, où est-il? Cette loi veut donner des terres convenables aux colons. Elle stipule qu'un lot qui n'est pas cultivable ne doit pas être accordé à un colon. Elle dit aussi qu'un lot ne devra pas excéder 100 acres. Est-ce là le crime? Je connais des gens qui sont heureux d'acheter des lots de cette étendue. Cette clause vise à protéger le colon du mieux possible. Mais mon honorable ami ne s'oppose pas aux amendements qui suivent. S'il avait eu la moindre raison de les attaquer, il l'aurait sûrement fait.

De plus, nous nous rendons parfaitement compte de ce que représente la grande région du Témiscamingue dont mon ami nous a parlé. Et ce même ami, lors des gentils propos qu'il a tenus à mon sujet, a demandé s'il n'y avait pas quelque chose que je puisse faire pour cette région. Il sait très bien que l'objectif que je poursuis au département de la Colonisation, des Mines et des Pêcheries vise à diriger le plus possible la colonisation vers la région du Témiscamingue. J'espère même voir son développement actuel s'accroître de plus en plus.

En nous parlant continuellement d'Ontario, du flot de population qui se dirige là-bas, on n'a pas tenu compte des récentes découvertes minières. Je travaille avec ardeur afin de diriger le flot d'immigration qui passe par notre province vers les districts de colonisation de la province de Québec, mais c'est une tâche difficile car immédiatement à l'ouest se trouve l'attrait des grandes mines d'argent de la région du cobalt qui entraîne même les jeunes hommes de notre province. J'espère qu'un jour on signalera des découvertes de minerai de même importance dans la région du Témiscamingue. C'est un attrait qui ne saurait être surpassé par aucun aspect de l'agriculture, aussi avantageux soit-il. Mais, jusque-là, nous espérons que la richesse agricole dans cette région compensera pour la richesse minière que l'on trouve de l'autre côté de la frontière.

Pendant les 10 dernières années l'augmentation de la population dans le Témiscamingue a été merveilleuse. Des villages sont apparus, des fermes ont été créées, et bon nombre de colons s'y sont installés. À la dernière session, une délégation du nord de Pontiac est venue nous demander d'en faire un comté en disant que la population y était de 10 000 âmes. Et, malgré tout, l'opposition prétend qu'un coup mortel a été porté à cette région. Non, Monsieur, je crois qu'aucun coup mortel n'a été porté si ce n'est aux spéculateurs qui ont été comme des loups dans la forêt. Le but du gouvernement dans cette loi, c'est d'empêcher le gaspillage, d'aider au colon de bonne foi et de garder à la province l'immense richesse forestière qui lui appartient. J'ai travaillé aussi dur que je le pouvais, nuit et jour, et je n'ai jamais refusé une demande qui était juste. Lorsque j'étudie une demande, je le fais dans le but de servir les meilleurs intérêts de ma province. Pour ma part, je n'ai jamais eu d'autre ambition que celle de servir les meilleurs intérêts de ma province.

Il n'y a qu'une chose dont mon honorable ami ni aucun autre député n'ait parlé. Je vais en parler parce que je sais que la courtoisie empêcherait les membres de cette Chambre d'en parler eux-mêmes. C'est que je n'ai pas une plus grande connaissance de la langue parlée par la majorité de la population de cette province. Mais, bien que le langage de la population ne soit pas le mien et bien que je fusse assez âgé - j'avais 15 ans - quand j'ai appris cette belle langue, la plus belle au monde qui pût être donnée à un peuple, je prie mes amis de croire que dans ce travail national je me montrerai aussi dévoué qu'un membre de leur race et que tout ce qui leur est cher m'est cher. Leurs traditions sont mes traditions et leurs aspirations, mes aspirations. J'ai à coeur autant que tout autre l'avenir de la colonisation dans Québec. Quand mon honorable ami dit qu'un coup mortel va être porté à l'avenir de la race, je diffère d'opinion avec lui. Qu'il visite les écoles et il verra que rien ne pourra empêcher la race de s'étendre et de devenir la grande nation que la Providence veut qu'elle soit.

M. Lavergne (Montmagny): Le ministre de la Colonisation (l'honorable M. Devlin) parle toujours avec éloquence, mais son discours n'a pas jeté beaucoup de lumière sur la question qui est débattue. Après l'avoir écouté avec beaucoup d'attention on est forcé de conclure que le discours du député de Terrebonne (M. Prévost) reste toujours sans réponse.

Il n'a pas eu le plaisir, dit-il, d'entendre les explications données le matin par le ministre sans portefeuille (l'honorable M. Caron). Ce dernier est le parrain du bill et il aurait dû en répondre. Mais, pour quelque raison inexplicable, il a disparu. Il regrette même que, dans le moment, l'honorable ministre ne soit pas à son siège pour entendre le reste du débat. Il suppose qu'après la besogne détestable qu'il a faite le matin il a jugé à propos de se retirer dans son bureau seul avec le remords libre d'une conscience libre.

Il annonce qu'il va étudier la loi au triple point de vue du colon, du marchand de bois et du peuple de la province de Québec en général. Cette mesure soumise par le gouvernement, la plus importante de la session, était attendue depuis longtemps et avec impatience par le colon et le marchand de bois. Tous les deux vont être cruellement désappointés. Pour ma part, je ne puis songer sans un serrement de coeur, M. l'Orateur, qu'un gouvernement prétendu libéral n'a pas autre chose à offrir, en ce qui regarde cet important sujet qu'est la colonisation, que cette loi inique, indigne, la plus infâme qui ait jamais été présentée devant aucun Parlement. Tous les jours, présentement, nos jeunes gens s'en vont aux États-Unis.

Il essaye de démontrer comment la situation du malheureux colon, qui était si misérable déjà, sera rendue pire encore par les amendements qui sont aujourd'hui proposés.

Je croyais que la loi très annoncée ferait disparaître au moins quelques abus dont les colons se plaignent depuis déjà très longtemps, mais, au contraire, je constate qu'elle en ajoute de plus grands à ceux qui existaient déjà. Et, s'il y a quelque chose de changé dans la misère du colon, c'est que cette misère devient plus grande. Est-ce là toute la réponse du gouvernement aux plaintes qui ont été formulées depuis le commencement de la session et qu'il n'a pas même essayé de réfuter? Il mentionne alors de nombreux cas qui ont été soumis à la Chambre et selon lesquels des colons auraient à souffrir d'injustices. Depuis deux mois, nous avons prouvé, par des documents publics ou par des pièces privées que pas un ministre n'a contredit avec succès, nous avons démontré que non seulement le colon est partout et toujours sacrifié au marchand de bois, qu'on le trompe, qu'on lui ment dans l'espérance de le décourager et que, si l'on ne réussit pas à s'en débarrasser ainsi, on lui donne un lot sur lequel il n'y a plus rien dessus; depuis deux mois nous établissons qu'on renvoie le colon de Caïphe à Anne et d'Anne à Pilate, depuis deux mois, nous démontrons que tout le système de colonisation est vicieux. Nous avons vu, fait-il remarquer, un colon qui demandait son lot en 1899 et ne l'obtenait qu'en 1909. D'un autre on exige qu'il fournisse un certificat établissant qu'il n'y a pas de mines dans son lot. Au plus grand nombre on ne concède des lots qu'avec la permission du marchand de bois. Nous avons aussi constaté que dans plusieurs comtés les lots ne sont pas accordés avant que le marchand de bois ait pu enlever tout le bois qui s'y trouvait. Des documents ont été produits à ce sujet, mais ils sont restés sans réponse et sans justification. Les documents produits et les lettres qui ont été lues ont démontré que les employés du département ne sont rien d'autre que les esclaves serviles des marchands de bois.

Rien n'a été tenté afin de corriger les abus dénoncés et prouvés pendant cette session par des affidavits et autres preuves documentaires. Rien n'a été tenté afin de corriger une loi inefficace et une administration inefficace. Dans des cantons entiers on n'a pas concédé un seul lot depuis des années en dépit du nombre des demandes. On nous a dit que le ministre de la Colonisation n'avait pas de terre à concéder et nous nous sommes dit que, s'il en avait, il les utiliserait probablement à bon escient. Mais il n'a rien fait qui vaille. Avec le système actuel, le ministre de la Colonisation possède très peu de pouvoirs en ce qui a trait à la colonisation, mais il n'a même pas fait le peu de bien que ses pouvoirs lui permettaient de faire. En effet, si nous examinons les comptes publics de son département, nous voyons qu'il a pris l'argent voté pour les chemins de colonisation et qu'il l'a utilisé dans de vieilles paroisses où il n'y a pas eu de colonisation depuis 200 ans. C'est, par exemple, ce qui s'est passé pour Montmorency, pour le comté de Québec, pour l'île d'Orléans et pour bien d'autres endroits.

Et, quand on se décide enfin à apporter un changement, le changement que l'on propose est un changement pour le pire. Le projet qu'on nous soumet ne contient rien pour le marchand de bois qui a déjà tout pris ce qu'il lui fallait. Je suppose, il apportera des misères nouvelles au colon et il ne donnera que des déceptions à la province. Et quelle raison donne-t-on pour faire accepter ce projet? On dit qu'il faut tuer la spéculation. Où est le dispositif punissant le spéculateur? Le projet n'en contient pas un mot, et pour cause: le spéculateur fait trop bien l'affaire du gouvernement. C'est de cette façon que le gouvernement utilise l'argent obtenu de la Chambre sous de faux prétextes et dans l'unique but d'assurer la réélection des ministres et de certains de leurs partisans libéraux dont les sièges étaient en danger. Voilà comment le ministre de la Colonisation (l'honorable M. Devlin) fait son devoir.

Et, pendant ce temps, que fait le gouvernement pour les colons? Il s'alarme devant les faux colons et voit des spéculateurs partout. Même avec cette nouvelle loi, le gouvernement ne veut rien voir d'autre que les spéculateurs. Tout ce qu'il veut dans sa loi, c'est de chasser encore de plus près le colon qui n'était pas satisfait de l'ancienne loi, quand il permettait déjà de l'arracher de son foyer et de le traîner à 400 milles, les menottes aux mains. Et, d'un autre côté, le gouvernement a toujours démontré une très grande courtoisie envers les marchands de bois. Il ne voit rien de mal dans ce que font les marchands de bois. Un marchand de bois peut couper son bois en bas du diamètre légal, il peut couper du bois là où il n'a pas le droit de le faire et, malgré tout, il demeure impuni.

La loi dit que les marchands de bois qui coupent le bois en bas du diamètre légal perdent leurs limites automatiquement. Combien de limites sont entrées dans le domaine de la couronne de cette façon? Il n'y en a pas. On fait plutôt comme dans Escourt, on se contente d'imposer une petite amende. Le gouvernement est toujours prêt à protéger ses puissants amis. Et, plus encore, c'est ce même système que dénonçaient les députés libéraux de cette Chambre. Ce système a même été dénoncé par le premier ministre actuel avant qu'il montât au pouvoir par une de ces révolutions dont s'honorent les grands peuples; il fut dénoncé par le député de L'Islet (l'honorable M. Caron); il fut dénoncé par le député de Dorchester (M. Morisset) et il fut dénoncé par bien d'autres députés qui aujourd'hui non seulement ferment les yeux, mais qui l'approuvent également.

La seule solution que le gouvernement a trouvée est de mettre le colon dans une situation où il peut soit devenir spéculateur ou mourir de faim. Prenez par exemple le nouveau billet de location. Il est encore plus tyrannique que ne l'était l'ancien. Il oblige le colon à défricher 15 acres de plus et ne permet l'émission des lettres patentes que cinq ans après que le colon se soit installé sur son lot. On veut faire un changement, mais on rend la loi pire. On adopte un nouveau billet de location qui a déjà créé une petite révolution parmi les amis du gouvernement qui aiment encore la colonisation.

