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Version finale

13e législature, 4e session
(11 janvier 1916 au 16 mars 1916)

Le mardi 14 mars 1916

Ces débats, reconstitués principalement à partir des comptes rendus des médias de l’époque, ne constituent pas un journal officiel des débats de l’Assemblée législative.

Présidence de l'honorable C. F. Delâge

La séance est ouverte à 11 heures.

M. l'Orateur: À l'ordre, Messieurs! Que les portes soient ouvertes!

 

Subsides

L'honorable M. Mitchell (Richmond) propose que la Chambre se forme de nouveau en comité des subsides.

Adopté.

 

En comité:

L'honorable M. Mitchell (Richmond) propose: 1. Qu'un crédit n'excédant pas deux cent quarante mille piastres soit ouvert à Sa Majesté pour les ponts en fer, pour l'exercice finissant le 30 juin 1917.

L'honorable M. Taschereau (Montmorency) explique que le gouvernement a demandé cette année un octroi plus considérable de $40,000 que celui des années passées, en raison de la demande toujours grandissante des municipalités. Le travail du gouvernement sur ce point a obtenu de grands résultats, et la province de Québec a le droit d'être fière de sa politique de ponts en fer. Elle est, sur cette question, plus avancée que toutes les autres provinces. Depuis que le gouvernement a entrepris de donner cet encouragement aux municipalités, 356 ponts en fer ont été construits et ils sont aujourd'hui terminés; leur coût a été de $2,200,000. À l'heure présente, 37 ponts sont en construction, au coût d'un demi-million. Vingt-sept autres ponts ont obtenu un octroi du gouvernement, mais ils ne sont pas encore en construction. Les demandes augmentent graduellement et c'est leur nombre inusité qui a engagé le gouvernement à demander à la Chambre un octroi plus considérable.

Le ministre des Travaux publics donne des détails sur l'oeuvre entreprise par le gouvernement: celui-ci, depuis huit ans, a payé, pour la construction de ponts en fer, la somme énorme de $3,147,000. Dans quelques années, il y aura des ponts en fer dans toutes les parties de la province, de ces ponts en fer qui, moyennant une somme minime d'entretien, durent éternellement. En effet, il n'est pas arrivé une seule fois qu'un pont construit d'après les plans du gouvernement ait été emporté par les inondations ou par les glaces.

M. Cousineau (Jacques-Cartier) s'informe des conditions auxquelles étaient soumises les municipalités qui voulaient avoir un octroi du gouvernement pour un pont en fer.

L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Elles sont des plus simples. La municipalité fait une demande. Les ingénieurs du gouvernement vont examiner le site et préparent les plans qui sont ensuite soumis à la municipalité. C'est celle-ci qui demande les soumissions et accorde le contrat. Le gouvernement ne s'engage qu'à donner un octroi; il ne se mêle pas à la construction. La municipalité s'engage à entretenir le pont, à ne pas percevoir d'argent pour le passage et à se soumettre aux instructions du gouvernement pour ce qui regarde l'entretien général.

Le montant de l'octroi n'est pas fixé à l'avance. Le gouvernement agit à sa discrétion. Il paie ordinairement la moitié du coût du pont, mais il arrive souvent qu'il va au-delà de cette limite dans le cas de municipalités pauvres. Il faut regarder avant tout l'intérêt de la région. Ce n'est pas en effet la municipalité même où est construit le pont qui profite le plus de celui-ci. C'est, le plus souvent, la région environnante. Il arrive qu'une municipalité relativement petite se trouve dans l'obligation de construire un très gros pont. Le gouvernement paie alors un pourcentage plus considérable du coût total.

M. Gault (Montréal-Saint-Georges) évoque les avantages d'un pont reliant Sainte-Anne à Vaudreuil et dit croire que le gouvernement fédéral contribuerait.

L'honorable M. Taschereau (Montmorency) signale que les municipalités visées n'ont adressé aucune demande d'aide au gouvernement afin de construire un tel pont.

M. Cousineau (Jacques-Cartier) prône la construction d'un pont au même endroit que le député de Montréal-Saint-Georges (M. Gault), à l'extrémité de l'île de Montréal, et parle d'un pont entre l'île et Longueuil.

M. Tellier (Joliette), M. Sylvestre (Montcalm) et M. Labissonnière (Champlain) citent des cas particuliers à leurs comtés respectifs et qui illustrent, disent-ils, le favoritisme du gouvernement.

M. Bernier (Lévis) cite le cas des ponts de Saint-Henri et de Saint-Lambert éloignés de cinq milles l'un de l'autre et pour lesquels le gouvernement, dans un cas, paie le coût en entier et, dans l'autre, les trois quarts.

Il a demandé, il y a quelque temps, au gouvernement d'accorder un octroi à la paroisse de Saint-Henri pour la construction d'un pont sur la rivière Boyer. À ce sujet, le député de Lévis fait des reproches au ministre des Travaux publics (l'honorable M. Taschereau). Il le conjure de ne pas le considérer comme l'antéchrist du comté de Lévis. Il accuse le gouvernement d'avoir refusé un octroi pour le pont de Saint-Henri.

L'honorable M. Taschereau (Montmorency) dit que le gouvernement ne pouvait donner un octroi pour la construction du pont de Lauzon parce qu'il s'agissait d'une construction en bois.

M. Bernier (Lévis) explique qu'on a construit un pont en bois uniquement parce que l'octroi du gouvernement se faisait trop attendre et que les gens se disaient que leur député ne pourrait obtenir cette superstructure en fer, qu'il demandait dans l'intérêt public, parce qu'il était conservateur.

L'honorable M. Taschereau (Montmorency) ajoute qu'on voulait que le département construisît le pont quand c'est la pratique de n'accorder qu'un octroi pour la construction des ponts par les municipalités.

M. Bernier (Lévis) déclare qu'il n'insiste pas.

La résolution est adoptée.

L'honorable M. Mitchell (Richmond) propose: 2. Qu'un crédit n'excédant pas cinq mille piastres soit ouvert à Sa Majesté pour embellissement des bâtisses et des terrains du parlement, pour l'exercice finissant le 30 juin 1917.

Cette somme sera affectée, cette année, surtout à la confection de deux nouvelles statues qui rempliront deux des niches de la façade du parlement et qui représenteront Lord Durham1 et l'intendant Talon. On affectera aussi une partie de cette somme pour le grand tableau qui ornera le plafond de l'Assemblée législative et qui est déjà commencé. Ce tableau sera l'oeuvre de M. Charles Huot et sera une allégorie sur l'histoire du Canada.

M. Sauvé (Deux-Montagnes) demande si cette allégorie se rapportera à un épisode de l'histoire politique du Canada pour 1912.

La résolution est adoptée.

L'honorable M. Mitchell (Richmond) propose: 3. Qu'un crédit n'excédant pas trois mille huit cent huit piastres soit ouvert à Sa Majesté pour loyer des bureaux du gouvernement, Montréal, pour l'exercice finissant le 30 juin 1917.

Adopté.

4. Qu'un crédit n'excédant pas quarante-cinq mille piastres soit ouvert à Sa Majesté pour réparations aux palais de justice et prisons, etc., pour l'exercice finissant le 30 juin 1917.

L'honorable M. Taschereau (Montmorency) dit que le palais de justice de Montréal est beaucoup trop petit et qu'il faudra finir par l'agrandir.

M. Cousineau (Jacques-Cartier) demande s'il est question de reconstruire le palais de justice de Montréal sur la rue Sainte-Catherine.

L'honorable M. Gouin (Portneuf) assure le chef de l'opposition (M. Cousineau) que le palais de justice de Montréal sera construit à l'endroit qu'il occupe actuellement, mais en l'étendant dans la rue Notre-Dame.

L'honorable M. Taschereau (Montmorency) dit que l'on a retiré $85,000 d'assurances à la suite de l'incendie du palais de justice de Montréal et que les réparations sont à peu près terminées. Les pertes sur l'immeuble et les meubles ont été de $45,000.

M. Cousineau (Jacques-Cartier): Combien ont reçu les architectes de la prison de Bordeaux?

L'honorable M. Taschereau (Montmorency): $127,000.

L'étude de la résolution est suspendue.

 

Résolutions à rapporter:

Le comité fait rapport qu'il a adopté plusieurs résolutions et demande la permission de siéger de nouveau. Lesdites résolutions sont lues deux fois et adoptées.

 

Messages du Conseil législatif:

M. l'Orateur informe la Chambre que le greffier du Conseil législatif a apporté le message suivant:

Le Conseil législatif informe l'Assemblée législative qu'il ne concourt pas dans les amendements de l'Assemblée législative à ses amendements au bill 109 constituant en corporation la Compagnie des tramways de Verchères, Chambly et Laprairie.

M. Francoeur (Lotbinière) propose que ledit message du Conseil législatif soit pris en considération à la prochaine séance.

Adopté.

 

Dépôt de documents:

Loi 5 George V, chapitre 77

L'honorable M. Décarie (Maisonneuve) dépose sur le bureau de la Chambre la réponse à un ordre de la Chambre, en date du 7 février 1916, pour la production de copie de tous documents, résolutions, correspondance, lettres échangés entre le gouvernement et toute personne, dans cette province, relativement à la loi 5 George V, chapitre 77. (Document de la session no 102)

Municipalités et ministère de la Voirie

L'honorable M. Décarie (Maisonneuve) dépose sur le bureau de la Chambre la réponse à un ordre de la Chambre, en date du 19 janvier 1916, pour la production de copie de toute correspondance entre le secrétaire ou l'un des membres du conseil de la municipalité de Dudswell et le ministère de la Voirie, depuis l'année 1914 jusqu'à ce jour. (Document de la session no 103)

Et la réponse à un ordre de la Chambre, en date du 19 janvier 1916, pour copie de toute correspondance entre le secrétaire ou l'un des membres du conseil de la municipalité de Saint-Henri-de-Mascouche et le ministère de la Voirie, depuis l'année 1914 jusqu'à ce jour. (Document de la session no 104)

N. Jutras, fromagerie dans la paroisse de La Visitation

L'honorable M. Décarie (Maisonneuve) dépose sur le bureau de la Chambre la réponse à un ordre de la Chambre, en date du 8 mars 1916, pour la production de copie de toute correspondance échangée entre le département de l'Agriculture et M. Napoléon Jutras ou toute autre personne relativement à une fromagerie dans la paroisse de La Visitation. (Document de la session no 105)

La séance est levée à 1 heure.

 

Deuxième séance du 14 mars 1916

Présidence de l'honorable C. F. Delâge

La séance est ouverte à 3 heures.

M. l'Orateur: À l'ordre, Messieurs! Que les portes soient ouvertes!

 

Questions et réponses:

Actif et passif de la province de Québec

M. Tellier (Joliette): Quels sont actuellement l'actif disponible, le passif direct et l'excédent du passif sur l'actif de la province de Québec?

L'honorable M. Mitchell (Richmond): 1. L'actif actuellement disponible de la province est de $7,377,738.05, ce qui ne comprend pas les édifices publics, les terres du domaine public, les forces hydrauliques, les ressources minières et autres du domaine public.

2. Le passif direct actuel de la province est de $38,975,128.78, soit une augmentation de $1,417,210.04 sur le passif direct de la province, le 30 juin 1915, augmentation due aux prêts faits en vertu de la loi des bons chemins, 1912.

3. L'excédent du passif de la province de Québec sur son actif, le 8 mars 1916, était de $31,597,390.73, soit une augmentation de $3,577,324.53 dans l'excédent du passif sur l'actif au 30 juin 1915, augmentation due aux prêts faits en vertu de la loi des bons chemins, 1912.

A.-J. Roy, conférencier agricole

M. Morin (L'Islet): 1. M. A.-J. Roy, de la paroisse de l'Île-Verte, dans le comté de Témiscouata, est-il employé du gouvernement provincial en qualité de conférencier agricole ou en toute autre qualité?

2. Dans l'affirmative, le gouvernement lui paie-t-il un salaire fixe ou à raison de tant par conférence?

3. M. Roy a-t-il offert au département de l'Agriculture la ferme qu'il possède dans la paroisse de l'Île-Verte comme ferme de démonstration ou pour toute autre fin quelconque?

L'honorable M. Caron (Îles-de-la-Madeleine): 1, 2 et 3. Non.

Chemins, sommes payées aux municipalités et routes provinciales

M. Tessier (Rimouski): Quel montant a été payé aux municipalités et pour les chemins du gouvernement en vertu de la loi des bons chemins, 1912, depuis le 30 juin 1912?

L'honorable M. Tessier (Trois-Rivières):

Jusqu'au 10 mars 1916 inclus, il a étépayé :

Municipalités

$8,581,228.15

Routes provinciales

     4,249,349.15

 

$12,830,577.30

 

Demande de documents:

Dette publique de laprovince de Québec

M. Tellier (Joliette) propose, appuyé par le représentant de Montréal-Saint-Georges (M. Gault), qu'il soit déposé sur le bureau de cette Chambre un état ou tableau de la dette publique de la province de Québec.

Adopté.

 

Dépôt de documents:

Dette publique de la province de Québec

L'honorable M. Décarie (Maisonneuve) dépose sur le bureau de la Chambre la réponse à un ordre de la Chambre, en date de ce jour, pour la production d'un état ou tableau de la dette publique de la province de Québec. (Document de la session no 106)

Code civil, article 2175

M. Létourneau (Montréal-Hochelaga) propose, selon l'ordre du jour, que la Chambre se forme de nouveau en comité général pour étudier le bill 186 amendant l'article 2175 du Code civil.

Adopté.

 

En comité:

M. Létourneau (Montréal-Hochelaga) propose en amendement:

"Nonobstant les dispositions de la loi 5 George V, chapitre 77, sections 1 et 2, les désignations d'une partie d'un lot marqué aux plan et livre de renvoi, faites entre le 6 mars 1915 et le jour de l'entrée en vigueur de la présente loi, sont validées en autant que besoin peut être, pourvu qu'elles aient été faites conformément aux lois en vigueur avant le 5 mars 1915. La présente loi n'affectera pas les causes pendantes."

M. Cousineau (Jacques-Cartier) fait remarquer que l'opposition s'était fortement opposée à la loi adoptée l'année dernière sur ce sujet.

Le gouvernement devrait tenir compte davantage de l'opposition et devrait consulter davantage. C'est commode quelquefois, une opposition; elle peut quelquefois prévoir les difficultés d'une loi que l'on veut faire adopter à tout prix.

L'amendement est adopté.

Le comité, ayant étudié le bill, fait rapport qu'il l'a adopté avec certains amendements. Les amendements sont lus deux fois et adoptés.

M. Létourneau (Montréal-Hochelaga) propose que le bill soit maintenant lu une troisième fois.

Adopté.

Il est ordonné que le greffier porte le bill au Conseil législatif et demande son concours.

Avenue Connaught, cité de Montréal

La Chambre procède à la prise en considération des amendements que le Conseil législatif a apportés au bill 122 concernant l'avenue Connaught, dans le quartier Notre-Dame-de-Grâce de la cité de Montréal. Les amendements sont adoptés et le bill est retourné au Conseil législatif.

Ville de Dorion

La Chambre procède à la prise en considération des amendements que le Conseil législatif a apportés au bill 86 concernant le village de Dorion et décrétant son érection en ville sous le nom de "Ville de Dorion". Les amendements sont adoptés et le bill est retourné au Conseil législatif.

Compagnie des tramways de Verchères, Chambly et Laprairie

La Chambre procède à la prise en considération du message du Conseil législatif refusant de concourir à l'amendement apporté par l'Assemblée législative aux amendements du Conseil législatif au bill 109 constituant en corporation la Compagnie des tramways de Verchères, Chambly et Laprairie.

M. Francoeur (Lotbinière) propose, appuyé par le représentant de Laval (M. Lévesque), qu'un message soit envoyé au Conseil législatif, informant les honorables conseillers que l'Assemblée législative retire son amendement aux amendements du Conseil législatif au bill 109 constituant en corporation la Compagnie des tramways de Verchères, Chambly et Laprairie, et qu'elle accepte les amendements apportés par le Conseil législatif audit bill.

Adopté. Le message est envoyé au Conseil législatif.

Subsides

L'honorable M. Mitchell (Richmond) propose que la Chambre se forme de nouveau en comité des subsides.

 

En comité:

L'honorable M. Mitchell (Richmond) propose: Qu'un crédit n'excédant pas quarante-cinq mille piastres soit ouvert à Sa Majesté pour réparations aux palais de justice et prisons, etc., pour l'exercice finissant le 30 juin 1917.

 

Résolutions à rapporter:

Le comité fait rapport qu'il a adopté une résolution et demande la permission de siéger de nouveau. La résolution est lue deux fois et adoptée.

Subsides

L'honorable M. Mitchell (Richmond) propose que la Chambre se forme de nouveau en comité des subsides.

M. Cousineau (Jacques-Cartier) demande au ministre des Travaux publics (l'honorable M. Taschereau) s'il a fait préparer l'état qu'il a demandé au sujet des travaux supplémentaires faits à la prison de Bordeaux. Il mentionne le nom de l'architecte Marchand.

L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Le total de ces dépenses non prévues se chiffre à $736,289.65. Ces travaux supplémentaires ont été recommandés par les architectes et par le gouverneur; ils étaient tous indispensables et nécessaires.

Il fait un éloge mérité de l'architecte Marchand dont la réputation a dès longtemps franchi les limites de la province. On sait, en effet, que le gouvernement fédéral a appelé M. Marchand à travailler de concert avec un architecte de Toronto pour préparer les plans de la reconstruction de la partie incendiée du parlement d'Ottawa.

Il rappelle aussi que, quand M. Marchand a accepté de faire les plans de la prison de Bordeaux, il est allé en Europe et aux États-Unis pour visiter des édifices de ce genre et se rendre compte de la façon dont les plans avaient été faits.

M. Cousineau (Jacques-Cartier): Les dépenses ont trait à des réparations et à des améliorations que les architectes auraient dû prévoir.

Par exemple, il cite que le gouvernement a acheté pour plusieurs milliers de piastres de fixtures relativement à l'éclairage, que l'on a enlevé ces fixtures et qu'elles sont maintenant en réserve. Elles comportent aussi une somme considérable pour des fenêtres déplacées, des planchers entièrement levés pour l'installation des tuyaux de chauffage, toutes des réparations, dit-il, qu'auraient dû prévoir les architectes ou les contracteurs et qui représentent autant de dépenses inutiles et d'argent perdu pour la province.

M. Bérubé (Témiscouata): Voilà longtemps que l'on discute, dans la province et dans cette Chambre, les dépenses considérables qu'a entraînées la construction de la prison de Bordeaux. Il nous semble que le moment est venu pour le peuple de connaître la façon dont l'argent a été dépensé pour cette construction. Ces dépenses ont-elles été vicieuses ou conformes aux intérêts de la province? Cette dernière n'a-t-elle pas payé plus qu'elle ne devait payer?

Il fait l'historique de la législation concernant la prison de Bordeaux. Au cours de la session 1907, une première loi relative à la construction de la prison de Bordeaux a été adoptée, statut 7 Édouard VII. Il était dit dans la loi que le gouvernement était autorisé à construire une prison suffisante pour le district de Montréal et que le coût, qui ne devait pas dépasser $750,000, ne serait pas imputable au fonds du revenu consolidé de la province. Donc, la première loi soumise à cette législature pour la prison de Bordeaux prévoyait qu'une dépense de $750,000 serait suffisante. La loi fut sanctionnée le 14 mars 1907 et le contrat donné à MM. Pauzé & Cie, pour $750,000. Or, le 11 mars 1908, l'année suivante, le député de Montmorency (l'honorable M. Taschereau) a déclaré officiellement devant cette Chambre, en réponse à une interpellation du député de Laval (M. Leblanc), que les travaux de la nouvelle prison étaient commencés et que le coût de cette construction s'élèverait à environ un million. Par conséquent, en 1907, on autorise une dépense de $750,000 et, l'année suivante, à peine les travaux sont-ils commencés, on prévoit une dépense d'un million.

Le 5 avril 1909, le gouvernement accordait à la Compagnie J.-B. Pauzé & Cie un deuxième contrat d'entreprise pour ladite prison, au prix additionnel de $810,000. Il est donc intéressant de se demander, au point où nous en sommes rendus, quelle est l'idée qui a présidé aux dépenses énormes de cette construction. Mais continuons.

Le même jour, le 5 avril 1909, le ministre des Travaux publics a déclaré officiellement devant cette Chambre, en réponse à une interpellation du député de Soulanges (M. Mousseau), qu'il prévoyait, d'après les contrats alors en cours d'exécution, que la nouvelle prison serait terminée en septembre 1910.

Le 29 mai 1909, la Chambre se faisait autoriser à porter la somme de $750,000 à $1,500,000 pour le coût de la prison de Bordeaux. On se rappelle, continue-t-il, que cette dernière loi a été adoptée malgré l'opposition formelle des membres de l'opposition. On voulait dépenser cette somme à la veille de la convocation des Chambres, sans consulter le peuple.

L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Pourquoi l'honorable député ne lit-il pas la loi correctement? Il verra que le gouvernement est autorisé à construire une prison répondant aux besoins du district de Montréal et, à cette fin, à emprunter jusqu'à $750,000 pour la construction, en tout ou en partie, de cette prison. Mais nous n'avons encore pas emprunté le moindre cent pour cette prison. Le gouvernement a été autorisé à emprunter jusqu'à $1,500,000, ce qui ne porte pas le coût à $1,500,000 pour autant, ajoute-t-il.

M. Bérubé (Témiscouata): Le 8 février 1911, le ministre des Travaux publics a déclaré, en réponse à une interpellation du représentant de Jacques-Cartier (M. Cousineau), que les travaux de construction de la prison seraient terminés en février 1912, mais il ne pouvait pas dire alors quelle somme elle coûterait une fois entièrement terminée. Aujourd'hui, la prison a coûté $3,631,000. Il importerait de savoir si la marge entre ce chiffre et $1,500,000 a été autorisée par quelque loi antérieure. Elle ne l'a pas été. On voit que dès le début, en 1908, le gouvernement a voulu mettre dans l'esprit du public que cette prison ne coûterait pas plus de $750,000.

Il continue l'histoire de la législation relative à la prison. Le 4 septembre 1911, dit-il, le gouvernement a donné à M. Henri Beauregard un troisième contrat d'entreprise pour ladite prison, à un prix additionnel de $884,722.30. On disait alors que la prison serait terminée en 1911, comme en 1908 on avait dit qu'elle serait finie en 1910. Le député de Montmorency (l'honorable M. Taschereau) a déclaré officiellement que la prison avait coûté à cette date $2,161,539.20, qu'elle coûterait environ $2,850,000 une fois terminée, et qu'elle serait complétée le 1er août 1912. Donc, cette prison qui, le 11 mars 1910, devait coûter $1,150,000, en 1915 coûtait plus de $3,000,000.

On croyait la chose bien finie quand, le 27 janvier 1916, le ministre des Travaux publics a de nouveau déclaré officiellement, en réponse à une interpellation du député de Deux-Montagnes (M. Sauvé), que le coût de ladite prison était, le 1er mars 1915, de $3,587,395.50, mais que, depuis cette époque, le gouvernement a payé des sommes additionnelles non prévues dans le contrat, portant le coût total de la prison et de ses accessoires à la somme de $3,631,082.90.

Les trois contrats accordés formaient une somme totale de $2,484,722.30. La différence entre le coût de ces trois contrats et le coût total que nous venons de donner est donc de $1,146,360.60. Cette différence a été payée, ajoute-t-il, sans aucune soumission, sans le moindre contrat et presque entièrement à titre d'extras. Et il est remarquable de voir que ce montant d'extras dépasse le montant que l'on était autorisé à dépenser par la loi de 1907.

Il a donc dû y avoir, pendant toute cette construction, des dépenses injustifiables, inqualifiables, scandaleuses, même, et les architectes du gouvernement ou le gouvernement lui-même ont manqué dans cette affaire de la plus élémentaire prévoyance. Le ministre des Travaux publics, en l'occurrence, n'est pas justifiable de venir faire ratifier une dépense de plus de trois millions quand il n'était autorisé qu'à dépenser la somme de $750,000.

Mais il y a plus, dit-il encore. Nous sommes informés qu'une partie considérable des travaux de la prison de Bordeaux sont mal faits et défectueux en plus d'un point quant au solage, à la couverture, au barrage des cellules, au mur extérieur, au mur d'enceinte intérieur, à l'éclairage, au chauffage, à la plomberie, aux enduits, à la ventilation, aux fenêtres des cellules, à la peinture et aux murs de la bâtisse. Le député de Témiscouata déclare qu'il produit à cet effet, devant la Chambre, tout un dossier d'affidavits attestant sous serment ce qu'il avance.

L'honorable M. Taschereau (Montmorency) demande qui sont les auteurs de ces affidavits.

M. Bérubé (Témiscouata): Ces affidavits sont signés de MM. L.-P. Vallée, Jos. Hébert, Élie Gauthier, M. Landry, J. Dame, et ils sont tous des mois de mars et février 1916.