On exige la résidence continuelle; on empêche le colon de s'établir à côté de son père; on force le colon à défricher 15 acres d'un seul bloc même s'il lui faut défricher des caps, etc.; on laisse la cancellation comme l'octroi des lots à la discrétion du ministre. Le fait que le ministre ait le droit de canceller un lot signifie qu'un colon qui a travaillé sur son lot pendant cinq ans pourrait voir tout son travail réduit à néant par une cancellation si le ministre ne fait que soupçonner qu'il y a spéculation. Cette loi est complètement absurde! Elle force le colon à défricher en bloc 15 acres au lieu de 10, et tout ça en cinq ans. Et s'il rencontrait une montagne? Mais qu'est-ce que cela veut dire "en bloc"? On peut se le demander quand on voit les étranges interprétations données à la loi par le département des Terres. Et ce droit que possède le ministre des Terres de décider lui-même s'il y a cancellation ou non, cela revient tout simplement à dire qu'il sera juge en toutes circonstances; qu'il soit l'accusé ou l'accusateur, il sera toujours le juge et il jugera contre le colon. Puis, si le colon ne réussit pas et qu'il se trouve dans des difficultés, on lui refuse le droit de vendre son lot. Un marchand de bois peut reprendre sa concession le lendemain qu'il l'a achetée du gouvernement, mais le colon ne peut pas revendre son lot. Enfin, pour avoir ses lettres patentes, il lui faudra attendre pendant cinq ans. Mais, par-dessus tout, c'est la clause infâme du projet de loi, le ministre se fait donner le pouvoir de juger entre le colon et lui. Et par l'exemple du passé l'on peut juger de ce qui arrivera chaque fois qu'un conflit surgira, le colon sera écrasé.

La loi bloque la colonisation expansive, soumet le colon à l'arbitraire du ministère et lui impose d'onéreuses conditions. Il prétend que la loi maintient le conflit du colon et du marchand de bois.

Il mentionne certains députés libéraux, et notamment le député de Bonaventure (M. Kelly), qui, affirme-t-il, ont exprimé au cours des dernières années des opinions directement opposées à la politique et aux théories que défendent aujourd'hui les ministres du gouvernement.

Si je devais citer toutes les déclarations des députés libéraux qui avant s'affichaient contre cette clause de la nouvelle loi, mais qui aujourd'hui s'occupent activement à la défendre, je ne finirais jamais ce discours. Dans un petit pamphlet écrit par le député de Bonaventure (M. Kelly) et intitulé The Condition of the Settler in the Province of Quebec3, je retrouve des déclarations tellement différentes de ce qui se dit ici que je suis incapable de les concilier. Dans ce même pamphlet, il dit que la seule façon de faire avancer la cause de la colonisation, c'est de séparer le ministère des Forêts de celui de la Colonisation4. Qu'est-il donc advenu de toutes ses théories?

Voilà ce que l'on offre aux enfants de la province de Québec. Qu'on aille les chercher, ceux qui sont partis; ils reviendront peut-être, croyant trouver au foyer national un morceau de terre, mais ils n'y vivront pas longtemps avant de comprendre qu'on leur a tendu un piège et qu'on ne les voulait ici que pour les mieux détruire. Est-ce donc pour arriver à ce résultat que l'on a chassé M. Parent? Est-ce donc pour cela que le député de Portneuf (l'honorable M. Gouin) disait à M. Parent: Il faut que vous disparaissiez parce que vous faites tort à la colonisation?

Il dénonce ouvertement le gouvernement, la presse du gouvernement et tous les partisans du gouvernement. Il dit comment, après avoir été insulté par toute la presse salariée pour avoir jeté le cri d'alarme et crié que nos bois étaient sacrifiés, il trouve aujourd'hui ses paroles presque textuellement répétées dans le propre rapport de l'honorable M. Turgeon, ministre des Terres, pour 1908.

Il s'applique, en terminant, à démontrer l'importance extrême du mouvement colonisateur au point de vue national. Il fait un appel en faveur de la colonisation, la grande force de conservation nationale et de la province.

Dans 10 ans, grâce à l'immigration grandissante, l'axe de la Confédération sera déplacé et ce sera l'Ouest qui fera pencher la balance. Dans 15 ans, même, si nous n'y prenons pas garde, nous ne serons plus rien dans notre propre pays. Depuis le dernier recrutement, en effet, il ne faut pas l'oublier, la population rurale de la province de Québec n'a pas augmenté de 3000 âmes. Où sont donc les colons? Est-ce que les ministres qui gouvernent la province de Québec ne devraient pas avoir une vision plus nette de l'avenir et activer de toutes leurs forces le mouvement colonisateur?

Il demande aux ministres une chose fort simple: jeter au vent leurs portefeuilles car dans quelques années il n'y aura pas un bouquet de bois ni un colon dans la province. Il dit que la nouvelle politique de colonisation du gouvernement sera plus désastreuse que l'autre et qu'elle va jeter la province de Québec en arrière de toutes les autres provinces de la Confédération. Il termine par un appel au gouvernement en faveur d'amendements plus favorables à la colonisation.

M. Kelly (Bonaventure): J'ai suivi le discours du député de Montmagny (M. Lavergne) et je vois qu'il a prononcé sur la loi des terres le discours qu'il réservait au débat sur la colonisation, soulevé par le député de Terrebonne (M. Prévost). Donc, mon discours embrassera à la fois et la colonisation et les terres de la couronne. La loi actuelle des terres, tant critiquée par la gauche, n'a-t-elle pas cela de bon qu'elle oblige l'agent à fournir au colon de bonne foi le lot qu'il désire? Le fait d'accorder au ministre des Terres de la couronne un contrôle encore plus direct sur l'octroi des lots ne pourra qu'avantager le colon de bonne foi, et cela est tout à fait juste.

Il approuve le droit accordé au ministre de ne faire vendre que des lots qu'il juge convenables. Autrement, l'agent était obligé de vendre tout lot demandé. Or il arrive souvent qu'il est plus utile de limiter la colonisation à certains cantons et, dans ces cantons, aux lots les plus convenables, afin de grouper les colons, au lieu de les disperser au hasard des demandes. À l'heure actuelle, certains lots sont réservés à des fins de colonisation tandis que d'autres lots sont mis de côté pour les générations futures. Le colon reçoit un droit de coupe de $500 et demeure propriétaire d'un lot de 100 acres. Connaissez-vous beaucoup de cultivateurs qui en ont plus? Tout colon de bonne foi qui fait une demande doit recevoir un lot.

L'opposition accuse le gouvernement de ne plus vendre de lots quand l'an dernier 2924 lots ont été vendus, soit plus de 200 000 acres. Le nombre de demandes cette année est beaucoup plus élevé. À ce train-là, si on accepte de donner 200 acres au lieu de 100 à chaque colon, il n'y aura plus dans cinq ans de terrains disponibles pour la colonisation. D'ailleurs, 100 acres sont certainement suffisants pour un colon. Il faut absolument limiter les lots à 100 acres. Et, de toute façon, puisque le colon est exempté de payer les droits de coupe évalués approximativement à $500, cela est suffisant. Ces messieurs disent encore que 100 acres à chaque colon, ce n'est pas assez. Au Nouveau-Brunswick, où l'on fait de la colonisation, les concessions sont de 100 acres.

M. Prévost (Terrebonne): Oui, mais quelle a été l'augmentation de la population du Nouveau-Brunswick depuis les 10 dernières années?

M. Kelly (Bonaventure) dit qu'il répondra à cette question plus tard, mais, pour l'instant, il veut prouver à ceux qui sont toujours en train de dénigrer la province de Québec que cette même province, au cours des 10 dernières années, a progressé plus que toute autre. Il fait remarquer qu'il y a deux aspects à considérer dans cette affaire et que le bill qui est actuellement entre les mains d'un gouvernement libéral conscient de ses devoirs répondra aux besoins essentiels.

M. Bourassa (Saint-Hyacinthe): Et le gouvernement Parent?

M. Kelly (Bonaventure): Je ne suis pas ici pour répondre de ce gouvernement. De 1888 à 1904, les ministres des Terres ont toujours eu le droit de désavouer les ventes par l'agent. En 1904, ce droit leur fut enlevé; il est rétabli maintenant. On crie à la cancellation systématique. Sait-on seulement que la cancellation systématique n'existe plus dans notre province? Il est juste qu'un ministre ait le pouvoir discrétionnaire dans l'administration de son ministère. Pour en finir avec le pouvoir discrétionnaire accordé au ministre de la Colonisation, il a toujours existé dans cette province d'Ontario, dont on nous parle tant, et il fut toujours sanctionné.

M. Prévost (Terrebonne) nie que la cancellation systématique des lots ait été abolie.

M. Kelly (Bonaventure) cite d'autres statistiques afin de prouver qu'elle a été abolie l'année dernière. L'apôtre de la colonisation devrait connaître la loi qu'il s'acharne tant à dénoncer. De plus, lorsque le député de Terrebonne était ministre de la Colonisation, il est allé en Nouvelle-Angleterre et en Belgique et il n'a fait venir aucun colon, mis à part la centaine fournie par le baron de l'Épine.

M. Prévost (Terrebonne): Vous ne me faites pas peur et, si vous voulez à tout prix amener ce sujet sur le tapis, je suis prêt à vous faire face.

M. Kelly (Bonaventure): Vous ne me faites pas peur non plus. Nous verrons bien si le député de Terrebonne rira pendant le reste de mon discours.

Puis, il se remet à parler du pouvoir que le ministre possède de désavouer la vente d'un lot.

M. Prévost (Terrebonne) s'oppose à ce que le député de Bonaventure ait accès, à l'extérieur de la Chambre, aux différents documents déposés au cours de la session par le député de L'Islet (l'honorable M. Caron) à la demande des membres de l'opposition.

Il se plaint qu'un dossier dont il a demandé production soit entre les mains du député de Bonaventure avant d'être déposé devant la Chambre.

L'honorable M. Gouin (Portneuf): Tous les députés de l'opposition, le député de Terrebonne inclus, peuvent également avoir accès au dossier s'ils le demandent.

M. Kelly (Bonaventure) propose, appuyé par le représentant d'Yamaska (M. Ouellette), que le débat soit ajourné.

Adopté.

 

Interpellations:

Annulation de permis de coupe de bois

M. Bourassa (Saint-Hyacinthe): 1. Combien de permis (licences) de coupe de bois ont été annulés ou n'ont pas été renouvelés depuis le 1er janvier 1905, par suite de la violation de la loi ou des règlements relatifs à la coupe des bois?

2. Quelles personnes ou compagnies ont ainsi perdu leurs permis?

3. À quelles dates respectives ces annulations ont-elles été faites?

4. Quelle étendue de terrain couvrait chacun de ces permis?

L'honorable M. Caron (L'Islet): 1, 2, 3, 4. Aucun.

Terrain de coupe de bois en exploitation

M. Bourassa (Saint-Hyacinthe): Quelle superficie de terrain sous permis de coupe de bois (licences) est annuellement en exploitation?

L'honorable M. Caron (L'Islet): La superficie du terrain sous permis de coupe de bois sur lequel il se coupe actuellement du bois n'est pas exactement connue, mais la plupart des porteurs de licences de coupe exploitent leurs forêts en tout ou en partie.

Superficie du domaine sous le régime des permis de coupe de bois

M. Bourassa (Saint-Hyacinthe): Quelle superficie totale du domaine de la couronne est actuellement sous le régime des permis de coupe de bois (licences)?

L'honorable M. Caron (L'Islet): Ce renseignement se trouve au rapport du ministre des Terres et Forêts de 1908, à la page 32, appendice no 16.

 

Dépôt de documents:

Cantons de rapatriement

L'honorable M. Roy (Kamouraska) dépose sur le bureau de la Chambre la réponse à une adresse de l'Assemblée législative, en date du 18 mars 1909, demandant la production de copie de tous ordres en conseil, correspondance, cartes et autres documents en rapport avec la création de cantons de rapatriement pour les Canadiens des États-Unis dans les Cantons de l'Est et spécialement dans les cantons de Ditton, Chesham et Emberton. (Document de la session no 144)

Correspondance entre le père Mouttet, M. Christin et
les ministres des Terres et Forêts et de la Colonisation

L'honorable M. Roy (Kamouraska) dépose sur le bureau de la Chambre la réponse à un ordre de la Chambre, en date du 30 avril 1909, pour la production de tous mémoires adressés par le révérend père Mouttet aux ministres des Terres et Forêts et de la Colonisation et des correspondances échangées entre M. T.-A. Christin et le ministre de la Colonisation et aucun de ses officiers depuis le 1er octobre 1906. (Document de la session no 143)

La séance est levée à 6 heures.

 

Troisième séance du 11 mai 1909

Présidence de l'honorable P. Pelletier

La séance est ouverte à 8 heures.