M. Sauvé (Deux-Montagnes): Ce sont tous de bons libéraux.

M. Bérubé (Témiscouata): Je, Léo Bérubé, député de Témiscouata, déclare ce qui suit:

Que tous les mots après "que", dans la motion principale, soient retranchés et remplacés par les suivants:

Attendu que, dans la loi 7 Édouard VII, chapitre 36, sanctionnée le 14 mars 1907, la Législature a autorisé la construction d'une nouvelle prison pour le district de Montréal ainsi que l'emprunt d'un montant n'excédant pas $750,000 pour en payer le coût;

Attendu que, le 16 septembre 1907, le gouvernement a donné l'entreprise de certains travaux de ladite prison à MM. J.-B. Pauzé & Cie, pour le prix de $790,000;

Attendu que, le 11 mars 1908, l'honorable M. Taschereau, ministre des Travaux publics et du Travail, a déclaré officiellement devant cette Chambre, en réponse à une interpellation de l'honorable M. Leblanc, député de Laval, que les travaux de la nouvelle prison étaient commencés et que le coût de cette prison monterait à $1,000,000 (Journaux Ass. lég., 1908, p. 68);

Attendu que, le 5 avril 1909, le gouvernement a donné auxdits J.-B. Pauzé & Cie un deuxième contrat d'entreprise pour ladite prison, pour un prix additionnel de $810,000;

Attendu que le même jour, 5 avril 1909, l'honorable M. Taschereau, ministre des Travaux publics et du Travail, a déclaré officiellement dans cette Chambre, en réponse à une interpellation de M. Mousseau, député de Soulanges, qu'il prévoyait, d'après les contrats en cours d'exécution, que la nouvelle prison serait terminée en septembre 1910 (Journaux Ass. lég., 1909, p. 262);

Attendu que, par la loi 9 Édouard VII, chapitre 46, sanctionnée le 29 mai 1909, la législature a autorisé un emprunt n'excédant pas $1,500,000 aux lieu et place de l'emprunt ci-dessus mentionné, pour payer le coût de ladite prison;

Attendu cependant que cette loi a été adoptée malgré l'opposition des députés suivants, savoir: MM. Bernard, Bourassa, Cousineau, D'Auteuil, Gault, Giard, Lafontaine (Maskinongé), Lavergne, Patenaude, Pennington, Plante, Prévost, Sauvé, Sylvestre et Tellier (Journaux Ass. lég., 1909, p. 610-611);

Attendu que, le 8 février 1911, l'honorable M. Taschereau, ministre des Travaux publics et du Travail, a déclaré officiellement devant cette Chambre, en réponse à une interpellation de M. Cousineau, député de Jacques-Cartier, que les travaux de construction de ladite prison seraient terminés en février 1912, et il a ajouté, quant au coût de la prison: "Le moment n'étant pas encore arrivé de pourvoir au mobilier et à l'aménagement de l'intérieur de la prison, il n'est pas possible de dire combien coûtera toute l'entreprise une fois les travaux terminés.";

Attendu que, le 4 septembre 1911, le gouvernement a donné à M. Henri Beauregard un troisième contrat d'entreprise pour ladite prison, pour un prix additionnel de $884,722.30;

Attendu que, le 1er février 1911, l'honorable M. Taschereau, ministre des Travaux publics et du Travail, a déclaré officiellement devant cette Chambre, en réponse à une interpellation de M. Cousineau, député de Jacques-Cartier, que ladite prison a déjà coûté $2,161,539.20, qu'elle coûtera environ $2,850,000 une fois complétée, et qu'elle sera terminée le 1er août 1912 (Procès-verbaux Ass. lég., 1912, p. 181);

Attendu que, le 1er mars 1915, le ministre des Travaux publics et du Travail a déclaré officiellement devant cette Chambre, en réponse à une interpellation de M. Cousineau, député de Jacques-Cartier, que le coût de la nouvelle prison de Montréal, comprenant les contrats, la surveillance, la préparation des plans et l'aqueduc, est de $3,587,395.50; que ladite bâtisse est complétée, le gouvernement ayant exécuté tous les travaux qu'il avait en vue (Procès-verbaux Ass. lég., 1er mars 1915, p. 287);

Attendu que, le 27 janvier 1916, l'honorable M. Taschereau, ministre des Travaux publics et du Travail, a de nouveau déclaré officiellement devant cette Chambre, en réponse à une interpellation de M. Sauvé, député des Deux-Montagnes, que le coût de ladite prison était, le 1er mars 1915, de $13,587,395.50, mais que, depuis cette époque, le gouvernement a payé les sommes suivantes: $6,852.83, balance due aux architectes; $16,936.31 pour la construction de deux chars pour transporter les prisonniers de Montréal à Bordeaux et d'une voie d'évitement près du palais de justice; $13,500 pour l'achat d'une maison pour le gouverneur de la prison; $8,198.26 pour certains changements et travaux d'aménagement dans l'intérieur de la bâtisse, portant le coût total de ladite prison et de ses accessoires à la somme de $3,631,082.90 (Procès-verbaux Ass. lég., 27 janv. 1916, p. 88).

Attendu que les trois contrats ci-dessus mentionnés du 16 septembre 1907, pour $790,000, du 5 avril 1909, pour $810,000, et du 4 septembre 1911, pour $884,722.30, font une somme totale de $2,484,722.30;

Attendu que la différence entre cette dite somme de $2,484,722.30 et celle de $3,631,082.90 est de $1,146,360.60 qui a été payée par la province sans soumissions, sans contrats réguliers et presque totalement à titre d'extras pour ladite prison de Bordeaux;

Attendu que le déposant est croyablement informé et croit véritablement que: 1. les travaux de construction de ladite prison sont défectueux, mal faits, spécialement quant aux parties suivantes:

a. Le solage est défectueux. Dans les temps de dégel, l'eau s'introduit par le solage en béton, dans la cave, dans la cuisine et tout le bas de la bâtisse centrale, et ce, depuis que la construction est faite. Il faut alors un grand nombre d'hommes pour éponger cette eau qui passe par torrents.

b. La couverture de ladite bâtisse est défectueuse. Un tiers de ladite couverture en ardoise, environ 100 pieds sur chaque aile et tout le tour de la bâtisse centrale, a été enlevé par le vent dans le cours de l'année dernière, 1915.

c. Barrage des cellules. Le système de barrage des cellules, qui est un système automatique, est défectueux. Ce barrage est censé se faire par une clé centrale et automatique, mais, vu le mauvais fonctionnement d'icelui, les gardes sont obligés de passer à chaque cellule et de les fermer une par une à la main avec une clé.

Il y a toujours plusieurs hommes employés à réparer les serrures et le barrage des cellules, et le département a été obligé d'acheter et d'installer aux portes des cellules de nouvelles serrures pour un fort montant.

d. Le mur extérieur est mal fait; à plusieurs endroits on peut passer une canne à travers ce dit mur.

e. Le mur d'enceinte intérieur n'a jamais été terminé ni poli.

f. Éclairage. Une grande partie des fixtures pour l'éclairage, achetées et payées par la province, ne servent à rien et sont amoncelées dans un endroit de ladite bâtisse, et elles se détériorent complètement.

g. Le chauffage est également mal fait. On est souvent obligé de réparer ledit système de chauffage, de remplacer les tuyaux. Les cellules des prisonniers sont mal chauffées.

h. La plomberie est défectueuse. Les conduits se bouchent fréquemment, l'eau se répand sur les planchers. Depuis la construction de la prison, on a fait de grands changements dans la plomberie. On y travaille à l'année, ce qui coûte beaucoup d'argent au gouvernement.

i. Enduits. Dans la partie centrale de la cuisine, le plafond a été, dans le cours de l'année 1915, renouvelé sur une superficie de 100 pieds au moins. On a dû remplacer les lattes métalliques et recouvrir ce travail de tôle à patron. Les conduits des plafonds et au-dessus des portes des cellules dans toutes les ailes qui sont ouvertes sont défectueux et ont dû, en beaucoup d'endroits, être renouvelés.

j. Ventilation. Le système de ventilation dans les cellules est défectueux et il permet aux prisonniers de communiquer entre eux, de se parler d'une cellule à l'autre et même de se faire parvenir divers articles par ces tuyaux de ventilation.

k. Fenêtres des cellules. Le système des fenêtres a du être changé, et il y aurait un grand nombre de châssis qui auraient été changés et remplacés par d'autres d'un autre genre. Ces fenêtres sont mal faites, mal posées, et le froid, le vent et la neige s'introduisent par ces fenêtres jusque dans les cellules des détenus.

l. Peinture. La peinture à l'intérieur de la bâtisse est mal faite. Elle s'enlève en beaucoup d'endroits et l'on est obligé d'employer des peintres fréquemment pour refaire cette peinture.

m. Murs de la bâtisse. Les murs de la bâtisse travaillent à beaucoup d'endroits. Il y a de nombreuses fissures dans ces murs.

Que l'administration de ladite prison est également mal faite, qu'il s'y commet des abus graves, des vols, le tout au détriment de la province de Québec.

Que, tant dans la construction et dans l'administration de ladite prison de Bordeaux, la province de Québec a perdu des sommes considérables, et ce, à la connaissance du gouvernement de ladite province et des membres de ce gouvernement.

Que les informations actuelles dudit déclarant reposent sur les déclarations solennelles ci-après, dont je produis les originaux sur la table de cette Chambre à l'appui de la motion que je fais, et qui se lisent comme suit...

M. l'assistant greffier (M. Pelletier) puis M. le greffier (M. Geoffrion) lisent les affidavits suivants2:

Barrage des cellules

Ce que déclare A:

7. Le système de barrage des cellules sur lequel le gouvernement avait fondé beaucoup d'espérances, paraît-il, puisqu'il devait permettre de fermer une trentaine de cellules à la fois dans chaque aile de la prison, n'a pas donné le service qu'on en attendait. Ce système est défectueux. Quand on lève le levier pour ouvrir ou pour fermer les cellules, ces dernières s'ouvrent toutes, mais ne se referment pas toutes. Il faut passer de l'une à l'autre pour les fermer à la main en tirant la porte. Si l'on ne prenait pas cette précaution, les portes resteraient ouvertes et les prisonniers pourraient s'évader. J'ai fait moi-même cette opération de fermer les cellules en passant de l'une à l'autre des portes. À part cela, il y a toujours un certain nombre de prisonniers employés à réparer les serrures elles-mêmes.

8. Tout ce système de serrures automatiques est défectueux et des morceaux d'un intérêt principal sont trop faibles, il faut constamment les réparer. Si l'on ne réparait pas ainsi ces morceaux, l'on ne pourrait pas ouvrir ni fermer les portes même avec la main.

9. Ce travail d'ouvrir et de fermer les cellules est censé, d'après ce que je comprends, être fait par les gardes, mais il est à ma connaissance que souvent les gardes ne prennent pas la peine de le faire et le font faire par des prisonniers.

10. La meilleure preuve, pour moi, que ce système a fait faillite, c'est que le garde Viger, de la machine shop, est en train de pourvoir à un nouveau système de barrage des cellules qui paraît donner plus de satisfaction.

11. Le garde Viger m'a dit lui-même avoir fait quelques voyages aux États-Unis pour y prendre son système à New York et que présentement il était à y travailler, qu'il n'attendait que les ordres du gouvernement pour le poser.

12. C'est durant l'été dernier que le garde Viger m'a dit ce qui précède, et je crois que c'est généralement connu, à la prison, que Viger travaille à changer le système de barrage des cellules.

Ce que déclare H:

Tout ce qui est dit par A peut être corroboré par H qui n'a pas eu le temps de donner sa déclaration solennelle.

Ce que déclare B:

3. Le système de barrage des cellules est bien défectueux. Je dis même qu'il fonctionne très difficilement. Nous sommes obligés, les gardes, de les repasser l'une après l'autre, sans quoi les détenus pourraient s'évader.

Je les ai barrées moi-même.

Ce que déclare C:

2. Pour moi, le barrage des cellules fonctionnait très mal de mon temps. Je ne sais pas s'il fonctionne mieux maintenant.

3. Je me rappelle que, pour fermer ces cellules, il fallait les barrer l'une après l'autre à la main, sans cela les prisonniers auraient pu s'évader.

Ce que déclare D:

1. Le système de barrage des cellules me paraissait bien mal fonctionner, parce que je voyais constamment des détenus et des gardes en faire les réparations.

Ce que déclare E:

2. Le système de barrage me paraît très défectueux. Il fonctionne très mal. Il nous faut les repasser porte par porte, sans quoi les prisonniers pourraient s'évader. Il y a presque continuellement des gardes à les réparer.

À la page 55 du fascicule 61: "extra H. Beauregard." Item 132, Serrurerie, portes des cellules (parce que le système de fermeture des cellules n'avait pas prévu des serrures): $9,121.75.

Autre extra, pages 57 et 61: Louis Hamon, serrurerie, $4,344.51.

Prenons maintenant quelques extraits de ce qui se rapporte à l'administration: les rapports du gouverneur de la prison avec les gardes. On y verra de terribles accusations.

Ce que déclare A:

70. Comme administrateur, je considère que M. Landriault est un zéro. Il n'a jamais fait une heure de devoir à la prison, autant que j'aie pu le constater. Quand il y vient, il ne manque pas sa chance de laisser tomber des injures et des jurons à la tête des officiers et même de donner des coups.

71. Il part généralement de la prison en voiture avec les chevaux du gouvernement, si c'est la nuit, et en automobile, le jour, son automobile étant en garage à la prison. Si un officier a une discussion avec le geôlier ou s'il se plaint à lui, il s'expose à être suspendu et à perdre son salaire.

72. Si un prisonnier se plaint au geôlier ou à d'autres de quelque fait qu'il croit être injuste pour lui, il attrape 15 jours de donjon au pain et à l'eau, et parfois un mois, sans compter les coups qu'il reçoit souvent par-dessus le marché de la part du geôlier. D'autres officiers ne se permettent pas des brutalités semblables.

73. Si un prisonnier, par mégarde, ne reconnaît pas le geôlier quand il le rencontre (le geôlier porte très rarement son costume), il attrape bien souvent le donjon.

74. Lors de la nomination du geôlier Landriault, une quinzaine d'affidavits ou de déclarations sous serment, d'après ce qu'on m'a dit, ont été envoyés au gouvernement de la part des gardes de la prison, par l'entremise de feu l'hon. T. Berthiaume, de La Presse, pour prouver que Landriault était indigne de remplir cette charge. Je crois, si les informations que j'ai reçues sont exactes, qu'il y avait peut-être même 28 rapports contre M. Landriault assermentés à cette époque.

75. Le geôlier a obtenu sa nomination, et la suite a prouvé que les plaintes avaient leur raison d'être puisqu'il n'y a pas très longtemps le geôlier a dû subir l'arrestation sur une faute grave et qu'il a été condamné par le juge d'instruction à subir son enquête préliminaire à la Cour du banc du roi, au terme de mars prochain, si je ne me trompe.

76. Le geôlier a battu un nommé Saint-Germain, dont le sobriquet est "Pott", et un autre détenu, un nommé Laliberté, dont le sobriquet est "La patte Laliberté". Il a battu ces deux individus alors qu'ils avaient les mains liées, et tellement battu qu'il a fallu faire laver la cellule pour cacher le sang qui était répandu. C'est le garde Giguère qui a été chargé de faire ce nettoyage.

77. Plus tard, le geôlier, pour une raison que j'ignore, a transféré Saint-Germain à la sacristie de la prison, bien que ce nommé Saint-Germain soit considéré comme un des pires criminels qui soient passés à Bordeaux, et ce, à la protestation des gardes.

78. Le 10 janvier 1915, entre 9 heures et 10 heures du matin, ce nommé Saint-Germain a brisé le calice et le ciboire et a jeté les hosties consacrées dans les cabinets d'aisances. Ce détenu avait comme complice le détenu Brosseau qui finissait son terme d'incarcération ce matin-là.

Malgré ce crime, Brosseau a été libéré quelques heures après, comme si rien n'était arrivé. On m'a dit qu'à cette époque le père Garceau, alors aumônier de la prison, a voulu parler de la chose devant les chefs du gouvernement, mais il fut remercié de ses services et l'affaire est restée là, quant à lui. C'est là ce qui s'est répété parmi les gardes de la prison.

79. Le geôlier a alors envoyé Saint-Germain dans une cellule de punition jusqu'à la fin de son terme, mais sans lui faire subir de procès devant les cours de justice. Il me semble que, dans tous les cas, il aurait dû au moins subir un examen mental, puisque, ayant été arrêté quelque temps après sa sortie de la prison, Saint-Germain aurait été de nouveau interné au pénitencier, puis, de là, envoyé à Saint-Jean-de-Dieu où il serait encore actuellement.

80. Quant à Laliberté, il avait été battu, comme je viens de le dire, et la mère m'a dit ces jours-ci qu'il était malade et qu'il était maintenant à Saint-Jean-de-Dieu, et que l'une des causes de sa maladie serait les coups qu'il aurait reçus durant son séjour à la prison de Bordeaux.

81. Le geôlier est un lutteur (il se proclame "all around athlete"). Pour le prouver, un jour, durant l'année 1914, il a fait mettre les officiers en rangs dans le vestibule de l'administration, c'était un matin de paie. Une fois en rangs, les officiers virent tout à coup apparaître devant eux le geôlier en costume de lutteur; il portait son pantalon, ses bretelles pendaient et le reste de son corps était nu. Il avait un air martial, la moustache relevée à la Kaiser, et, d'un air provocateur, il fit l'inspection des gardes. Puis il interpella le garde Samuel Vallée et lui dit de sortir des rangs pour venir dans sa chambre se mesurer avec lui afin que l'on sache lequel était le plus fort. M. Samuel Vallée pèse environ 245 livres, il est d'une forte stature et il a la réputation d'un homme fort. Comme c'était après 7 heures du matin, il y avait déjà un grand nombre de prisonniers qui avaient la permission de circuler dans la prison pour vaquer à leurs occupations diverses et un certain nombre dans les bureaux de l'administration, de sorte que plusieurs détenus ont été témoins de cette provocation.

82. Il n'y a pas eu de "prize fight" parce que le garde Samuel Vallée, étant malade, a refusé de lutter. Le jour même, ce garde (S. Vallée) a été suspendu pour refus d'obéissance à l'ordre de son supérieur. Je crois qu'il a été dehors durant une quinzaine de jours.

83. Le geôlier s'enivre quelquefois, même souvent. Des gardes et des prisonniers l'ont vu en boisson. Il est arrivé une fois qu'il est venu à la prison avec la paie dans sa voiture, mais il était tellement ivre qu'il a oublié l'argent dans sa voiture.

84. Il était tellement ivre que son assistant (M. David) a été obligé de l'aider et de le soulever pour l'entrer dans le bureau et le cacher ainsi à la vue des prisonniers.

Ce que déclare B:

23. M. Landriault ne manque pas de lancer des jurons à la tête des officiers qui sont à son service.

24. Il ne porte jamais son costume, M. le geôlier, excepté les grands jours de fête nous le voyons dans son uniforme. Il a dans son office, comme commis, un Anglais dont j'ignore le nom, qui travaillait avant pour l'entrepreneur général de la prison au pic et à la pelle, c'est-à-dire comme journalier. M. Landriault en a fait un commis d'office, il est l'assistant de M. David, tandis qu'il y avait parmi nous des gardes, des hommes ayant fait leur cours d'études et même professeurs de collèges pendant nombre d'années, très bien qualifiés pour remplir cette position.

25. Le geôlier est un lutteur. Je me rappelle qu'un jour il fit mettre les gardes en rangs puis, se montrant devant eux, il demanda au garde Samuel Vallée de venir se mesurer avec lui. M. Vallée étant indisposé ce matin-là, il a refusé de se mesurer avec M. Landriault.

26. Pour ce refus, M. Samuel Vallée a été suspendu pour refus d'obéissance à l'ordre de son supérieur. Il a été suspendu durant près d'un mois, je crois, et a perdu son salaire.

Ce que déclare F:

14. Comme administrateur, je considère que M. Landriault est incapable de remplir cette charge.

15. M. Landriault fait très peu de devoir à la prison. M. Landriault est presque toujours en dehors, et son uniforme, il ne le porte presque jamais.

Construction de la prison de Bordeaux

Solage défectueux

Ce que déclare A:

1. Dans les temps de dégel, l'eau s'entasse par le solage en béton dans le soubassement où se trouvent la cuisine, la boulangerie et, en somme, dans tout le bas de la bâtisse centrale, et je suis informé que ceci a lieu depuis que la construction est faite.

2. On m'a dit, à plusieurs reprises, qu'il fallait jusqu'à 20 hommes pour éponger l'eau qui, à certains endroits, entre avec beaucoup de vitesse et que, si on ne l'épongeait pas, l'eau s'amoncellerait assez pour rendre la circulation impossible. Cette eau vient des égouts des couvertures, qui sont en pente à pic.

Ce que déclare B:

1. Dans les temps de dégel, le solage de la prison est tellement défectueux que l'eau s'introduit au travers du béton et se répand sur le plancher.

2. Il faut tous les matins une certaine équipe de prisonniers pour éponger l'eau qui deviendrait embarrassante et très malpropre si on ne la faisait éponger.

Ce que déclare C:

1. Pendant les quelques mois que j'occupais la charge de sergent à la nouvelle prison de Bordeaux, je me suis aperçu que le solage était très défectueux dans tout le soubassement de la prison, et les planchers étaient tellement humides par l'eau qui s'introduisait au travers du solage qu'il était très difficile pour nous d'y demeurer sans courir le risque d'attraper quelques maladies.

Ce que déclare D:

1. Il est à ma connaissance personnelle que l'eau s'introduit au travers du solage, qui est en béton, en assez grande quantité surtout dans les grands dégels. Il a fallu que je change d'appartement parce que l'eau se répandait tellement sur les planchers qu'il était impossible de préparer mon travail pour la confection de la couverture.

Ce que déclare E:

1. Le solage de tout le soubassement de la prison me paraît très défectueux. L'eau s'introduit au travers de ce solage qui est en béton et tient les planchers constamment humides.

Couvertures et dôme

Ce que déclare A:

3. Au meilleur de ma connaissance, il y a environ 600 pieds carrés de couverture en ardoise, tout autour du dôme central, qui ont été brisés par la glace et finalement enlevés par le vent durant l'été de 1915.

4. Toute la partie de la couverture enlevée a été réparée et remplacée en coppe par les prisonniers, sous la direction du garde Daudelin, instructeur plombier, et finalement par un nommé Côté, garde qui remplace Daudelin.

5. Le dôme central, dont je viens de parler, a été réparé durant l'hiver actuel parce qu'il coulait à beaucoup d'endroits, et je suis informé qu'il a toujours coulé depuis sa confection.

6. Quand on a réparé ce dôme, on a constaté qu'il était fait en tôle galvanisée. D'après les connaissances que j'ai, il me semble que ce dôme, étant donné son volume, n'aurait pas dû être couvert en tôle galvanisée, mais qu'il aurait dû être fait en matériau d'une nature plus permanente. Je ne sais pas de quelle manière ce dôme devait être fait d'après les devis et les contrats.

Ce que déclare D:

3. Le dôme central de la prison est fait en tôle canadienne clouée sur le bois et peinturée à l'imitation de la coppe.

4. L'autre partie de la couverture est couverte en ardoise, clouée sur une couverture en bois et ayant entre les deux un simple papier de 16 onces ou de 12 onces goudronné; il y a du terra cotta sous le papier, entre les "beams" en fer.

Le papier n'est pas cimenté.

5. Depuis ce temps, le second contracteur, M. Beauregard, m'a demandé si je voulais bien réparer le dôme qui coulait à plusieurs endroits. Sur cela, j'ai répondu à l'un des contremaîtres de M. Beauregard qu'il était impossible de réparer ce dôme, ce qu'il faudrait pour le mettre en bon ordre, et je leur ai conseillé d'enlever toute la couverture du dôme et d'en faire une nouvelle.

Pour toutes les couvertures à réparer, il faudrait à peu près un char d'ardoise.

Couverture

Remarques

Couverture en cuivre:

Comment se fait-il que (61 de 67) lors du premier contrat, en 1907, l'entrepreneur s'est engagé à faire les couvertures à la bâtisse des services et de l'administration pour la somme de ? ? ? et qu'il faille, en 1913, payer de nouveau pour les faire mettre en cuivre:

(A) Bâtisse des services (couverture recouverte en cuivre): Item 5, page 52 de 61, pour le montant, je suppose, $??? Item 64 de 61, pour la main-d'oeuvre, je suppose $???.

(B) Bâtisse de l'administration: Do (84 de 61). Combien cela a-t-il coûté?

Dôme de la prison

P. 61 de 67 stipule que le dôme devrait être couvert par le premier contrat.

P. 63 de 67 stipule que le dôme devrait avoir trois pouces d'épaisseur en béton armé couvert d'une toile métallique et un pouce de mortier de ciment Portland, un de ciment et deux de sable de rivière bien égalisé à la truelle et recouvert de trois couches de peinture imperméable.

Tôle galvanisée: (no 26 posée sur une couverture en épinette de 1 po d'épaisseur B et E, suivant les indications des plans et détails).

P. 63 de 78. On fait recouvrir le dôme de même manière (que stipulé 211 de 67).

Couvertures en ardoise:

Les couvertures en ardoise ne sont pas faites dans le ciment, mais sur papier (V. 61 de 57).

Couvertures

Couverture de la chapelle P.: 1er contrat, 61 de 67; 2e contrat, 209 de 67.

Le dôme: 1er contrat, 61 et 63; 2e contrat, 211 de 67.

Pavillon de l'administration: 1er contrat, 61 de 63; 2e contrat, 209 de 67.

Pavillon du corps de garde: 1er contrat, 61 de 63; 2e contrat, 209 de 67.

Bâtiment de services: 1er contrat, 61 de 63; 2e contrat, 209 de 67; 3e contrat, 61 de 78.

Couvertures extras

P. 52 de 61, item 4, Bâtiment de services: $???

P. 52 de 61, item 15, Ailes A, E, F (i): $14,338.96.

P. 120 de 61

P. 53 de 61, item 16, Ailes B, C, D: $6,160.07.

P. 54 de 61, item 22, Bâtisse centrale, et p. 152 de 61, Bâtisse centrale: $5,339.04.

P. 84 de 61, Bâtisse de l'administration: Couverture et couronnement en cuivre. (i) Ceci a été payé avec le $158,849.46 de p. 56 de 61.