 

Vente et administration des terres publiques et des bois et forêts

La Chambre reprend le débat ajourné aujourd'hui lors de la motion pour deuxième lecture du bill 36 amendant la loi concernant la vente et l'administration des terres publiques et des bois et forêts.

M. Kelly (Bonaventure): Le député de Terrebonne a critiqué une loi qu'il savait bonne et il aurait dû se renseigner avant de parler de la clause concernant le désaveu. Quand le député de Terrebonne a critiqué la loi des terres, il ne connaissait rien de ses principes fondamentaux car il a déclaré que la cancellation systématique des lots existait encore, tandis qu'elle a été abolie l'année dernière. En 1904, le pouvoir discrétionnaire d'annuler les ventes fut supprimé, parce qu'alors existait l'annulation automatique. Aujourd'hui, elle n'existe plus, quoi qu'en dise le député de Terrebonne.

M. Tellier (Joliette) soutient que le député de Bonaventure fausse le sens des paroles du député de Terrebonne, attendu que celui-ci avait voulu dire que la cancellation automatique existait de fait, si elle n'existait pas de droit.

M. Kelly (Bonaventure): J'ai dit cet après-midi que le droit que l'on donne au ministre des Terres d'annihiler les droits du colon qui dans les trois premiers mois laisse voir qu'il est un spéculateur est parfaitement juste.

Il croit que ce pouvoir doit exister pour permettre au ministre d'arrêter la spéculation. Souvent le colon prête serment qu'il veut se servir de son lot que pour faire de la colonisation et avant de prêter ce serment il a vendu son lot à un marchand de bois. C'est pour prévenir ces fraudes que le gouvernement a recours au désaveu. Il prétend qu'il n'est pas raisonnable de supposer que le ministre utilisera son droit de cancellation sans avoir de preuves. De quel droit les membres de l'opposition peuvent-ils présumer une telle chose? Est-il juste de laisser entendre que le ministre pourrait délibérément dépouiller un colon, tel que l'a implicitement insinué le député de Terrebonne? Le ministre n'annulera que sur preuve. Les exemples, d'ailleurs, ne sont pas rares, de prétendus colons qui voulaient frauder le gouvernement. Quant à supposer que le ministre se laisserait influencer par les marchands de bois, pourquoi supposer de suite que la fraude sera du côté du gouvernement?

Le député de Terrebonne parle toujours de l'Ontario comme d'un exemple à suivre. Eh bien, l'Ontario tout comme le Manitoba ont accordé ce pouvoir de contrôle sur les ventes et les cancellations de lots à leurs ministres des Terres de la couronne! Au Manitoba, il se fait de la colonisation. On reçoit des millions de colons et on y trouve la même clause; et, là-bas, elle n'est pas dénigrée. L'honorable député de Terrebonne cite constamment l'Ontario en exemple et nous dit de suivre cet exemple. Mais, lorsque nous faisons ce qu'il suggère et que nous suivons cet exemple, il nous dénonce.

C'est aussi ce que nous trouvons dans les statuts fédéraux. Alors, pourquoi pas dans la province de Québec également? Et de quel droit le député de Terrebonne porte-t-il atteinte à la réputation des ministres de Québec en disant que ce droit de cancellation existe encore ici? Mais c'est un fait, ce droit existe aujourd'hui dans la province de Québec pour les cas où des preuves démontrent qu'il y a eu fraude. Ce droit de contrôle devrait d'ailleurs être réinstallé et cela, pour une raison très urgente. Depuis 1904, où droit fut donné de vendre sans refus sur toute demande, les ventes ont tellement augmenté que, si le système est maintenu, plusieurs comtés n'auront bientôt plus un acre de terre libre.

Il y a deux méthodes de cancellation: celle de désavouer la vente, celle de la révoquer. D'ailleurs, ce droit de révocation existe aujourd'hui dans la présente loi chaque fois que le ministre a preuve de fraude. La seule différence est qu'aujourd'hui on ne fera pas d'affichage, puisqu'il s'agit de spéculateurs enfreignant la loi. Ce pouvoir plus étendu que l'on accorde au ministre dans ce nouveau bill ne pourra que renforcer encore plus la supervision du gouvernement sur les régions de colonisation et mettra un bâton de plus dans les roues du spéculateur. On a protesté contre l'obligation pour le colon de signer un affidavit. Or ceci se fait dans Ontario et dans l'Ouest et est admis partout.

Il répond ensuite à la question posée par le député de Terrebonne à propos du Nouveau-Brunswick en citant des chiffres qui, prétend-il, prouvent que là-bas on considère qu'un lot plus petit correspond mieux aux intérêts du vrai colon. Il fait également allusion à la question de l'immigration et aux possibilités qui existent de diriger adéquatement le flot de colons immigrants à l'intérieur de la province. À son avis, la nouvelle loi aura comme effet d'attirer un plus grand nombre d'immigrants.

M. Lavergne (Montmagny): S'agit-il de tous ces voleurs qui sont en train de peupler l'Ouest? Ne nous parlez pas de voyous de l'Ouest importés par le gouvernement fédéral.

L'honorable M. Weir (Argenteuil): Honte! Honte!

M. Kelly (Bonaventure): Le mot voyou est cher et familier à la bouche des nationalistes et à leurs journaux. Dans cette Chambre, la plus française du pays, vous devriez conserver les traditions de politesse de vos ancêtres français.

Il se porte alors à la défense des gens qui s'en vont vers l'Ouest. Il admet cependant que le colon sera obligé de défricher son lot tout d'un bloc et non par morceaux ici et là sur son lot, mais il prétend qu'un colon qui ne défriche pas tout d'un bloc n'est rien autre chose qu'un spéculateur.

Nous dirons aux colons, à l'avenir, qu'ils devront défricher 15 acres en un seul bloc. Peut-on prendre au sérieux le député de Montmagny qui dit que nous obligeons ainsi le colon? S'il rencontre une montagne au bout de trois arpents, il devra enlever la montagne? Comme si une montagne poussait tout à coup et comme si le colon ne pouvait voir à défricher ailleurs. Et le député de Montmagny discute avec le même sérieux lorsqu'il prétend que nous ne laissons même pas au colon le bois pour se construire et se chauffer.

M. Lavergne (Montmagny): Le gouvernement n'a pas été si débonnaire dans Montmagny.

M. Kelly (Bonaventure): Le député de Montmagny a fait tant d'avances contradictoires sur ce qui se passe dans Montmagny qu'il serait bon d'aller dans ce comté afin de contrôler tout cela.

Le député de Terrebonne a fait erreur lorsqu'il a déclaré que la nouvelle loi empêcherait un fils de s'installer sur un lot voisin de celui de son père. Il n'existe aucune interdiction de ce genre, ni même une disposition ou une intention qui le laisse croire. Une clause oblige de défricher 50 sur 100 acres avant de prendre un autre lot.

On dit que les fils ne pourront alors s'établir près de leurs pères. Rien n'empêche des jeunes gens de prendre aussi des lots, mais la loi défend de prendre des lots pour des enfants. Car le grand principe, c'est: Un colon, un lot.

Il prétend aussi que le père de famille demande souvent des lots pour des enfants encore jeunes, ce qui empêche d'autres jeunes gens prêts à s'établir d'obtenir ces lots.

On critique le fait de donner 100 acres au lieu de 200; or Ontario ne donne dans certains cas que 100 acres, en vertu de la loi des terres gratuites.

M. Prévost (Terrebonne) prétend que dans Ontario on peut avoir 160 acres à la fois.

M. Plante (Beauharnois) parle dans le même sens.

M. Kelly (Bonaventure) affirme que le député de Terrebonne se trompe.

M. Prévost (Terrebonne) veut citer au député de Bonaventure l'article 6 de la loi des terres gratuites d'Ontario.

M. Kelly (Bonaventure) s'y oppose.

M. Prévost (Terrebonne) le rappelle à l'ordre.

M. l'Orateur décide en faveur du député de Terrebonne.

M. Prévost (Terrebonne) cite l'article 6 de la loi des terres gratuites fixant formellement à 200 acres l'étendue de terre qui pourra être accordée à un colon5.

M. Kelly (Bonaventure): Les règlements fixent 100 acres comme limite. Voilà la loi dont on peut voir le bien-fondé. Passons maintenant au système de colonisation du député de Terrebonne.

Il veut citer le Star afin de prouver que le député de Terrebonne a réclamé, l'autre jour, la séparation des terres de colonisation et des terres forestières.

M. Prévost (Terrebonne) cite Bourinot afin de prouver qu'on ne peut citer un journal en Chambre avant de l'avoir déposé sur la table6. Il nie d'ailleurs avoir jamais dit cela.

M. Kelly (Bonaventure): Depuis le commencement de cette session, l'honorable député de Terrebonne nous a parlé de la colonisation, des défauts du système actuel et des moyens à prendre pour y remédier. Lors de son discours sur la motion actuellement devant la Chambre, il a résumé durant cinq heures de temps tout ce qu'il avait déjà dit depuis le commencement de la session. Son discours peut se résumer en deux parties:

1. Critique sévère du gouvernement en ce qui concerne la colonisation.

2. Les moyens à prendre pour faire de la colonisation intensive dans notre province.

Procédons à examiner les moyens qu'il suggère pour remédier au prétendu mal qui existe maintenant et revenons ensuite à ses critiques. Il nous dit qu'on devrait faire de la colonisation intensive de la manière suivante:

A. Séparer les terres colonisables des terres pour l'exploitation du bois;

B. Donner des bonus aux colons en cas de besoin;

C. Nommer des guides pour les conduire sur leurs lots;

D. Bâtir des maisons de refuge pour les colons;

E. Leur aider dans leur défrichement et leur prêter de l'argent pour se loger.

C'est là le système que propose l'ex-ministre de la Colonisation. Il est bon de remarquer en passant que cette idée n'est point nouvelle. Elle n'a pas germé dans le cerveau de l'honorable député de Terrebonne. Le système qu'il propose a déjà été essayé dans la province de Québec et, avant d'accepter cette proposition, il est bon d'examiner le même système avec le fruit de l'expérience.

En 1875, il s'est produit un grand mouvement de rapatriement aux États-Unis et le temps était propice pour faire du vrai rapatriement. Des Canadiens français furent rapatriés et établis dans une espèce d'éden. Pour encourager ce mouvement, le gouvernement, en 1875, passa l'acte 38 Victoria, chapitre 3, intitulé: "Acte pour encourager les Canadiens des États-Unis, les immigrants européens et les habitants de la province à se fixer sur les terres incultes de la couronne".

Par cette législation, on a créé un fonds de colonisation pour subvenir aux besoins de cette oeuvre. On décréta que le ministre de l'Agriculture et des Travaux publics pourrait faire ébaucher dans certains cantons un certain nombre de lots à être offerts aux Canadiens des États-Unis et aux immigrants européens, et aux habitants de cette province. Cette ébauche devait consister en un défrichement de quatre acres prêts à être ensemencés et une maison de 16 x 20, le coût de ces travaux ne devant pas excéder $200. Le lot devait être payé en la manière ordinaire de cinq versements et le colon devait retourner l'argent au gouvernement, c'est-à-dire le coût des défrichements, en 10 ans; c'est-à-dire, il devait commencer à rembourser les $200 en cinq versements qui devaient commencer à courir après que le colon était installé pendant cinq années. Pour avoir droit à un de ces lots, le colon devait être âgé d'au moins 18 ans et ne point posséder d'autres terrains dans la province. Au bout de cinq ans, le colon avait droit à sa patente. On avait aussi le droit de bâtir des maisons de refuge pour recevoir les autres colons.

Voyons maintenant comment on procéda. L'honorable M. Garneau, qui était alors ministre, nous dit, dans son rapport de 1875, que leur premier soin après l'adoption de la loi a été de faire le choix de l'emplacement de la colonie projetée. Il était important de la fixer dans un endroit aussi rapproché que possible de la frontière américaine et facilement accessible au chemin de fer. Les cantons Ditton, Chesham et Emberton, situés dans le florissant comté de Compton, se recommandaient sous tous les rapports au choix du gouvernement et ils furent de suite mis en réserve pour notre colonie. Le sol de ces trois cantons, quoique très accidenté, est partout de qualité supérieure. Les résineux se rencontrent en proportion suffisante pour rendre le défrichement comparativement facile.