Petit mur intérieur

Ce que déclare A:

14. Ce qu'on appelle le petit mur passe à environ 30 pieds, je crois, au bout des ailes. Ce mur est fait en béton qui n'a jamais été poli. C'est tout raboteux, plein de trous, on voit la forme des planches. C'est disgracieux de voir qu'il n'est pas fini, ce qui n'est pas acceptable, d'après moi.

15. Bordant ce mur, il y a une espèce de galerie ou passerelle de trois madriers, en tout 3 pi de large, pour permettre aux gardes de circuler dessus. Je crois que cette passerelle est inutile. Elle n'a jamais servi, que je sache, et je ne crois pas que les gardes aimeront à y faire du service s'ils en sont requis, d'abord en été, parce que la chaleur y sera si ardente qu'il sera impossible d'y résister, surtout étant donné que sur ce mur, d'une longueur d'environ 1,700 pieds en tout, il y a deux guérites, une à chaque extrémité du mur.

16. Du reste, ces guérites ne sont pas logeables, n'étant faites que de tôle galvanisée. Sous l'action du soleil, il ne serait pas possible d'y séjourner, et en hiver, parce que le froid y sera si intense et le plancher si glissant que, la guérite n'étant pas chauffée, il ne sera pas possible de s'en servir.

17. Cette galerie a dû coûter excessivement cher; elle a été faite par les prisonniers. Pour soutenir cette passerelle, il y a environ 220 broquettes en fer qui ont été faites à la prison par les prisonniers, sous la direction du garde Viger. En somme, je ne crois pas que ce mur soit d'aucune utilité pratique et je sais bien qu'à Saint-Vincent-de-Paul il n'y a qu'un seul mur.

Ce que déclare B:

6. Le petit mur de l'intérieur passant environ à 30 pieds du bout des sites est fait en béton. Il est très disgracieux à voir; il est raboteux, plein de trous, on voit la forme des planches. D'après moi, ce n'est pas acceptable pour une prison aussi dispendieuse.

Ce que déclare E:

3. Le petit mur qui passe environ à 30 pieds, je crois, du bout des ailes est très disgracieux à voir; il est raboteux, plein de trous, on voit la forme des planches. D'après moi, ce n'est pas un ouvrage fini.

4. Sur ce petit mur, il y a une espèce de galerie ou passerelle qui, d'après moi, n'est d'aucune utilité.

Grand mur extérieur

Ce que déclare A:

18. Le grand mur extérieur, qui couvre 20 acres de terre, mesure 27 pieds hors de terre, trois ou quatre pieds de large; il est fait, au meilleur de ma connaissance, en "concrete", avec des piliers en pierre de taille à peu près tous les 30 ou 40 pieds.

19. À un grand nombre d'endroits, j'ai pu moi-même constater que ce mur est très défectueux: le ciment semble d'une qualité inférieure et j'ai pu passer ma canne au travers de presque toute la largeur par des fissures que je rencontrais. Ceux qui voudront faire le tour de ce mur trouveront de ces fissures dans un très grand nombre d'endroits.

Ce que déclare E:

5. Le grand mur extérieur qui entoure la prison est fait de béton, et il y a des piliers en pierre de taille à peu près tous les 30 à 40 pieds.

6. J'ai constaté qu'à plusieurs endroits il y avait des fissures dans le mur.

Chauffage défectueux et chaleur insuffisante

Ce que déclare A:

20. On a fait, dans la chambre des bouilloires, la chambre des engins, etc., au système de chauffage, dynamos, etc., des changements pour plusieurs milliers de piastres, durant 1914-1915. Il y avait déjà trois dynamos et l'on en a ajouté une quatrième l'an dernier.

21. On répare constamment les tuyaux qui ont été remplacés et qui sont déposés dans la cour. On est très souvent obligé de réparer les tuyaux de chauffage ou de les remplacer parce que le système est défectueux.

22. Les cellules des prisonniers sont très mal chauffées et les prisonniers se plaignent durant l'hiver du manque de chaleur. Il est arrivé que l'on a dû donner deux paires de couvertures aux prisonniers parce que le froid était trop grand.

23. La cause de tout cela, c'est que les radiateurs ont été installés dans les murs où ils ne peuvent développer assez de chaleur pour chauffer suffisamment les cellules. La chaleur de ces radiateurs ne peut venir dans les cellules que par petits grillages, ce qui est tout à fait insuffisant.

Plomberie

Ce que déclare A:

24. La plomberie est défectueuse, les tuyaux se bouchent et l'eau se répand en très grande quantité dans les cellules, au grand inconvénient des prisonniers et des officiers.

5. Depuis la construction de la prison, il s'est fait de grands changements et du renouvellement dans la plomberie. On y travaille à l'année et des prisonniers ne font que cela à l'année, sous les ordres d'un instructeur, ce qui doit coûter beaucoup d'argent au gouvernement.

Ce que déclare B:

6. La plomberie est très défectueuse, les conduits de renvoi se bouchent fréquemment. J'ai vu, à ma connaissance, l'eau se répandre sur le plancher du troisième étage et couler jusqu'en bas.

7. J'ai vu souvent des hommes travailler à la réparation du plombage tous les jours.

Ce que déclare C:

4. Lorsque le gouvernement a pris possession de la prison, les tuyaux de conduits de la plomberie se bouchaient fréquemment.

Électroliers et système d'éclairage

Ce que déclare A:

26. Dans la construction de la prison, on n'a pas oublié de faire reluire toutes les beautés qui devaient être mises dans la prison, puisqu'on y avait installé des électroliers ou des broquettes en quantité tellement grande qu'on a dû en enlever la moitié. C'est un gaspillage considérable.

27. On s'est aperçu évidemment qu'il était ridicule d'avoir tant de lumière dans une prison. On a enlevé un grand nombre de fixtures et on les a entassées dans l'aile F de l'administration. Parmi ces fixtures, il y en avait de très dispendieuses qui coûtaient jusqu'à $15 et $25.

Ce que déclare B:

9. Après l'ouverture de la prison, les directeurs, y compris le geôlier, ont fait enlever près de la moitié des électroliers attachés aux plafonds.

10. Ces électroliers ont été entassés dans l'aile F de l'administration. Il y a, parmi ces fixtures, des électroliers qui me paraissent très dispendieux.

Ce que déclare H:

Les paragraphes 26 et 27 de A sont corroborés par H qui n'a pas eu le temps de donner sa déclaration solennelle.

Ce que déclare I:

Les électroliers posés, acceptés et payés ont été débranchés et envoyés chez un marchand pour les faire brunir parce qu'ils étaient trop beaux. (Un garde actuel qui n'a pas donné sa déclaration.)

Enduits

Ce que déclare A:

28. Dans la partie centrale de la cuisine, le plafond a dû, durant l'été 1915, être renouvelé à neuf sur une superficie de 170 pieds par 25 pieds au moins; on a même dû remplacer les lattes métalliques tout à neuf. On a foncé en bois et on a recouvert ce travail en tôle à patron.

29. Les enduits des plafonds et au-dessus des portes des cellules, dans toutes les ailes qui sont ouvertes, sont défectueux et en partie déjà renouvelés.

30. Chaque fois que l'on fait fonctionner le système automatique de fermeture des portes des cellules, ce qui provoque une grande vibration et fait un bruit d'enfer, les enduits et le tour des portes se brisent. Je me rappelle que, lorsque j'étais sur mon poste, dans le champ, entre les murs, à une grande distance des ailes, à peu près 300 pieds, j'entendais le grincement des portes quand on les ouvrait ou qu'on les fermait.

31. Quand on rouvre les portes ou qu'on les ferme, elles frappent fer sur fer. Les prisonniers et même les gardes qui entendent ce bruit pour la première fois en restent tout énervés et ne peuvent s'empêcher de songer à leur fin dernière.

Ce que déclare B:

11. Une partie du plafond de la cuisine est tombée et a été renouvelée en plâtre. L'on me dit que, depuis ce temps, elle a encore tombé, mais, cette fois-ci, on l'a réparée en tôle à patron.

12. Presque tous les plafonds au-dessus des portes des cellules tombent aussi; ils ont été renouvelés de mon temps. Les enduits autour des portes des cellules dans toutes les ailes tombent aussi.

Travaux additionnels

trois contrats

Complicité criminelle du gouvernement

Premier contrat:

Le premier contrat de construction de la prison de Bordeaux a été signé par M. J.-B. Pauzé (a), le 16 septembre 1907, pour $790,000.

Les plans, devis et cahier des charges (b) avaient été préparés dès le 31 juillet 1907 (c). Les architectes du gouvernement ont fait des sondages (d) lors de la préparation de ces plans de la prison, sur le terrain qui devait en recevoir les assises. Au reste, c'eût été un crime pour des architectes d'en agir autrement, car on ne bâtit pas de nos jours un édifice d'une certaine conséquence sans faire au préalable des sondages nombreux et méticuleux. Si, cependant, nous n'avions pas l'aveu des architectes, nous aurions eu au moins la ferme conviction, via leur expérience et leur sagesse, qu'ils ont dû, en fait, faire les sondages que l'importance de la construction de Bordeaux exigeait.

Les architectes et le gouvernement savaient donc, d'une manière positive (c'était dans tous les cas leur devoir de le savoir), que la base du terrain sur lequel on devait construire la prison nouvelle était du sable mouvant. Ces conditions et ces faits étant posés, il est intéressant de savoir et d'apprendre si tous les entrepreneurs soumissionnaires ont été mis au courant de la nature du sol où devait être construite la prison avant de soumissionner.

Si les entrepreneurs soumissionnaires l'ont appris, je ne crois pas que ce soit par les plans, devis et cahier des charges. À tout événement, on peut affirmer sans crainte que le gouvernement, par son cahier des charges, par ses plans et devis, a laissé la porte ouverte d'avance aux travaux additionnels ou extras que l'on sait maintenant, et ce, de propos délibéré, en insérant dans le contrat qui a été passé avec l'entrepreneur une clause dite prix par unité.

À tout événement, il est important de ne pas oublier que des travaux additionnels de fondation ont été faits par J.-B. Pauzé dès avant le 5 avril 1909, date à laquelle le deuxième contrat a été passé devant Me Arthur Ecrément, N. P. (e). Voir à ce sujet ce qui suit aux pages 283 et 284 du fascicule 67; pages 285 et 295 du fascicule 67; pages 301 à 306 du fascicule 67; page 9 du fascicule 78. L'on verra plus loin le montant des quelques items extras.

Deuxième contrat:

Le deuxième contrat de la prison de Bordeaux a été adjugé à J.-B. Pauzé. Ce contrat a été signé le 5 avril 1909 (f), pour $810,000, devant A. Ecrément, N. P. C'était quelques jours seulement après avoir fait, en vertu du premier contrat, les travaux additionnels de fondation occasionnés par le fait que l'entrepreneur n'avait pu asseoir les bases de ses fondations sur le roc qu'il ne pouvait atteindre qu'à 23 pieds environ. Cahier des charges, plans et devis ne stipulent pas la profondeur.

On s'imaginera, je suppose, que le gouvernement, sage et averti, qui connaissait alors si bien la nature du sol et ce sable mouvant pour l'avoir appris par toute une correspondance échangée entre le gouvernement et les intéressés (g), on s'imaginera, dis-je, que le gouvernement a dû se reprendre et déclarer, dans les plans, devis et cahier des charges préparés pour ce second contrat pour lequel des soumissions ont été demandées, qu'il a dû prévenir les soumissionnaires qu'on ne pouvait atteindre le roc qu'à 23 pieds.

Apparemment, cet avertissement n'a pas été donné aux soumissionnaires qui auraient dû l'être, je présume, à l'avantage du Trésor de la province et de son propre trésor. On a de nouveau laissé la porte ouverte à ces travaux additionnels et on a de nouveau inséré la clause prix par unité. (Plus loin se trouvent certains items occasionnés par cette soumission)

Troisième contrat:

Le troisième contrat de la prison de Bordeaux (sans compter les petits contrats) a été adjugé à Pauzé, à qui H. Beauregard a plus tard succédé. Ce contrat a été signé le 4 septembre 1911, pour $884,722.30, devant C.-E. Taschereau, de Québec, N. P. (Voir page 19, fascicule 78)

À l'occasion de ce contrat, on semble de nouveau avoir omis de signaler aux soumissionnaires le sable mouvant, de sorte que le prix par unité a été de nouveau inséré dans le contrat et a dû être une belle source de revenus pour l'entrepreneur. Il n'y avait aucune justification pour cacher ce détail, étant donné toute la correspondance dont il est question ci-dessus et à laquelle il est référé plus en détail au cours des notes ci-dessus, sans compter en outre, également, une lettre du 6 juillet 1909 que l'on trouve à la page 282 du fascicule 67.

Résultat

1. Il est démontré par les déclarations solennelles que nous avons en notre possession que certaines bâtisses travaillent.

Ceci est probablement dû au fait que ces bâtisses-là ont été assises sur des fondations qui auraient été faites avant que l'entrepreneur eût réalisé que le roc était à la profondeur dont on vient de parler; ou bien encore il n'aurait pas assis ces fondations sur le roc, mais sur de la glaise et du sable, croyant avoir atteint le roc. Du reste, je me demande si on pouvait reprocher à l'entrepreneur de ne pas être allé au roc.