Un monsieur Ferdinand Gagnon et monsieur J.-A. Chycoine furent nommés pour prendre charge de ce mouvement. Dans le mois de juin on fit une grande démonstration, et de beaux discours de la Saint-Jean-Baptiste furent prononcés à Montréal, où se rendirent au-delà de 10 000 personnes venues des États-Unis et du Canada pour recevoir la bonne nouvelle de cette loi. Pendant un temps, les rapports furent magnifiques. La forêt s'éloignait; le sol était défriché; le blé poussait. Monsieur Gagnon alla aux États-Unis pour choisir les colons, ce qu'il fit avec beaucoup de soin et de précaution afin de concéder ces lots seulement à des colons de bonne foi.

Il nous dit dans son rapport de 1875: "J'ai choisi autant que possible des sujets sobres, honnêtes, laborieux, économes et possédant déjà un certain capital." C'était là des colons assurément de bonne foi et non pas des spéculateurs. Dans ce même rapport il nous dit qu'on a établi dans une seule année 370 colons dont il donne les noms, occupations, résidences, âge, etc., dans sondit rapport. Le rapport du département, l'année subséquente, fait par l'honorable M. de Boucherville nous informe que la colonie allait toujours en augmentant et qu'il y avait alors, d'après le recensement qu'on faisait chaque année, 409 ménages, 1870 âmes, 521 bâtiments et 3095 acres en "défriches". Avant qu'on eût passé cette loi, beaucoup de gens ne croyaient pas au succès d'un tel mouvement et, en 1876, le même rapport nous informe que: "Ce qui naguère était considéré comme une utopie est devenu une réalité; le retour des émigrés canadiens à leur pays natal a pris une extension considérable depuis la mise en application de l'acte de rapatriement." L'année suivante on est informé que la colonie va toujours en grandissant et, dans son rapport, monsieur Gagnon chante victoire et déclare qu'on a enfin prouvé que les Canadiens qui revenaient des États-Unis faisaient de bons colons. Néanmoins, M. de Boucherville, un peu plus tard, revenant un peu sur son optimisme premier, déclarait les Canadiens des États-Unis des colons assez revêches.

Voilà ce qui se passa et c'est là le système que nous propose le député de Terrebonne. Il avait là ses bonus, ses guides, ses emprunts d'argent, ses défrichements, ses maisons de refuge, etc. On pourrait remarquer en passant que cette entreprise dans ces trois cantons coûte à la province une bagatelle de $60 320.

Laissons passer quelques années et ouvrons les rapports de 1879, alors que l'honorable Joly était ministre. On commence à s'apercevoir que ce système de colonisation intensive coûtait cher à la province et, dans son rapport de 1879, M. Joly, inquiet de la façon dont tournaient les choses, nous informe que c'est le temps de mettre fin à ce système et il nous dit: "Une raison non moins forte de mettre fin à ce système, c'est que nous n'avons aucun intérêt à attirer ici des gens assez dépourvus de ressources pour ne pouvoir faire eux-mêmes les déboursés nécessaires pour nourriture et transport à leur arrivée et ils ne feraient jamais rien de bon, en dépit des avantages dont ils avaient été comblés, car cet essai coûta $60 000 au gouvernement. Des immigrants de cette catégorie ne peuvent être pour le pays où ils se fixent qu'une source d'embarras et un fardeau inutile. Ils sont incapables de se faire colons, étant sans ressources, et ils ne servent qu'à augmenter dans nos villes et dans nos campagnes le nombre de gens sans emploi et sans moyens d'existence. Le moins il nous en viendra de cette classe, le mieux ce sera pour notre population."

L'opinion de M. Joly était que des gens qui n'avaient pu amasser deux sous aux États-Unis n'allaient pas mieux faire ici. Pourtant, on leur avait bâti des maisons, on leur avait prêté de l'argent, enfin, on en avait agi avec eux d'après tous les principes chers au député de Terrebonne. Je crois que l'opinion ainsi conçue dans ledit rapport est pratique, et on devrait l'appliquer autant que possible aujourd'hui. Mais retournons à notre colonie. Nous sommes maintenant en 1880, c'est-à-dire cinq années depuis sa fondation avec l'argent de la province. Voilà, après cinq années, on découvre que quelques-uns de ces colons choisis avec tant de soin sont des colons "peu désirables", en autres mots, des colons de mauvaise foi. C'est le révérend père V. Chartier qui nous donne cette information dans le rapport qu'il fit au département.

Et, après des tracasseries sans nombre, les colons disparurent peu à peu, s'en allèrent aux États-Unis, emportant les $60 000 que le gouvernement leur avait prêtés. Et cette colonie, annoncée avec tant de fracas, qu'on avait été jusqu'à nommer La Patrie sombra misérablement. Les cinq années sont donc passées, et il était temps pour la province de se faire rembourser l'argent dépensé pour cette colonisation intensive et qui était payable ou remboursable au bout de cinq années.

En 1882, voyant qu'on voulait les faire rembourser, le conseil municipal de Ditton se rassembla et envoya au lieutenant-gouverneur Robitaille une requête demandant remise de cet argent et déclarant que beaucoup de ces colons avaient abandonné leurs terres et qu'ils étaient retournés aux États-Unis. Il fut impossible d'avoir d'argent et, trois ans plus tard, il fut constaté d'une façon irréfutable que, sur 300 occupants de lots qu'on trouvait au début de la colonie, il n'en restait que 83.

M. Lavergne (Montmagny): L'honorable député sait-il combien il y a de colons sur ces lots aujourd'hui?

M. Kelly (Bonaventure): Je sais combien il y en a et je sais aussi que les maisonnettes construites avec nos $60 000 étaient toutes en ruines dès 1883. Deux ans plus tard, en 1885, juste 10 ans après la fondation de cette colonie au prix de $60 000, un comité spécial fut formé, composé des trois cantons de Chesham, Emberton et Ditton, et voici les résolutions passées. À une assemblée des comités de Ditton, Chesham et Emberton, etc., il est résolu à l'unanimité: Que ce comité désire rappeler au souvenir du gouvernement que, lorsqu'il a accordé l'octroi aux colons des cantons de Ditton, Chesham et Emberton, les colons étaient au nombre de 306 occupants de lots et maintenant le nombre résidant sur les lots n'est que de 83, d'où il résulte que 225 ont été abandonnés, pour la plupart par motifs de spéculation et par manque de ressources pécuniaires et autres. Que ce comité, tout en reconnaissant que cet acte 38 Victoria, chapitre 3, a été d'une nature très propre à encourager la colonisation rapide de nos cantons et que les officiers nommés pour mettre cet acte en exécution ont fait leur devoir avec patriotisme et énergie, ce comité vous expose le mauvais côté du présent acte; en premier lieu, plus que la moitié des prétendus colons n'étaient que des spéculateurs qui, après avoir englobé l'octroi du gouvernement, ont quitté leurs terres, que la plupart de ces terres ainsi abandonnées sont aujourd'hui pires que la forêt vierge, que les maisons qui, d'abord, dans la plupart des cas, ne valaient pas le prix donné, sont aujourd'hui en ruines, les châssis, portes, planchers étant disparus dans bien des cas.

Si l'on examine le rapport d'inspection fait par un officier du gouvernement dans le même temps, on verra que tout ce qui est relaté dans ladite résolution est vrai et qu'un grand nombre de ces terres, maisons et granges ainsi abandonnées ont été vendues pour taxes. C'est là, Monsieur l'Orateur, le résultat de la colonisation intensive tel que le désire le député de Terrebonne. Il voudrait que le gouvernement de cette province s'aventure dans un pas que l'expérience du passé a démontré comme étant de nul profit pour cette province. Il voudrait qu'on prenne l'argent de cette province pour le dépenser ainsi à faire de cette colonisation intensive, quand nous n'en avons même pas assez pour aider à faire des chemins pour les nôtres et les aider à faire instruire leurs enfants. L'autre soir, le député de Terrebonne nous a dit que, lorsqu'il était ministre, il avait attendu de recevoir les subsides fédéraux avant d'entreprendre son grand programme de colonisation, mais qu'il avait cessé d'être ministre avant que l'argent soit versé. Le député de Terrebonne avait raison de dire qu'il avait besoin de $60 000 pour ces trois cantons seulement; alors, on peut se figurer comment cela coûterait aujourd'hui quand, dans notre province, nous avons des centaines de cantons et de villages où il se fait de la colonisation. Ce système mènerait la province à la banqueroute. Mieux vaut d'ailleurs garder notre argent pour aider aux fils de la province.

De cet essai de colonisation intensive dans ces trois cantons que faut-il conclure? Pour moi, nous pouvons retirer trois leçons profitables. 1. C'est que dans notre province de la colonisation intensive n'est point pratique. Dans la colonisation comme dans toute autre chose, pour réussir, il faut que l'initiative privée de chacun prédomine et que chaque personne qui désire faire de la colonisation ne compte que sur ses propres moyens. Et, quand on essaye de remplacer l'initiative privée par l'initiative publique, on ne peut réussir. En ce qui concerne l'État, ce dernier, en matière de colonisation, devrait s'en tenir à faire des travaux permanents et d'une nature publique et qui resteront, malgré que les colons puissent partir et être remplacés par d'autres, mais ces dépenses d'argent pour aider aux individus en particulier, n'étant pas d'une nature publique, ne bénéficient qu'à eux seuls et, quand ils partiront pour d'autres pays, l'argent qu'on leur aura donné se trouvera perdu.

La deuxième leçon pratique est celle-ci: Il est absolument impossible pour un gouvernement quelconque de distinguer entre le colon de bonne foi et le colon de mauvaise foi. Dans le cas des trois cantons que je viens de citer on avait pris toutes les précautions possibles et imaginables pour éviter que ces lots soient accordés à de faux colons. Pendant les quatre ou cinq premières années, c'étaient tous des colons de bonne foi. Ce ne fut qu'après un long intervalle qu'on a découvert que ce n'étaient pas de vrais colons comme on en avait dans l'ancien temps, mais que plusieurs d'entre eux, sinon la majorité, étaient des spéculateurs. Alors, Monsieur l'Orateur, comment l'opposition peut-elle demander que le gouvernement d'aujourd'hui distingue un colon de bonne foi d'un colon de mauvaise foi? Ce n'est qu'après avoir vu les travaux que nous pouvons savoir quelles étaient leurs intentions. Que nos adversaires de l'autre côté de cette Chambre réfléchissent quelque peu sur l'expérience du passé et ils verront qu'ils ont grand tort de critiquer le gouvernement actuel parce que dans chaque cas on ne réussit pas toujours à distinguer le colon de bonne foi du colon de mauvaise foi.

Et, troisième leçon, s'il m'était permis de le dire, c'est une bonne chose pour cette province que l'honorable député de Terrebonne ne soit pas en position de mettre à exécution ses projets.

Lorsque le député de Terrebonne parlait, l'autre soir, de la terre libre au colon libre, je lui ai demandé: Mais comment ferez-vous pour mettre cette théorie en exécution? Et il nous a donné la réponse suivante: Je retirerai les réserves immédiatement des limites et je donnerai le bois au colon. C'était là la seule réponse qu'il a donnée durant tout son discours. Je ne répondrai pas à l'instant à cette première proposition, mais j'y reviendrai. Je dois dire cependant qu'il est impossible d'apprécier à son juste mérite une théorie qui n'est pas complète. Cependant, prenons-là telle que nous la trouvons. L'honorable député ne dit pas comment il réglementera les autres cas, c'est-à-dire le cas des lots qui ne sont pas dans les réserves. Il doit savoir qu'il se fait de la colonisation dans bien des endroits de la province et où il n'y a pas de réserves. Est-ce que ce serait l'intention de l'honorable député de fermer la porte à la colonisation dans ces autres régions? Ou bien est-ce qu'il ferait une différence entre ceux qui n'ont pas l'avantage d'être situés près des réserves avec ceux qui auront cet avantage? Ce sont là autant de points sur lesquels on aurait besoin de lumière avant de pouvoir accepter ou d'apprécier cette deuxième suggestion de l'honorable député. Il serait intéressant de savoir comment il entend disposer de ces différentes objections.