2. De tout ceci, il résulte également que des travaux additionnels ont été faits pour asseoir les fondations des murs et des bâtisses; voir à ce sujet, ci-dessous, un état très incomplet dans lequel ne sont pas compris les travaux additionnels qui ont peut-être été faits en rapport avec les ailes B, C, D. (Voir le tableau ci-dessous)

 

Relevé de certains travaux additionnels
DateNature des travauxMontantPageFascicule
5 novembre 1908Fondation de la prison16,772.7515367
29 mars 1909Assise piliers aile A5,412.9228467
8 juillet 1909Assise piliers aile E5,431.8929067
8 juillet 1909Assise des piliers bâtiment central14,156.5229167
2 novembre 1910Assisse piliers aile F23,843.0130667
 Divers1,964.636661
7 novembre 1913 Travaux additionnels en rapport avec citerne aseptique (champ d'épuration)2,720.005161
 Do - Déviation620.005961
7 novembre 1913Bâtisse des services5,127.00 (?)52-6461
 Assise piliers aile C?  
 Assise piliers aile B?  
 Assise piliers aile D?  
 Filtre?10761
7 novembre 1915Bâtisse du corps de garde?6061
 Fondations tour d'eau639.755661
 Drainage pour égoutter2,501.355661

 

Références aux renvois ci-dessus

a. Page 112, fascicule 67.

b. Page 17 et suiv., fascicule 67.

c. Page 98, fascicule 67.

d. Lettre du 2 octobre 1908. Page 151, fascicule 67.

f. Page 271, fascicule 61.

Page 268, fascicule 67.

g. Page 141, fascicule 67. Lettre du 18 juillet 1908.

Page 143, fascicule 67. Lettre du 28 juillet 1908.

Page 151, fascicule 67. Lettre du 3 octobre 1908.

Page 283, fascicule 67. Lettre du 29 mars 1909.

Prison de Bordeaux

Résumé des trois contrats:

112 de 67 (1) 16 septembre 1907: $790,000. (Voir souscription)

(4 septembre 23 de 67 1A et F et bâtisse centrale.)

271 de 67 (2) 5 avril 1909: $810,000 (détails page 271, fascicule 67)

(3) 4 septembre 1911: $884,722.30 (page 39, fascicule 78)

Total: $2,484,722.30

Gaspillage dans l'administration

Ce que déclare A:

51. Le geôlier de la prison, M. Landriault, s'est acheté, sur le bord de la rivière des Prairies, à environ un mille de la prison, une résidence privée qu'il a améliorée. Entre autres choses, il a amélioré son terrain sur le bord de l'eau, et la pierre dont il a eu besoin pour faire des remparts sur le bord de la rivière a été prise sur le terrain de la prison. Était-ce de la pierre venant des anciennes clôtures de chaînes de roches des anciens cultivateurs ou de la pierre de la maison qui se trouvait en cet endroit? Je ne puis le dire.

52. Cette pierre a été transportée par les prisonniers, sous la direction des officiers et dans des voitures appartenant au gouvernement et traînées par des chevaux appartenant aussi au gouvernement.

53. Les officiers qui ont eu la direction de ces travaux et transports sont MM. Perron et Dansereau qui sont encore gardes à la prison.

54. Ce sont aussi les prisonniers, sous la garde des officiers de la prison, qui ont fait les améliorations à l'intérieur de la maison et sur le terrain de la résidence de M. Landriault.

55. J'ai vu transporter des "fittings" de la prison de Bordeaux et je suis sous l'impression qu'on allait les porter à la résidence du geôlier. Je voyais partir les voitures et les hommes qui transportaient ces "fittings"; je les voyais revenir puis repartir avec d'autres tuyaux que les hommes transportaient quelquefois sur leur dos, après les avoir fait couper et filer dans la machine shop de la prison.

56. Le geôlier se sert à toutes heures des chevaux de la prison. C'est un garde, le sergent Choquette, qui lui sert de cocher de nuit. Le jour, il prend Perron ou d'autres, et on m'a signalé à plusieurs reprises que les chevaux étaient arrivés blancs d'écume, le matin. D'où venaient-ils et qui avaient-ils conduit? Seul Choquette, je crois, pourrait le dire.

57. Le geôlier a aussi une automobile. Ce qui me fait dire que cette voiture appartient au geôlier, c'est qu'il l'a annoncée en vente, dans les journaux, l'an dernier. Il avait une Ford qu'il a vendue. Il possède maintenant une Studebaker et c'est cette dernière qu'il a annoncée en vente. Il a encore cette voiture et il s'en sert, mais avec la gazoline et l'huile de la prison.

58. Le geôlier a fait "overhauler" son automobile à la machine shop de la prison durant le mois de décembre dernier.

59. Le chauffeur du geôlier est le garde Desnoyers qui ne fait rien d'autre que de promener le geôlier, sa famille et ses amis.

60. En outre des deux officiers de la prison qui sont au service personnel du geôlier et dont je viens de parler, le cocher et le chauffeur, il a à son service un autre officier qui s'occupe de sa résidence privée et souvent François Lamontagne va l'aider.

61. Il arrive que les prisonniers vont donner leur concours au garde pour l'entretien ou le bon maintien de la résidence du geôlier. Il y a au moins un prisonnier qui y va tous les jours, et il est arrivé que plus d'un sont allés pour entretenir le jardin, la cour, pour faire le balayage, etc.

62. Sur le terrain de la prison, des arbres ont été abattus, sur les ordres du geôlier, par des prisonniers, débités en bois de poêle et donnés à certains officiers de la prison. Il y en a qui ont du bois pour deux ou trois ans.

64. De mes confrères de la prison m'ont affirmé, il y a quelque temps, qu'il était entré à la prison 13 chars de farine préparée, durant le cours de l'hiver. Ce sont les prisonniers qui transportaient cette farine de la "siding" à la prison.

65. Cette farine a été entassée dans les greniers à foin, dans les caves à charbon, dans les hangars, enfin un peu partout, et cette farine est maintenant exposée aux rats qui ont commencé à s'en régaler, d'après ce qu'on m'a dit. Je dois ajouter que j'ai vu moi-même entrer à la prison plusieurs voyages de farine durant l'hiver.

Ce que déclare B:

20. Le geôlier, M. Landriault, fait faire les réparations de son automobile, et, moi-même, j'ai travaillé à ces réparations.

21. Il a, comme chauffeur de l'auto, un garde de la prison pour promener le geôlier, sa famille et ses amis.

23. M. Landriault ne manque pas de lancer des jurons à la tête des officiers qui sont à son service.

24. Il ne porte jamais son costume, M. le geôlier, excepté les grands jours de fête: nous le voyons dans son uniforme. Il a dans son office, comme commis, un Anglais dont j'ignore le nom, qui travaillait avant pour le contrôleur général de la prison au pic et à la pelle, c'est-à-dire comme journalier. M. Landriault en a fait un commis d'office, il est l'assistant de M. David, tandis qu'il y avait parmi nous des gardes, des hommes ayant fait leur cours d'études et même professeurs de collèges pendant nombre d'années, très bien qualifiés pour remplir cette position.

25. Le geôlier est un lutteur. Je me rappelle bien qu'un jour il fit mettre les gardes en rangs puis, se montrant devant eux, il demanda au garde Samuel Vallée de venir se mesurer avec lui. M. Vallée, étant indisposé ce matin-là, a refusé de se mesurer avec M. Landriault.

26. Pour ce refus, M. Samuel Vallée a été suspendu pour refus d'obéissance à l'ordre de son supérieur. Il a été suspendu durant près d'un mois, je crois, et a perdu son salaire.

27. Il y a certains gardes qui sont préférés. Il y en a qui prennent de la boisson enivrante, ce qui scandalise les détenus. Il y en a d'autres qui occupent des occupations plus encourageantes que d'autres.

Ce que déclare F:

20. Le geôlier se sert des chevaux de la prison pour se promener le soir, et le garde Choquette est spécialement son cocher; il ne fait que cela, sortir M. Landriault. Mais aussi, ce garde, je l'ai vu moi-même se servir de ces chevaux pour son propre usage.

21. M. Landriault a une automobile et c'est le garde Desnoyers qui est son chauffeur.

22. Les réparations pour l'auto se font à la prison, et l'huile, la gazoline, tout se prend à la prison.

23. Il y a tous les jours un garde et des détenus qui vont faire le travail manuel à la résidence privée de M. Landriault.

24. Les arbres qui ont été abattus sur la ferme de la prison et débités en bois de poêle, je sais bien où il est allé, ce bois, c'est le garde qui l'a charroyé à sa résidence avec mon cheval Boxeur.

25. Il y a beaucoup de sacs de farine entassés dans le grenier à foin et dans la cave à charbon, et je vous assure que les rats sont gras.

Comme administrateur, M. Landriault me paraît bien nul. Il n'est jamais à la prison, il est toujours parti en automobile, à ma connaissance. C'est un grossier et un mal éduqué.

Ce que déclare E:

9. Le geôlier, M. Landriault, sort très souvent la nuit avec des chevaux appartenant au gouvernement et a comme cocher le garde Choquette qui est constamment attaché à son service. Le jour, c'est le garde Perron qui lui sert de cocher (ou autres gardes).

10. Toutes les réparations de son automobile se font à la machine shop de la prison, et c'est le garde Desnoyers qui lui sert de chauffeur.

14. Comme administrateur, je considère que M. Landriault est incapable de remplir cette charge.

Ce que déclare G:

14. Le geôlier, M. Landriault, a une automobile, et les réparations dont elle a besoin sont faites à la prison.

15. Comme administrateur, M. Landriault n'est jamais à son devoir. M. Landriault est toujours en auto, en compagnie du garde Desnoyers comme chauffeur.

M. Bérubé (Témiscouata) propose en amendement:

"Que cette Chambre ordonne la convocation immédiate du comité des comptes publics, avec instruction audit comité de prendre connaissance des déclarations et documents ci-dessus mentionnés et avec pouvoir de requérir toutes personnes, papiers, documents, mémoires, plans et devis se rattachant à la construction et à l'administration de la prison de Bordeaux, d'examiner des témoins sous serment ou sous affirmation au sujet de telle construction et administration;

"Et que le comité fasse rapport au complet de la preuve recueillie et du résultat de ses recherches."

Il propose, appuyé par le représentant de Lévis (M. Bernier), que le débat soit ajourné.

Cette proposition est adoptée. Le débat est ajourné.

La séance est levée à 6 heures.

 

Troisième séance du 14 mars 1916

Présidence de l'honorable C. F. Delâge

La séance est ouverte à 8 h 15.

M. l'Orateur: À l'ordre, Messieurs! Que les portes soient ouvertes!

Contributions des municipalités pour fins patriotiques, nationales ou scolaires

La Chambre procède à la prise en considération des amendements que le Conseil législatif a apportés au bill 180 pour autoriser les municipalités à contribuer de leurs deniers pour des fins patriotiques, nationales ou scolaires.

M. Galipeault (Bellechasse) explique les amendements qui ont été apportés à son bill par le Conseil législatif. Ces amendements proclament que seules les commissions scolaires seront autorisées à souscrire à ce fonds de secours et que les municipalités en seront exemptées parce que, étant composées souvent de représentants des deux races, une telle disposition pourrait froisser les sentiments et les opinions de la minorité dans cette province.

Il dit que ce bill n'est pas de nature politique et qu'il s'agit d'un bill sérieux.

Je regrette l'amendement que le Conseil législatif a fait subir au projet de loi que j'avais eu l'honneur de présenter à la Chambre. Lorsque je l'ai préparé, j'en ai sondé les conséquences et prévu la portée, et cette Chambre en mesura elle-même soigneusement l'étendue avant de l'accepter. Ce projet de loi me vaudra peut-être un jour l'honneur d'être appelé devant le tribunal inquisiteur du Club de la Garnison, dont la jurisprudence va jusqu'à étudier et critiquer la conduite politique de ses membres, ce qui n'est pas une grande preuve de largeur d'esprit. Mais je dois déclarer qu'il ne contenait aucun principe pernicieux, comme on a voulu le croire en certains endroits. Il permettait tout simplement aux municipalités d'aider de leur argent les associations patriotiques, nationales ou scolaires.

Les minorités des municipalités ne pouvaient pas être lésées par suite de cette loi, parce que, dans cette province, les minorités n'ont jamais eu, en aucune occasion, à se plaindre de la violation de leurs droits. Je regrette donc que le Conseil législatif ait apporté cet amendement, mais, de peur que le bill ne reste entre les deux Chambres, je ne demanderai pas aux députés de rejeter l'amendement et j'accepte celui-ci.

Toutefois, puisque la législature sera prorogée dans quelques jours, il ne demande pas à la Chambre de voter contre les amendements, et il les accepte.