Le nouveau billet de location empêchera le faux colon de s'emparer des terres, d'obtenir les lettres patentes et de pouvoir ainsi couper le bois sans payer les droits de coupe. Ces jours derniers, le département des Terres, dans le but d'empêcher la spéculation sur les lots pris pour des fins de colonisation, a fait préparer un nouveau billet de location qui fut envoyé aux agents des terres. Ce nouveau billet de location exige 15 acres de défrichement avant de pouvoir obtenir la patente, et trois devraient être sous la charrue; résidence après 18 mois de l'émission du billet de location et au bout des 18 mois le colon devrait avoir sur son lot une bâtisse de 16 x 20. La patente ne pourra être émanée qu'au bout de cinq années.

Je soutiens que la clause qui oblige le colon à cinq ans de travaux sur son lot avant de recevoir sa patente est une atteinte mortelle aux spéculateurs. Avec ce nouveau billet de location en main, billet qui a été préparé pour protéger le colon de bonne foi et pour chasser le spéculateur, le député de Terrebonne nous a fait une scène, l'autre jour, comme on n'en avait jamais vu en cette Chambre et comme on n'en verra peut-être jamais. En tenant ce billet en l'air, il s'est écrié: "Monsieur l'Orateur, c'est un papier maudit." Ensuite il nous a déclaré que le résultat de ce nouveau billet de location sera que nos colons qui ne sont pas en position de remplir ces conditions de défrichement de 15 acres vont nous laisser pour prendre des terres dans l'Ontario, où les conditions d'établissement sont plus faciles et où on donne des avantages sans nombre au colon. L'ex-ministre commet une faute très grave en essayant d'induire la population de cette province en erreur, car le nouveau billet de location procure de nombreux avantages au colon de notre province; avantages qui ne sont pas offerts en Ontario.

Voyons si notre ami est sérieux. Quelle est la loi d'Ontario? Dans Ontario, il y a trois actes à propos de la colonisation. Il y a: "The Public Lands Act", "The Free Grants & Homestead Act" et "The Rainy River Act". Ces deux derniers sont analogues, mais s'appliquent à des parties du pays différentes. Sous le "Public Lands Act", le colon paye 50 centins l'acre pour sa terre, la moitié comptant et la balance dans deux versements. Le colon doit, dans les six mois, prendre possession de son lot et bâtir un logement de 16 x 20; il doit défricher 10 pour cent de son lot et le mettre en culture, et y résider quatre ans avant de pouvoir obtenir sa patente. "The Free Grants & Homestead Act", et c'est celle-ci qui s'applique à cette partie de l'Ontario où, notre ami prétend, sera le lieu de refuge de nos compatriotes qui vont nous laisser à cause de notre nouveau billet de location, le colon devra défricher et mettre en culture 15 acres, et il faut qu'il fasse deux acres par année et les mette en culture pendant cinq ans et, au bout des cinq ans, il a droit à sa patente. Le pin, qui est le bois principal dans l'Ontario, est réservé à l'État, même après l'émanation des lettres patentes. Si le colon coupe du pin dans son défrichement, il peut le vendre, mais dans ce cas il paye les droits de coupe au gouvernement.

Les conditions de la loi d'Ontario se trouvent donc bien plus onéreuses pour le colon que la loi de notre province, à bien des points de vue. Dans notre province le colon devra défricher 15 acres, dont trois seront en culture ou labourables, tandis que dans l'Ontario il devra avoir les 15 acres en culture. Dans notre province le colon est maître absolu de son bois après l'émanation des lettres patentes, tandis que dans l'Ontario la couronne reste propriétaire du pin, même après que le colon a obtenu sa patente. Dans notre province le colon ne paye pas de droits de coupe pour le bois fait dans son défrichement et qu'il pourrait vendre. Dans l'Ontario il paye le droit de coupe sur le pin, donc, la situation est meilleure ici que là-bas. Dans notre province le colon a 18 mois pour se bâtir, tandis que dans l'Ontario il est obligé de le faire dans les six mois.

Documents en main, il critique les remarques faites il y a quelques jours par le député de Terrebonne à propos du ministère des Terres de la couronne et selon lesquelles les colons n'avaient pas de bois sur les lots qui leur étaient vendus. Et c'est avec ces avantages qui nous avons dans notre province que le député de Terrebonne prétend que nos colons vont nous laisser pour prendre des terres dans une autre province où les conditions d'établissement sont bien plus onéreuses. Je suis convaincu, Monsieur l'Orateur, que notre ami a maudit ce nouveau billet de location sans savoir ce qu'il maudissait. Mais ce cri de l'honorable député de Terrebonne n'est pas le cri qui viendra des colons de bonne foi de notre province, mais ce cri de "maudit" qu'a échappé le député de Terrebonne est l'écho en cette Chambre des cris de rage que lanceront les spéculateurs de notre province, de ceux qui ne veulent des lots que pour la spéculation.

Il est surpris de voir le député de Terrebonne, qui a été trompé par le député de Saint-Hyacinthe (M. Bourassa) à Saint-Jérôme, prendre place maintenant à ses côtés et attaquer le premier ministre, l'homme le plus dévoué aux intérêts de la province.

Le député de Terrebonne, depuis deux mois, ne fait que critiquer le département des Terres et de la Colonisation. Ce n'est pas une réponse de dire qu'il n'a pas fait mieux quand il y était lui-même, mais tout le monde le sait, et c'est le député de Saint-Hyacinthe et les nationalistes qui l'ont souvent répété, que jamais un département de la couronne n'a été autant négligé que celui de la Colonisation, quand il présidait à ce département. Les colons et ceux qui demandaient des permis d'exploitation des mines en savent quelque chose.

Mais que signifient ces accusations? Il prétend que, quant il était ministre, il ne pouvait rien obtenir du département des Terres et qu'il souffrait beaucoup de ce fait. Mais le député de Terrebonne a pris trois ans pour découvrir cela. Ce n'est que depuis qu'il est dans l'opposition qu'il a découvert qu'il souffrait tant quand il était ministre de la Colonisation. Si nous consultons les documents publics de cette province, au bas desquels il a signé son nom quand il était ministre, on trouvera que les choses n'allaient pas si mal que voudra le faire croire le député de Terrebonne d'aujourd'hui. En effet, voyons. Dans le rapport qu'il a fait au lieutenant-gouverneur de cette province le 30 juin 1906, il nous informe comme suit (il parlait des résultats du congrès de Saint-Jérôme): "Les congressistes ont formulé leurs voeux dans des résolutions catégoriques; toutes ces résolutions ont été discutées tant en comité qu'en assemblée plénière; et pas une d'elles ne fait allusion à la question qui semblait s'éterniser, des difficultés entre le colon et le marchand de bois. J'ai conclu tout naturellement que le mal a été exagéré et que, grâce à l'action réfléchie du ministre des Terres et Forêts, dirigé par mon collègue l'honorable Adélard Turgeon, qui sait mettre à profit son stage comme ministre de la Colonisation et des Mines et sa longue expérience politique, ces ennuis avec le ministère des Terres sont plus facilement évités." Les plaintes le sont également aujourd'hui. Autres temps, autres moeurs, et le député de Terrebonne chante maintenant la même chanson que chantent ceux qui l'ont conduit où il est.

M. Lavergne (Montmagny): Et c'est vous autres qui dansez.

M. Kelly (Bonaventure): Comme l'honorable député a changé d'opinion depuis quelques semaines! Quelle opinion vaut mieux, celle d'autrefois ou celle d'aujourd'hui? Avec connaissance de cause, il dit que celle d'autrefois est la vraie. Si les choses allaient si mal qu'il le prétend, quand il était ministre, pourquoi a-t-il essayé de tromper les colons et le pays en disant et en publiant partout que les colons étaient bien traités par le gouvernement? Depuis le commencement de la session, le député de Terrebonne et ses amis nous ont accusés à maintes reprises de n'avoir rien fait pour la colonisation. Je dois dire ceci: Il n'y a probablement personne dans cette Chambre qui connaît mieux la province de Québec au point de vue de la colonisation que le député de Terrebonne, mais aussi, d'un autre côté, personne dans cette Chambre ne sait mieux cacher la vérité sur la colonisation qui se fait dans la province. Lorsqu'il a été nommé ministre de la Colonisation, il a commencé par visiter toute la province. Il a parcouru le pays de Gaspé au Témiscamingue et, comme matière de faits, c'est à peu près tout ce qu'il a fait durant son séjour au département de la Colonisation. Le député de Terrebonne, friand d'aventures, a parcouru la province, il a parlé aux populations de la colonisation intensive. Il leur a parlé de sa famille, il leur a surtout parlé de son grand congrès de Saint-Jérôme.

M. Prévost (Terrebonne) soulève un point d'ordre. Après quatre heures de discours hors de la question, dit-il, il est peut-être temps de protester.

L'honorable M. Gouin (Portneuf) lui demande de ne pas interrompre l'orateur.

M. Prévost (Terrebonne) ajoute qu'il n'a aucune objection à ce que le député de Bonaventure réponde au discours qu'il (M. Prévost) a fait la semaine dernière sur la colonisation, même si cela n'est pas directement relié à la loi des terres que l'on étudie présentement, mais il n'a pas l'intention d'être privé de son droit de réponse. Cependant, comme il (M. Prévost) a déjà parlé sur les terres de la couronne, il n'a pas le droit de répondre, car ce n'est pas sa propre motion. Cela ne s'applique toutefois pas au débat de la colonisation qu'il a lui-même soulevé; de là son objection à ce que le député de Bonaventure traite des deux sujets en un seul discours.

Il lui demande de parler un peu plus de colonisation et un peu moins du député de Terrebonne.

M. Lavergne (Montmagny)et M. Tellier (Joliette) soutiennent le point d'ordre du député de Terrebonne.

L'honorable M. Gouin (Portneuf): Jamais du côté droit on n'a interrompu la gauche en prétendant que les députés de ce côté de la Chambre s'éloignaient de la question traitée. Liberté absolue leur fut laissée. Est-ce que les arguments donnés piquent trop les intéressés? Au reste, le député de Terrebonne et les autres auront le droit de répondre autant qu'ils le voudront quand ce ne serait que pour tranquilliser la conscience de certains journalistes qui paraissent croire que le gouvernement a peur du député de Terrebonne et n'est pas en état de répondre au député de Terrebonne. Le débat est intéressant.

M. Prévost (Terrebonne): Très bien. Dans ce cas, le député peut parler aussi longtemps qu'il le voudra.

M. Kelly (Bonaventure): Le député de Terrebonne n'est pas sérieux: soit qu'il trompait la population quand il faisait partie du gouvernement, ou soit qu'il est présentement à la tromper. C'est à la population de décider à quel moment il lui a dit la vérité. Aujourd'hui, le député de Terrebonne prétend qu'il ne se fait pas de colonisation; or il disait le contraire quand il était ministre. Devant le gouverneur général, le député de Terrebonne alors ministre louait l'avancement de la colonisation dans Québec.

Après avoir bien examiné les centres de colonisation, il est arrivé à Québec et voici ce qu'il nous dit sur le résultat de ses voyages. À la page 6 de son rapport de 1906, il nous fait connaître le système de colonisation tel que mis en vigueur dans la province et nous trouvons les mots suivants: "C'est donc principalement vers ce système que mes efforts ont porté et nous aurons créé sur les deux rives du Saint-Laurent un bon nombre de petites colonies que nous nous efforçons de peupler et que la province, j'en suis persuadé, protégera avec le zèle que devra lui inspirer la belle cause de notre expansion nationale."

Quelques jours après l'ouverture de la session de 1907, l'honorable chef de l'opposition (M. LeBlanc), voyant cette déclaration que je viens de citer, demanda à l'honorable ministre (M. Prévost) de donner les noms desdites colonies et la date de leur fondation. Vous allez peut-être croire, M. l'Orateur, que l'honorable ministre n'a pu répondre, surtout en vue des déclarations qu'il nous a faites récemment, qu'il n'y a pas de colonisation dans la province. Mais pas du tout. Le lendemain, l'honorable ministre de la Colonisation a produit une liste, tel que demandé par l'honorable chef de l'opposition, que voici:

Par l'honorable M. LeBlanc. À la page VI du rapport général du ministre de la Colonisation, des Mines et des Pêcheries pour l'année finissant le 30 juin 1906, on lit ce qui suit: "Nous avons créé sur les deux rives du Saint-Laurent un bon nombre de petites colonies que nous nous efforçons de peupler."

1. Quel est le nombre de ces petites colonies?

2. À quel endroit, canton ou comté se trouvent-elles établies?