M. l'Orateur: Adopté.

M. Lavergne (Montmagny) n'ajoutera qu'un mot, dit-il, aux judicieuses paroles du député de Bellechasse (M. Galipeault). Ce n'est pas sans hésitation qu'il donne son consentement à l'amendement apporté à la loi par le Conseil législatif. D'abord, le principe du bill n'était pas nouveau. Il a été introduit dans nos lois l'année dernière, quand on a autorisé les municipalités à voter des fonds pour le Fonds patriotique et autres oeuvres de guerre. De plus, le principe du bill lui-même a été voté par la Chambre presque à l'unanimité.

On lui a représenté que la tolérance était portée à la hauteur d'un dogme sacré dans la province de Québec, que les minorités pourraient être lésées en voyant une partie de leurs deniers s'en aller au soutien d'une cause qu'elles n'approuvent pas, et, s'il a donné ce consentement qu'on lui réclamait, il l'a fait pour qu'il ne fût pas dit que dans cette province, la seule qui ait respecté dans toute son intégrité le pacte de la Confédération, on a manqué, même en pensée, au respect des minorités.

Que la minorité y regarde à deux fois avant de froisser des droits acquis. Il accepte aussi l'amendement pour que les Anglais de cette province, vaincus par notre générosité, les Anglais larges d'esprit comme le député de Shefford (M. Bullock) qui, l'année dernière, s'est élevé contre le traitement réservé aux Canadiens français en Ontario, et le trésorier provincial (l'honorable M. Mitchell) s'en aillent dans la province voisine revendiquer auprès de leurs frères anglais les droits des nôtres. Il l'a fait encore parce que nous sommes une race trop haute pour prendre l'argent que nos compatriotes anglais pourraient avoir objection à donner à la cause de l'Ontario, puisqu'ils ne veulent pas comprendre que c'est leur cause à eux autant que la nôtre.

Je m'adresse, ce soir, à mes compatriotes anglais de cette province et de cette Chambre. Si la minorité dans cette province ne dit pas aux Anglais des autres provinces à quel point ils sont bien traités ici, ils manquent à leur devoir moral. La minorité anglaise de notre province ne semble pas comprendre, en effet, le rôle glorieux qu'elle doit jouer dans la crise tellement sérieuse que les bases mêmes de la Confédération en sont ébranlées et s'écrouleront pour peu que cela dure cinq ou 10 ans encore. On en est rendus à nous dire aujourd'hui que c'est à la générosité de l'Angleterre que nous devons de parler encore français aujourd'hui. C'est folie, c'est à nos pères, qui se sont établis le long des rives du Saint-Laurent, que nous le devons, de même que nous avons le devoir de transmettre notre langue à nos enfants.

Le député de Montmagny croit avoir subi assez d'injures pour avoir le droit de dire franchement sa pensée. Nous aurions le droit de forcer nos concitoyens anglais à contribuer, nos compatriotes anglais à restituer par la loi actuelle l'argent qu'on nous vole dans les autres provinces. C'est aux Canadiens anglais qu'il s'adresse, à ceux qui ne sont pas encore à se demander si leur patrie est le Canada ou l'Angleterre, mais qui sont canadiens avant tout. Il leur demande de nous traiter non comme des frères, si cela est au-dessus de leur générosité, mais au moins comme des associés dans cette grande compagnie à fonds spécial qu'est la Confédération. Il n'a jamais refusé d'admettre que les Anglais sont une race fière, mais ils n'admirent non plus que ceux qui se respectent.

L'orateur rappelle ici les Anglais qui ont combattu avec nous: Wolfred Nelson, à Saint-Charles, Baldwin, qui s'était associé à Lafontaine, autrefois rejeté comme traître, Sir John Macdonald et quelques autres comme MM. Mackenzie et Blake.

Cette race généreuse vit encore. Il en voit la preuve dans un article du Citizen, d'Ottawa, qui félicite les Canadiens de leur nationalité et se réjouit de les revoir se répandre dans l'Ontario. Il se réjouira sans doute assez de ces Anglais à l'esprit large pour avoir raison de l'ignorance des autres. Ce nombre est malheureusement trop petit à l'heure actuelle, c'est l'explication des difficultés d'Ontario.

Le député de Montmagny lit à ce sujet un article du Saint John News, de Saint-Jean, province de Québec, sous la signature de Bystander, où l'on va jusqu'à dire que les Anglais dans cette province ont à se plaindre de torts sérieux. Cet article affirme, entre autres choses, que les protestants sont floués par cette commission neutre.

S'il en est, dit-il, qu'on nous les fasse savoir et je m'engage, au nom de cette Chambre, à les redresser. S'il est vrai que la minorité a des doléances, dit-il, si c'est le cas, je m'engage, au nom de l'ensemble de la Chambre, à les prendre en considération dès la séance de ce soir. Mais cela n'est pas le cas.

S'il ne respectait cette Assemblée, il citerait ce vil calomniateur à la barre de la Chambre et lui demanderait de prouver ses dires. Cette race de vipères sera écrasée par la femme canadienne, comme la femme prédestinée a écrasé le serpent maudit. La loi actuelle, continue-t-il, n'a rien d'extraordinaire. Il dit que le fonds que l'on veut créer ne doit pas servir à des fins politiques. Le projet du député de Bellechasse n'est pas subversif. Il ne s'agit pas d'aller mener la guerre dans les autres provinces. Il s'agit uniquement de faire un fonds pour payer des hommes, dont quelques-uns portent l'habit religieux, et des femmes qui n'ont pas touché de traitement depuis 18 mois. Il s'agit de faire un fonds pour rembourser aux spoliés l'argent que l'Ontario, comme les autres provinces l'ont fait, veut mettre dans sa poche. Il s'agit aussi de permettre à nos compatriotes ontariens de porter leur cause d'appel en appel, jusqu'à ce que justice leur soit rendue, jusqu'aux pieds du roi George V.

On a dit: Mêlons-nous de nos affaires. Mais n'est-ce pas l'affaire de la province de Québec que de défendre ses enfants partout où ils sont persécutés? On dit aussi: Cette loi était inconstitutionnelle parce que les provinces sont souveraines en matière d'éducation. Cela est vrai, mais les provinces ne peuvent en aucun cas avoir le droit d'adopter des lois contre l'esprit de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique. Celui-ci nous conservait tous nos droits et les écoles séparées existantes en Ontario avant 1867.

Nous, Canadiens français, sommes chez nous au Canada, de l'Atlantique au Pacifique, et nous demeurerons ici dans le respect des droits qui nous ont été reconnus. S'il n'y a pas de place pour nous ici, il n'y en a pour personne d'autre.

Demain, sans doute, dit le député de Montmagny, on m'accusera encore d'être un traître et un rebelle. Il doit y avoir une loi pour me condamner. Qu'on ose me l'appliquer. En attendant, je continuerai, en ma qualité de sujet britannique, et de sujet britannique loyal autant que le nouveau baron qui dit aujourd'hui ce que je disais il y a plusieurs mois, autant que les patriotes chevaliers de l'Empire qui criaient au recrutement, qui crient plus fort encore maintenant parce qu'on touche à leur bourse, je continuerai, dis-je, de parler comme je l'entends.

Il dit que l'enseignement de l'allemand est permis dans les écoles de l'Ontario, là où le français, la langue parlée par les hommes qui combattent à Verdun pour la sauvegarde de l'Empire britannique, est interdit. Il donnera sa démission si on lui prouve que cela n'est pas vrai.

J'accepte l'amendement, en espérant que la minorité de cette province saura tirer profit de cette leçon de générosité et que ses membres iront dans les autres provinces pour promouvoir le respect des droits. Si cette démarche n'est pas entreprise et si la minorité anglaise ne comprend pas son rôle, la majorité française fera son devoir l'an prochain et verra à ce que soient maintenues les écoles canadiennes-françaises dans les autres provinces.

Puisque l'on a voulu amender le projet de loi de telle sorte que l'on exempte les municipalités d'apporter ce secours à nos frères, j'accepte les amendements pour les raisons que je viens de donner.

M. Cousineau (Jacques-Cartier) déclare qu'il approuvera les amendements qui sont soumis à la Chambre.

Nous sommes appelés à concourir dans les amendements du Conseil législatif au bill de l'Assemblée 180 pour autoriser les municipalités à contribuer de leurs deniers pour des fins patriotiques, nationales ou scolaires. Ce bill, tel que passé par cette Chambre, autorisait toute municipalité constituée en corporation, en vertu d'une loi générale ou par une loi spéciale, à contribuer à même les deniers de la municipalité non autrement affectés et jusqu'à concurrence de 5% de son revenu brut, par résolution du conseil ou de la commission scolaire, selon le cas, aux fonds des corporations ou des personnes souscrits par le public pour des fins patriotiques, nationales ou scolaires, et ce, dans les limites de la province ou ailleurs.

Lors de la troisième lecture de ce bill, le mercredi 23 février 1916, j'ai voté contre sa troisième lecture avec quelques-uns de mes collègues parce que j'ai cru qu'il pourrait occasionner des dissensions regrettables dans nos municipalités, et je n'ai point changé d'opinion. Depuis cette date, le bill s'est rendu au Conseil législatif. Il nous revient maintenant sous une autre forme, le titre même en est changé. Il se lit maintenant "Loi pour autoriser les commissions scolaires à contribuer de leurs deniers pour des fins patriotiques, nationales et scolaires". Le mot "municipalités" est retranché et remplacé par les mots "commissions scolaires", et, partout dans le bill où ce mot "municipalités" apparaissait, il est biffé, de sorte que le bill qui nous revient du Conseil n'autorise que les commissions scolaires à faire les souscriptions mentionnées dans le bill. Inutile de dire que ces amendements changent le sens et la signification de ce bill.

D'après notre système scolaire dans la province, nos commissions sont divisées d'après la religion de la majorité de ceux qui les forment et chacune de ces commissions est composée exclusivement de contribuables partageant la même croyance religieuse. Dans de semblables circonstances, il ne saurait y avoir d'objection à ce que les individus d'une même croyance religieuse prennent des fonds prélevés dans un but commun pour aider leurs coreligionnaires à défendre les mêmes fins religieuses ou nationales.

Dois-je répéter, M. l'Orateur, ce que j'ai déclaré lors de la discussion de ce bill, que mes sympathies les plus profondes sont avec mes compatriotes de l'Ontario, comme ceux du Manitoba, dans la lutte qu'ils ont entreprise pour faire respecter les droits non seulement garantis par les lois politiques, mais qui découlent de la nature même et qui d'ailleurs sont généralement admises dans toutes les parties de l'Empire britannique?

D'un autre côté, le moyen de faire respecter ses propres droits, c'est de ne pas permettre à l'adversaire de nous reprocher des lois injustes. Pour ma part, j'ai assez confiance dans la constitution de notre pays et au fair-play britannique pour être assuré que, dans toute cette Confédération, les droits nationaux de ceux qui l'ont fondée et qui la développent seront sauvegardés.

Les amendements sont adoptés à l'unanimité et le bill est retourné au Conseil législatif.

Subsides

Conformément à l'ordre du jour, la Chambre reprend le débat sur la motion proposée, ce jour: Que M. l'Orateur quitte le fauteuil et que la Chambre se forme de nouveau en comité des subsides.

M. l'Orateur signale à la Chambre que cette motion d'amendement lui paraît irrégulière. Selon l'article 145 du règlement, l'amendement contient des irrégularités dans sa forme parce qu'il contient des affirmations libelleuses.

M. Bérubé (Témiscouata) proteste contre cette façon de juger.

M. Cousineau (Jacques-Cartier) dit que le premier ministre (l'honorable M. Gouin) ne voulait pas que les affidavits fussent imprimés dans les Procès-verbaux de la Chambre et que, désirant proroger les Chambres au plus vite, il avait pris le parti d'empêcher les députés de la gauche de parler. Le gouvernement a peur d'une enquête et il nous bâillonne, mais ce n'est pas le moyen d'avancer les choses.

L'honorable M. Gouin (Portneuf): M. l'Orateur, le chef de l'opposition (M. Cousineau) prétend que nous avons peur de voir la lumière d'une enquête éclairer l'entreprise de la prison de Bordeaux. Cette prétention est absolument fausse. Le gouvernement est prêt à accorder toutes les enquêtes qu'on voudra, pourvu qu'elles soient demandées de la manière régulière.

Le député de Témiscouata a proposé une motion que vous avez déclarée hors d'ordre. Telle a été votre décision et il est de l'intérêt de tous les députés que nous respections les règles de cette Chambre.

Personnellement, je n'ai aucune objection à ce que la motion soit inscrite dans les Procès-verbaux de la Chambre, c'est à vous de donner la décision finale. Nous n'avons pas peur des enquêtes et nous accorderons toutes celles qu'on nous demandera. Nous ne sommes pas non plus pressés de finir. Nous resterons ici 15 jours ou un mois, tant que le chef de l'opposition le désirera, parce qu'il est de notre devoir de le faire. Si le député de Témiscouata veut que sa motion soit considérée, qu'il la corrige et qu'il la présente d'une manière régulière; il n'appartient pas au gouvernement de l'amender.