3. Quel est leur nom respectif?

4. Quelle est la date de leur fondation respective?

Réponse par l'honorable M. Prévost:

Au sud du Saint-Laurent. Dans le comté de Bonaventure: 1. Colonie Ouvrard, sur réserve du chemin Mercier, dans les cantons Cox et Hope, ouverte en 1904.

2. Colonie Saint-Thomas d'Aquin, sur la réserve du chemin Mercier, en arrière de Bonaventure, dans les cantons Cox et Hamilton, ouverte en 1905.

3. Colonie de l'Alverne, dans le canton Mann, ouverte vers 1900.

4. Colonie de Saint-André de Ristigouche, dans le canton Ristigouche, ouverte en 1898.

5. Saint-Léandre, dans le comté de Matane, canton Matane, ouverte en 1898.

6. Colonie du Lac du Portage, dans le canton Matane, ouverte en 1904.

7. Saint-Léon le Grand, dans les cantons Amqui et Pinault, ouverte vers 1904.

8. Colonie du lac Amqui, dans les cantons Pinault et Jetté, ouverte vers 1904.

9. Colonie de Saint-Agricole, dans les cantons Nemtayé et Awantjish, ouverte vers1899.

10. Colonie Awantjish, au sud-ouest de Sayabec, ouverte vers 1899

11. Colonie du lac Pite, dans le canton Lepage, ouverte vers 1900.

Dans le comté de Témiscouata: 12. Colonie des lacs Squattecks, canton Robitaille, où un chemin convenable se rend depuis 1904.

13. Colonie du canton Robinson, ouverte en 1904.

14. Colonie Saint-Benoît, dans les cantons Robinson et Packington.

Au nord du Saint-Laurent. Le lac Saint-Jean: Réserve du canton Dalmas, parties centre et est, ouverte en 1904.

16. Colonie du canton Girard, ouverte en 1902.

17. Colonie du canton Masson, comté de Maskinongé, ouverte en 1904.

18. Colonie du canton Gouin, comté de Joliette, ouverte en 1905.

19. Réserve du chemin Gouin, comté d'Ottawa, cantons Boyer, Rochon et Moreau.

20. Saint-François Régis, au lac des Écorces, canton Campbell, ouverture vers 1898.

21. Colonie de Saint-Aimé du Lac des Îles, canton Bouthillier, ouverture vers 1901.

22. Saint-Isidore, comté de Pontiac, cantons Baby et Laverlochère, ouverture vers 1900.

23. Saint-Benoît, canton Laverlochère, ouverte vers 1902.

24. Saint-Placide, canton Guigues, ouverte vers 1904.

Le député de Terrebonne trompe-t-il le peuple aujourd'hui, ou le trompait-il en 1907? Comment se fait-il qu'en 1906, en 1907, il y avait tant de colonisation dans la province et que l'honorable député n'en voit pas aujourd'hui? On peut différer d'opinion sur des questions de principe mais, quand il s'agit d'établir des faits, il ne peut y avoir de contradiction. Je n'hésite pas de dire que la déclaration faite par l'honorable ministre en 1907 était vraie et qu'il se fait beaucoup de colonisation expansive dans notre province, et nul ne le sait mieux que le député de Terrebonne. Le 2 septembre 1907 et le 24 du même mois, quelques jours seulement avant sa résignation comme ministre, il a déclaré dans deux grandes assemblées politiques qu'il ne s'est jamais fait plus de colonisation dans la province qu'il s'en fait aujourd'hui. On accuse encore la province de ne pas progresser. Or voici un journal de la Nouvelle-Écosse qui vante le progrès de Québec et son expansion. Pourtant, on avait alors la loi de colonisation, si attaquée aujourd'hui.

Qu'est-ce que la terre libre au colon libre? On répond: Mettre le colon chez lui et laisser le marchand de bois chez lui. Le député de Terrebonne n'a pas dit la vérité à la Chambre quand il a déclaré qu'il avait toujours été pour la terre libre au colon libre. Depuis trois semaines, le député de Terrebonne ne fait que chanter la chanson de la terre libre au colon libre. Durant tout le temps qu'il était ministre, il a toujours prêché contre cette doctrine qu'il ne comprend pas lui-même, ni ses amis de l'opposition. Lui et les partisans de la terre libre voudraient qu'on enlevât aux marchands de bois, aux banquiers, des droits acquis. Si un mauvais marché a été fait autrefois, nous devons en subir les suites, et non pas violer les contrats pour établir, en somme, un système qui n'est en force dans aucune autre province du dominion. Avec les conditions tel que nous les avons dans notre province, il est absolument impossible de mettre en pratique cette théorie parce que nous avons à protéger les droits du colon et les droits acquis des marchands de bois. Le député de Terrebonne comprend très bien ce que veut dire les droits acquis d'un marchand de bois et, en 1906-1907, lorsque son ami de coeur d'aujourd'hui, le député de Saint-Hyacinthe (M. Bourassa), parcourait la province avec son ami le député de Montmagny (M. Lavergne), chantant la même chanson, le député de Terrebonne les suivait de bien près pour expliquer à cette province que leurs idées sur la terre libre au colon libre n'étaient ni pratiques ni acceptables.

Je pourrais répondre au député de Terrebonne aujourd'hui avec les mêmes arguments dont il se servait dans ce temps-là, mais citons textuellement ses propres paroles. "M. Bourassa, toujours imbu de théories, s'imagine que c'est la chose la plus simple du monde de couper la province par tranches, comme un melon, et d'en donner un quartier au marchand de bois et un quartier aux colons."

Dans le même discours, à Saint-Jérôme, quand le député de Terrebonne rencontra le député actuel de Saint-Hyacinthe, il (M. Prévost) soutint contre lui les droits acquis:

"Mais les marchands de bois ont un droit acquis en vertu de l'article 1334 de la loi des terres et forêts. Ils ont payé le bonus variant de $100 à $200 le mille carré lors des enchères. Ils paient annuellement $3 du mille carré pour affermage. Surtout, et je me fais l'écho de tous les apôtres de la colonisation, ils fournissent aux colons pendant l'hiver le moyen de vivre et de faire face aux débuts pénibles du défrichement en les employant comme hommes de chantiers et en achetant leurs provisions et leur fourrage à des prix rémunérateurs.

"Voulez-vous donc, M. Bourassa, qu'on dise à ces gens: Allez-vous-en plus loin, transportez vos machines, laissez là les fermes que vous avez ouvertes, le bois que vous avez le droit de couper et que vous avez protégé contre le feu? La province vous chasse...

"Mais le colon a aussi des droits acquis. Il a fait son défrichement, il a contribué à la confection des chemins. Il a bâti sa maison de bois rond, il a construit des bâtiments. Allez-vous-en, leur dirait M. Bourassa, à l'avenir cette région-là est réservée aux marchands de bois.

"Utopie. Politique de rêve, enfourchant une chimère qui, elle, ne marche pas sur les flots.

"Avec le système de classification de M. Bourassa, il faudrait, par une mesure draconienne, évincer le marchand de bois ou le colon, car partout, sur la rive nord, sur la rive sud du Saint-Laurent, où les communications sont relativement faciles, on y rencontre le colon et le marchand de bois.

"Non, il faut respecter le droit acquis de l'un et de l'autre. Le gouvernement a créé un système qui, peu à peu, résoudra ce problème dont on n'avait jamais pu trouver la solution avant lui et il a créé les réserves forestières et les réserves de colonisation."

Comme on le voit, le député de Terrebonne raisonnait comme un homme d'État dans ce temps-là, et ces paroles que je viens de citer indiquent clairement la vraie situation, et, lorsqu'il prône aujourd'hui les mêmes théories que le député de Saint-Hyacinthe, il prêche une doctrine fausse et dangereuse simplement dans le but de se faire de la popularité sans penser à l'avenir du peuple de cette province. En 1906-1907, le député actuel de Saint-Hyacinthe réclamait pour le colon tout le bois qu'il y aurait sur son lot pour le faire vivre. C'est la politique qu'il préconise aujourd'hui. Si nous acceptons cette théorie, je déclare qu'on exposera cette province à des abus regrettables et qu'on empêchera par là la vraie colonisation, parce que bien des gens essaieraient à avoir des lots non pas pour faire de la colonisation, mais simplement dans le but de spéculer sur les terrains publics et de s'exempter de payer les droits de coupe au gouvernement. C'est ainsi, aussi, que l'honorable député de Terrebonne comprenait cette théorie en 1906 et 1907, et cette même politique du député de Saint-Hyacinthe a été condamnée à maintes reprises par le député de Terrebonne surtout lors de son grand discours à Saint-Jérôme, en 1907, dont voici ses vraies paroles:

"Mais M. Bourassa réclame tout le bois du lot pour le colon, pour le faire vivre dans la période de son défrichement.

"Donner les bois au colon avant qu'il ait prouvé sa bonne foi, avant qu'il ait donné au gouvernement la garantie du défrichement, de l'établissement et de sa résidence. Mais c'est là encore une chimère enfourchée par les politiciens démagogues.

"Je ne crains pas de le dire ici, ce serait la mort de la colonisation. Ce serait là le merveilleux moyen de priver le gouvernement des immenses ressources que lui réserve le droit de coupe.

"Tout le monde sait qu'il y a deux espèces de colons: les vrais colons et les spéculateurs. Mais, avec nos lois actuelles, ces derniers trouvent le moyen d'en détourner la sagesse.

"Avec la doctrine de M. Bourassa, nous n'aurions plus de colons, mais des petits marchands de bois. Vendons le domaine public à des marchands de bois qui ne nous paieront plus pour notre bois le million qu'ils sont appelés à nous payer chaque année. Il faudra alors, pour rencontrer nos obligations, recourir aux taxes, aux "lods et ventes" disparus dans un frisson de réprobation populaire. Non, nous ne retournerons pas à un système analogue à celui des droits seigneuriaux, disparu grâce à la politique féconde des libéraux qui furent ses patrons et les miens.

"Existe-t-il un fléau plus grand, dans nos municipalités, que ces lots rocailleux abandonnés après avoir été pillés par les spéculateurs? Électeurs de Saint-Hippolyte, de Sainte-Marguerite, de Sainte-Agathe, des cantons Wolfe, Salaberry et Grandison, dites donc à M. Bourassa que, dans certains rangs, vous être disséminés parce que les spéculateurs qu'il veut protéger ont abandonné leurs lots après en avoir pillé le bois et en vous laissant le fardeau des taxes et des chemins. Dites-lui donc qu'ils sont cause de votre éparpillement en certains endroits et que vous avez de la difficulté pour cela à ériger et à maintenir vos écoles. Apprenez-lui que vos corporations ne peuvent pas même les faire vendre pour taxes par le conseil de comté, parce que personne ne voudrait les acheter. Le colon n'a pas de bois sur le lot que lui concède le gouvernement."

C'est là, M. l'Orateur, une de ces accusations injustes que le député de Terrebonne aime à répéter ici en Chambre. Vous l'avez entendu l'autre jour, et vous l'avez vu pleurer à chaudes larmes lorsqu'il disait à cette honorable Chambre que les colons n'avaient pas assez de bois sur leurs lots. Il nous a fait un discours, il y a quelque temps, qui a duré plus de deux heures, et toujours pour répéter la même chose. Comme il est plus facile de répondre au député de Terrebonne avec les mêmes paroles dont il se servait, en 1907, contre MM. Bourassa, Lavergne et Laflamme, nous allons citer encore, pour l'édification de cette Chambre, ses propres paroles, telles que prononcées lors de ses grands discours de 1907, dans différentes parties de la province.

M. Prévost (Terrebonne): De quel journal?

M. Kelly (Bonaventure): Du Soleil. Voici ce qu'il disait dans le Soleil du temps.

Il commence alors à lire un article du Soleil pour prouver que le député de Terrebonne a déjà été contre cette doctrine.

M. Prévost (Terrebonne) soulève une question d'ordre. Je nie entièrement l'exactitude de cet article. Je n'ai jamais prononcé le discours que m'attribue le Soleil. Le député de Bonaventure, dit-il, cite des articles de journaux au lieu de citer ses paroles à lui.

M. Kelly (Bonaventure): C'est du moins ce qui ressortait du discours du député de Terrebonne à Saint-Jérôme. Il commence à lire l'article du Soleil.

M. Prévost (Terrebonne) lui refuse ce droit. Il doit lire le discours tel qu'imprimé dans l'Avenir du Nord. Il fait observer que seul l'Avenir du Nord a publié son discours.