Je répète que je n'ai aucune objection à ce que la motion et les affidavits soient imprimés dans les Procès-verbaux de la Chambre. Le chef de l'opposition peut ramasser tout ce qu'il y a de venimeux de son côté et me le jeter à la face; il peut me demander ensuite la permission de le publier, je ne ferai jamais d'objection. Mais, dans le cas présent, c'est votre décision, M. le Président, qui a fait cette motion hors d'ordre, et je n'y puis rien.

M. l'Orateur: L'amendement proposé est irrégulier pour les raisons suivantes:

1. L'article 162 du règlement dit: "Tout amendement doit être rédigé de façon que la motion sur laquelle il est proposé reste intelligible, s'il est adopté." Or, si l'amendement proposé était adopté, la motion principale amendée serait inintelligible. Elle se lirait comme suit: "Que je, Léo Bérubé, député du district électoral de Témiscouata dans la province de Québec, déclare, etc., et je demande, etc." D'après Cushing (no 797), toute motion doit proposer à l'Assemblée de faire une chose, d'ordonner l'accomplissement d'une chose, ou d'exprimer une opinion sur quelque sujet. La motion principale, si elle était amendée, proposerait "Que je, Léo Bérubé, etc., déclare, etc., et je demande, etc.", mais ne proposerait pas de faire une chose, d'ordonner l'accomplissement d'une chose, ni d'exprimer une opinion. Évidemment, l'honorable député de Témiscouata a voulu faire une déclaration, mais une déclaration personnelle ne se fait pas sous forme de motion.

2. L'amendement est, de plus, irrégulier parce qu'il tient du discours et du pamphlet. De fait, cet amendement contient une déclaration de l'honorable député de Témiscouata ainsi que des déclarations dites solennelles de cinq personnes, et couvre 37 pages de texte clavigraphié sur papier écolier. (cf. règlement annoté de l'Ass. lég., notes 1 et 2, sous art. 140)

3. L'honorable député de Témiscouata, dans son amendement, demande de donner certaines instructions au comité des comptes publics. Or, on ne peut, sur la motion pour formation du comité des subsides, proposer de pareilles instructions sans avis préalable. "Un avis est requis, dit May, p. 482 et 483, non seulement pour une instruction, mais pour des amendements à une instruction qui, si on y consentait, élargiraient la portée de l'instruction ou en feraient une nouvelle proposition." (Réf. Manuel de procédure de la Chambre des communes, no 175)

En conséquence, me prévalant de l'article 145 du règlement, je refuse de mettre en délibération l'amendement de l'honorable député de Témiscouata.

M. Cousineau (Jacques-Cartier): Avec beaucoup de respect, M. l'Orateur, j'en appelle de votre décision.

M. l'Orateur: La Chambre veut-elle appuyer cette décision?

Et appel de la décision de M. l'Orateur ayant été fait, la Chambre se divise et, sur la demande qui en est faite, les noms sont enregistrés ainsi qu'il suit:

Pour: MM. Allard, Bissonnet, Bugeaud, Caron (Îles-de-la-Madeleine), Caron (Matane), Décarie, Delisle, Demers, Dorris, Finnie, Fortier, Francoeur, Galipeault, Godbout, Gosselin, Gouin, Grégoire, Lavergne, Leclerc, Lemieux, Létourneau (Montréal-Hochelaga), Létourneau (Québec-Est), Lévesque, Mayrand, Mercier, Mitchell, Ouellette, Péloquin, Phaneuf, Pilon, Reed, Robert (Rouville), Robert (Saint-Jean), Robillard, Séguin, Stein, Taschereau, Tessier (Rimouski), Tessier (Trois-Rivières), Therrien, Tourigny, Trahan, Turcot, 43.

Contre: MM. Bérubé, Cousineau, D'Auteuil, Gadoury, Gault, Labissonnière, Morin, Sauvé, Slater, Sylvestre, 10.

La décision de M. l'Orateur est ainsi maintenue.

L'honorable M Mitchell (Richmond) propose de nouveau que la Chambre se forme en comité des subsides.

M. Cousineau (Jacques-Cartier) proteste contre ce procédé brutal du gouvernement pour bâillonner l'opposition avec sa majorité. On ne bâillonnera pas ainsi l'opinion publique. L'opposition est peu nombreuse, nous ne sommes qu'une quinzaine de ce côté de la Chambre; de l'autre côté, nous comptons plus de 60 députés. Mais l'opinion publique est là. Ce n'est pas en vain que l'on nous prodigue cette injure de ne pas vouloir même entendre notre voix. Qu'on n'aille pas croire, cependant, que c'est avec une majorité de quelque 40 députés que l'on entrave la justice. La majorité a prétendu que nous n'avions pas le droit de dénoncer les vols et les brigandages qui se commettent. Elle n'a pas voulu que l'on insère dans les Procès-verbaux de cette Chambre les allégations assermentées que nous avons produites, mais nous en appelons à l'opinion publique et l'on verra que 50 à 60 hommes, ce n'est, en somme, pas grand-chose dans la balance de la justice.

M. Grégoire (Frontenac) proteste contre cet abus, de la part du chef de l'opposition (M. Cousineau), de la bonne volonté de la Chambre.

M. Cousineau (Jacques-Cartier): Trois millions et demi de dollars ont été dépensés pour cette prison, déclare le chef de l'opposition, dont plus d'un million ont été volés. Le jour viendra où le premier ministre sera tenu de respecter l'opinion publique et où le gouvernement devra relâcher son emprise. Le premier ministre craint que ces affidavits soient imprimés dans les Procès-verbaux parce qu'ils pourraient révéler certaines choses, notamment l'argent qui fut dilapidé au profit des amis du gouvernement et des amis du premier ministre.

Le premier ministre craint d'étouffer ces affidavits au vu et au su de tous, cet après-midi, et il attend à ce soir pour s'exécuter.

Il poursuit en prédisant que la session ne serait pas prorogée aussi tôt qu'on le croyait, puisque d'autres éléments pourraient être relevés. Si le premier ministre possède déjà son billet pour se rendre à une certaine station balnéaire, il est susceptible de le perdre, puisque ce genre de billet n'est valide que pour un mois. Le gouvernement a peur de quelques membres de l'opposition et se sert de son gros bâton. Il dit craindre de scandaliser les membres du gouvernement, à en juger par leur expression. Le gouvernement est disposé à aider les minorités dans les autres provinces, mais refuse, dans le premier tribunal de la province, d'enquêter sur des dépenses illégales et désastreuses totalisant des millions de dollars. Il compare le gouvernement à des gens qui font vibrer la corde du patriotisme comme une bande d'hypocrites.

L'honorable M. Gouin (Portneuf) tient à rectifier certains avancés du chef de l'opposition (M. Cousineau). Je veux qu'il soit bien compris, dit-il, que nous ne craignons aucunement de permettre à la Chambre de savoir ce qui en est au sujet de la prison de Bordeaux.

Si le chef de l'opposition tient à parler toute la nuit jusqu'à demain et à demeurer ici pendant deux semaines, c'est son droit. Il est de notre devoir de rester.

Tout ce que nous demandons, c'est que les choses se passent régulièrement. La motion a été déclarée hors d'ordre parce que les règles de la Chambre l'exigeaient. Le gouvernement veut laisser à l'opposition tout le temps dont elle a besoin pour se renseigner exactement. Il n'est pas pressé pour terminer la session, contrairement à ce que prétendent ces messieurs de la gauche, et, s'il faut rester ici encore trois semaines ou un mois, il y restera.

Il nie qu'il ait l'intention de partir, la prorogation faite, pour aller faire un voyage de repos.

M. Cousineau (Jacques-Cartier) annonce alors qu'il aura plusieurs motions, comme celle qui a été déclarée hors d'ordre, à proposer. Nous avons jugé, dit-il, cinq ou sept d'entre nous, que ces motions sont dans l'ordre. Pourquoi nous dit-on ici le contraire? Si le gouvernement veut donner immédiatement la permission d'imprimer la motion du député de Témiscouata dans les Procès-verbaux de la Chambre, nous allons consentir à ajourner immédiatement.

L'honorable M. Gouin (Portneuf) dit que le gouvernement ne tombait pas de sommeil et qu'il ne demandait pas à quitter la Chambre. Il rappelle au chef de l'opposition que le meilleur moyen de faire inscrire la motion dans les Procès-verbaux, c'était de la rendre régulière. Il ne désire pas ajourner la séance.

M. Cousineau (Jacques-Cartier) continue de citer certains des affidavits et, pendant un moment, il semble sur le point d'en lire un de 30 ou 40 pages. Ces affidavits émanent d'anciens employés de la prison.

Il y a deux aspects dans cette entreprise: la construction et l'administration. Il est patent que les entrepreneurs et les architectes n'ont pas suivi les contrats. On a carotté sur toute la ligne. Les travaux ont été mal faits. M. Beauregard, le contracteur, en avait la charge et il était l'homme du gouvernement. Nous voulons savoir quels sont les véritables entrepreneurs de cette construction. Il n'est donc pas surprenant alors que, dans de telles circonstances, on ait gaspillé des millions. Nous produisons des déclarations assermentées sur tous ces allégués, sur tout ce que nous avançons et, par un tour de passe-passe quelconque, on nous la fait refuser par la majorité de la Chambre. On a eu peur de l'enquête. On a dit: La session est finie. Oui, les bills privés sont finis et, pour le gouvernement, la session est finie. Quand on a fini de "schemer" sur les municipalités, on dit: Fermons boutique maintenant, la session est finie.

On nous demande maintenant de voter de l'argent. Mais pourquoi? Le gouvernement entend dépenser à sa façon. Pourquoi alors voter des sommes qui seront gaspillées comme elles l'ont été dans cette affaire de la prison de Bordeaux?

Une voix fait remarquer au chef de l'opposition (M. Cousineau) qu'il a encore une heure à lui avant une heure après minuit.

M. Cousineau (Jacques-Cartier) dit qu'il parle parce que cela faisait l'affaire de l'opposition, parce que l'on avait refusé, sous de futiles prétextes, à un député le droit de demander une enquête quand il apportait des accusations formelles et assermentées. Je parle, dit-il encore, pour dénoncer ce scandale de la prison de Bordeaux et pour dénoncer aussi d'autres scandales, celui de la justice, par exemple, du palais de justice où se trouve le shérif dont il est aussi question dans ces affidavits. C'est lui qui est gardien de la prison de Bordeaux. Des documents ont été volés récemment. Nous en avons heureusement des copies, et ils sortiront en temps et lieu.

J'irai plus loin, dit-il, on ouvre les livres de paie des gardes dans les bureaux du geôlier et, pour des prétextes futiles, on retient des journées de salaire. Où va cet argent retenu? Dans les bureaux mêmes du shérif, on carotte même sur les habits des gardes. De plus, dit encore le chef de l'opposition, actuellement des hommes importants de cette province sont sous le coup d'accusations de chantage. Au moment où ils vont être découverts, leurs dossiers disparaissent du palais de justice. Il serait donc temps que nous ayons des détails sur tout cela.

Nous, de l'opposition, on avait presque décidé de remettre toute cette affaire de la prison de Bordeaux à la prochaine session, mais ces documents nous sont tombés sous la main et nous avons cru de notre devoir de les soumettre sans plus tarder au gouvernement, qu'ils intéressent particulièrement. Je suis donc convaincu que le premier ministre, dont on connaît le bon sens, saura trouver une solution à la question et qu'il permettra que l'on vote sur cette motion. Quant à nous, nous n'avons qu'un seul but, c'est de contribuer à rendre plus sérieuse l'administration de certains départements. Cette année, nous avons décidé d'étudier à fond le budget du procureur général et de l'administration de la justice. Là plus qu'ailleurs, nous ne nous laisserons bâillonner.

La proposition est adoptée.

 

En comité:

L'honorable M. Mitchell (Richmond) propose: 1. Qu'un crédit n'excédant pas cent vingt-deux piastres et quarante et un centins soit ouvert à Sa Majesté pour loyers des palais de justice et prisons, etc., pour l'exercice finissant le 30 juin 1917.

Adopté.

2. Qu'un crédit n'excédant pas trente-cinq mille piastres soit ouvert à Sa Majesté pour édifices de la législature et des départements, achèvement de l'annexe des machines et du restaurant, pour l'exercice finissant le 30 juin 1917.

Adopté.

 

Résolutions à rapporter:

Le comité fait rapport qu'il a adopté plusieurs résolutions et demande la permission de siéger de nouveau. Lesdites résolutions sont lues deux fois et adoptées.

La séance est levée.

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NOTES

 

1. Il s'agit plutôt de la statue de Dorchester, tel que spécifié dans le rapport du ministère des Travaux publics et du Travail, p. 2, en date du 1er juillet 1914.

2. Selon L'Événement, les affidavits sont signés par les personnes suivantes: A. Louis-Philippe Vallée; B. Clovis Dame; C. Joseph Hébert; D. Louis Landry; E. Un garde encore à l'emploi de la prison de Bordeaux qui n'ose signer sa déclaration; H. Élie Gauthier; I. Un autre garde n'osant apposer sa signature, de crainte de perdre son emploi.