Je nie l'exactitude de ce rapport. Le seul rapport exact est celui de l'Avenir du Nord qui est un rapport sténographié.

M. Kelly (Bonaventure): Très bien, je lirai votre discours tel que rapporté dans l'Avenir du Nord, un journal publié dans votre ville.

M. Prévost (Terrebonne): Très bien.

M. Kelly (Bonaventure) commence à lire7.

M. Prévost (Terrebonne) accuse le député de Bonaventure de citer le Soleil tout en prétendant citer l'Avenir du Nord. C'est un truc d'Irlandais.

M. Kelly (Bonaventure): Je vais citer l'Avenir du Nord.

(Et il continue à citer le Soleil.)

M. Prévost (Terrebonne): Le député répète encore ses trucs d'Irlandais. Il cite le Soleil et prétend citer l'Avenir du Nord.

Il demande si on va permettre au député de Bonaventure de jouer longtemps à l'Irlandais.

L'honorable M. Weir (Argenteuil): J'ai vérifié très attentivement le député de Bonaventure et c'est l'Avenir du Nord qu'il cite et non le Soleil. Le député de Terrebonne n'a pas le droit d'insinuer d'autres choses.

M. Lavergne (Montmagny): Mais l'honorable député cite le Soleil.

L'honorable M. Weir (Argenteuil): Oh! Il ne faudrait pas que le député de Montmagny perde son calme avant que j'aie fini.

M. Lavergne (Montmagny): Je suis plus calme que vous!

M. l'Orateur dit au député de Bonaventure (M. Kelly) qu'il fait mieux de citer l'Avenir du Nord.

M. Kelly (Bonaventure) proteste que les deux textes sont les mêmes.

Il continue la citation dans l'Avenir du Nord. (Mais, au lieu de lire le discours du député de Terrebonne, il lit un article de rédaction.)

M. Prévost (Terrebonne): Je constate que l'honorable député continue à m'attribuer des paroles que je n'ai pas prononcées. J'ai là devant moi le texte sténographié de mon discours tel que publié par l'Avenir du Nord en page intérieure8.

Il cite la première page qui ne contient que les commentaires de l'Avenir du Nord.

Je dis que l'acte de l'honorable député est une indignité commise en Chambre. Le député de Bonaventure cache le Soleil sous l'Avenir du Nord. Je demande votre protection, M. l'Orateur.

M. Kelly (Bonaventure): Dans tous les cas, si le député de Terrebonne nie l'exactitude des articles du Soleil et de l'Avenir du Nord, organe du député de Terrebonne, ces journaux ont certainement fait état à l'époque du sens général de ses paroles.

Il remarque que celui-ci ne les a pas démentis dans le temps.

M. Bourassa (Saint-Hyacinthe): On peut juger par là du reste des arguments.

M. l'Orateur demande au député de Bonaventure de cesser ce jeu.

M. Kelly (Bonaventure) cite encore le député de Terrebonne répondant au député actuel de Saint-Hyacinthe en 1907:

"Le colon n'a pas de bois sur le lot que lui concède le gouvernement. Le marchand de bois a tout pris.

"C'est là une calomnie odieuse, colportée de parti pris par les adversaires du gouvernement et que M. Bourassa se plaît à répéter à leur suite. Prenons la refonte des règlements des bois et forêts par ordre en conseil du 17 octobre 1904. Que lisons-nous à l'article 12 A? "Il n'est pas permis aux licenciés de couper sur les terres de la couronne le pin de moins de 11 pouces ni les autres arbres de moins de 9 pouces de diamètre sur la souche à trois pieds du sol. Mais il leur est permis de couper l'épinette noire de sept pouces de diamètre sur la souche comme susdit." Mais les marchands de bois ne se conforment pas à la loi et pillent les lots, s'écrie M. Bourassa.

"Comment se fait-il alors que le gouvernement ne reçoive aucune plainte à cet effet?"

M. Prévost (Terrebonne): C'est ce que j'ai dit au commencement de la session.

M. Kelly (Bonaventure): Vous disiez au député de Saint-Hyacinthe de citer des noms et des preuves.

M. Prévost (Terrebonne): C'est ce que j'ai fait en demandant les documents concernant la compagnie McLaren que j'accusais de mon siège.

M. Kelly (Bonaventure): C'est facile d'accuser dans un grand discours.

M. Prévost (Terrebonne): Il y a une lettre de moi écrite au commencement de la session et qui figure au dossier de cette affaire.

M. Kelly (Bonaventure): Dans tous les cas, s'il y a eu injustice le gouvernement verra à ce que justice soit rendue. Vous disiez alors à M. Bourassa:

"En vertu de la loi et des règlements, tout porteur de licence qui ne s'y conforme pas s'exposerait à la cancellation de sa licence et à une amende considérable. Si tel est le cas, pourquoi M. Bourassa qui, Jérémie nouveau siècle, pleure sur les malheurs des colons dans notre province, ne fait-il pas de plaintes en produisant des preuves à l'appui et ne demande-t-il pas la cancellation des licences en conformité avec la loi? Si ce que vous dites est vrai, M. Bourassa, mais vous êtes assis sur un poêle rouge et vous criez que vous vous brûlez.

"Vous parlez de pillage des lots par les marchands de bois, mais comment expliquer les opérations de ces scieries dont les propriétaires ne sont pas des marchands et qui convertissent en bois de service des milliers de billots tous les ans? Dans toutes les régions de colonisation on trouve de ces petites scieries qui ne fonctionnent que grâce au bois des colons, dans le comté de M. Bourassa et le mien comme par ailleurs.

"Pourquoi, M. Bourassa, si vous êtes de bonne foi, pourquoi ne pas reconnaître l'exagération ridicule de vos complaintes réitérées sur le sort des pauvres colons, dépouillés de tout bois sur leurs lots?

"Pourquoi? Hélas, c'est que tout votre but est de faire de la démagogie."

Vous pouvez juger maintenant, M. l'Orateur, de la sincérité des paroles de l'honorable député de Terrebonne. Ce sont de telles accusations que l'honorable député a portées depuis le commencement de cette session, quand il sait très bien que le gouvernement a fait et continue à faire tout en son pouvoir pour le bien-être et pour l'avancement de la colonisation dans la province de Québec. Je pourrais citer encore maints de ses discours pour démontrer que l'honorable député de Terrebonne ne prêche ces théories qu'avec le but unique de critiquer le gouvernement.

La terre libre au colon libre, c'est le moyen de faire les affaires du spéculateur: j'ai cité divers démentis donnés par le député de Terrebonne au député de Saint-Hyacinthe et je le défie de montrer dans un seul de ses discours un mot en faveur de la doctrine de la terre libre au colon libre. Aujourd'hui, le député de Terrebonne prétend qu'il a toujours été en faveur de ce principe de terre libre au colon libre. Eh bien, je déclare que le député de Terrebonne n'a jamais été en faveur de cette théorie et, à part de son premier discours prononcé après qu'il fut nommé ministre, tel que rapporté par La Patrie, il n'a jamais dit un seul mot en faveur de cette théorie. Lors du congrès de colonisation de Saint-Jérôme, dont j'avais l'honneur d'être le vice-président, l'honorable ministre n'a jamais prononcé une seule fois cette chanson de terre libre au colon libre. Si nous prenons les résolutions telles que passées lors dudit congrès par des colons représentant toute la province de Québec, on trouvera là la vérité de ce que j'avance. On a passé des résolutions concernant les chemins de colonisation, le colon et l'école, les chemins de fer, la loi des "homesteads", les sociétés de colonisation, la colonisation sportive, le rapatriement et l'émigration, le colon et le transport, et dans aucune de ces résolutions trouvons-nous un seul mot qui parle de la terre libre au colon libre.

Il y a eu deux autres résolutions, une concernant les réserves de colonisation et l'autre concernant la loi des terres. Dans ni l'une ni l'autre de ces résolutions ne trouvons-nous un seul mot en faveur des idées politiques concernant la colonisation, tel que prôné par le député de Terrebonne aujourd'hui. La résolution à propos de la loi des terres dit ceci: "Que le gouvernement soit invité à faire exécuter la loi réglementant la coupe du bois par le marchand de bois." Comment se fait-il que les congressistes n'ont pas demandé de modification sur la loi des droits de coupe? Comment se fait-il que le député de Terrebonne, alors qu'il avait le pouvoir nécessaire de le faire, n'a-t-il pas demandé aux congressistes de passer une résolution demandant au gouvernement de retirer les réserves de colonisation immédiatement des licences? C'est ce qu'il demande aujourd'hui. La raison en est bien simple, c'est parce que dans ce temps-là comme aujourd'hui il n'y croit pas à cette théorie et il soulève ce cri simplement par esprit de critique dans le but de créer un autre parti qu'on pourrait appeler le Parti opportuniste pour faire comme le député de Saint-Hyacinthe qui a créé le Parti nationaliste.

Durant son discours de cinq heures, le député de Terrebonne nous a déclaré que tous ceux qui se sont réunis lors du congrès de colonisation étaient en faveur de la terre libre au colon libre. Il nous a cité l'opinion du Dr Wilfrid Grignon comme étant en faveur de ce principe. Encore une fois l'honorable député a essayé d'induire cette Chambre en erreur, car le Dr Grignon n'a jamais été en faveur de la doctrine du député de Terrebonne. Pour l'édification des électeurs de cette province, citons les mots mêmes du docteur, tels que nous les trouvons à la page 3 de son discours qui a été déposé devant la Chambre durant la session de 1906: "Les uns veulent la terre libre au colon libre. Pourquoi tenter le pauvre colon? Ce serait ouvrir les portes toutes grandes à la spéculation sur le bois; ce serait un pillage en règle." Vous pouvez juger de la bonne foi du député de Terrebonne lorsqu'il nous a dit que le Dr Grignon s'est prononcé en faveur de la politique nationaliste.

Permettez-moi de citer l'opinion de l'un des officiers du département de la Colonisation, M. Gastonguay, telle que je la trouve dans sa conférence donnée lors du congrès et qui démontre encore l'inexactitude de cette déclaration du député de Terrebonne à l'effet que le congrès voulait la terre libre au colon libre: "Dans les réserves, les règlements concernant la coupe du bois marchand sont les mêmes que sur les autres parties du domaine de la couronne. Aucune parcelle de ces réserves ne sort des limites forestières, à moins d'être vendue comme lots de ferme, et le marchand conserve son droit d'y couper le bois jusqu'au 30 avril qui suit la date de la vente dudit lot. C'est la loi, et je ne crois pas qu'il y ait nécessité de la changer."

Je pourrais citer bien d'autres conférenciers pour prouver que le congrès était unanime à condamner ce principe de la terre libre au colon libre et ceci explique pourquoi il n'y avait pas une seule résolution en faveur de cette doctrine. Le député de Terrebonne a voulu faire croire à cette Chambre que lors du congrès j'étais en faveur de cette politique nationaliste. Si cette honorable Chambre juge à propos de consulter mon discours qui a été produit devant cette Chambre en 1906, formant partie du document no 71, elle verra à la page 11 que, tout en étant prêt à favoriser le colon par tous les moyens justes et raisonnables, je ne pouvais faire autre chose que reconnaître les droits acquis des marchands de bois sur le bois. Je me suis prononcé en faveur de la politique de l'honorable M. Stevens, l'un des commissaires nommés pour faire rapport, il y a quelques années, sur les questions de colonisation dans la province. M. Stevens s'est prononcé en faveur d'un délai raisonnable au marchand de bois pour couper le bois pour lequel il avait payé des sommes considérables à cette province et qu'en faisant cette coupe on devait voir à ce que les règlements du département des Terres fussent suivis à la lettre pour qu'on laisse au colon le bois auquel il a droit et que la loi lui donne. Ceci n'est certainement pas conforme aux doctrines des députés de Terrebonne, de Saint-Hyacinthe et de Montmagny.

Les ministres, les députés, ceux qui l'avaient nommé ministre ne se sont pas rendus au congrès de Saint-Jérôme convoqué par le député de Terrebonne pour une raison bien simple: il ne les avait pas convoqués. Même en ce congrès, pas un mot de la fameuse doctrine; s'il la professait dès lors, que n'a-t-il eu le courage de son opinion? Au contraire, une résolution endosse la politique des droits de coupe actuels.

M. Prévost (Terrebonne): Le député de Bonaventure la prêche, cette doctrine, dans son pamphlet.

M. Kelly (Bonaventure) nie et défie le député de Terrebonne de déposer sa brochure sur la table de la Chambre.

M. Prévost (Terrebonne) dit qu'il le fera plus tard.

M. Kelly (Bonaventure) cite alors des extraits montrant que les autorités mentionnées par le député de Terrebonne ne sont pas en faveur de la terre libre au colon libre.

Ce principe, lui ne l'a jamais prêché, mais il a toujours dit qu'on devait donner au marchand le temps de retirer du bois le bénéfice auquel il a droit et laisser ensuite le lot au colon. Le député de Terrebonne m'a insulté en me traitant de spéculateur

M. Prévost (Terrebonne): À l'ordre! À l'ordre!

M. Kelly (Bonaventure): Vous pouvez crier "À l'ordre!" tant que vous le voulez, cela ne change pas le fait que vous m'avez insulté. Si les journaux de cette province n'avaient pas rapporté cette insinuation faite contre moi l'autre jour par le député de Terrebonne, je ne me préoccuperais pas de répondre à cette même insinuation.

Le député de Terrebonne, l'autre jour, a laissé entendre à cette Chambre et à la presse que j'avais spéculé sur les terres de la couronne dans mon comté. Cette accusation est fausse et parfaitement injuste et je mets l'honorable député en demeure de rétracter ou bien de prouver devant la population de cette province ce qu'il a avancé. S'il ne fait ni l'un ni l'autre, il apparaîtra devant l'opinion publique comme ayant porté une accusation non fondée et injuste.

En tant qu'homme d'honneur, je le somme de réagir. Et, s'il refuse d'agir, ce sera reconnaître le fait qu'il a lancé une accusation contre un député de cette Chambre qui avant était l'un de ses amis politiques et qu'il est incapable d'amener des faits qui prouvent cette accusation. C'est avec des accusations semblables que l'Événement a réussi à détrôner l'ex-ministre de la Colonisation. Ayant appris par expérience l'efficacité de ces insinuations, le député de Terrebonne veut se servir de ces mêmes tactiques contre ses anciens amis qui le défendaient autrefois quand la presse conservatrice du pays faisait des insinuations semblables contre lui.

Le député de Terrebonne fait mieux de ne pas aller loin dans cette voie. Je ne suis pas ici pour faire des personnalités, mais vous me permettrez de dire que mon honorable ami commet une faute lorsqu'il lance de telles personnalités. Le député de Terrebonne est-il irréprochable, lui, sous ce rapport? Mais moi, si je voulais fouiller, je pourrais déterrer des squelettes, dans le domaine du député de Terrebonne, au sujet de spéculation. Et je n'aurais pas à creuser très longtemps dans son jardin politique pour trouver des squelettes qui lui appartiennent.

M. Prévost (Terrebonne): De quels squelettes parlez-vous?

M. Kelly (Bonaventure): Je dis qu'il s'est commis dans le Nominingue de la spéculation honteuse.

M. Prévost (Terrebonne): Je demande au député de Bonaventure de préciser ses accusations.

M. Kelly (Bonaventure): Je vais préciser. Je demande au député de nous dire si oui ou non il a spéculé sur les terres de la couronne pendant qu'il était lui-même ministre. L'honorable député nous a dit: Moi, je n'ai jamais spéculé sur les terres de la couronne dans mon comté. C'est à savoir si ce qu'il dit là est exact. Dans le Nominingue, il y a des gens très haut placés qui semblent croire que l'honorable député de Terrebonne a été l'instigateur d'une spéculation faite sous le nom bien connu de Miquelon sur les terres dans cette région et qui a eu pour but d'empêcher la colonisation. Ce n'est pas le premier venu qui a porté ces faits à l'attention du gouvernement. C'est un homme distingué, un ami distingué, un ami des colons, un patriote. Je veux parler du révérend père Dom André Mouttet.

Je n'ai jamais été au Nominingue mais, si on consulte les documents officiels déposés devant cette Chambre, nous y verrons que le révérend père André Mouttet, supérieur, C. M. I. C., et président de la Corporation des colons du Nord, nous donne à entendre que le député de Terrebonne a été l'instigateur probable d'une spéculation dans le Nominingue.

M. Prévost (Terrebonne): Que le député de Bonaventure s'assoie pour une minute. Il n'a pas le droit de faire de telles insinuations. Je lui demande de les retirer ou alors d'agir comme un homme et de me dire sur quels lots exactement j'aurais spéculé.

Il soulève la question d'ordre suivante: Le député de Bonaventure ayant insinué que lui, le député de Terrebonne, s'était rendu coupable de spéculation sur les terres publiques pendant qu'il était ministre de la couronne doit ou retirer son insinuation ou porter une accusation directe et mettre son siège au jeu, de manière qu'une enquête puisse être demandée.

M. l'Orateur réserve sa décision.

M. Kelly (Bonaventure): Je relève le défi. Je vais préciser. Je vais lire une lettre adressée le 13 avril de l'an dernier au député de Nicolet (l'honorable M. Devlin) par le R. P. Dom André Mouttet, chanoine. C'est un document public contenu dans un dossier déposé sur la table de la Chambre.

M. Prévost (Terrebonne): D'après le règlement, vous devez porter votre accusation de votre siège et en prendre la responsabilité. Et, si vous ne la prouvez pas, vous devrez démissionner.

Il n'a aucune objection à ce qu'il lise la lettre mais, d'après Bourinot, personne ne peut faire allusion à des commentaires portés sur la conduite d'un député de la Chambre ou un ex-ministre de la couronne au cours de l'exercice de ses fonctions, excepté lors d'une enquête officielle instituée spécialement pour examiner l'accusation portée contre le député.

M. Lavergne (Montmagny): D'autant plus que déjà ce soir le député de Bonaventure s'est servi d'un procédé très peu honorable pour la Chambre en lisant un autre document que celui qu'il prétendait citer.

M. Prévost (Terrebonne): Je demande au député de Bonaventure de porter directement l'accusation. Que le député de Bonaventure se plante comme un homme et ne m'attaque pas avec des roches comme font les gens d'une certaine nation. J'aime ça quand il y a de la poudre, mais j'aime ça surtout quand il s'agit de mon honnêteté.

L'honorable M. Weir (Argenteuil) soutient que le député de Bonaventure a raison.

M. l'Orateur réserve sa décision.

M. Kelly (Bonaventure) dit qu'il va citer les faits rapportés dans un document officiel. Il veut lire le document sans commentaires9.

M. Prévost (Terrebonne) soulève une question d'ordre et demande que ce document soit retiré du dossier étant donné qu'il n'a pas le droit d'y apparaître car il contient des commentaires faits sur un député de la Chambre. Il demande au député de Bonaventure s'il veut rire de l'Orateur.

M. l'Orateur conseille au député de Bonaventure de changer de sujet pour l'instant.

M. Kelly (Bonaventure) regrette de ne pouvoir continuer la lecture de son document. Il prétend que tous les cas d'abus signalés par le député de Terrebonne sont des cas particuliers.

Des députés le rappellent à l'ordre.

M. Kelly (Bonaventure): La gauche nous dit: Vendez, vendez; on nous reproche de ne pas vendre assez de lots, on critique la façon dont ils sont vendus. Pourtant, dans 15 000 ventes de lots, on n'a pu en critiquer que cinq ou six. Il y a 5000 pieds de bois, a-t-on calculé, par acre, ce qui donne 500 000 par 100 acres.

Si on continue à vendre les lots sans discernement à tout venant, la province sera réduite, dans peu d'années, à la taxe directe. En ne chargeant rien pour droits de coupe aux colons, l'an dernier, ou leur a fait cadeau de $1 462 000. Si, pendant 10 ans, on continue à vendre dans la même proportion que depuis quatre ans, au lieu d'un peu moins de 3000 lots vendus l'an dernier, dans 10 ans on vendra 5892 lots, dans 20 ans, 8378 et, dans 30 ans, 11 266. Or la province donnera ainsi aux colons dans 10 ans $2 942 000, dans 20 ans, $4 299 000, dans 30 ans, $5 633 000. En moyenne la province fera cadeau de 1½ million par an en comptant $700 par lot donné comme moyenne. Or les droits de coupe sont le principal revenu de la province. Or les droits n'augmentent pas, quoique le nombre de pieds de bois augmente. C'est qu'en donnant les lots à tout venant les marchands, au lieu de faire du bois par licence de coupe, le font par spéculation sur les lots. Ainsi, dans 10 ans, on aura épuisé la source des revenus. Continuer la politique actuelle est une injustice à nos successeurs, qui se trouveront les mains vides. Comme il est 1 heure et que la décision sur l'accusation est suspendue, je propose l'ajournement du débat.

Il propose, appuyé par le représentant d'Yamaska (M. Ouellette), que ce débat soit de nouveau ajourné.

Adopté.

M. Prévost (Terrebonne) soulève alors le point d'ordre qui suit: Dans la réponse à un ordre de la Chambre, déposée sur la table aujourd'hui et étant le no 143 des documents de cette session, se trouve une lettre en date du 13 avril 1908, signée par le révérend père Mouttet, concernant et commentant la conduite d'un député et cette lettre doit être retirée dudit document10.

Il donne lecture de cette lettre: "M. le Ministre, j'ai l'honneur de vous transmettre un mémoire que j'envoie, sur sa demande, à l'honorable ministre des Terres de la couronne au sujet de la colonisation dans le canton Boyer: C'est après mûre réflexion et seulement lorsque j'ai pu me rendre compte par moi-même de ce que j'avance que je me suis décidé à écrire. Vous verrez dans ce rapport qu'il est question d'un soi-disant syndicat de Saint-Jérôme et Sainte-Agathe. C'est un groupe de personnages qui n'ont aucunement l'intention de s'établir sur des terres, mais ont pris des lots, probablement grâce à la protection et peut-être à l'instigation de M. Jean Prévost, votre prédécesseur. Je ne sais le nombre de ces lots pris par ces gens-là, mais il y en a plusieurs et des meilleurs, près du nouveau chemin de fer, et l'octroi de ces lots à des gens qui veulent en faire de la spéculation...".

Il demande une enquête pour étudier son cas.

M. l'Orateur réserve sa décision.

La séance est levée à 1 h 30 du matin.

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NOTES

 

1. M. Allard est à la fois conseiller législatif et ministre des Terres et Forêts.

2. M. Caron est ministre sans portefeuille et le porte-parole de M. Allard à l'Assemblée législative.

3. Le titre exact de cette brochure est: The Position of the Settler in the Province of Quebec. Elle fut rédigée le 16 mars 1906.

4. Cette affirmation nous paraît assez étrange puisque le ministère de la Colonisation n'a jamais été intégré au ministère des Terres et Forêts. Sans doute l'auteur voulait-il simplement souligner le chevauchement de juridiction entre ces deux ministères.

5. Voici le texte de cet article: "6. No person shall be located for any land under this Act or the regulations, unless he is of the age of eighteen years or upwards, nor shall any person be so located for a greater quantity than two hundred acres." (R. S. O. 1887, c. 25, s. 6.)

6. Il s'agit probablement de la section IV du chapitre XI, édition de 1903, p. 459-460.

7. On s'aperçoit alors que le député de Bonaventure tient le numéro du Soleil, 26 octobre 1907, caché derrière l'Avenir du Nord.

8. M. Prévost montre à la Chambre ce discours visible de loin avec ses titres énormes.

9. Les rapports sont contradictoires en ce qui concerne la lecture du document par M. Kelly. Selon la Patrie et l'Action sociale, ce dernier n'aurait pu lire cette lettre en raison de l'objection de M. Prévost. Par contre, le Quebec Chronicle et le Soleil rapportent que la lecture aurait été faite par M. Kelly. Mais, comme il semble plus logique que M. Prévost l'ait lue à la fin de la séance, après son point d'ordre, nous avons décidé de ne produire cette lettre qu'une seule fois. D'ailleurs, à la séance du 12 mai, M. Kelly affirme que c'est M. Prévost qui a lu cette lettre.

10. Selon l'Action sociale, M. Prévost aurait demandé que ces documents soient produits sur la table et M. Kelly y aurait consenti. Toutefois, nous croyons que cette demande vient directement en contradiction avec le point d'ordre soulevé par M. Prévost.